Portrait, le vrai visage de Samara Joy

Sortir d’un moment de succès inattendu, d’une gloire qui vous prends par surprise, c’est une tâche qui relève d’un défi que peu d’artistes sont amenés à affronter. La new-yorkaise Samara Joy, du haut de sa vingtaine, a dû se frotter à une telle situation. Après deux Grammy Awards en 2023, dont celui de la Meilleure Nouvelle Artiste, ainsi qu’un troisième en 2024, la musicien originaire du Bronx est de retour. Ce nouveau chapitre, Portrait, prend les dessins d’une révolution artistique pour la révélation du Jazz américain.

Enregistré en un temps express aux studios Van Gelder, dans le New Jersey, ce nouvel album fait entrer l’artiste dans une nouvelle dynamique. Consciente de la position dans laquelle la place le rôle de chanteuse, Samara Joy est désireuse de s’intégrer de manière plus globale dans la musique qu’elle développe. Après avoir composé un groupe constitué de musiciens de son entourage proche, de jeunes musiciens récemment sortis du circuit universitaire, le cycle créatif de la new-yorkaise a changé. En résulte huit morceaux captés sur trois jours qui démontrent une force d’attraction forte et inéluctable. 

En témoigne le premier extrait paru pour la promotion de ce nouveau disque : You Stepped Out of A Dream. Le morceau tiré du traditionnel Songbook américain est ici réinterprété dans une version très personnelle et résolument moderne. C’est en cela que réside toute la force de ce troisième album. Un regard et un œil jeune règne sur ces huit nouvelles pistes. On remarque d’ailleurs des titres qui sortent du registre purement américain tout comme A Fool in Love (Is Called a Clown) qui est une composition originale par exemple. Les prises de risque sont nombreuses sur cet opus, comme par exemple la revisite de certains standards en leur ajoutant des paroles chantées, leur donnant alors un tout autre sens.

On ressent une réelle sensation de liberté qui émane de ces travaux, comme si toute forme de pression s’était échappée de l’esprit de l’américaine. Un lâcher prise qui amène l’originaire du Bronx et son groupe à aller chercher des compositions provenant du Brésil comme No More Blues et à donc considérablement élargir le catalogue usuel de l’artiste. Une sortie d’une certaine de confort qui réussit à merveille à la formation lorsque l’on voit à quel point ce troisième opus se suit bien, à tel point que les trois quarts d’heure de musique passent à une vitesse éclaire.

Pour ce qui est du registre technique pure, la formation démontre un très haut niveau de maîtrise technique tout le long du projet. Samara Joy démontre une audace et une capacité impressionnante à s’adapter au contexte au sein duquel elle évolue. On peut mettre en avant l’introduction du morceau Reincarnation Of A Lovebird comme illustration de cette aisance toute particulière. Plus de deux minutes de chant acapella d’une justesse dingue. Toute la force de cette entrée en matière est de ne pas dénaturer le morceau, chaque chose qui est entreprise a du sens et s’imbrique parfaitement dans son contexte. Sans parler des différents musiciens qui composent le groupe et ceux qui accompagnent ce dernier qui proposent une prestation sans faute à tous les égards.

Portrait représente sans doute ce que Samara Joy a fait de mieux au sein de sa jeune mais pourtant déjà riche carrière. Orné d’intentions plus que nobles quand il en advient d’un disque de Jazz, ce dernier prends la mesure de la réputation naissante de celle qui a grandi dans le Bronx. Il s’agit sans doute de la meilleure direction que pouvait emprunter cette dernière qui, du haut de ses bientôt 25 ans, fait preuve d’une maturité certaine qui ne laisse présager que de merveilleuses choses à venir.