Cet automne, on était au MaMa, le rendez vous parisien de la découverte musicale. A cette occasion, nous avons eu la chance de croiser la route de Praa. L’occasion de parler avec elle de la génèse de son projet, de son premier EP et de son live. Retour sur une interview d’une jeune femme pour qui la musique a toujours été au centre de son existence.
La Face B : Salut, Comment ça va Praa ?
Praa : C’est gentil de poser cette question, là j’ai un peu mal aux pieds parce que je me suis baladée toute la journée dans Pigalle mais sinon trop contente, je suis super excitée à l’idée de jouer tout à l’heure.
LFB : Là on est au Mama festival, tu es lauréate du Fair 2018, tu as fait les transmusicales, qu’est ce que ces expériences signifient pour toi?
Praa : L’annonce du Fair et des transmusicales ça a été à peu près au même moment donc ça a été un gros boost d’ego.
Ça m’a fait vraiment du bien parce que la vie d’artiste ça marche par vagues, c’est souvent des hauts et des bas, et quand on est dans le creux de la vague c’est toujours plus difficile à gérer, du coup avoir ce boost, et aussi le Reeperbahn un festival en allemagne d’ailleurs, ça m’a vraiment donné de l’énergie tout au long de l’année.
En plus de ça, ça a été une professionnalisation qui a été super, j’ai appris énormément sur toutes les coulisses du métier d’artiste, et pour ça le Fair ont été super parce qu’ils nous ont appris un paquet de trucs donc oui ça a été très riche à ce niveau là.
LFB : Et au niveau des concerts, tu les prépares spécifiquement ?
Praa : Il y a beaucoup de préparation quand même, en plus j’ai eu la chance l’année dernière de bénéficier d’un accompagnement mutualisé entre 3 SMAC (Scène musicale actuelle) en Bretagne et donc du coup j’ai eu beaucoup de temps de résidence. J’ai pas mal pu travailler en amont le show, surtout que je voulais faire un truc un peu spécial pour les transmusicales comme j’ai vécu longtemps à Rennes, je voulais marquer le coup, donc il y a un gros travail en répétition et après une fois que je sais les parties c’est le feeling qui m’emporte pendant les concerts
LFB : Tu as sorti ton EP cette année, j’ai entendu dire que ton projet avait pas mal évolué, tu étais vraiment sur des choses complètement différentes à la base, comment tu en es arrivé à ce son là qui pour moi est très abouti, il y a une vraie recherche esthétique ?
Praa : J’ai pris le temps, ça faisait déjà longtemps que je faisais de la musique, j’ai eu plusieurs projets auparavant et là quand j’ai commencé vraiment à écrire à l’aube de Praa, je faisais une seule session de studio par mois avec le producteur avec qui je travaille Timsters.
C’était un vrai tournant pour moi ce projet et je ne voulais pas me tromper, je voulais être sûre de tout ce que je faisais et j’ai mis un an avant de sortir un premier morceau et l’EP est sorti un peu plus d’un an après la sortie du premier titre donc on a fait un travail de deux ans avec le producteur pour vraiment rechercher quel était le son, l’esthétique de Praa.
LFB : Ton son est vraiment très pop, je sais que tu as fait le conservatoire, est ce que tu as eu besoin de désapprendre des choses pour revenir vers quelque chose de plus spontané et de plus organique ?
Praa : Alors j’ai eu de la chance parce qu’en fait le conservatoire que j’ai fait qui était à Lorient, c’était vraiment de la guitare d’accompagnement et j’ai eu un prof extraordinaire, avec lui ce n’était pas quelque chose de classique, je n’avais pas de tablatures, et j’ai pas utilisé le solfège que j’ai vite abandonné, il nous faisait apprendre de la soul, du blues, de la motown et en même temps aussi des morceaux très pop, très rock.
J’ai vraiment fait de tout et toute mon éducation de guitare est passée par là donc du coup rien de classique.
LFB : Justement en parlant de la guitare, ta musique elle a quand même un son qui se rapproche des années 80 et 90, ce qu’il y a d’intéressant c’est que là où beaucoup utilisent le synthé à l’heure actuelle, c’est vraiment la guitare que tu mets en avant.
Praa : J’ai commencé la musique en jouant de cet instrument, mon père jouait de la guitare, j’ai commencé toute petite à lui piquer sa guitare et il m’a appris mes premiers riffs.
