Se plonger dans le monde rêveur et enchanteur de Pam Risourié, déconnecter de la réalité pour un peu et se laisser emporter par leur shoegaze poétique et entêtant. Après 3 magnifiques EPs, le groupe parisien vient de sortir son premier album, Days of Distortion, un opus onirique aux multiples influences et détails qui en font un album unique et addictif.
Nous avons posé quelques questions au groupe au grand complet au cours de l’été, alors qu’iels arrivaient tout juste à Rome pour jouer un festival. Nous avons parlé entre autre de la nouvelle formation du groupe, de poésie, de Slowdive, de main lumineuse…
La Face B : Salut, comment ça va ?
Éléonore (batteuse) : On a chaud !
Rémi (chanteur/compositeur) : On est à Rome, on vient d’arriver là.
LFB : Oh c’est la canicule là-bas ! Il fait 40•c ?
George (bassiste) : Oui il fait 36•c là je crois. On sort juste de l’avion là donc comme tu peux le voir on est un peu…
LFB : Effectivement !!
Vous avez sorti votre premier album, Days of Distortion il y a peu est-ce que vous êtes contents des premiers retours ? Qu’est-ce que ça fait de sortir un premier album ?
Lucas (guitariste) : C’est excitant de sortir un premier album ! C’est vraiment un rite de passage. Et pour l’instant les retours sont, je crois, assez bons… la preuve, on est à Rome pour faire un concert dimanche grâce à Giovanni qui nous a trouvé par des suggestions Spotify. On a eu bonne presse en Italie aussi ! Quelques articles en Allemagne, aux Pays Bas… on espère que la France suivra !
LFB : Je vous ai découvert avec Noctessa qui est absolument magnifique puis il y a eu aussi So Be It Eternity… Comment vous voyez l’évolution des EPs jusqu’à l’album ?
Rémi : Je dirais que c’est une évolution plus sonique, aussi plus axée sur une réflexion de groupe. Cet album rassemble un peu toutes nos influences, tout en cherchant à s’en dégager, en formant une cohésion, un ensemble. Toutes les tentatives d’avant, c’étaient plus des démarches pour arriver au “stairway to heaven” (rires).
LFB: Vous avez un son rêveur bien à vous, j’adore ce passage dans votre bio Spotify “Prenant la forme d’une plongée souterraine, comme un rêve se brisant et se répercutant sur les murs de guitares, days of distortion explore un paysage mental, à travers le prisme de la déréalisation, de l’hypersensibilité et de l’amour.” Quelles sont vos influences ? Tant musicales qu’autres. Aviez vous des références particulières en tête lorsque que vous réalisiez l’album ?
Rémi : Des références… aujourd’hui ce sont plus des digestions à proprement dit. C’est à dire qu’on a pas particulièrement l’idée de copier une référence, mais ça peut ressortir à travers un arpèges, un accord, une ambiance. Après pour nos origines c’est un peu toujours ce qu’on écoute depuis le début ça n’a pas trop changé, que ce soit Sonic Youth, My Bloody Valentine, Codeine et tout ça…
Et pour le texte et l’aspect mental de l’album, je pense que ça s’oriente plus vers la poésie et la littérature… y en a plein (rires). Les Fleurs du Mal pour n’en citer qu’une. Bon après je dis Les Fleurs du Mal mais c’est un peu bateau… c’est plus un cheminement artistique, je ne sais pas… Je pense que les paroles de Solemnly par exemple, sont celles qui existent le plus en tant que proposition artistique indépendante, comme un poème par rapport aux thèmes de l’album, la déréalisation, la dépersonnalisation, ce genre de choses…
LFB : Vous avez enregistré l’album avec les membres du groupe You Said Strange, est-ce que vous pouvez nous parler du making process de l’album ?
Antonin (guitariste) : On n’a pas enregistré avec tous les membres, on a enregistré avec le batteur Mathieu. Ils ont une coloc en Normandie. C’était une première expérience de studio tous ensemble… qui s’est déroulée comme elle s’est déroulée (rires). Avec des hauts et des bas on va dire. Pour être honnête on n’était pas vraiment satisfaits du résultat et Lucas a fait un bon taff pour rattraper les choses… voilà.
Rémi : L’enregistrement en lui-même était un peu compliqué parce que c’était pendant la période du confinement, qui amené beaucoup de chamboulements, de plannings au jour le jour, il a fallu s’adapter… Après il y a eu des beaux moments. Scuba et Welstchmerz, ce sont deux morceaux qu’on a enregistré live là-bas, ça c’était cool. Mais oui psychologiquement, ce n’est jamais évident d’enregistrer, quand les choses sont un peu noires.
