Rencontre avec le mystérieux Peter And The Roses

À une époque où tout passe par l’image, Peter and The Roses a fait le choix de la discrétion. Le musicien a choisi de se créer un personnage et tout un univers pour accompagner la sortie de son super premier album. On a eu le plaisir de discuter en face à face avec le mystérieux musicien. L’occasion de parler de ses influences visuelles, de la construction de son personnage, de la façon d’écrire une histoire en musique et de beaucoup d’autres choses.

La Face B : Salut Peter, comment ça va ?

Peter and the Roses : Ça va et toi ?

LFB : Il fait beau, enfin. Comme c’est un peu un album conceptuel, je me demandais ce qui était venu en premier : le personnage ou la musique ?

Peter and the Roses: Les deux sont hyper liés. Quand j’ai commencé à bosser sur la musique, j’avais déjà des idées visuelles en tête, qui n’étaient pas aussi définies. Mais plus j’avançais sur les premières maquettes et notamment la première track, Save You avec Surahn, ça a été vraiment la première pierre à l’édifice. Tout de suite, je me suis dit que j’avais des images en tête, pour accompagner cette musique de de visuels. Quand j’ai composé les musiques suivantes, j’ai essayé de conserver cet état d’esprit d’univers onirique, de paroles qui sont représentatives de ce que j’ai à l’intérieur de moi. De créer tout un univers tout aussi musical que visuel. Un univers qui marche d’un bloc.

LFB : On est dans une époque très focalisée sur l’image, sur le fait de représenter sa musique, parfois au détriment de la musique même. Je me demandais si justement, créer ce personnage comme ce qu’avait fait Gorillaz à l’époque, c’était aussi une volonté pour que les gens se concentrent pleinement sur la musique et pas sur la personne derrière.

Peter and the Roses : C’est complètement ça. Je le dis sans aucune prétention, j’ai vraiment l’impression que dans la période actuelle, la musique est importante mais l’image l’est parfois plus. Le jeu des réseaux sociaux, de la promotion passe énormément par le fait que les gens aiment avoir un visage, des moments de vie des artistes. C’est ce qui va leur donner un peu la volonté de pouvoir donner des images, des moments clés par rapport à la musique qu’ils écoutent. J’aime bien me dire que quand j’écoute une musique, si je n’ai pas d’image, la tête du chanteur, du batteur ou quoi que ce soit, je me fais ma propre image. Un exemple tout bête que j’ai, c’est quand t’es petit, tu lis un livre, tu n’as que les livres pour avoir toute une représentation. Parfois quand tu as des adaptations en film, tu peux être déçu parce que ce n’est pas ce que tu avais en tête. D’autres vont être contents. En fait, au final, chacun a un peu sa vision. Moi, j’aime bien me dire qu’au final, faites-vous votre propre vision de qui je peux être derrière, de ce qui peut se passer. L’univers est acté comme ça, faites-en un peu ce que vous voulez.

LFB : Tu n’as pas peur que ça te desserve malgré tout ? C’est un peu bête comme question mais on est dans une époque où tout semble passer par TikTok et justement avec une percée dans l’intime des gens en permanence.