Le premier morceau qu’il m’a appris j’avais 6 ans, c’était un riff des Doors donc du coup mon amour de la musique est né de la guitare même si il y a eu une période où ça a été un peu ringard les guitares électriques et là je trouve que ça revient un pas mal et j’en suis d’autant plus contente et du coup oui j’ai vraiment voulu mettre ça en avant.
J’ai grandi aussi avec des références comme Shaina Twain des trucs un peu rock country avec des guitares bien devant donc moi ça me faisait plaisir parce que j’étais gamine et que c’est l’instrument dont je jouais et ça me confortait dans mes choix.
LFB : Ce qui est cool en fait c’est que tu utilises la guitare pour la mettre en avant mais dans la mélodie tu l’utilises aussi comme base rythmique, il y a deux sons de guitare qui sont très distincts dans ta musique et du coup pour composer est ce que tu pars de la guitare pour commencer?
Praa : Alors ça dépend des morceaux, il y en a beaucoup qui partent d’un guitare/voix et maintenant que j’ai appris à maquetter, à utiliser des logiciels et un petit clavier que j’ai à la maison, j’aime beaucoup partir de ça ou alors de samples que j’utilise directement sur les logiciels.
Ça évolue depuis ces dernières années ou je découvre aussi toute la MAO (Musique assistée par ordinateur) et ça m’intéresse pas mal même il y a toujours des guitares pas loin, du moins j’essaye toujours de les ancrer dans les arrangements que je peux faire, c’est trop important pour moi.
LFB : Au niveau de tes chansons, la musique est super enjouée et pourtant les thèmes sont plus sérieux et parfois très sombres, est ce que c’est quelque chose qui t’amuse de jouer sur cette ambivalence ?
Praa : Ouais à fond, je pense qu’il y a une certaine nostalgie qui se dégage et les morceaux sont assez enjoués comme tu dis, en fait j’ai souvent du mal à dire ce que j’ai sur le coeur et donc je me sers de mes chansons pour ça et j’ai pas envie de plomber le moral des gens, j’ai fais de la folk pendant trop d’années donc ça c’est fini.
Du coup j’avais aussi cette volonté de donner de la joie aux gens et de transmettre un lâcher prise mais en même temps de raconter des choses qui me touchent et peut être que eux aussi ça peut les toucher.
LFB : Et le fait que tu chantes en anglais, tu ne te dis pas que ça met peut être une barrière avec ton public, ou justement tu vises l’international à travers ça ?
Praa : je vise le plus de monde possible, en France comme à l’international, mais c’est vrai que depuis toute petite mes références sont anglo-saxonnes donc c’est assez dur pour moi d’écrire en français, j’ai essayé mais c’était pas ma voix, je me reconnaissais pas et la musique que j’ai envie de faire c’est de la musique en anglaise.
Après j’ai conscience que ça peut mettre une barrière avec le public français mais c’est une barrière que j’essaye de faire tomber en live justement où j’essaye vraiment de partager un moment intense avec les gens, j’essaye de les interpeller, de les ancrer au projet donc pour moi le live me permet de casser cette barrière là.
LFB : Justement, quand on écoute ta musique, on a l’impression que c’est vraiment de la musique qui est créée pour évoluer en live. Vu qu’il y a une vraie recherche mélodique avec beaucoup d’instruments et le fait que vous ne soyez que deux sur scène, comment tu arrives à faire évoluer ta musique en live, est ce que tu la retravailles ?
Praa : Et bien ça a été beaucoup de temps de travail, à la toute base quand j’ai monté la toute première formule live j’étais qu’avec un batteur qui était aussi au SPD-S (sampling pad) et on avait les arrangements dans les bandes avec l’ordinateur et moi j’étais guitare/voix sauf que ça me prenait trop de place et j’avais envie de me lâcher sur scène et de bouger.
L’année dernière on a mis en place une formule à quatre où on a réarrangé les morceaux parce qu’il y avait une guitariste qui m’accompagnait, un bassiste et le batteur.
Il n’y avait pas la guitare sur tous les morceaux donc il a fallu refaire des parties et puis réarranger pour que ce soit faisable en live, par exemple le batteur ça faisait longtemps que je jouais avec lui donc je lui ai laissé la liberté d’interprétation dans son jeu, qu’il puisse se l’approprier et rendre ça plus organique parce que toutes les batteries de l’EP sont des batteries samplées donc c’était important pour moi aussi qu’il trouve sa place dans les arrangements.