Antonin : C’était une première session pour nous comme pour lui et il a fallu un peu de temps pour se trouver réellement
Lucas : Je ne faisais pas encore partie du groupe pendant ces séances d’enregistrement, je ne peux que très peu en parler. Par contre j’ai reçu les pistes à mixer. Je pense que la véritable direction artistique de cet album a été trouvée après une ou deux premières sessions de mixages et de longues discussions avec Rémi. Le mixage a été long et fastidieux, on a mis environ 6 mois avant de trouver la cohérence de l’album.
LFB : Et j’ai aussi vu que Simon Scott de Slowdive avait masterisé l’album ? Comment s’est passé cette rencontre et cette collaboration ?
Rémi : C’est une rencontre qui pour l’instant reste cyber (rires). On lui a écrit un mail parce que j’avais vu qu’il faisait du mastering et que Souvlaki reste une grosse influence. Simon a vraiment accroché avec l’album, on a fait trois version de mastering avec lui, et du coup ça s’est un peu déroulé entre Lucas, moi et Simon.
Lucas : Et ce qui était intéressant avec Simon c’est que c’est pas… il y a plein de studios de mastering où les ingénieurs font généralement un travail de propreté. Ils font de l’égalisation, de la compression, et ne sont pas vraiment là pour poursuivre un travail créatif. Dans notre cas Simon fait un mastering créatif, c’est à dire qu’il a rajouté des effets en sus du mastering habituel.
Rémi : Oui c’est aussi ce qu’on lui avait demandé un peu. C’est un des groupes qu’on aimait beaucoup donc on était chaud d’avoir sa ‘touche’ Slowdive. Bon après est-ce qu’on l’a eu eu pas je sais pas (rire) mais en tout cas c’était important d’avoir une troisième oreille véritable quoi.
Lucas : Par exemple à la fin de You Are the Sound tu peux entendre un flanger sur tout le mix qu’il a probablement réalisé avec ses tape machines. Quand j’ai entendu ça je me suis dit “oh, le mec travaille vraiment avec ses oreilles de musicien”.
LFB : You Are the Sound ouvre l’album et était aussi le premier single. Est-ce que vous pourriez nous parler du morceau ?
Rémi : On l’a mise en ouverture d’album parce qu’elle a cette opacité de mur de son qui arrive, une des choses qu’on sait faire.
Pour les paroles c’est un peu une love song, dans le sens d’un amour abstrait, un peu comme So Be It, Eternity à l’époque mais c’est plus à travers une espèce de symbolisme « tu es le son »… le son ça peut être autant quelque chose d’agréable comme une belle musique, le bruit de vent dans les arbres ou d’autres choses imposées qui sont abordées plus tard dans l’album… on peut penser aux acouphènes, aux troubles d’hypersensorialité et donc plein de choses qui peuvent noircir la vie.
Visuellement, on a travaillé avec Collin Kluchman, un artiste visuel et une amie danseuse, Jennifer, sur des collages parce qu’on aimait bien le mot surromantique, un mélange de surréalisme et de romantisme. Et on a tourné sur la côte sauvage aux alentours de la presqu’île Guérandaise.
LFB : Est-ce qu’il y a un morceau de l’album que vous aimez particulièrement ?
Éléonore : Coucou, enchantée ! On ne s’est jamais vues avant, je suis là dernière recrue du groupe. Si je devais répondre à ta question je dirais que Weltschmerz est vraiment celle qui m’a touchée le plus.
Et ça a été vraiment toute cette richesse sonore et en fait je trouve que dans ce morceau on retrouve effectivement ce mur de son qui est inhérent sur le reste de l’album et qui est d’autant plus prenant avec leur mélange très stoner sur les refrains, chose qui m’a beaucoup plue dès le départ.
Et à mon sens c’est le morceau qui introduit… enfin qui n’introduit pas l’album mais qui introduit toute la richesse sonore du groupe de façon très nuancée et de façon très délicate aussi dans un sens. Je pense au pont notamment qui joue sur la longueur mais en même temps avec des placements de guitare très significatifs au moment où ils sont joués.
Et voilà, en tout cas pour ma part, c’est le morceau qui a été le plus à même de me correspondre en tant que musicienne et qui correspond bien au groupe je pense et qui a été bon en live sessions donc en plus d’écouter, apprécié de visu.
George : C’est le premier qu’on a bossé avec toi aussi !
Éléonore : Oui c’est le premier qu’on a bossé ensemble.
LFB : Comment le titre Days of Distortion est-il apparu ? Que représente-t-il pour vous ?
Antonin (guitariste) : Moi je crois que je suis un des premiers à avoir intégré le groupe dans sa formation initiale.
