Réglé comme une montre suisse. Depuis Absolution, c’est tous les trois ans que Muse dévoile un album. Le souci, c’est que si la montre est à l’heure, on peut clairement dire que la mécanique se détraque depuis un bon moment déjà. Au moment où on lance l’écoute de Simulation Theory, leur huitième album studio, on se demande si on peut encore sauver le soldat Muse et on ne va pas se mentir, la réponse est clairement non.
Voici deux notes d’importance avant de commencer la lecture de cet article : à toi fan de Muse, je te conseille de faire demi-tour tout de suite. Je te connais, moi aussi je suis fan de plein de trucs et par moments, chez moi aussi, cela frôle l’aveuglement. Je dis ça pour ton bien tu sais, au fond on est tous les deux des amoureux de musique (quoique si tu continues à écouter les nouveaux albums de Muse…) et je peux comprendre que dans ton esprit de fan, tu ne puisses pas concevoir qu’on n’aime pas le nouvel album de ton groupe chéri. Alors ne te fais pas un ulcère et quitte cette page.
Si tu es encore là, voici la seconde information à savoir : si tu nous suis un peu, tu remarqueras qu’on parle toujours à la troisième personne, pour essayer de rendre l’avis le plus neutre possible et parler en tant que webzine plutôt qu’en tant que personne. Cette règle, je vais la trahir aujourd’hui, parce que cet avis est tellement tranché qu’il ne peut convenir qu’à la personne qui l’écrit. Surtout, cet avis, c’est celui d’un gosse qui a commencé à aimer la musique avec Muse. Un gamin de 14 ans qui en 2001 a passé environ 3 semaines de sa vie à rendre fous ses parents en écoutant en boucle New Born sur l’album Origin Of Symmetry et à imiter sans cesse la respiration asthmatique de Bellamy avant de se décider à découvrir le reste de ce chef-d’œuvre. C’est aussi le gamin de 16 ans qui a vécu son premier vrai concert avec le Absolution Tour en 2003. Et c’est le toujours gamin de 31 ans qui regarde avec effarement ce groupe tant aimé se pervertir et mourir à petit feu depuis la sortie de Black Holes and Revelations. Alors je ne vais pas y aller par quatre chemin, je ne vais pas simuler l’enthousiasme : oui, Simulation Theory est une purge. Et pas une purge pardonnable.
Qu’on se le dise, cet état de fait tient sa doute à la règle édictée en début d’article : sortir un album tous les trois ans, suivi d’une énorme tournée mondiale de trois ans avant… la sortie d’un nouvel album. Cette boucle sans fin nuit sans doute à la créativité du groupe, mais je ne vais pas leur chercher d’excuse. Parce que bon, entre The Resistance qui tentait de copier tant bien que mal l’opéra rock à la Queen, The 2nd Law qui se lançait dans des envolées électroniques tout en méprisant le genre qu’il citait et singeait et un Drones qui se voulait révolutionnaire dans le fond selon certains (comme si personne n’avait jamais parlé de dystopie et de manipulation de masses dans ses albums…) tout en étant clairement immonde dans sa forme (on ne parle même pas de la pochette, mais quand ton premier single est une copie éhontée de Marilyn Manson, ça calme) cela fait quand même un paquet de temps que le groupe tourne à vide et que la machine est sévèrement partie en couille. Ce n’est évidemment pas Simulation Theory qui va nous prouver le contraire, tant cet album sent la naphtaline et un encéphalogramme musical de plus en plus plat.
Que ce soit Radiohead, toujours à la recherche de nouveautés ou d’expérimentations, ou Coldplay, qui a complètement assumé un virage vers la pop de stade et les hymnes aussi inaudibles que lucratifs, ses deux concurrents ont assumé et affirmé leurs statuts, aussi différents soient-ils. Qu’en est-il alors de Muse ? Il restera toujours cette mégalomanie et cette ampleur qui est le code génétique du groupe depuis le départ. Mais celle-ci s’est malheureusement mêlée à un cynisme bien dégueulasse. Puisque les années 80 sont revenues à la mode un peu partout, autant emprunter cette voie, non ? Et puisqu’on peut se le permettre, autant engager Kyle Lambert, auteur des affiches de l’excellente Stanger Things, pour créer une pochette qui visuellement aura l’avantage de nous filer autant la diarrhée que la nausée. Mais bon ce qui nous intéresse ici, c’est la musique, n’est ce pas ? Et bien c’est pas jojo non plus. Déjà, à l’écoute de l’album, on se demande qui a choisi l’ordre des chansons, tant on passe d’un style à l’autre, sans cohérence, sans lien et finalement sans grand intérêt.
