Une conversation avec Poppy Fusée

À La Face B, on a le coup de cœur facile, mais le coup de foudre est plus rare. Ce moment un peu électrique où on a l’impression de rencontrer un artiste qui va nous bouleverser et percer notre carapace sans effort. Cette sensation, on l’a eue en écoutant Poppy Fusée. En désormais trois titres, la musicienne est devenue une de nos artistes favorites de l’année 2022. On se devait donc d’aller à sa rencontre pour en savoir plus et parler avec elle de musique, d’alignement et du fait que le temps finit toujours par guérir les choses.

Crédit : Inès Ziouane

La Face B : Coucou Poppy, comment ça va ?

Poppy Fusée : C’est complexe, alors en plus, de me demander ça à moi, qui n’ai aucun problème à dire : « Je vais super mal ! »

LFB : Justement, ça ne me dérange pas.

Poppy Fusée : Non, franchement, aujourd’hui ça va. Il y a des jours avec, des jours sans, et aujourd’hui on est plutôt sur un jour avec. Ça va. Je me suis réveillée du bon pied, comme on dit.

LFB : Du coup, je vais enchaîner avec une autre question encore plus intéressante : Qui est Poppy Fusée ? Parce que pour l’instant, t’as sorti que deux titres, on aimerait bien savoir…

Poppy Fusée : Ben, qui est Poppy Fusée… Je découvre aussi au fur et à mesure qui est Poppy Fusée en fait. Poppy Fusée est née autour de l’envie de sortir la chanson Pesanteur en fait, parce qu’il y avait l’envie de sortir ce titre avant tout.

Moi, j’ai eu un groupe pendant dix ans avant, et quand je me suis séparée de mon groupe, pour moi c’était la fin de la musique. Je n’envisageais pas du tout quelque chose de solo après. Et en fait c’est cette chanson qui m’a rattrapée, c’est cette chanson que j’ai retrouvée, que j’avais écrite il y a quelques années, et qui m’avait fait beaucoup de bien à l’époque de la faire et de l’écouter surtout, parce que c’est marrant, mais avant je ne faisais pas trop de la musique que j’écoutais, et cette chanson, je l’ai beaucoup écoutée.

Et voilà, il y a eu cette envie de sortir ce titre, et bon ben, pour le sortir, il a fallu trouver un nom.

Mais au début, je ne voulais sortir que ce titre, juste pour le sortir, et je me suis bon, ben Poppy Fusée. Voilà. Poppy, c’est mon surnom, c’est comme ça que mes amis m’appellent, et « Fusée » je trouve que ça collait bien avec ma personnalité, et avec le titre aussi.

LFB : Ce qu’il y a de marrant c’est que finalement, tu vois, quand on imagine une fusée, on imagine de la vitesse, on imagine des choses comme ça, et en fait quand on écoute ta musique, on est à l’opposé de tout ça, mais en même temps, c’est de la musique qui donne envie de regarder les étoiles en fait, je trouve. Avoir la tête un peu ailleurs, mais calmement.

Poppy Fusée : Ouais, ouais, c’est super super calme, hein. On n’est pas sur de la rave party, on n’est pas sur « j’ai pris de la drogue  »… Enfin, ça peut être « J’ai pris des acides et je m’évade », hein (rires). Mais ouais, il y a quelque chose de très doux en tout cas.

LFB : Ce qu’il y a d’intéressant aussi, enfin moi je trouve, c’est qu’on parle de projet solo, mais j’ai l’impression qu’en fait quand on écoute les titres qui sont sortis et les titres qui vont les accompagner dans l’EP, c’est qu’en fait, tout est beaucoup tourné vers l’autre aussi. Tu parlais de projet d’ego, mais je n’ai pas l’impression qu’il y ait beaucoup d’ego dans celui-là, dans le sens où j’ai l’impression que c’est une musique qui est faite pour te rapprocher des autres et te réconcilier avec les autres, et vivre avec les autres, même si tu parles de toi.

