Il y a des périodes où la vie perd de son sens. On le constate par l’actualité évidemment mais aussi sur les péripéties de sa propre vie. Ricky Music, le quatrième album de Porches, présente avec fragilité et une certaine innocence une sorte de semi-autobiographie sur la fin d’une relation difficile à enterrer.
Aaron Maine, le leader du groupe, ne semble pas avoir été à la fête ces derniers temps : le doute et la tristesse restent imprégnés tout au long ce court album d’une durée de vingt-six minutes. En effet, l’ensemble des titres abordent, et c’est un pari risqué, un même thème : la quête de sens dans la fin d’une relation. Cette mélancolie intime et amoureuse façonne ainsi Ricky Music.
Si l’album débute de manière très sobre avec quelques notes de piano et une guitare acoustique sur la première piste Patience, les synthétiseurs, marque indélébile de la mélodie chez Porches, prennent au bout de une minute les devants. Avec eux, leur musique se montre plus poignante et déchirante quand les mots ne suffisent plus. Ici, Maine, personnifié en Ricky, ouvre la fenêtre de son passé vers son amour perdu. Avec le monotone Lipstick Song, il rend hommage à ce rouge-à-lèvres, cadeau de grande valeur qu’il offrait à son ex-petite amie Kaya Wilkins (connue sous le nom d’artiste Okay Kawa) et poursuit vers le mélodrame dans Hair quand il retrouve un poil d’elle sur sa brosse à cheveux : « I found a hair in my brush / Dark golden brown an d long, oh, what a rush / To believe you used to stay with me ».
Cette morosité ambiante est amplifiée dans Fuck_3 dans un downtempo désarmant et désespéré qui s’amplifie par l’apparition d’instruments à vent discordants. Maine semble figer et ronger par ses pensées et son ancienne relation. Il doute de lui et admet à demi-mots: “ I wrote some fucking songs / Yeah, I did some good, I did some wrong” dans Wrote Some Songs pour conclure l’album. C’est honnête et touchant. Ces dix titres sont comme un premier jet, fait sur l’instinct des premières sensations suite à la rupture : tout n’est pas parfait mais il s’agit des choses difficiles qui apparaissent à l’esprit dans l’immédiat, rien n’est faussé.
Le bonus track rangeover, en featuring avec Blood Orange, est un peu plus porteur d’espoir avec son rythme plus accéléré. Et c’est justement quand le beat 80’s se présente que l’album commence à briller. Notamment avec Madonna qui, sous fond de jalousie, impulse une dynamique dansante et apporte une petite bouffée d’oxygène à l’album à l’aide des chœurs discrets de Mitksi méconnaissable. Il y avait aussi le titre nerveux et rock PFB juste avant mais les mots manquaient et le morceau s’estompe au bout trente-trois secondes étouffé par la répétition de « It’s looking bad« .
Maine est à l’image d’un de nos meilleurs amis attachants et sensibles. Resté enraciné dans ses réflexions mélancoliques, il ne peut lutter à la fatalité des sentiments. Nous avons envie de le prendre dans nos bras, le réconforter et le rassurer comme sur le magnifique et authentique premier single Do U Wanna. La production est riche et délicieuse. Si Maine invite à danser, Il y a l’envie de faire et la question des réelles motivations. Et la volonté n’y est pas tel un DJ repassant avec lassitude sa même setlist pré-enregistré : «« I just wanna watch you live / But I never wanna do anything« . L’apathie est bien trop présente à cause du manque de signes de vie d’une personne et Do U Wanna nous berce dans nos chagrins.
Le quinté américain n’a pas voulu révolutionner son style mais a simplement peut-être réalisé son deuil sentimental. Ricky Music semble être une pause dans l’évolution de la discographie du groupe, le temps de faire une rétrospection sur soi-même que Porches a voulu partager avant d’ambitionner sur de nouveau projets.
Crédit photo couverture : Clare Gillen