Chez La Face B, on adore découvrir les artistes et qu’ils nous surprennent. Quand on a découvert St Graal, c’était à travers son dossier de presse et on s’attendait à tout sauf à ça. Pulsions fut pourtant une belle découverte qui nous a donné envie d’en savoir plus. On est donc allé à sa rencontre lors de son passage au Pop-Up du Label, histoire de le découvrir un peu plus.
La Face B : comment ça va ?
St Graal : Ça se passe très bien, de ouf. Content d’être à Paris, c’est plus bruyant que chez moi mais ça fait plaisir, c’est cool de temps en temps.
LFB : Vu qu’on est dans une interview un peu découverte, je vais te laisser présenter ton projet. Moi je t’ai découvert avec l’EP mais tu as fait des choses avant.
S : Je m’appelle St Graal, j’habite à Bordeaux pour l’instant, je vais sûrement partir bientôt. Et je fais de l’électro mélangée à de la chanson française en gros. Mon EP est sorti en novembre et s’appelle Pulsions, et retrace le cheminement d’une histoire d’amour par pulsions, par étapes. Avant j’ai sorti plusieurs projets où je m’essayais un petit peu, des musiques qui ont été mises sur des plateformes, puis enlevées… c’étaient des essais comme ça. Et sinon je suis né à Angoulême, en Charente bien profonde. C’était bien sympa, le conservatoire. C’est des potes de mes parents qui m’ont mis à la guitare puis voilà. Au conservatoire j’ai fait du chant lyrique et de l’impro jazz, car je suis un féru de jazz mais je n’ai pas le niveau pour jouer plus d’instruments, en tout cas pour l’instant.
LFB : J’ai remarqué que dans les premiers EPs, il y a un peu de tâtonnement, les gens partent un peu dans toutes les directions. Là il y a une trame, comme tu en parlais, qui est assez claire, qui est super intéressante car c’est un projet qui peut être unique, mais en même temps développable. À la fois une porte ouverte, comme un chapitre qui se clôture à la fin des 5 titres. Et je me demandais comment t’en es arrivé à ça ?
S : Bah du coup c’est de là que je tiens mon nom, St Graal, car j’avais envie de faire sur chaque chanson que je chantais une sorte de quête. J’ai envie de faire vraiment ça, et les prochains trucs qui vont sortir on va essayer de faire en lien avec les clips, une vraie création d’histoire, faire vivre un personnage… Je dis toujours « on » alors que c’est « je », mais c’est moi et le projet St Graal du coup, c’est un peu schizophrène comme projet, mais voilà.
LFB : Cette trame dans Pulsions, la tracklist, tu l’as réfléchie complètement ? Car finalement tu pars de l’amour et tu développes les idées qui finissent par le détériorer, jusqu’au moment où l’amour disparaît en fait ?
S : C’est ça voilà. On a au début l’Amour, en suite du coup on a ce petit côté de narcissisme qui va arriver comme ça, qui est un peu sous-jacent où on va penser qu’à sa gueule. En suite, on va avoir la jalousie qui va arriver « toi tu penses qu’à ta gueule, toi tu penses qu’à la tienne » c’est un peu ça, et ce rejet du nouvel amour de l’autre personne. Jusqu’au mélodrame où on va avoir mal, on va s’apitoyer tout ça. Et Spleen qui a été interprété un peu de manière indifférente, mais pour moi c’est ultra positif, car à un moment on va passer à autre chose et on va s’ennuyer de l’amour qui est précédé. Car le spleen c’est ça en fait, c’est un ennui tellement énorme, souvent lié à l’amour, on meurt quasiment de spleen. C’est la mort complète d’une relation qui nous fait nous ennuyer en pensant à elle et qui nous permet de nous ouvrir à de nouvelles perspectives.
LFB : Est-ce que c’était important de garder une part d’optimisme dans tout ça ? Parce que le projet peut être vu de manière très lourde, désespérée, et en même temps j’ai l’impression qu’il y a quand même un côté assez solaire qui reste présent.
S : C’est ce que j’ai essayé de retranscrire dans le côté musical en tout cas. Je sais que dans Mélodrame par exemple, la personne, vu que je pense au jeu, « j’ai oublié le détail de tous les virages ». C’est moi qui vais arrêter la relation, et je voulais faire ça de ce côté là car j’avais un peu trop soupé des chansons en mode « il m’a quitté et ça me fait mal ». J’avais envie de quitter la personne et d’expliquer pourquoi pas. Et dans Mélodrame, la personne dit « je ne peux plus être ce que tu attends de moi ; j’ai marché pendant des heures des rues pavées de sueurs » : j’ai trop essayé de retourner la situation tout le temps, mais à chaque fois je ne peux pas. En gros, c’est ça.