Poppy Fusée : Ca me touche énormément ce que tu dis, que tu aies vu ça là-dedans, parce que… C’est marrant, je ne l’ai jamais conscientisé, donc je vais réécouter et je vais me reposer la question, mais ça me touche beaucoup que tu aies vu ça. Moi, c’est un grand sujet, justement, l’ego et les autres. J’ai un vrai truc avec les autres, qui est très fort. Par exemple, aujourd’hui, donc je fais de la musique, mais je suis aussi tarologue, donc je fais des séances de tarot, j’aide les gens à débloquer des choses, à débloquer des nœuds, à avoir des prises de conscience… Et en fait aujourd’hui il n’y a rien dans la musique qui m’apporte ce que m’apporte d’aider les gens quand je fais du tarot. Il n’y a rien : sur scène, composer et tout, ce truc-là, je le ne l’ai jamais eu en musique par exemple, et donc j’essaie toujours de trouver un équilibre entre les deux, et donc que tu voies ça dans ma musique, ça me touche énormément.

LFB : Et justement, ce que j’ai noté c’est l’idée de musique curative, que ce soit pour toi ou pour les autres en fait.

Poppy Fusée : Clairement – sur Pesanteur , c’est certain, vraiment à 100 %. Sur les autres, écoute, on verra, mais… Je ne sais pas trop ce qu’a provoqué vraiment Titanic, j’ai reçu des très beaux messages et tout, mais… Mais en tout cas, oui, moi ça m’a fait du bien de les faire, ces titres, clairement, et si ça peut faire du bien à d’autres, c’est juste ce que je cherche quoi. Vraiment.

LFB : Tu vois, quand j’ai écouté un morceau comme « Titanic », ce qu’il y a d’intéressant, c’est qu’en fait c’est tes souvenirs … bon, je n’ai pas de poster de Titanic parce que je n’ai jamais aimé Titanic… mais le concept en fait, il est là, de se raccrocher à des parts d’enfance, d’adolescence, tout ça, pour avancer en fait dans sa vie en tant qu’adulte, et… Pour, oui, réparer certaines choses et conscientiser certaines choses qu’on voyait pas forcément avant en fait.

Poppy Fusée : Ouais. Ouais ouais ouais, Titanic , de prendre cette image qui parle à tout le monde finalement pour raconter des trucs très intimes, c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup. Mais oui oui, clairement, ce que tu dis c’est très vrai. Moi ce que je raconte dans Titanic, c’est des choses auxquelles j’ai besoin de me raccrocher. Voilà, ce truc avec mes parents, ce truc avec mon premier amour… C’est quatre petites saynètes comme ça, qui se sont beaucoup jouées dans ma tête, que j’ai beaucoup rejouées, où je me suis beaucoup dit : « Si je revenais dans le passé, est-ce que je ferais la même chose ? ». C’est un peu des petites obsessions comme ça d’adolescence, où tu te dis : « Est-ce que ma vie s’est jouée sur ces trucs-là ? », et clairement, voilà, j’ai eu besoin que ça sorte à un moment donné pour laisser partir quoi.

LFB : Et tu vois, quand on regarde, parce que là tu as sorti le clip où tu tires cet espèce de fil qui accompagne tes souvenirs, qui t’entraîne dans un univers un peu onirique tout ça, et à la fin tu te retrouves justement, face à la « dark Poppy ». Est-ce que faire ce clip et tout ça, c’est un peu aussi réconcilier ces deux parties de toi, ou combattre un peu cette noirceur qu’il y a en toi ?

Poppy Fusée : Exactement. Alors, j’ai écrit le clip, enfin j’ai écrit cette histoire avec la réalisatrice, qui s’appelle Tamina, autour d’une discussion. Et ce clip a été imaginé sur deux clips. En fait on a tourné deux clips; le prochain morceau qui sort, c’est Océan, et ce sera donc la suite de Titanic .

C’est beaucoup l’histoire d’Océan , de se retrouver, beaucoup. Titanic, c’est plus « je cherche, je suis dans le tourbillon de l’adolescence, de mes pensées, de mon vécu… », et exactement, il y a ce moment où je me retrouve face à moi-même, face à cette autre Poppy, et il y a ce truc de bon, OK, on est là… Et là ça va raconter l’histoire d’ OcéanOcéan, vraiment, je l’ai écrite, ça parle de se retrouver, ça parle de toutes ces périodes où tu es la tête dans le guidon.