Donc ça a été beaucoup de travail de répétition et là cette année on a changé la formule, on est revenu à deux avec le bassiste qui est aussi au SPD-S et là c’est une formule un peu plus électronique, il y a le parti pris de mettre tous les claviers et les arrangements dans les bandes en playback et ça permet aussi de mettre en avant la production qui était un peu effacée quand il y avait trop de live band alors que là elle est bien mise en valeur.
En plus ça nous permet de tourner un peu plus parce que quand on était quatre musiciens et un technicien sur la route c’était contraignant financièrement, malheureusement on est encore face à ces questions là donc j’ai hâte de pouvoir réintégrer tous les musiciens mais pour le moment il faut que le projet et le nom tourne.
LFB : Le but ce serait de jouer à quatre ou a plus que quatre ?
Praa : Tout peut évoluer, à quatre on se plaisait bien et après à terme, moi je vois plus loin, j’avais adoré le show qu’on a fait aux transmusicales où j’avais des choristes qui était avec moi, trois choristes sur deux titres, j’aimerais les avoir tout le temps parce qu’il y a beaucoup d’arrangements voix, c’est quelque chose de très important pour moi dans ma musique donc évidemment ce serait super, un show à l’américaine quoi !
LFB : J’ai entendu dire que tu apportais un grand soin à la mise en scène, aux lumières sur scène, c’est des choses dans lesquelles tu t’impliques ?
Praa : Oui on a un show light qui a été créée pour les transmusicales justement et j’avais pas mal discuté avec la personne qui a fait la création puisque j’avais des idées, des références et même si c’est génial d’avoir des nouveaux partenaires qui s’agrippent autour du projet, c’est important de jamais lâcher complètement les rennes. Cette personne m’a fait une proposition qui m’a plu et c’est quelque chose que j’ai beaucoup aimé, j’espère revenir avec un show de lumière.
LFB : Je vais rester sur l’esthétique, pour chaque single que tu as sorti tu as fait une pochette spécifique et il y a également un vrai soin apporté à la vidéo, est ce que ça c’est tes influences début des années 90 ou est ce que pour toi c’est important de proposer un univers global plus que simplement de la musique ?
Praa : Oui je pense que l’univers est important, évidemment la musique est le plus important mais je tenais vraiment à avoir quelque chose de global, quelque chose dans lequel les gens puissent rentrer et puis les barrières dont tu parlais, je pense que l’image peut aussi aider à les franchir.
Pour les années 90 j’ai grandi devant des clips comme ceux de Michael Jackson donc ça a toujours été un rêve de gamine de réaliser des clips et de jouer dedans, c’est vraiment quelque chose que je voulais faire parce que c’est trop fun et c’est aussi l’aspect cinéma qui m’attire beaucoup, je pense que si je n’étais pas chanteuse j’aurais tout fait pour être actrice donc c’est un milieu qui m’attire beaucoup et dans lequel j’ai envie d’aller et pour moi c’est aussi un moyen d’y mettre un premier pied.
LFB : Maintenant que tu as sorti ton premier EP, c’est quoi le futur pour Praa ?
Praa : Là j’ai les prochains titres qui sont en préparation et bientôt finis donc il y aura un nouveau titre qui sortira avant la fin de l’année et plusieurs autre sorties dans les prochains mois pour ensuite sortir un EP.
LFB : Tu as aussi sorti un EP de remix, est ce que ça t’intéresse de voir des gens retravailler complètement ta musique ?
Praa : Ouais à fond, je trouve ça trop excitant de voir comment les personnes peuvent s’approprier mes chansons et en faire autre chose, notamment le remix de TAUR où il a vraiment fait une proposition artistique, très personnelle et j’ai adoré, c’était super cool.
LFB : Il y a un artiste que tu aimerais voir remixer un de tes morceaux?
Praa : Je m’étais déjà posé la question, c’est un artiste qui a déjà remixé un titre de Robin, qui s’appelle Joachim et j’aimerais beaucoup travailler avec lui.
LFB : Est ce que tu as des coup de coeur récent que tu aimerais nous faire partager?
Praa : Il y a une artiste que j’adore qui sort enfin son album solo, c’est Caroline Polachek, c’est la chanteuse de Chairlift et je suis une grosse fan de ce groupe et j’attendais cet album avec impatience, elle a sorti pas mal de titres, notamment So Hot you’re hurting my feelings que j’écoute en boucle, d’ailleurs il y a un côté très Shaina Twain que j’adore et donc voilà c’est mon gros coup de coeur du moment.