Fin juin, on est allé passé quelques jours en Gaspésie au Festival en Chanson de Petite-Vallée. On vous raconte ça ce soir à travers une histoire qui raconte les lieux, la transmission, les émotions et, bien évidemment, la musique.

Une histoire de lieux…
C’est ce qui marque lorsqu’on part de Montréal vers Petite-Vallée. Au delà du voyage et des paysages, et en prenant le point de vue et le regard d’un petit français, on a l’impression de passer dans un autre monde en débarquant en Gaspésie. L’immensité des paysages associés au peu de présence humaine donne une sensation à la fois revigorante et dépaysante. Une grande route et des maisons qui l’entourent de manière plus ou moins espacée, une étendue d’eau d’un côté et de l’autre des falaises, des forêts et de la brume. Lorsqu’on arrivée au Festival en Chanson, on se sent d’un coup tout petit face à l’étendue du monde, et on ne parle même pas du soleil qui se lève à 4h30 le matin.
Les lieux, leur importance et leur histoire, c’est aussi ce qui marquera l’édition 2025 du Festival en Chanson. C’est en effet cette année qu’était inauguré le nouveau Théâtre de La Vieille Forge. Un lieu qu’on trouve dès notre arrivé accueillant, un peu grandiose et surprenant.
On y passera énormément de temps et tout est fait pour qu’on s’y sente bien. C’est un bout d’âme du village qui se joue ici, on le sent autant dans l’air que sous nos pieds. Après l’incendie de 2017, on sent toute l’émotion des personnes autour de nous et elle nous impacte grandement.
Partout où l’on se déplacera pendant notre semaine à Petite-Vallée, cette même transmission d’émotion m’impactera, et elle continue d’ailleurs à m’impacter depuis mon retour en France. À chaque pensée, je sens que j’ai laissé un petit bout de moi là-bas tout en emportant un morceau de Petite-Vallée dans ma tête.
Des lieux, il y en à d’autres évidemment, on pense naturellement à la Maison des Chansonneurs, mais aussi le hangar du pêcher où sont tournées les sessions « dans l’shed à Léon » tout autant que le chapiteau, qui a remplacé le Théâtre de La Vieille Forge un temps et qui a trouvé dans l’écosystème de Petite-Vallée une place tout à lui qui lui va bien.


de transmission…
Mais le Festival en Chanson de Petite-Vallée, c’est aussi histoire de transmission(s). Si l’on reprend le point de vue du petit français dans les grands territoires de la Gaspésie, on ne peut être que marqué par l’amour, le respect et l’envie de défendre la langue francophone. Il y aura bien quelques concerts en anglais, mais dans la grande majorité le festival de Petite-Vallée est un étendard de la défense de notre langue commune (malgré ses différences). Un acte politique assumé que ce soit par les artistes, les responsables du festival et même les bénévoles qui fait du bien à l’âme et au cœur.
La transmission, il en est question partout et tout le temps à Petite-Vallée pendant le festival. Alors que le festival rendait cette année hommage à Beau Dommage, il fut aussi marqué par le décès soudain de Serge Fiori leader d’Harmonium, autre grand groupe culte du Québec.
De mon côté, j’ai été particulièrement marqué par cette importance de la musique et de la langue et de la façon dont elle se passe d’une génération à une autre de manière presque infinie. Comme un cadeau que l’on passe, un trésor que l’on transmet, c’est ce que j’ai ressenti lors de ce voyage et qui m’a fait pleurer à plusieurs moments.
Que ce soit en voyant une chorale d’enfants et d’adolescents chanter avec passion et intensité la musique de Beau Dommage, une musique qui « passe » justement, qui vit dans l’inconscient collectif du Québec depuis plus de cinquante ans et qui continue de brûler du même feu de part cette volonté de transmettre, de faire passer l’amour des mots, de la belle musique et toute l’histoire qui l’accompagne. Cette idée vibrera aussi à nouveau quelques jours plus tard lorsque de nombreux artistes rendront eux aussi hommage à la musique de Beau Dommage, toujours dans ce Grand Chapiteau qui semble si petit de l’extérieur et qui dévoile toute sa démesure une fois à l’intérieur.
Il y a aussi eu ce moment, cette réouverture du Théâtre de la Vielle Forge. Une sorte de symbolique assez dingue, de voir des artistes chanter les chansons des uns et des autres, au même niveau, avec le même amour, des artistes transformant et se réappropriant la musique des autres, comme une matière noble et malléable qui ne demande qu’à vivre de manière différente dans les mains des uns des autres.
Chacun y trouvant sa place, prenant la lumière un temps pour la laisser à l’autre ensuite, une histoire de la musique québécoise et de Petite-Vallée qui se métamorphosait devant nous entre les légendes d’hier, les héros d’aujourd’hui et les pousses qui ne demande qu’à fleurir pour prendre leur envol. Un moment unique, qu’on a eu la chance de découvrir et qu’on ne revivra sans doute jamais.
Cette idée de transmission, elle se cristallise aussi dans les escales en chanson de Petite-Vallée, écrin parfait et unique qui permet de mettre en lumière le futur de la chanson québécoise (et française, coucou San-Nom) à travers un parcours absolument unique. On aura vu le résultat 2 fois, tout d’abord au Camp Chanson lors d’un déjeuner musical et ensuite au Théâtre de la Vieille Forge où chacun aura eu l’occasion de présenter sa musique en étant accompagné des autres. Un moment tout à la fois drôle, touchant et qui montre que la musique vibre de manière différente chez chacun mais qu’elle trouve sa plus belle manifestation lorsque les sensibilité se mélangent les unes avec les autres.


