P’tit Belliveau : « J’utilise ce qui nous arrive à tous dans mon art »

On ne s’en cache pas, sur La Face B on est en amour de la musique de P’tit Belliveau. Alors qu’il a dévoilé cette année son nouvel album, Un homme et son piano, l’occasion était donc idéale pour retrouver Jonah Richard Guimond. L’occasion de parler avec lui de musique, mais surtout d’humanité et du fait qu’au fond, on est tous les mêmes.

La Face B : Salut Jonah, comment ça va ?

Ptit Belliveau : Ca va bien, pis toi ?

LFB : Ca va bien merci. La dernière fois qu’on s’est vus, c’était en décembre. C’était la première fois que tu venais jouer en France. Et je me demandais comment t’avais ressenti l’accueil de ta musique en France ?

P’tit Belliveau : C’est la partie qui m’a le plus surpris je pense, de mon voyage. On ne savait vraiment pas à quoi s’attendre par rapport à la réaction des gens à notre musique. On ne savait pas si ça allait être des étrangers ou bien des fans, ou… on n’avait vraiment aucune idée. On savait pas si ça allait être des salles complet ou comme, il y aurait peut-être 40 personnes, on n’avait aucune idée.

Puis, au moins pour ces deux shows-là – on a encore trois shows qui s’en viennent qui sont encore en point d’interrogation, mais pour les deux shows là-bas, on était vraiment surpris de la bonne manière : c’était surtout des fans, les shows étaient complets, les gens connaissaient les paroles… C’était vraiment bizarre de voir des Français, surtout Parisiens, qui essayaient premièrement de chanter dans mon accent, puis à la fin du show, se rendent compte qu’ils connaissaient mon accent à cause de ma musique.

Que ce n’était pas nécessaire de standardiser, moi je leur parlais comme je parle à n’importe qui de chez nous. Ce qui fait que dans toutes ces façons-là, c’était vraiment des belles surprises tu sais ? Et puis après ça, dans plusieurs façons, j’ai trouvé le voyage difficile, avec les décalages d’horaires, je suis vegan, comme dans Rennes, c’était dur à trouver de la bouffe. On n’est pas habitués que les restaurants ferment. Pour nous, l’heure du souper, c’est comme cinq-six heures, pis c’est justement dans ces heures-là que tu peux rien trouver, sauf des tacos quelque chose. Déjà, je me rends compte que ce séjour ici va beaucoup mieux, parce que je reconnais les particularités de la culture, pis je sais comment m’adapter beaucoup mieux. La première journée, je me suis couché à une bonne heure pour vous comme normale, je suis déjà plus décalé, je mange bien, ça va beaucoup mieux jusqu’à date là, il reste juste à voir comment est-ce que les spectacles y vont aller.

LFB : Et justement, est-ce que ça t’a rassuré sur la nature universelle de ta musique ?

P’tit Belliveau : Je sais pas si on peut dire « universelle » quand on parle juste des Franco-Canadiens et des Français de France, tu sais, il y a quand même, ça doit, certaines similarités qui vont se trouver dans ces peuples, tu sais, on vient tous de la même source, et puis les Acadiens aussi. Moi je n’i aucune idée de cette manière-là, et puis en plus on est toujours comme en développement, tu sais. Les gens qui vont être intéressés dans notre musique à ce stade, c’est plus des jeunes, peut-être qui s’intéressent déjà aux choses un peu éclectiques, j’irais pas loin comme dire « universel ».

Peut-être si je me rends à un autre stade je pourrai juste penser à ça, mais je sens pas qu’on n’en est pas là encore. Mais je pense une chose qui est universelle, c’est juste… le vouloir, l’envie de juste lâcher loose et avoir le fun le samedi soir, tu sais. Ça je pense c’est beaucoup universel, pis… J’ose croire qu’on trouvera ça partout dans le monde, pis c’est toujours notre but d’amplifier cette exacte atmosphère-là, tu sais, de faire un party le samedi soir.

LFB : Là il y a ton nouvel album qui est sorti. Moi j’aime bien parler des titres des albums, et je me demandais ce que ça voulait dire pour toi « Un homme et son piano », parce que j’ai l’impression qu’il y a un certain rapport à la façon dont l’album il a été fait, de la période à laquelle il a été fait.

P’tit Belliveau : Ouais ben justement, sur toute la conception, l’écriture, la production, la réalisation, le graphisme… Tout a été fait durant la pandémie. Et puis même sans la pandémie, je crée de la musique de façon assez seule, assez autonome tu sais, mais encore plus sur cet album-ci, j’ai réalisé moi-même, j’ai peu de musiciens ont embarqué pour le violon, les voix auxiliaires, mandoline un petit peu, but encore moins d’extras musiciens sur ce disque que sur le dernier.