Peter and the Roses : C’est complètement vrai. Pour tout ce qui est promotion et mise en place de certaines choses, beaucoup de gens vont attendre de voir ma tête, de savoir qui je suis ou autre. Ce que je n’ai pas forcément envie de dévoiler. Ce n’est pas une volonté de ne jamais montrer mon visage mais c’est vraiment une volonté de mettre la musique avant tout le reste. Ça peut me desservir. Je le vois d’une façon optimiste. À court terme, ça peut me desservir dans le sens où c’est plus difficile d’accéder à de la promo, des pitchs. Un des questionnements que j’ai en ce moment, c’est justement comment mettre en place ça en live pour me montrer sans me montrer ? Il y a plein de questionnements qui prennent beaucoup de temps pour réussir à trouver la meilleure façon de tout mettre en place. Après, là j’ai à peu près confiance dans le sens où j’ai envie de croire que sur le long terme, si ma musique arrive dans les bonnes oreilles, ça peut découler sur des choses positives. L’exemple de Tiktok, le buzz peut être extrêmement rapide sauf que moi, en tant que Peter and the Roses, je n’ai aucun intérêt à en faire un parce que je ne montre pas ma tête. C’est extrêmement compliqué de faire du dessin animé pour du Tiktok parce que c’est beaucoup de frais, de temps, de travail. Ça génère peu de choses parce qu’il n’y a pas de potentiel buzz. Mais par contre, Tiktok, l’intérêt c’est qu’il suffit que ça tombe sur le bon influenceur, qu’il prenne ma musique et qu’il en fasse quelque chose. Pour moi, Tiktok c’est plus intéressant quand les gens s’approprient plutôt que le créateur en fasse quelque chose.

LFB : Il y a vraiment cette idée de laisser parler la musique.

Peter and the Roses : Ouais, toujours. Pour moi, j’ai grandi dans une période où la musique était avant tout… Plus jeune, quand j’étais adolescent, elle primait sur tout le reste et l’univers graphique de certains artistes que j’aimais. On peut citer Bowie de façon beaucoup plus vieille, c’est vraiment un mec qui s’est créé un univers extraordinaire. Les Daft Punk, ça reste aussi des personnages extraordinaires qui ont vraiment mis la musique avant tout et ils ont créé des personnages qui ont permis de créer une distance et une paix d’esprit je pense derrière, qui n’a pas de prix. C’est aussi ça quelque chose que j’adore, me dire sans avoir aucune reconnaissance, juste ce fait de me dire que si un jour il se passe quelque chose de grand, de pouvoir être tranquille. Et ça, je pense que c’est un luxe énorme. Pareil, à l’époque, j’adorais voir des artistes qui créaient des univers où c’était un univers entier. J’adore ce truc où les mecs font un monde entier. Ce n’est pas juste : je fais de la musique et je veux la diffuser. C’est plutôt : j’ai envie de représenter ce que j’ai en moi, de façon globale. C’est quelque chose qui m’a toujours parlé.

LFB : Du coup, puisque tu parlais de l’image et de la création, qu’est-ce qui t’a donné envie d’implanter ce personnage dans une esthétique très 70s ? Pour moi, le Peter et les images qui l’accompagnent, ça pourrait être un personnage de Valerian et Laureline (bande dessinée de Jean-Claude Mézières ndlr).

Peter and the Roses : Complètement. Je suis très influencé par beaucoup d’arts. Que ce soit la bande-dessinée, le cinéma, les jeux vidéos, c’est vraiment trois choses qui sont hyper importantes dans ma création et mes inspirations. Le personnage de Peter, je pense que c’est un mélange de deux choses : un amour que j’ai pour tout ce qui est space age, donc l’art des années 70, la science-fiction, tout ce qu’il se passe dans l’espace. C’est quelque chose qui me parle énormément. Le fait de découvrir des univers qui n’existent pas, de les apprivoiser, de les appréhender. C’est quelque chose que j’adore. Indirectement, quand on a fait les premiers croquis du personnage, j’ai trouvé une certaine similitude avec mon père, physiquement parlant. Je trouvais ça marrant, une sorte d’hommage, de pousser le projet qui permet aussi de dire que Peter, c’est mon alter ego, c’est mon moi intérieur un peu fantasmé et idéalisé. Je trouvais ça marrant de mettre une inspiration à la fois personnelle par mon père et tous les univers qui m’entourent et qui m’enrichissent.

LFB : Sur la musique, je trouve que ça colle absolument au projet sur plusieurs points. Déjà, il y a le côté hyper coloré et épique qui est très important. Il y a aussi l’idée du fantasme mais ramené à l’époque moderne. La musique est forcément très influencée par des bandes originales de films ou des choses des années 70 mais la manière dont elle est produite est hyper moderne.