et de concerts !
Enfin, et c’était aussi en grande partie la raison de ma présence, on est a pu profiter de concerts différents et tous uniques. Et lorsqu’on aime la musique québécoise comme je l’aime, le programme était aussi chargé que réjouissant.
Pendant ces quelques jours, j’ai pu découvrir certain.e.s artistes qui se font assez rares en France, voir n’y sont jamais venus. Le plaisir était alors absolu. Je parlais des chansonneurs juste avant, et même si il est vain de faire un classement, j’ai été particulièrement marqué par Oli Féra, Héron, Rosalie Ayotte et le francophone de l’étape, San-Nom. De manières totalement différentes, leurs chansons m’auront marqué par leurs sincérités, l’importance de leurs originies et tout le vécu humain qu’ils ont pu y injecter.
C’est aussi avec un plaisir évident que j’ai pu découvrir en live la musique d’Etienne Dufresne. En formation à deux guitares, le garçon n’a pas eu besoin de « faire des efforts » pour me toucher en plein cœur. Ces versions « à l’os » de ces morceaux ont permis de confirmer qu’on avait face à nous un auteur-compositeur de grande tenue, qui nous offre des petits morceaux de lui pour qu’on puisse de notre côté reconstruire le puzzle de notre propre existence.
J’ai aussi profité du festival pour découvrir deux artistes que je ne connaissais que de loin. Impossible pour moi de passer à côté de cette sensation étrange de retour à l’adolescence que m’a fait vivre la musique de VioleTT Pi. Influencé par toute la scène nu-metal du début des années 2000 autant que par la tradition musicale du Québec, le musicien et son gang auront offert un concert réjouissant, explosif et puissant sans jamais oublié d’être mélodieux et communicatif. Dans la moiteur du Camp Chanson, j’ai vibré sur cette musique qui m’a rappelé tant de souvenirs.
Ensuite, il y aura eu la grande découverte Comment Debord. J’avais écouté leur musique, mais leur live au Théâtre de la Vieille Forge aura été un coup de coeur musical comme je n’en avais pas vécu depuis un petit moment. Je suis « tombé en amour » de cette musique qui oscille en permanence entre le groove le plus fou et une tradition folk, et parfois country, qui laisse une grande place au texte et à la communion. Comment Debord, c’est une bande d’instrumentistes absolument fabuleux, ou chacun chante, vibre et prend un plaisir assez évident à faire vivre la musique sur scène. Depuis mon retour, leur musique continue de m’accompagner et à chaque écoute je repense avec émotion à leur interprétation fabuleuse de leur titre tu-penses-tu.
Il fallait bien une magicienne pour terminer ce périple gaspésien. Et c’est là que Klô Pelgag fait son entrée. En tournée absolument partout (elle revient bientôt en France) pour présenter son fabuleux Abracadabra, la musicienne de Rivière-Ouelle m’aura offert ce qui était sans aucun doute l’un des plus beaux moment de live de cette année.
Porté par une idée absolument géniale, mettre les instruments sur roulettes et permettre à la scénographie d’être en mouvement permanent, et bien aidée par des musiciens tous au diapason, Klô Pelgag nous aura offert un show à l’intensité palpable, que ce soit dans ses moments d’énergie ou ceux de calme. Je suis ressorti bouleversé de cette heure et demi absolument totale, un show qui porte l’emprunte de son artiste et qui existe dans sa globalité, que ce soit dans les lumières, les vidéos diffusées, le choix de la tenue ou ses interactions avec le public. Klô Pelgag est immense, il n’y a rien de plus à dire.
Pendant cette petite semaine, j’aurais vécu un moment absolument fabuleux qui m’aura marqué dans ma manière de voir la musique mais aussi de vivre tout simplement. J’ai laissé un bout de moi à Petite-Vallée et il semble assez évident que je retournerai le saluer l’année prochaine.





