Paddang, groupe originaire de Toulouse, officie dans le heavy psych, le garage et la pop. Après avoir sorti leur premier album en 2023, Chasing Ghosts, voici les trois compères de retour pour un second album, Lost In Lizardland, qui revêt un univers fantastique au service d’un constat alarmant sur l’état du monde. C’est avec malice et humour qu’ils ont décidé d’aborder cet état des lieux autour d’un récit rondement mené.

artwork by Simon Heller
Étrange consonance que ce nom de groupe qui se veut aussi énigmatique que fun. Ce choix est attribué à Thomas Boquel (guitare, voix), Guirec Petton (basse,voix, synth) et Rémi Fournier (batterie, voix) qui sont allés chercher un spot de surf en Indonésie et on doit dire que ça sonne plutôt bien. Cependant, il n’y pas que leur nom qui sonne bien, mais aussi leurs compositions et tout l’univers qu’ils ont façonné autour de Lost In Lizardland.
L’histoire de Moros.
Nappés de réverb et de fuzz, les morceaux s’enchaînent en suivant une sorte de schéma narratif qui conte l’histoire de Moros, divinité condamnée à la fatalité. Découverte avec le clip de Pressure (chronique disponible ici), Moros se met en quête de trouver le mal qui ronge la société. À la fois résolue sur l’avenir pessimiste qui s’offre à elle et au reste du monde, elle tente tout de même de résister afin d’éradiquer cette gangrène qui se propage et qui prend la forme d’une mystérieuse pierre aux pouvoirs occultes. Cette dernière exerce une pression maléfique sur les êtres humains, les rendant avides de l’insignifiant et négligeant de l’humanité. De plus, il y a un certain sarcasme qui s’exprime avec un refrain pop envoûtant et régressif, extrêmement bien exécuté, avant que les notes s’assombrissent, annonçant un danger immédiat.
Cette histoire que raconte Paddang n’est autre qu’une prophétie aboutissant sur des faits, une morale et une prise de conscience qui s’ancre alors dans la réalité. Le trio explore tout au long des titres les causes d’un effondrement certain, à l’image de Draconite, sorte de rituel incantatoire et messe funeste. La Draconite s’apparente supposément au pouvoir, qui, tel une énergie dévorante, s’empare de chacune des âmes qui peuple ce monde.
Ce qui découle de la Draconite n’est autre que la prolifération des prédateurs qui laisse se répandre la misère, le chagrin et la mort. Néanmoins, ce qui est fascinant sur ce titre comme sur le précédent, c’est la capacité de Paddang à nous plonger dans une sorte d’animé des années 80-90. On pense à ces bonnes vieilles références de boomers auxquelles on est très attaché : Albator, Capitaine Flam, Olive & Tom ou encore Dragon Ball.
Groove psychédélique.
Le trio ne s’arrête pas en si bon chemin et propose le morceau le plus groovy de l’album : Lizardland. Lizardland représente un monde caricatural plein de non-sens où ceux qui disposent encore de raison sont perdus. Cet endroit matérialise la perte de repères, rien n’est à sa place, c’est un monde chamboulé que les esprits avisés rejettent. Comme s’ils se trouvaient au beau milieu d’un songe, tout leur paraît psychédélique, bien loin de la réalité qui devrait être la leur.
Le périple de Moros.
Puis, Moros réapparaît pour que son voyage soit raconté dans Moros Journey. Son périple à travers ce monde qu’elle ne reconnaît pas semble irréel. Reste une lueur d’espoir, un éclat au bout du chemin. Le trouvera-t-elle parmi l’orage et les éclairs tonitruants et menaçants ? Ou bien cette lueur représente-t-elle un soulagement, la fin de ces temps pluvieux dans un ailleurs, la fin des temps tout court ? Qu’y a-t-il derrière cette porte énigmatique ? Ces questions s’imposent également à l’écoute de The Astral Flood, un titre marqué par les harmonies de voix, la réverb et cette basse qui vient caresser cet instant suspendu.
Enfin, Agartha vient clôturer l’épopée de notre héroïne. Après avoir enjambé le pas de la porte, celle-ci saisit bien plus l’ampleur des dégâts et intègre les mécanismes qui causent tant de décadence. Ainsi, un appel à la paix est lancé car, même si elle semble si futile pour les entités les plus puissantes, elle risquerait bien de pouvoir sauver le monde encore faut-il lui laisser du crédit. Serait-ce un appel à la résistance ?

crédit photo Prescilia Vieira
Ainsi, Paddang dévoile un univers singulier et riche à travers Lost In Lizardland. Force est de saluer l’ingénieuse créativité autour d’un univers de science-fiction qui, niché dans un univers enfantin et régressif, fait sensiblement écho à la réalité, à l’ici et maintenant. Le trio apporte à cette fable, à cette prophétie empreinte de gravité une palette de couleurs amenée par une pop brillante, un rock garage intense et du rock psyché caractéristique. Ce mélange de genre participe à créer une fougue qui permet d’accéder à une légèreté dont on a tous besoin dans ce monde chaotique. Merci Paddang pour la performance !