C’était compliqué d’avoir plus de collaborations. J’ai fait beaucoup même de l’enregistrement justement chez nous, dans mon studio. Pas tout, mais la plupart. A part de ça, peu importe, pandémie ou pas, la manière que moi je produis ma musique, c’est comme un gars qui fait des beats de hip hop, tu sais. C’est vraiment un ordinateur, et puis souvent quand on travaille dans des logiciels de musique, la manière la plus commune de jouer tes notes, c’est sur un clavier.

Même si c’est pas toujours des tons de piano, le processus ressemble beaucoup à un homme et son piano. Un homme seul et son piano. Pis je trouvais juste que ça faisait un peu de référence… on dirait que le nom fit aussi pour moi. C’est pas un album qui est triste, but c’est un album qui est moins jovial pis bubblegum que mon dernier. Il y a quand même des moments, but en général, de façon générale, c’est un peu moins. Peut-être ça c’est à cause des temps qu’on vit là, c’était pas trop le fun pour personne.

Mais c’est ça, on dirait que ça faisait juste la suite pour moi, ça avait du sens par rapport à tout ça. But mon prochain disque, ce sera quand même techniquement un homme et son piano, et mon premier, c’était aussi techniquement un homme et son piano. C’est toujours comme ça quand on travaille dans le MIDI et dans l’électro, tu sais. Même si ma musique sonne pas nécessairement comme d’autres types de musique électronique, c’est produit de façon entièrement électronique, tu sais. C’est produit comme une toune de house. C’est juste que le résultat sonne un peu différent.

LFB : Si je te dis que pour moi, c’est un grand album de pop moderne, est-ce que c’est une notion avec laquelle t’es d’accord ?

P’tit Belliveau : Ben premièrement, si tu dis ça, je dis merci. Je pense que c’est le but. Moi la meilleure façon que moi je peux décrire, si on est forcés d’utiliser des termes de genre de musique, je dirais que c’est comme country-pop, tu sais ? Au moins, au Canada, pis aux Etats-Unis, où beaucoup de monde écoute le country, on a un terme qui est « pop-country. » Pis ça va être comme le country moderne qu’on entend sur les radios commerciales de country. Pis c’est un style que beaucoup de monde n’aime pas. Moi, il y en a que j’aime, dans tout ça, moi j’aime tous les styles de musique, tu sais.

LFB : Ouais, c’est ce qu’on avait dit la dernière fois.

P’tit Belliveau : Ouais, exactement. Mais dans le pop-country… C’est comme un des styles que beaucoup, beaucoup de gens n’aiment pas. Tu l’aimes beaucoup ou tu n’aimes pas du tout ça, tu sais. Il y a des Canadiens qui écoutent que ça, pis les autres haïssent ça. Pis, moi je trouve que c’est dommage. Dans beaucoup de façons, j’aimerais introduire les aspects que je trouve vraiment importants du country à les fans qui n’aiment pas vraiment le country, but… De toute façon, ma musique sonne vraiment pas comme du pop-country qu’on entend sur la radio. Moi, au lieu de dire pop-country, moi je dis punk-country pop. C’est plus le côté pop moderne, pis toutes les eras de pop. Les 80, les 60, puis le futur… Moi, je suis juste un fan de pop en général. Donc toutes les pop en général, pis la mentalité pop est vraiment dans ma musique. But il y a quand même la mentalité pis la philosophie country aussi. Pour moi, c’est comme un 50/50 entre les deux, en termes de vision, pis de but. Je trouve que la musique populaire, je ne sais pas comment le monde voit ça en France, mais moi je trouve que la musique populaire, plus que d’autres modes de musique, est beaucoup… Ce n’est pas à propos du son, ce n’est à propos de comme l’intention, pis la philosophie un petit peu, comme. Tu veux que ça soit accessible. Pis parfois dans les modes de musique un peu plus underground, tu veux que ce ne soit pas accessible, tu sais ?

Donc en Amérique du Nord en général, le country et le pop, les deux veulent être accessibles, pis moi je trouve le challenge de créer de l’art qui est honnête, pis vrai, pis important pour moi, et j’espère important pour les autres, quand même dans un contexte d’accessibilité et puis de pop, pour moi c’est vraiment un challenge, le fun, pis intéressant. Moi, j’écoute beaucoup de musique qui est vraiment underground et bizarre pis éclectique, pis j’adore ça. Mais si tu peux avoir quelque chose d’éclectique et bizarre, mais aussi d’accessible en même temps, pour moi ça c’est la plus belle chanson, parce que ça peut toucher plus de monde.