LFB : Et c’est quelle part d’autobiographie dans ces chansons-là ?
S : Il y en a un petit peu, de temps en temps. C’est principalement dans Jalousie, car j’ai essayé d’écrire une jalousie qu’on ne contrôle pas, qui vient à nous via les réseaux sociaux. On voit que telle personne va faire ça, notre ancienne copine, et ouais du coup ça nous revient en pleine gueule toujours avec les réseaux. Et c’est ça en fait « Maintenant je ne veux plus savoir, maintenant je ne veux plus te voir ». C’est du aux réseaux sociaux tout ça, donc cette partie là est peut être un peu autobiographique. Et Amour est vraiment à double sens. Et mon sens à moi, qui n’a rien à voir avec ce que veut dire la chanson pour les autres, c’est que de base ça parle de ma meilleure amie, qui de base est un amour très amical toujours, et dedans j’arrête pas de répéter « Prénom aux îles paradisiaques » parce qu’elle s’appelle Philippine. Tout ce sens caché est pour elle, mais de base je parle d’une sorte de rupture, d’un amour on sait pas trop.
LFB : Ce qui est intéressant dans tes chansons c’est que finalement ça peut être pris pour les relations amoureuses mais je trouve qu’il y a un côté assez universel, car ça peut parler de n’importe quelle relation en fait.
S : C’est ça, ouais. Il y a toujours une part autobiographique car je n’ai pas envie de parler sur des choses que je ne connais pas. Et j’ai 23 ans donc je n’ai pas envie de dire que je connais tout, mais j’essaye toujours d’écrire de manière un peu universelle parce que c’est mes expériences et j’ai envie que les gens puissent se reconnaître un minimum et comprendre un point de vue qui est ou qui n’est pas le leur du tout, mais voilà.
LFB : Ça pourrait être une relation amicale.. Tout est libre d’interprétation. Toi tu vas voir quelque chose de positif alors que la personne d’à côté va le voir comme quelque chose de négatif. Je trouve ça hyper intéressant de laisser la place à l’interprétation dans ta musique. C’est quelque chose d’important pour toi ?
S : Ouais toujours. En fait y en a qui trouvent que c’est peut-être un peu flou comme manière d’écrire, ce que je peux totalement comprendre car je laisse le flou exprès pour laisser une interprétation à chacun, et que chacun puisse se reconnaître.
LFB : C’est ce qui fait le côté positif aussi finalement.
S : Aussi oui.
LFB : On en parlait tout à l’heure, tu as parfois une confrontation entre les paroles et l’instrumentalisation qui va avec. Comment tu composes, et qu’est-ce qui donne la couleur à la chanson ? Parce que tes textes sont très écrits, mais en même temps la musique est hyper ample.
S : J’ai toujours été à fond dans quelque chose de très ambiant, planant, au niveau des instrus. En fait quand je compose, je me fais ma ligne de synthé, je pianote. J’essaye de trouver une mélodie qui me plaît en tout cas. Et une fois que je l’ai, je la joue, l’enregistre et la met en boucle et je marmonne n’importe quoi, des mots en français qui me viennent. Et une fois que j’ai trouvé une mélodie, un refrain, j’éparpille autour de ça. Au départ, j’avais écrit l’Amour, et sans le vouloir j’avais écrit la Jalousie. Et je me suis dit qu’il y avait peut être un truc à faire, un cheminement. Et vu que je voulais en faire un pour le projet St Graal, j’ai voulu faire cette quête. Ça ne parle pas du tout forcément d’une relation qui se sépare, mais d’une relation qui se termine complètement, et la personne à la fin passe à autre chose au final. Du coup ça vient de là, un éparpillement de tout. C’est un peu le bordel quand je compose.
LFB : Tu commences par la mélodie ? C’est ce qui guide ?
S : C’est ça, à part pour Jalousie où j’avais écrit le texte avant. Ça dépend, du mood qui vient.
LFB : Comment tu retranscris ta musique sur scène ?
S : Sur scène je suis tout seul, parce qu’avant j’avais un groupe qui s’appelait Couloir 3 et où ont était 3 sur scène, on composait tous à 3. J’avais des idées qui rentraient un peu en contradiction, donc je me suis dit que j’allais faire un truc tout seul, un peu vieux con « je fais ce que je veux, comme je veux ». C’est ce que j’ai fait, et même sur scène je suis tout seul et j’ai envie d’apporter une idéologie qui est la mienne et toucher les gens. Et si ça touche pas, je comprends totalement, car c’est une idée parmi des milliards.
LFB : Ça t’intéresse de jouer avec les limites, du fait d’être seul sur scène, de réinterpréter tes chansons ?