Ca peut durer des années et il y a toujours un jour qui fait que la vie te met… enfin, te force à t’arrêter. Donc ça nous est arrivés par exemple collectivement pendant le confinement. Ca te force à t’arrêter, te retrouver avec toi, à te regarder dans le miroir, et souvent, tu ne te reconnais pas. Tu te dis, mais, ça ne va plus et tu es obligée de te réconcilier, tu es obligée de te dire : « OK, qu’est-ce qu’on aime, qu’est-ce qu’on n’aime plus, est-ce que ça, ça nous va encore, est-ce que ça… ».

Il y a un peu ce truc voilà, de se regarder, de se réconcilier avec soi, pour repartir sur un truc plus aligné quoi. Parce qu’on change tellement. Moi, là, j’ai 35 ans. Et entre 20 et 35 ans, c’est terrible, … Je suis devenue d’ailleurs le cauchemar de mes 20 ans, là. Clairement. (rires). Tout cet amour, toute cette bienveillance que j’ai aujourd’hui, mais à 20 ans, je l’aurais vomie quoi, vraiment.

LFB : Eh ben on est pareils, tu vois.

Poppy Fusée : C’est vrai ?

Crédit : Inès Ziouane

LFB : Ouais, moi je vois maintenant la personne que je suis maintenant et je me dis… D’un autre côté je me dis que justement, je pense que la personne de mon adolescence, elle m’aurait un peu détesté, et je pense que secrètement, c’est aussi ce que j’avais envie d’être en fait. Et je ne le réalise que maintenant, tu vois. Mais c’est ce qu’on sent dans ta musique, tu vois. Moi j’ai noté, c’est une notion que j’ai aussi quand j’écoute Nova ou d’autres artistes : c’est de la « nostalgie heureuse ». C’est un peu ce que Tim Dup disait, c’est à dire que souvent, on parle de nostalgie de manière un peu négative, ou un peu brumeuse, sombre et tout, mais ce que je ressens dans ta musique, et avec d’autres artistes, c’est qu’en fait, la nostalgie, ce n’est pas forcément quelque chose de mauvais, tu vois. C’est quelque chose qu’on peut regarder, et qui sert à te dire : « Ah ouais, putain, j’aurais tellement pu vriller sur quelque chose de complètement différent et de destructeur, et je suis heureux d’être ce que je suis à l’heure actuelle, quoi ».

Poppy Fusée : Ben c’est super beau, et c’est exactement ce que je ressens aussi, donc… Là-dessus, on est alignés.

LFB : Et je trouve que c’est aussi ce que tu transmets dans ta musique, en fait. De dire aux gens : Laissez faire le temps en fait. Parce que tu vois, tu dis, tu as 35 ans, mais je pense que t’as un public qui est plus jeune que toi, et je trouve que c’est important de transmettre ces idées-là à des gens qui ont des doutes sur plein de choses, de dire : « Laissez le temps faire, et vous verrez que tout ira mieux à un moment ou à un autre ».

Poppy Fusée : Ouais. Ca, c’est un grand point commun qu’on a avec Nova, c’est certain. Au-delà du fait que je pense qu’on traîne trop ensemble et que du coup tout ça se transmet… (rires). Non mais clairement, ça c’est un truc très important. Elle aussi, elle insiste toujours sur le fait que ce n’est pas un génie de 22 ans, et que voilà, les chansons qu’on écrit aujourd’hui, on n’aurait jamais pu les écrire quand on avait 25 ans, clairement. Ça aurait été autre chose, un autre message… Et voilà, moi je suis contente de pouvoir transmettre ça aujourd’hui, parce que clairement, si c’est bien LA leçon que je retiens, c’est que le temps, ça marche, ça fonctionne. Ça fonctionne ! (rires).

LFB : C’est ça, et ça fait du bien de se le dire, quoi.

Poppy Fusée : Ouais.

LFB : L’autre chose que j’ai remarquée, tu vas me dire si je me trompe, par rapport à Part Time Friends c’est, dans la musique et la composition, à part sur un des titres, j’ai l’impression que tu as annihilé complètement la guitare électrique et la batterie et tous les éléments qui pouvaient amener une certaine brutalité dans le mix en fait.