Peter and the Roses: C’était un peu ma volonté de rendre hommage à toutes ces bandes sons des années 70-80, voire 90. Des bails comme John Carpenter et autres que je trouve assez fascinantes. Et en même temps, je n’avais pas envie de faire une redite de cette époque-là en reproduisant à la façon de l’époque. On vit quand même dans une époque où on a des moyens de produire des sons qui sont extrêmement agréables et accessibles dès qu’on a un peu d’attrait d’électronique et pour les ordinateurs. Je me suis dit que ma volonté, c’était de garder tout cet héritage de cette musique un peu à l’ancienne où dans les années 70, tous les groupes de rock psyché avaient vraiment la volonté de faire une musique à la fois complexe dans l’écriture et l’harmonisation, mais en la rendant accessible. Ce n’est pas faire du complexe pour faire chier les gens mais pour dire qu’on va essayer d’aller un peu plus loin que les quatre accords primaires. Donc garder cet esprit de composition avec des sonorités plus modernes, parce que je suis un grand fan de musique électronique, de tout ce qui se fait en ce moment. Essayer à ma sauce de rassembler ces deux périodes.

LFB : Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que finalement tu contres la mélancolie. Tu parles d’héritage mais tu te places au-dessus en fait. Tu ne vas pas creuser dans l’héritage. Si on prend le dernier album des Lemon Twigs, eux ils sont dans cette idée de mélancolie et de gratter le passé. Alors que toi, tu es vraiment sur un truc qui va au-delà.

Peter and the Roses : Ouais, j’ai toujours un peu l’impression que ça fait un peu vieux con de dire que c’était mieux avant et que je veux refaire comme avant. Alors qu’aujourd’hui, on a quand même une période exceptionnelle qui donne des moyens de produire de ouf. C’est vraiment impressionnant tout ce qu’on peut faire aujourd’hui. Ça a déjà été fait à l’époque, ça a été super bien fait et je respecte complètement les gens qui veulent reproduire ça parce qu’il y a un certain respect de la musique de l’époque et une volonté de reproduire un peu ces schémas. Mais dans ma démarche, c’est plus me nourrir du passé mais en essayant de créer quelque chose que je n’ai pas encore entendu. Je pense que c’est comme ça qu’il y a une possibilité de se démarquer. Encore une fois, je re-cite l’exemple des classiques, quand les Daft Punk ont fait Discovery, c’était reprendre tout l’héritage disco et le faire à leur sauce. Personne n’avait entendu ça alors que tous les mecs des années 70 étaient capables de reconnaître les synthés, les structures, textures et les jeunes disaient qu’ils n’avaient jamais entendu ça ou en tout cas, c’est comme s’ils écoutaient la musique de leurs darons mais détruite et recomposée d’une certaine façon. Moi, c’est ça qui m’intéresse. Prendre mes influences et en faire quelque chose de différent.

LFB : Tout en gardant une esthétique pour le coup beaucoup plus européenne.

Peter and the Roses : Oui. Je pense que tout ce qui est visuellement créé pour le personnage de Peter est vachement inspiré de la BD. Beaucoup de Moebius. Du coup, forcément le côté européen. Je pense que dans la BD, on a énormément de précurseurs, que ce soit Moebius, Philippe Caza, toute cette clique-là. Je ne sais pas, il y avait eu une espèce d’effervescence qui était un peu à l’inverse du comic américain, qui était sur la représentation visuelle avant l’histoire. Il y avait quelque chose qui était vraiment unique dans cette création visuelle dans cette période qui me frappe. Il y avait l’une des BD de Philippe Caza, Kris Kool, qui a été pour moi hyper importante dans la création du personnage de Peter. C’était vraiment une BD extrêmement pop, hyper colorée où l’histoire est très particulière, on dirait vraiment un trip sous LSD mais visuellement par contre, c’était hallucinant d’idées, de richesses. Toute cette vague-là me parle énormément.