Il est vrai que je pourrais considérer l’album pour lui-même, mais quand on écoute Muse depuis bientôt 18 ans, on a un point de comparaison assez important et celui-ci fait assez mal au cul. J’étais pourtant déjà sur mes gardes avec la sortie de l’ignoble Dig Down, plate comme pas possible, qui reprend quasiment à la fluctuation près le rythme de la déjà insupportable Madness. Ce premier titre montrait bien une chose : que le groupe, encore obsédé par Queen, c’est certain, confondait fatalement simplicité et simplisme pour un résultat à s’arracher les cheveux. Et ce n’est pas Thought Contagion, qui plagiait visuellement et thématiquement la musique du français Kavinsky, qui allait témoigner du contraire. Et bien les neuf titres restants, parce que je n’ai pas poussé le vice assez loin pour écouter la « version super deluxe« , sont dans la même veine. Autant le dire, j’ai passé la majeure partie de l’écoute la tête entre les mains, me demandant ce qui m’avait pris d’écouter cet album et de le réécouter puisque je me suis dit qu’il fallait quand même faire les choses sérieusement. Oui, on peut appeler ça du masochisme.
Alors oui, Algorithm vous ramènera dans les années 80, mais utilise tellement de clichés que la chanson s’offre le luxe de paraître aussi bien datée en 2018 qu’elle l’aurait été en 1985. The Dark Side trace le sillon, ressemblant à un mauvais plat au micro-ondes, mal réchauffé et sans goût. Pressure tient du petit miracle, parvenant à offrir un départ un tant soit peu accrocheur dans cette bouillie musicale sans âme, même si elle se vautre dans le mauvais goût le plus total dans sa deuxième moitié. On passera sur la tout bonnement inécoutable Propaganda et sur un Break It To Me que n’aurait pas renié Limp Bizkit. On commence ensuite à voir le défaut majeur de cet album de Muse, c’est que désormais les influences ne sont plus digérées pour créer quelque chose de neuf, elles sont citées comme ça au passage « alors ici, on voulu faire comme ci, et là on a voulu faire comme ça …« .
Je pensais avoir touché le fond mais voila que débarque Something Human, la ballade obligatoire de l’album qui foutrait dans le coma n’importe quelle personne victime de diabète musical. Étrangement, et bien involontairement, à l’écoute de la chanson, mon casque a fait un vol plané vers le mur. L’ahurissement qui m’habitait jusqu’à alors se transforme alors en colère, tant cet album commence à tourner à la mascarade. Et ce n’est pas les chœurs féminins sortis de nulle part sur Get Up And Fight qui vont réussir à me faire penser le contraire. Il est temps que cette écoute se termine, puisque je me mets maintenant à jeter au sol de grandes poignées de cheveux tout en écoutant Blockades qui insultera sans contexte tous les amoureux de synthpop. L’album se termine avec The Void, qui ne me laissera pas un grand vide dans le cœur mais plutôt dans mon cuir chevelu, puisque je réalise que je suis désormais chauve.
Je sens déjà venir le vent du boulet : oui, Muse parle de choses sérieuses dans son Simulation Theory, mais le message est noyé dans un mauvais goût et un cynisme assumés. Le souci de l’album de Muse, c’est qu’il semble calculé pour prendre la plupart des rythmes et des influences qui fonctionnent en 2018 tout en piochant dans tout ce qui les rend mauvaises.
Si je me suis permis cette chronique de l’album de Muse, c’est que je sais qu’ils n’auront aucun souci à vendre des cartons et des cartons de leur nouvel album à travers le monde, et qu’ils produiront sans doute encore une fois une tournée de grande qualité. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’il fallait un contrepoids à toutes les critiques positives et aveuglées qui vont fleurir sur Internet et dans les journaux payés pour faire la promotion d’un groupe qui n’a plus rien à offrir. Et si la Simulation Theory, ce n’était finalement pas cet album de Muse ? Cet avis n’est pas une parole d’évangile, et on vous invite donc clairement à vous faire un avis sur l’album, pendant que moi, je pars en retraite à l’autre bout du monde loin de toute civilisation.