Poppy Fusée : Oui. C’était une volonté… C’était une vraie volonté. Après, la vérité, c’est que j’ai vachement pensé… J’ai beaucoup pensé au live. On a tellement galéré avec le live avec Part Time Friends pendant 10 ans, trouver la bonne formule, trouver les trucs… Parce que nous, on allait en studio, on était là : « Ouais, on va mettre dix guitares ! On va mettre des trompettes ! ». On était genre fou-fou la folie, et quand on se retrouvait à devoir faire des concerts on était là, mais ce n’est pas possible en fait, il n’y a pas de budget pour prendre tous ces gens, on va être quatre maximum…

D’ailleurs, sur le dernier album de Part Time Friends, ça se ressent, c’est beaucoup plus minimaliste, parce qu’on a un peu pensé ça en amont. Je voulais de toute façon quelque chose de très épuré et de très simple. Je voulais quelque chose en fait à l’image de Pesanteur, parce que je l’ai écrite en 2016, et pour moi la suite devait aller dans ce sens-là.

C’est ce que j’imaginais en tout cas pour ce premier EP, dont Pesanteur fera partie, pour que ce soit uniforme. Et voilà, donc j’ai dit pas de guitares, on s’est concentrés sur des boîtes à rythmes, beaucoup d’omnichord, et des synthés. Un projet que je puisse défendre sur scène, seule dans un premier temps, sans que ce soit bizarre, et qu’on puisse quand même reconnaître les morceaux. Mais je suis en train un peu de revenir sur ce truc-là, parce que je me rends compte qu’en fait je n’aime pas du tout être sur scène comme ça. Donc je vais retravailler.

LFB : Tu n’aimes pas être seule ?

Poppy Fusée : Je sais pas si c’est la solitude… Là, pour l’instant, là c’est très dur, je suis en train de conscientiser ça, et c’est très dur pour moi d’en parler maintenant, parce que c’est très nouveau, mais je suis en train de me rendre compte qu’en fait, je n’aime pas tant faire des concerts, quoi.

Mais c’est vrai que dans ma grande idée de :  « Allez, maintenant on part en solo, on y va ! », il y avait ce truc de « Je vais faire plein de concerts, ça va être super » et tout, et en fait je me retrouve sur scène… Là, j’ai fait quatre concerts en solo, et je me rends compte que… Ben le compte n’y est pas, sur ce que ça me coûte avant, en énergie . A la fin, il n’y a pas ce truc que j’ai quand j’écris en fait. Moi, ce que j’aime, je pense, c’est vraiment la composition, écrire, enregistrer, trouver le son… Ca, j’adore . Mais j’avoue qu’une fois que c’est fait, une fois que c’est sorti, il y a un peu ce truc où j’ai envie de passer à autre chose quoi. Comme si…

LFB : C’est le côté un peu… Comment dire, le « défaut » de ce qu’on pourrait appeler de la pop de chambre, tu vois ? C’est qu’en fait c’est quelque chose que tu peux écouter chez toi très facilement, mais c’est vrai qu’après quand tu as des choses très intimes c’est un peu compliqué aussi de les transporter sur scène, ou alors il faut trouver vraiment la formule qui te protège aussi, je pense.

Poppy Fusée : Ouais. Ben ouais. En tout cas, je suis en pleine réflexion là-dessus quoi. Mais je trouve ça intéressant d’en parler, et je trouve que c’est important de le dire aussi, parce qu’on a tendance à penser que les artistes, ils font de la musique pour ça, pour la scène et tout, et… Moi, je suis en train de me rendre compte que non. (rires).

LFB : Mais c’est peut-être parce que tu as plusieurs vies à côté aussi.

Poppy Fusée : Oui, j’ai plusieurs vies, et surtout, je connais ce truc de faire des tournées aussi, c’est quelque chose que j’ai déjà fait, et j’avoue que là, j’ai un peu moins l’énergie de me dire : « je vais être partie trois jours par semaine »… Je suis tellement bien là chez moi, dans mon petit village du Perche, que si tu veux vraiment, je suis à ça de trouver un job à la savonnerie de Belem et de juste sortir des titres, tu vois.