LFB : Ce qui me plaît beaucoup sur l’album musicalement, c’est que ces idées-là, tu les transposes en musique. Je trouve qu’il y a une vraie élégance dans l’album du début à la fin et dans le fait de vouloir faire quelque chose d’épique mais accueillant pour l’auditeur.

Peter and the Roses : Ça, c’était un gros travail pour moi de travailler l’album un peu en deux phases. La première, c’était vraiment de faire de la musique pour moi, de faire un peu une transposition de mes émotions, sensations, sur toutes les choses sur lesquelles j’ai du mal à mettre des mots. Le mettre en musique, en faire quelque chose de très intime. Et en deuxième partie de lecture, de se dire que le but, c’est que la musique atteigne des gens et qu’elle puisse leur parler aussi parce que sinon, autant la garder sur mon ordinateur. De mettre toutes ces idées-là, rendre accessible mon univers. La deuxième partie, c’était vraiment ça. Retravailler mes morceaux, en gardant une intégrité, je voulais absolument que ça soit quelque chose qui me plaise, que je puisse écouter moi-même mais qui puisse être accessible. Qui ne soit pas alambiqué pour ne pas sembler prétentieux à dire que je vais vous faire écouter quelque chose qui est extrêmement complexe et que seule une poignée de gens peuvent comprendre. J’aime l’idée de mélanger la musique électronique et la pop musique. La rendre populaire. C’était un peu un exercice de style d’essayer de faire ça.

LFB : Est-ce que justement le fait de t’être masqué derrière un personnage, ça a été libérateur dans les thématiques que tu as pu proposer dans l’album ?

Peter and the Roses : Complètement. Tout ce qu’on a créé dans l’univers visuel, dans le storytelling qu’on a créé avec Peter and the Roses, c’est vraiment un cheminement interne, une réflexion sur la vie, le fait de traverser des périodes difficiles, des périodes de doutes, de dépression, d’autres plus joyeuses et de mettre tout ça un peu en musique. Le fait d’utiliser un personnage et un univers a permis vraiment de créer une distance et de pouvoir l’emmener plus loin pour moi. Je pense que c’est très difficile… Je suis quelqu’un d’assez discret de base et c’est très difficile je pense de prendre le micro, une caméra, se filmer et dire ces choses-là à nu. Quand on a un personnage, il peut s’exprimer à ta place et du coup, peut permettre d’aller beaucoup plus loin dans le discours qu’on a envie de proposer.

LFB : En faisant une sorte d’album éponyme, tu crées aussi une sorte de bande originale pour ce personnage.

Peter and the Roses : Complètement, c’était un peu l’idée d’œuvre globale. C’était que cet album soit un peu comme un film où les gens peuvent imaginer tout ce qu’il se passe. Quand on a créée les boucles visuelles avec l’équipe de XXX, on avait fait un petit synopsis par track qui crée une histoire entière. Le but était d’avoir une trame directrice qui crée vraiment une histoire de l’arrivée de Peter dans un monde qu’il ne connaît pas jusqu’au moment où il se retrouve face à des objets qui le surprennent. Ce sont des artefacts qui viennent d’un autre monde, qui appartiennent à quelqu’un d’autre. C’était un peu la volonté qu’on va continuer à développer, de faire un peu la passation entre le premier album qui est l’histoire de Peter qui arrive dans un monde qu’il ne connaît pas, il traverse des névroses imagées et romancées vers la passation qui sera qu’il arrivera forcément dans un autre monde qui sera la rencontre avec son créateur et tout ce mouvement-là.

