L’année 2020 marque le grand retour d’Owen Pallett : le même jour ont été disponibles sur les plateformes d’écoute en ligne la bande son du film Spaceship Earth, un documentaire retraçant le quotidien d’une équipe en quarantaine au sein d’un écosystème reproduit, ainsi que Island, un album personnel, glissant vers toutes les influences et les styles qu’on lui connait. Un album entre la chanson et la bande originale, coincé entre le merveilleux et l’angoissant.
Doit-on encore présenter Owen Pallett, cet auteur-compositeur récompensé par un Grammy Award pour son travail avec Arcade Fire, ou connu pour ses arrangements de cordes, cuivres et orchestre pour Frank Ocean, Caribou, The Last Shadow Puppets, et d’autres noms qui font ouvrir les yeux un peu plus grand à chaque évocation ? Est-ce qu’on doit parler de ses nombreuses nominations pour ses bandes sons de film ? Doit-on enfoncer le clou en rappelant qu’il se cache parfois sous le pseudonyme de Final Fantasy ?
Vous visualisez ?
Pour que 2020 ait un sens, quel qu’il soit, Owen Pallett a décidé de nous surprendre avec Island, un condensé de 15 titres entre la bande originale, la symphonie et la folk du bout du monde. Presque entièrement acoustique, Island est une balade dans une forêt sinueuse. C’est la traversée au milieu des arbres, introduite par —> (i), un titre instrumental sombre et inquiétant. Puis Transformer prend la suite avec une simplicité heureuse et rassurante. On entend seulement deux guitares acoustiques et la voix d’Owen qui nous susurre à l’oreille. Un titre plus lumineux, qui respire une certaine fraicheur après la pluie, la vue de nouveaux horizons, de perspectives nouvelles, du calme après la tempête.
Et c’est un peu le ressenti global de l’album, de n’être plus qu’un pantin manipulé par Owen Pallett, instillant des sentiments de joie, d’espoir, puis de colère, de tristesse et d’angoisse absolue. On traverse cette forêt en découvrant tantôt des merveilles, des endroits gorgés de lumières, de végétations florissantes et luxuriantes, de créatures mystiques bienveillantes, et tantôt les arbres resserrent leur étreinte, nous privant du ciel de plus en plus lointain, des rayons du soleil, et de l’espoir de ressortir indemne.
C’est la richesse de l’oeuvre d’Owen Pallett, de n’être que le chef d’un orchestre qui se joue de nos émotions, de nous faire vive des aventures là où nous sommes, dans un canapé, dans le métro ou dans un café.
A Bloody Morning a reçu toute notre attention, nous rappelant l’origine du culte voué au compositeur, cette fusion entre la chanson et la bande originale de film, cinématique, bouleversante. Prend vie devant nos yeux un danseur perdu, au sol, abattu, puis trouvant la force de se relever. C’est toujours un juste équilibre entre la noirceur et la lumière, entre le fatalisme et l’espoir.
Si certains titres s’apparentent plus à la folk, on notera toutefois cette sensation de symphonie ravissante et lourde, un océan de cordes, d’instruments à vents lointain qui soufflent une brise d’inquiétude et cette batterie instillant une mesure proche du film à suspense. On ne sait plus si sa voix nous glace ou nous rassure.
C’est parfois dissonant, mais aussi étrange que cela puisse paraître, c’est sublime. S’il fallait jouer au jeu de la comparaison, on osera parler d’Igor Stravinsky et de son Oiseau de Feu, ce ballet aussi merveilleux qu’angoissant. Ces notes qui font frissonner, tant dans l’horreur que dans la beauté.
C’est beau et déroutant, glaçant et réconfortant, noir et lumineux. C’est un voyage en terre inconnue dont on ressort changé, conscient, différent.