LFB : Ce fait de t’être créée un cocon hors de Paris, le fait d’être apicultrice, d’être illustratrice, de faire de la tarologie aussi, tout ça, est-ce que c’est des choses qui peuvent nourrir ta musique ou qui peuvent t’en éloigner ?

Poppy Fusée : Je ne sais pas. Moi, j’ai vachement de mal, j’ai de plus en plus de mal à compartimenter. Là j’ai vraiment l’impression en ce moment que ma vie, c’est le chaos, parce que la musique prend beaucoup de place en ce moment, et que j’ai vachement de mal à me dire : « OK, le lundi, c’est tarot, le mardi c’est machin », mais je vais être obligée de faire ça, parce que là, je me sens vachement envahie par tout, j’ai l’impression que tout se mélange.

Mais par contre, le tarot m’aide énormément pour la musique. Le tarot, c’est un truc… ça a changé ma vie et ça a changé ma vision du monde, et clairement, ça nourrit énormément ma musique. Ça m’aide beaucoup à trouver des symboles, à trouver des directions. Quand j’ai des pannes de paroles, eh ben je fais un tirage !

LFB : Et ce qui est marrant, c’est que ça se ressent, en fait. Je trouve qu’il y a un côté très onirique, mais ça, forcément, ça va un peu avec le style de musique que tu fais, mais aussi justement, ce côté un peu « paranormal » ou monde silencieux, tout ça,… Ca ressort aussi dans ta musique.

Poppy Fusée : Ouais, ben c’était important pour moi de le véhiculer, parce que moi je sais que ma spiritualité m’a sauvée. Avant, enfin quand j’avais pas de vie spirituelle, c’était horrible, j’étais super malheureuse, quoi. J’étais en quête de sens tout le temps, tout le temps, tout le temps. Je passais des heures à regarder le plafond, à regarder mes mains, à me demander ce que je fous là, quoi.

C’était terrible. Et j’avoue que d’avoir maintenant une vie spirituelle, ça m’a… En tout cas, moi, ça m’a donné beaucoup plus de sens. Et c’est depuis ça que je suis beaucoup plus tournée vers l’autre, moins vers moi… Et ça me rend mais… tellement heureuse, quoi.

LFB : Ben, c’est ce dont on parlait tout-à-l’heure en fait, et finalement comme tu dis, ça… C’est quelque chose qui nourrit énormément ta musique et le projet en fait.

Poppy Fusée : Ben je suis trop contente que ça se ressente dans ma musique, vraiment parce que… Vraiment, en le faisant, je ne l’ai pas conscientisé, donc… je suis refaite que t’ait, que t’ait vu ça.

LFB : Pour rester là-dessus, j’aimerais parler de l’importance de la langue qui est utilisée dans tes morceaux. Et je me demandais si… Parce que tu disais que Pesanteur, c’était un morceau qui datait de plusieurs années, et est-ce que le « switch » de tes autres morceaux, qui sont en français, est-ce qu’il s’est fait de manière naturelle ou est-ce que tu t’es rendue compte que certaines choses, tu ne pouvais les chanter qu’en français, et d’autres en anglais ?

Poppy Fusée : En fait, donc ce morceau, je l’ai écrit en 2016. Et depuis que j’ai quitté mon groupe, je suis incapable d’écrire en anglais. C’est terrible, mais je ne me suis mise aucune barrière en écrivant l’EP, je suis allée donc à Bruxelles, cet EP a été co-composé par un garçon formidable qui s’appelle Guillaume , qui a un projet qui s’appelle Alto, avec qui j’ai beaucoup travaillé, on a beaucoup travaillé avec lui avec Part Time Friends et tout, donc c’est devenu un ami avec le temps.

J’avais besoin de faire ça avec quelqu’un que je connais très bien et à qui je puisse vraiment dire : « Non, ça ça ne me va pas ». Moi j’ai beaucoup de mal à dire non, j’ai beaucoup de mal à être dans une pièce avec un homme que je ne connais pas et à imposer mon idée, j’ai encore ce truc où j’ai du mal. Et voilà, Guillaume il est plus jeune que moi, on se connaît depuis des années, donc il y a un peu ce truc de pouvoir dire : « Je n’aime pas ce son, je voudrais que ce soit plus crade, je voudrais que ce soit plus comme ça… ».