LFB : La musique pousse à développer l’imaginaire encore plus. On parlait de livres ou de choses où on s’imagine, là tu as une esquisse visuelle qui est minime, qui n’est pas développée. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que la musique traite des émotions assez différentes qui poussent la personne qui l’écoute vraiment à s’imaginer des choses, le personnage dans des actions. C’est intéressant parce qu’il y a pour moi deux façons très distinctes de vivre la musique. Il y a les éléments où il y a de la voix et il y a aussi les morceaux purement instrumentaux qui sont vraiment super intéressants aussi parce qu’ils amènent vers autre chose. Par exemple, un morceau comme Night Road que je trouve vraiment très réussi et qui est, de par son titre et de par ce qu’il amène, complètement différent d’autres morceaux sur l’album.

Peter and the Roses : C’était aussi un intérêt de ne pas me cantonner à une recette sur la musique. Quand j’ai écrit Save You au début, l’idée était vraiment de faire des morceaux de pop rock électronique avec mes inspirations et mes idées. J’en ai composés plusieurs et Surahn m’a aidé après dans les voix et l’écriture des textes. On avait fait Open Your Mind, Save You. De là a découlé l’intro First Wave. Ces trois morceaux cohabitent hyper bien ensemble. Mais je n’avais pas envie de faire un album avec les mêmes batteries, les mêmes synthés et la même idée tout le long. J’ai toujours un peu peur de la répétitivité de la chose. Je suis hyper excité à l’idée de tester un peu d’autres genres, d’autres choses. Night Road pour le coup, c’est une musique qui est plus influencée par la synthwave des 80s, John Carpenter et ce genre de délire qui me parle énormément. Et justement en essayant de l’intégrer au monde de Peter sans le dénigrer. Ne pas en faire un ovni qui n’a pas sa place mais garder un peu d’autres palettes.

LFB : C’est ce qu’on disait tout à l’heure. Le fait est qu’il y ait une texture qui est globale, qui reste hyper élégante sur laquelle tu peux t’amuser et dévier. En sachant que la globalité sonore va s’entendre malgré tout.

Peter and the Roses : Ça, c’est toujours difficile de prendre du recul là-dessus. Quand on finit l’album, on n’a plus de recul. On a tellement entendu les morceaux sous toutes ses formes, toutes les versions. Moi, ma crainte principale est de me dire que peut-être que les gens vont dire que certains morceaux n’ont rien à voir ensemble. Il y a toujours un moment où on a l’impression de se dire que si on a bossé autant ces morceaux dans une bulle commune, il y aura forcément une patte qui va se créer. Mais on a aussi ce doute que peut-être pas. Je sais que sur l’album, il y a deux morceaux qui étaient importants pour moi où j’avais un peu ce petit doute, c’était Night Road et Ghosts qui sont deux trucs qui s’éloignent un peu de trucs plus pop. Mais justement, ça faisait partie de cette deuxième lecture de composer pour moi et ensuite, de rassembler tout ça sous une égide commune pour que ça puisse parler à tout le monde. Et en même temps, qu’il y ait un lien commun.

LFB : Oui, et ça permet d’avoir quelque chose qui n’est pas lisse, pas répétitif. Ce qui te permet aussi de venir sur l’apport des voix. Comment tu as sélectionné les voix sur l’album et comment tu as collaboré chacune d’elles ?

Peter and the Roses: Il y a des tracks où c’est moi qui chante et après, les trois chanteurs externes… Je fonctionne principalement au coup de coeur et à l’affect. Surahn, c’est un ami que j’ai rencontré par des amis communs. J’ai écouté sa voix et je me suis dit qu’il y avait vraiment un truc qui me parlait de ouf. On s’est envoyé des mails, on s’est écrit plusieurs fois et en fait, on s’est rendu compte qu’on était sur une longueur commune de notre vision de la musique, notre vision de vouloir faire de la musique pour les autres. La phrase la plus simple et la plus bête qui résume un peu notre vision, c’est : ce n’est que de la musique. Ça ne va pas plus loin que ça. Du coup, on a cette chance de pouvoir gagner de l’argent en faisant quelque chose de ludique, de fun, donc autant faire kiffer les gens et leur donner du plaisir. On avait cette vision commune là-dessus. On voulait proposer notre vision de la façon la plus globale possible tout en respectant nos idées.