Rémi : En 97 c’était ? Pour la coupe du monde ? (Rires)
Antonin : Rémi me parlait déjà de Days of Distortion le premier album de Pam Risourié. Donc c’est une histoire qui perdure…
Rémi : Oui ça rejoint un peu la description de tout à l’heure, l’idée de distorsion intérieure, mentale. Ça rejoint l’hypersensibilité.
Après ça semblait un peu, comment dire, un peu opportun avec le Covid et l’ambiance de crise générale mais ce n’est pas directement lié. Mais ouais ce sont des jours que l’on traverse en soi, la question de l’altération de la réalité qui en découle, et se transforme en shoegaze.
LFB : La pochette montre une main ensoleillée, un dos nu et des photos floues sur un mur. Est-ce que vous pouvez nous parler de cette image ?
Rémi : C’est une main lumineuse plutôt qu’ensoleillée (Rires) si je puis me permettre (rires)
George : Mon impression, ça me rappelle un peu la pochette de Is This It des Strokes ou Daydream Nation de Sonic Youth.
Les autres : Ah ouais !! Grave.
George : C’est fin, c’est composé même si c’est symbolique ou pas mais c’est aussi clair qu’interprétationnel. Et oui c’est à l’intérieur aussi, bedroom…
Antonin : Je pense aussi qu’il y a un peu d’androgynie, c’est quelque chose qui nous parle beaucoup.
LFB : Vous jouez donc à Rome là, est-ce que vous avez d’autres dates prévues en France ?
Lucas : On a quelques dates de prévues en France en Octobre. Une à Troyes et une à Brin de Zinc à Chambéry (12/10 – ndr) et on va annoncer quelques dates européennes dans les semaines qui viennent.
La Face B : Y’a-t-il quelque chose dont nous n’avons pas parler que vous souhaiteriez mentionner ?
Lucas : Ouais, on peut dire qu’on ne s’arrête pas de travailler ! Que là on va défendre l’album en live en Europe et au delà ! Peut-être ! Je ne sais pas, on verra…
Et qu’on a déjà en tête un deuxième album.
LFB : Top ! Et ma dernière question est : qu’est ce qui vous plait en ce moment ?
George : Sleaford Mods.
Antonin : Moi j’ai une réponse en musique et une réponse pas en musique.
LFB : Ça peut être les deux…
Antonin: Ok. Moi alors en musique, ce que j’ai découvert il n’y a pas si longtemps et que je trouve vraiment nouveau, c’est les groupes comme Grim Salvo. C’est un peu l’élan de la scène emo/rap, en gros des rappeurs qui se sont mis à écouter du métal et des métalleux qui se sont mis à être rappeurs. C’est clairement ce que je trouve le plus intéressant en terme de nouveauté musicale.
Et j’ai envie de dire en pas musique, ce qui me plait c’est cette espèce de vent de changement qui va être violent peut-être, mais on sent qu’il y a quelque chose qui se passe dans l’air et les choses vont changer quoi.
Eléonore : Pour ma part en vrai je vais rester dans le thème de Pam Risourié et là c’est vraiment une année significative pour moi dans le sens où c’est énormément d’inattendu et de nouvelles choses qui arrivent, de nouvelles choses à découvrir.
J’ai de la chance d’avoir rencontré les garçons pour ça aussi. C’est la première fois que je sors de France, c’est la première fois que je prends l’avion, c’est la première fois que je vais jouer ailleurs qu’une petite cave – sans vouloir être désobligeante mais voilà – qu’on a tous l’habitude de côtoyer ! Donc ce que je retiendrais ça va être la nouveauté, la découverte. C’est ce qui me plaît en ce moment.
Lucas : Alors ce que j’aime en musique, je suis désolé ce n’est pas une nouveauté, je n’écoute pas beaucoup de nouveautés, – quoi que si, il y a un album qui vient de sortir que j’écoute énormément, le dernier album de Julien Gasc, je suis ultra fan – mais sinon je viens de découvrir un mec qui s’appelle Jules Shear. C’est vraiment magnifique ! Il y a une chanson qui s’appelle The Longest Drink, c’est absolument waw !! J’ai rarement entendu quelque chose comme ça.
Et pas en musique, les tatouages (rires).
Antonin : C’est vrai qu’il a fait son premier tatouage y a pas longtemps.
Lucas : Ouais du coup je remarque les tatouages des gens (rire).
Rémi : Moi je dirais en musique un groupe qui s’appelle Liturgy qui joue vraiment une nouvelle forme de musique pour moi, un mélange entre blackgaze, l’ art-rock, screamo /mathcore un peu, sinon je lis Les Mémoires d’Outre-Tombe de Chateaubriand et sinon la nature.
George : Petit astérisque, tout le label Stones Throw ça vaut vraiment le coup d’y aller, y en a pour tous les goûts. C’est vachement bien.
LFB : Merci !