J’avais très envie de diriger, et lui était super OK avec ça et donc on est partis ensemble et j’ai mis zéro barrière. Parce que j’avais zéro titre hein, je suis allée avec lui, j’ai dit : « On y va, on voit ce qui sort ». Et donc je m’étais mise zéro barrière de la langue, sauf que tout ce qui est sorti était absolument en français, de façon limpide et naturelle. Donc je pense que ce projet de toute façon me touche moi à d’autres endroits, vu que c’est du français qui est sorti, mais ouais, c’est marrant. Incapable d’écrire en anglais. Là, j’ai du écrire en anglais, pour une BO d’un film qui est sorti il y a pas longtemps, la BO du film Hippocampe, de Eleonore Costes. Elle voulait de l’anglais, et ça a été super fastidieux pour moi, alors qu’avant je sortais des chansons en anglais, mais j’en pondais… C’était super facile, quoi. Donc ouais, c’est comme si l’anglais était resté avec Part Time Friends.

Crédit : Inès Ziouane

LFB : On reste sur des questions d’alignement en fait.

Poppy Fusée : Oui, je pense que c’est là où j’en suis aujourd’hui, après si l’anglais revient, ça reviendra, je n’ai envie de rien m’interdire, et je trouve que c’est la beauté d’aujourd’hui, enfin je trouve vraiment, il y a tellement d’artistes qui font ce qu’ils veulent, quoi, et ça fait tellement du bien.

Genre là, j’ai écouté l’album de Pi ja ma, mais merci quoi ! Il y a du français, il y a de l’anglais, elle s’en bat les couilles, quoi, et franchement, c’est trop bien, ça reste elle. Et tu ne te poses pas la question, tu te dis pas :  « Ah, c’est bizarre »… C’est juste trop bien, mais parce que c’est aligné encore une fois, bien sûr.

LFB : Sur le projet et sur Poppy Fusée, tu es impliquée dans tout en fait. C’est-à-dire dans la direction artistique, dans le côté visuel, dans les clips, tout ça. En quoi c’est important pour toi de maîtriser cette partie-là, et justement de ne pas la déléguer à quelqu’un qui ne te connaît pas et qui voilà, te comprendrait pas comme tu peux te comprendre en fait.

Poppy Fusée : Euh… Alors, honnêtement je n me suis jamais posé la question. C’est-à-dire je ne me suis jamais dit : « Tiens, ma pochette, je vais la faire shooter par… enfin, je vais faire une séance photo, je vais la faire shooter par truc ». Il y a un côté très do it yourself dans ma façon de procéder. Ca l’était déjà au début de Part Time Friends. Notre tout premier vinyle, c’était déjà un collage que j’avais fait, un truc super DIY, après voilà on a signé dans un label, on a voulu faire des trucs plus pros, on a fait des pochettes shootées qui sont super belles et tout, mais j’avais envie de revenir à ce truc-là, parce que c’est un truc que j’adore.

Moi les trucs bricolés, c’est ce qui me touche, de toute façon moi, la musique qui me touche, c’est les trucs low-fi, c’est les trucs bricolés. Ls gens qui font eux-mêmes, avec leurs limites, avec leurs fragilités, et du coup c’est ce que j’avais envie de montrer. Après, il y a honnêtement aussi une question de budget, moi je suis dans un petit label indépendant aussi qui s’appelle Un plan simple. Ils ont les moyens, mais je n’avais pas envie de claquer de l’argent qu’ils pouvaient mettre en promo en shoot … j’ai adoré cette histoire de collage pour faire mes pochettes, et j’ai imaginé du coup cinq collages qui se suivent en fait. Qui sont cohérents… J’aime bien voilà, que ça raconte aussi une histoire. Et pour les clips, pareil, c’était important pour moi de l’écrire et de faire ce double-clip, parce que c’est une idée que j’ai depuis hyper longtemps, et je m’étais dit : « En fait, dans ce projet, je vais réaliser tous mes rêves ». Je ne sais pas combien de temps ça va durer, mais je vais essayer de mettre vraiment tout ce que… enfin je vais kiffer.

LFB : Je voulais savoir ce qu’on pouvait te souhaiter dans le futur avec ce projet, et en dehors du projet, tu vois.