Pour Goldie Boutilier, on avait fait plusieurs sessions ensemble à Paris dans un studio. Elle bossait avec une amie. J’étais dans le studio d’à-côté, on s’est rencontré. J’ai adoré la voix de cette fille. On a fait beaucoup de sessions ensemble. On s’est super bien entendus, elle a vraiment un grain de folie mais en même temps une douceur qui m’a vraiment parlé, qui pour moi se retranscrit vachement dans sa voix, dans sa façon d’écrire. On avait fait une session avec le guitariste du morceau Max Baby, on était tous les trois et on avait commencé à faire guitare/voix entre Max et elle, moi j’étais aux synthés. Il y a une espèce de magie qui s’est créée et je me suis dit que c’était aussi simple que ça. C’est un jam que j’ai continué, que j’ai poussé et qui avait vraiment lieu d’être tel qu’il était.

Et Jodie Abacus, pareil, rencontre commune d’amis et voix extraordinaire. J’ai trouvé qu’il avait vraiment une voix extraordinaire. Pareil, on s’est appelé plein de fois. C’est quelqu’un qui s’est engagé, très militant sur la volonté de travailler sur la détresse mentale dans la musique. Sujet sur lequel je suis assez sensible. On a beaucoup échangé là-dessus et encore une fois, plutôt que de faire une musique sur le fait qu’il peut y avoir des périodes difficiles et que ça peut être compliqué, on voulait le transmettre de façon à dire : ouais, ça peut être compliqué mais on fait de la musique et il y a des trucs cool qui en ressortent. Tout le refrain est basé là-dessus. Même quand il pleut, tu passes sous la pluie mais ça va aller, ça peut faire pousser des plantes. C’était vraiment la métaphore qu’en gros, même dans la merde, il y a des belles choses qui se passent.

LFB : Si on creuse. C’est marrant parce que la façon dont tu en parles, c’est très organique. Tu aurais pu aller chercher un gros nom pour que ça ait plus d’impact sur l’album mais je pense que ça l’aurait peut-être dénaturé aussi.

Peter and the Roses : Ça ne m’intéresse pas. Si un jour j’ai la chance de faire un featuring avec un gros nom, j’ai envie que ça soit uniquement par feeling. Je n’ai pas envie d’avoir The Weekend juste pour dire que je l’ai. Si le mec est un gros con ou qu’il ne se passe pas quelque chose, ça ne m’intéresse pas. Je fais de la musique pour la musique, pas pour devenir millionnaire. Mon but est vraiment de faire la meilleure musique que je puisse faire et de la distribuer. Ça ne va pas plus loin que ça. Tout le reste, c’est du bonus. J’ai suffisamment de chance pour pouvoir travailler avec pas mal d’artistes, pouvoir faire de la musique à côté pour me permettre de vivre. C’est un projet plaisir. Je fais de la musique uniquement pour le plaisir.

LFB : Tu peux nous parler du morceau qui clôture l’album ? Je le trouve hyper impressionnant. Il a pour moi une importance thématique sur tout ce qu’il se passe avant sur l’album. C’est le morceau le plus long de l’album aussi d’ailleurs.