S : Ben c’est ça ouais, surtout que j’ai pas mal de choses à faire avec mes mains vu que je suis tout seul. J’ai deux synthés, un pad, ma guitare, mon chant. Et ça dépend de la scène, si elle est plus grosse, je vais avoir des pédales au niveau de la voix pour avoir un vocodeur par exemple, pour tester pleins de trucs. Et du coup très souvent je fais mes batteries moi-même de A à Z et je les transforme en sample pour les lancer directement avec mon pad et jouer avec les synthés à côté. Mais ouais c’est aussi vouloir retranscrire seul cette image, c’est tout l’atmosphère que je cherche, c’est ce que je préfère dans les concerts que je vois, d’artistes qui sont seuls ou pas, c’est ceux qui arrivent à créer une atmosphère qui embarque les gens. Je trouve ça fou d’embarquer les gens dans ses propres histoires. J’ai envie d’être un conteur un peu comme eux.
LFB : J’ai une question qui va te paraître un peu bizarre peut-être : tes paroles sont très sérieuses, quand j’ai regardé tes photos de presse, j’ai trouvé qu’il y avait un vrai décalage, beaucoup d’humour dans la façon dont tu te représentais avec l’image. Je me demandais si c’était fait exprès de créer une non prise de sérieux avec les photos, ou la pochette de l’EP avec des chiens… Je trouve ça hyper intéressant que tu joues comme ça avec ton image.
S : En fait je travaille toutes ces photos là avec Ilona Roberts, qui est au Québec et dont les photos sont tops. Et en gros, on a voulu pour chaque chanson représenter une scène. Comme j’adore collaborer avec des artistes, et elle est très excentrique dans ce qu’elle fait, elle voit les choses en grand, elle m’a dit « on va peut-être prévoir des chiens pour ta pochette ». Je me dis cool ! et je débarque en fait y a 8 gros chiens énormes… Moi qui ai un peu peur des chiens j’étais pas très serein, et dans l’eau en plus. Mais surtout c’est une histoire de décalage mais le projet est très sérieux, car je veux mener ça carré et bien symétrique, mais à côté de ça je fais le con tout le temps, et je fais beaucoup trop de conneries d’ailleurs. Mais voilà, j’ai envie de retranscrire ça pour le personnel, car je considère qu’au niveau de l’album c’est quelque chose de professionnel pour les gens qui peuvent l’entendre sans le vouloir, en concert, n’importe où, mais sur les réseaux il faut que les gens me suivent, qu’ils aient envie, et là j’ai envie de créer un univers où je fais le con.
LFB : Quand on envoie le mail et qu’on te découvre à travers la pochette de l’EP, le dossier presse et tout, tu ne t’attends pas à ça. Tu as une surprise par rapport à la musique qui arrive derrière et je trouve ça vachement cool, surtout à une époque où les gens se prennent très au sérieux à travers l’image.
S : Ah bah trop bien ! Ouais, beaucoup trop d’ailleurs. Moi je sais que j’aime bien mettre en scène mes potes : si y a un truc de drôle qui va se passer en soirée, je vais filmer le con qui fait le con, ça va faire rire. Et j’aime bien capturer l’instant. Et des fois je suis tout seul, je remate des trucs et me tape des barres tout seul.
LFB : As-tu des coups de coeur récents à partager avec nous ?
S : J’adore découvrir beaucoup d’artistes. Là récemment depuis quelques mois j’adore écouter Les Louanges, c’est un groupe québécois. Je les ai vus à Bordeaux, il jouait dans une église et il y avait le prêtre à côté, c’était génial. J’ai découvert un truc de rap que j’aime beaucoup en ce moment, c’est Oboy, c’est vraiment du rap très vulgaire, très lover côté rnb et vocodeur, et je surkiffe de ouf. J’essaye d’ouvrir mes horizons pour ne rien manquer, parce que j’adore quand je suis en soirée et que quelqu’un met un son que personne connaît, et moi je suis là « qui c’est ça, j’adore ! » et je me mets à danser comme un dingue. Après il y a toujours des groupes que j’écoute depuis toujours, un truc pas connu qui s’est arrêté y a des années, Silmarils, ils ont chanté Va Y Avoir du Sport, vraiment à l’ancienne, mon père me faisait écouter quand j’étais petit et je m’inspire énormément d’eux pour la mélodie du chant. Je trouve la mélodie ouf et sa voix un peu de gamin, enfantine. Le film Leto, c’est devenu mon top 1 du film. J’ai chialé à la fin tellement c’est beau.
LFB : Dernière question : qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour 2020 ?
S : De continuer mes histoires.