Poppy Fusée : Vous pouvez me souhaiter de trouver le bon équilibre, parce que je n’ai pas encore trouvé le bon équilibre. La bonne formule. Pour que je sois apaisée. Parce que pour l’instant, je suis dans le stress du chaos, en train d’essayer de conjuguer, de combiner, toutes mes… toutes mes vies, toutes mes activités, et voilà, j’aimerais trouver un peu de paix là-dedans. Pour l’instant, c’est la musique qui me stresse le plus ; le fait d’avoir l’impression de devoir être tout le temps disponible, pour faire des concerts, pour machin et tout… Donc voilà, j’aimerais trouver un, ouais, de l’apaisement là-dedans. Parce que… trouver l’apaisement que j’ai juste quand j’écris des morceaux quoi.

LFB : Et du coup, ma dernière question, c’est est-ce que t’as des coups de coeur récents à partager avec nous, que ce soit en musique, en films, en livres, ou… Ou n’importe en fait. Des choses qui t’ont plu, qui t’ont marquée.

Poppy Fusée : Bien sûr. Alors, euh là dernièrement, il y a la série Heartstopper.

C’est-à-dire que je veux vivre dans cette série. Alors, Heartstopperet Ted Lasso, je voudrais ne vivre que dans ces séries. Où tout se passe bien. Où tu penses qu’il va y avoir un plot twist méchant, mais non, ça n’arrive pas. Et ça, en fait, ça fait tellement du bien, quoi. Ted Lasso, pareil. Je ne sais pas si t’as regardé ?

LFB : Pas encore, non.

Poppy Fusée : Nous, on avait pris – parce que vraiment, Nova elle nous a tannés pour qu’on le regarde, j’avais pris le mois d’essai gratuit juste pour ça, et on s’est fait ça, avec mon mec on était : « Mais attends, c’est pas possible, ça existe… Une série où il n’y a pas besoin tout le temps d’avoir des trucs méchants qui se passent, des plot twists pas possibles... ». C’est une série sur la gentillesse, quoi. Et ça fait tellement de bien en ce moment… Donc voilà, Ted Lasso et Heartstopper niveau série… Après en musique, il y a tellement de choses, quoi. Moi je me remets, j’ai du mal à me remettre de Yoa, franchement, c’est… ma claquasse de… Enfin, ça fait… bref. Voilà.

LFB : Je comprends.

Poppy Fusée : J’ai pas les mots, parce que vraiment… C’est tellement pur, enfin je pourrais en parler très longtemps quoi. Et ça fait, enfin voilà, elle fait partie de cette jeune génération de femmes qui font juste ce qu’elles ont envie de faire, quoi. Et ça ça se ressent, c’est juste trop beau quoi.

Je ne peux pas ne pas dire Nova, parce que… c’est la femme de ma vie. Évidemment. Que son album, il est juste… je ne peux pas en parler, c’est trop douloureux genre. (rires). Nova, clairement, son album, c’est un truc… Tu vois, c’est un truc que je ne peux pas écouter avec d’autres gens autour. C’est impossible de mettre du Nova en soirée. Il y a un truc hyper intime, elle me touche là où, tu vois, des groupes comme Bon Iver ont pu me toucher, tu vois. Ce truc tellement… de repli sur soi.

Et je suis contente parce que pendant très longtemps, Nova, je voyais plus l’artiste. C’était mon amie, et il y’avait une dissociation, j’en ai beaucoup parlé sur instagram, quand je la voyais dans les grandes salles, je voyais juste ma pote sur scène et c’était irréel. Et là, depuis deux-trois concerts vraiment, j’ai repris la claque de l’artiste qu’elle est, et je suis trop contente d’avoir retrouvé ça, parce que j’étais trop jalouse des gens qui reçoivent ça et que moi je ne le reçoive plus. Donc je suis trop contente d’avoir retrouvé ça.

Et sinon, qu’est-ce qu’on écoute en ce moment… Moi j’écoute beaucoup, ben j’écoute beaucoup Phoebe Bridgers… Enfin, son dernier titre là, qui s’appelle Said Lines, je l’écoute énormément. J’écoute l’album de Big Thief aussi. Et voilà. En ce moment, c’est un peu ça qui tourne chez Poppy Fusée.