Peter and the Roses : Open You Mind, c’est un morceau qui a été fait en pure collaboration avec Surahn pour le coup. Il y avait vraiment la première partie de la track que j’avais composée. L’une de mes références sur ce morceau, c’était Hey Jude des Beatles. Je pense que le petit passage où ça se ressent le plus, c’est le petit bridge où il n’y a que les voix de Surahn et de sa famille qui font les harmonies. Le but était de faire vraiment un morceau hyper bienveillant, dans l’ouverture d’esprit et la joie, sans faire le mielleux non plus. Créer quelque chose qui puisse être à la fois romantique et optimiste. Toute la première partie de la track, Surahn a chanté dessus et a créé un beau texte. À la fin, je me suis dit que ça n’allait pas assez loin. Je lui ai demandé d’essayer de faire des harmonies de voix pour faire un bridge et que je construirai autour. Il m’a dit qu’il était chaud. Il est parti dans son studio avec sa femme et ses enfants. Ils ont enregistré tout ça en un coup. Il m’a envoyé ça brut, je me suis dit que c’était mortel et que je n’avais absolument rien à faire. J’ai répété cette partie en lui demandant de re-chanter le refrain de façon plus forte, dire qu’on y va à fond et que le but, ce n’était pas d’être dans la retenue. On voulait être généreux. On veut que si un jour ça se joue en festival, qu’il y ait de l’amour, de la bienveillance, un truc un peu de communion, on kiffe ensemble. On est là pour la musique.

LFB : Un truc un peu gospel limite.

Peter and the Roses : Ouais, un truc de réunion. C’était vraiment ça l’inspiration : faire monter le truc jusqu’à un truc de gospel/communion, un rassemblement fédérateur.

LFB : J’aimerais bien qu’on parle des featurings visuels, des gens avec qui tu as travaillé. Je suis très fan de ce que fait Charlotte Delarue avec Chromeo, avec Dave qui apparemment a participé aussi. Comment tu es allé chercher ces personnes-là ?

Peter and the Roses : Je connaissais le travail de Charlotte depuis longtemps. On l’a contactée, on lui a parlé du projet, on lui a fait écouter les musiques. Elle a bien aimé et on a discuté pas mal de fois. Elle travaille vachement avec Dave de Chromeo. Souvent ils bossent un peu en binôme. Elle s’occupe de la partie visuelle et Dave s’occupe de la partie direction artistique et de la création d’idées. On a fait beaucoup d’échanges ensemble tous les trois. Tout le but était de se dire que j’adore le travail de Charlotte mais il est tellement identifié sur plein de choses… Elle a fait beaucoup de travail pour Justice, tous les visuels de Chromeo. À la base, j’étais parti la chercher pour faire un peu une redite de ce qu’elle avait déjà fait et au fur et à mesure des discussions, on s’est dit que ce n’était pas intéressant parce que ça avait déjà était fait, très bien fait et pour se démarquer, ce n’était pas ça qui était le plus intéressant. On s’est échangé énormément de références d’illustrateurs de BD, des choses comme ça. On s’est rendu compte que elle, ça l’excitait de sortir de sa zone de confort pour créer un personnage plus proche de la bande-dessinée et au final, moi ça collait beaucoup plus dans l’univers que je pouvais créer avec ça.

LFB : Il y a beaucoup plus de rondeurs dans ce qu’elle a fait pour toi que dans ce qu’elle fait habituellement. Les lignes sont moins cassées.

Peter and the Roses : Ouais, c’est beaucoup plus doux. Il y a eu beaucoup de travail à l’aquarelle. Il y a eu beaucoup de croquis. C’était hyper intéressant de travailler avec elle, de voir un peu les propositions qu’elle me faisait, les retours que je lui faisais et de voir que l’univers se créait de façon commune. On arrivait à trouver un accord sur le fait d’arriver à trouver un personnage qui me correspondait et qui en même temps, tu n’as pas l’habitude de faire. Ce n’est pas de l’ultra-réalisme comme elle fait que je trouve absolument sublime. C’était hyper satisfaisant pour moi, et j’espère pour elle, de pouvoir créer un univers hors de ce qu’elle fait et moi, hors de ce que je faisais aussi.

LFB : Est-ce que le but ultime, ce n’est pas d’avoir une BD qui accompagnerait ?

