Quand on parle de musique, on se dit souvent qu’on ne pourrait pas faire plus différent que le punk et la house. Pourtant, les deux genres ont un parcours commun : une musique qui vient d’une base populaire, au message politique fort et imposant, qui s’est vu un peu édulcorée par son succès grandissant, jusqu’à se voir copié et singé par la culture globale. Si on vous parle de ça, c’est tout simplement parce que le 31 août, sont sortis en même temps le premier album de Kiddy Smile et le second du groupe Idles. Deux albums qui remettent la musique au centre du jeu politique, de manière consciente ou non. Et on a décidé de vous parler des deux albums. On commence avec One Trick Pony de Kiddy Smile.
On n’a pas vraiment envie de parler de la manière dont Kiddy Smile a fait une entrée assez fracassante dans l’actualité et de comment il est plus ou moins passé de l’ombre à la lumière. Tout simplement parce qu’on trouve la lumière un peu dégueulasse au regard de l’affection qu’on peut porter au garçon. Et on a eu l’impression que, comme d’habitude avec beaucoup de médias, le message est passé en retrait et que les choses qui ont été retenues au final, ne sont que le superficiel et les réactions exacerbées d’une tranche de la population à qui on donne beaucoup trop d’importance… (coucou Marine Le Pen, quand est-ce que tu fermes ta gueule ?). Toujours est-il que c’est malheureusement une nouvelle fois à cause de polémiques stériles que le monde s’est intéressé au natif de Rambouillet, occultant une carrière naissante et déjà très excitante, portée par plusieurs EPs et un tube évident et ravageur : Let A B!tch Know.
Aujourd’hui, on aurait aimé remettre la musique au centre de la place publique, mais c’est un peu difficile avec Kiddy Smile qui, même s’il s’en défend, est un être profondément politique, tant par son histoire (« Fils d’immigrés, noir et pédé ») que par la façon dont il utilise sa musique pour nous divertir mais aussi pour faire passer un message. Un message d’amour, d’unité et d’acceptation. Danser, penser, vivre & aimer semblent être les leitmotivs de One Trick Pony, un premier album aussi lumineux que dansant qu’il nous transmet comme une offrande sur l’hôtel de la house music.
Autant le dire, si comme tout artiste Kiddy Smile part à la recherche de la popularité, le bonhomme ne sera jamais un artiste mainstream. Tout simplement car il semble assez improbable de le voir un jour se détacher de son côté activiste. Il est impossible de le mettre dans un moule et de le formater pour les masses. C’est sans doute un mal pour un bien, mais surtout cela ne l’empêche pas de faire de la musique populaire, accessible et efficace. Car à l’écoute de son One Trick Pony, on a bien du mal à ne pas se laisser emporter par la musique du petit prince du voguing. Et ça commence fort avec ce House Of God, petite bombe taillée pour le dancefloor dans laquelle il en profite au passage pour défoncer à la sulfateuse les maux les plus inquiétants de notre société : homophobie, racisme, patriarcat… Tout y passe.
Pas le temps de reprendre le fil de nos pensées que Dickmatized, en collaboration avec Crookers, vient nous matraquer les oreilles de son beat monstrueux avec son texte qui nous parle avec humour de l’obsession pour la bite. C’est aussi ce qui est intéressant chez Kiddy Smile, sa musique semble être un livre ouvert sur ses obsessions, ses pensées et sa vie. On passe ainsi d’une chanson aux paroles gentimment trash comme Slap My B*tt à une déclaration d’amitié folle sur That 1 Friend en bifurquant sur un titre humaniste et profond comme Be Honest qui, renforcé par des choeurs gospels absolument brillants, qu’on retrouvera dans aussi sur Dark Knight (qui nous rappelle étrangement par moment Chromeo), parle d’acceptation de soi. On peut bien sûr y voir un plaidoyer pour le coming out, mais ça va plus loin tant les paroles sont universelles. Et c’est aussi ce qui est beau chez le Français, cette manière d’impliquer tout le monde, d’ouvrir les portes de la fête à tous, d’un activisme sans réelle chapelle si ce n’est celle de l’humain. Cette idée est ainsi déclinée au travers des interludes dans lesquelles Kiddy Smile laisse la parole, et la visibilité, à ses proches.
On se laisse aussi attraper par l’efficacité de Movin’ On Now, la douce et ensoleillée Summer Rain ou l’excellente Burn The House Down, elle aussi taillée pour le dancefloor. Surtout, on est assez impressionné par élasticité vocale du garçon qui se fond avec une facilité déconcertante dans tous les rythmes, dans tous les styles, dans toutes les intentions. On sent bien qu’il a pris conscience des tenants et aboutissants du format de l’album, qu’il l’a analysé et qu’il s’est défoncé pour offrir le meilleur album possible et c’est au final une réussite assez probante.
Tout à la fois provocateur, lumineux, positif et surtout profondément humain, One Trick Pony prouve que contrairement à ce que son titre laisse penser, Kiddy Smile a bien plus d’une corde à son arc. Il nous livre un album qui mèle l’intime à l’universel, une déclaration d’amour à la house musique mais aussi à l’humanité. On ne peut que le répéter, avec Kiddy Smile c’est Danser, Penser, Vivre et Aimer.