Peter and the Roses : C’est le rêve. C’est quelque chose sur laquelle je réfléchis. Le problème de ça, c’est le temps et l’argent. Soit il faut trouver la personne qui a un coup de coeur et qui accepte de m’accompagner là-dessus et en même temps, le fait de ne pas créer de BD permet aussi d’avoir que des bribes de visuels qui permet à chacun de se créer les trous manquants, de se créer son cheminement. J’aime bien ça aussi. Après, le but est de continuer à développer cet univers pour permettre un peu plus de lisibilité dans l’histoire mais c’est en cours.

LFB : Comment tu travailles pour le live ? Est-ce que tu aimerais que ça soit avec un groupe ?

Peter and the Roses : C’est le gros sujet du moment. La préparation du live nécessite beaucoup de questionnements et pour l’instant, je suis dans la réflexion. L’envie de faire un live est là. Il y a plein de choses à faire. Les deux plus grosses questions que j’ai, il y en a une à laquelle j’ai répondu. Comment j’apparais ? Et comment je le représente musicalement parlant ? La question sur laquelle je n’ai pas encore tous les éléments de réponse, je fais des tests avec des équipes sur comment apparaître. On est en train de mettre ça en place mais sur comment musicalement, c’est la volonté de ne pas faire un groupe. Je viens de la musique électronique, c’est quelque chose qui me parle. J’ai envie de reproduire une sensation musicale forte et je trouve que la musique électronique est ce qui est le plus efficace en termes de son. Vraiment, je n’ai pas de volonté de faire de la performance. Je ne suis pas un grand claviériste. Je n’ai pas envie de ramener les meilleurs batteurs ou guitaristes. Le but est de retransmettre l’émotion de la meilleure façon possible. Et en même temps, j’ai envie de construire un live électronique qui soit intéressant pour revisiter l’album. Moi c’est ça qui m’excite, que je vienne voir un concert et que j’écoute quelque chose qui soit différent de l’album. C’est un exercice qui m’excite donc le but sera de faire un live électronique. Peut-être ramener un ou deux intervenants pour faire des solos mais principalement un truc qui soit calibré, qui soit un live électronique avec des visuels qui permettent d’étoffer l’univers sans que ça absorbe trop le reste.

LFB : Il y a moyen de faire des choses intéressantes. Je me souviens de SebastiAn sur la tournée de Total où il faisait une espèce de discours politique et justement, ça prolongeait complètement ce qu’il faisait dans l’album tout en rendant quelque chose de complètement différent aussi.

Peter and the Roses: C’est complètement ça. Le live se veut être une extension de l’album et du projet, de l’univers créé. Il y a mille idées, c’est en train d’être mis en place. Ça va prendre du temps mais c’est en cours.

LFB : Si tu pouvais choisir deux films et deux BD pour accompagner Peter and the Roses, tu choisirais quoi ?

Peter and the Roses: Les deux BD, je pense que je les ai. J’allais dire à peu près à termes égaux, Kris Kool de Kasa et l’Incal de Moebius parce que ce sont vraiment les deux qui m’ont inspiré. Et une BD qui s’appelle Altlife. C’est hyper intéressant, c’est deux personnes qui sont dans un monde un peu en déclin. Un homme et une femme, on leur propose de rentrer dans une bulle et dedans, ils ont la liberté de créer le monde qu’ils veulent. À partir de là, ce que j’ai trouvé intéressant, c’est que chacun va faire sa vision. Il y a une énorme partie sur le mental, les travers de chacun et comment tout se goupille pour créer un monde qui n’est pas du tout ce à quoi on s’imagine à la base. Ça m’a un peu aidé à créer l’univers de Peter pour qu’il ne soit pas trop linéaire non plus et pas aseptisé en mettant en place le fait que les névroses peuvent être imagées sans être dans le pathos, le glauque et le joyeux ne pas être trop jovial.

Pour les films, c’est dur. Star Wars, vraiment. Pour le côté d’une personne qui a créé un univers complètement fou avec plein de multiplicité de thèmes. Et le deuxième, pour la blague, Stargate.

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