Si on peut comprendre, pis condenser, pis packager un truc éclectique, intéressant, honnête, humain… Si on peut mettre ça dans une façon que Monsieur et Madame Tout-le-monde, que ta tante, que ton grand-père… que tout le monde peut comprendre, je trouve que c’est le plus bel art. Quelque chose qui est à la fois vrai et honnête et artistique, moderne, whatever, ET pour le peuple, tu sais. Souvent, on pense que c’est deux choses très opposées, mais moi je crois que quelque chose qui est dans le milieu, qui est les deux en même temps, c’est… l’idéal. Pis je pense c’est dur à faire, je ne pense pas que j’ai réussi à faire exactement ça encore, but c’est toujours mon but. C’est de rejoindre ces deux côtés-là le plus que je peux.

LFB : Je trouve que sur cet album-là, ça renforce le côté un peu alchemist en fait, tu vois ? De doser des choses qui vont pas forcément ensemble a priori, je trouve que toi, tu le fais hyper naturellement, et que ça sonne super bien, et ce qui est intéressant, c’est que ça donne des chansons avec de vraies variations, mais ça coule de source en fait, tu sais. Ça ne choque jamais en fait, dans tes morceaux. C’est fluide en fait, dans la façon dont tu le fais.

P’tit Belliveau : Ben merci beaucoup. A vrai dire… Je pense qu’on a déjà touché à ça dans l’autre interview, mais pour moi, c’est jute naturel. C’est jamais quelque chose que je pense faire. Je n’ai jamais été capable tant que ça de faire la distinction entre les différents genres. Je peux te les expliquer, pis je peux dire : OK, ça c’est du funk, pis ça c’est du rap, pis… Comme, bien sûr, de façon intellectuelle, je connais les concepts, but quand ça vient la création, je ne pense jamais à ça, tu sais. C’est juste des sons que je connais, pis… Moi je vais jamais oser de ressortir une influence que je ne connais pas. Comme, je vais jamais penser : « Oh, y’a un nouveau style qui vient tout juste de sortir, pis c’est vraiment hot, pis tout le monde aime ça, pis c’est en vogue d’être là »… Si moi je ne connais pas le son, pis je ne respecte pas le son, je ne vais jamais le toucher,. Les influences que j’utilise… je n’ai pas l’intention de les utiliser, but si je les utilise, ça veut dire que je les connais vraiment bien, et que je les respecte, pis je me sens à l’aise de les utiliser comme des blocs de Lego, comme des inspirations. Si je ne connais pas ça, je me sens comme si… Il y a un manque de respect dans ça, si on utilise juste ça à cause que c’est cool pis pas à cause qu’on aime ça… Le monde ont le droit de faire ce qu’ils veulent, mais moi personnellement, je trouve que c’est mal de s’inspirer des aspects culturels quand on ne les connaît pas. En faisant ça, je pense qu’on les… on les abaisse. Je veux juste utiliser des trucs que je connais bien pis que je respecte.

LFB : Et justement, en parlant de styles et tout ça, est-ce que ça t’a amusé aussi de jouer avec la ligne du kitch ? Tu sais, d’avoir des choses justement un peu kitch, mais de jamais traverser la ligne du mauvais goût, entre guillemets, sur l’album ?

P’tit Belliveau : Ben premièrement, mauvais goût, pour moi ça n’existe pas. En anglais, y’a un terme, « cheesy », par exemple. Et je hais les termes comme ça. Tellement, tellement. Comme… Je sais pas pourquoi, mais ça… Le moment que quelqu’un me dit que quelque chose est cheesy, je me dis : Il faut que je l’utilise de manière pour que cette personne-là aime ça. Par exemple, on dit que t’achète un nouveau clavier, pis tu checkes tous les sons, pis y’a un son que ton ami va : « Oh, je pourrai jamais utiliser ce son-là », ben c’est ce son-là que je vais utiliser. Je vais prouver que c’est possible, tu sais. Les sons qu’on sous-estime, c’est les sons que je veux mettre en valeur. Pis justement, ces sons-là vont être kitch pour les autres, but moi je ne le vois pas comme ça, je pense jamais en termes de kitch, et de cheesy et tout ça. C’est jamais une question que je me pose, tu sais. Les autres posent la question, pis c’est ça qui va me donner cet éclairage-là, qui va me motiver à parfois utiliser certains sons.

LFB : C’est un défi, quoi.

P’tit Belliveau : Un petit peu, mais je nevais pas non plus utiliser un son que je n’aime pas. Comme, j’aime réellement le son, pis c’est pour ça que ça me fait… Pourquoi est-ce qu’on se moque… N’importe quoi peut être beau, tu sais ? Comment est-ce qu’un son pourrait possiblement jamais être beau ? Comment est-ce que ça c’est possible, comme, surtout, avec tous les outils digitaux qu’on a dans les ordinateurs pour manipuler des sons, comment est-ce qu’on pourrait possiblement se moquer d’un son, pis rouler ses yeux, pis dire qu’on va jamais l’utiliser ? Pour moi, c’est impossible d’imaginer qu’il y a un son comme ça qui existe, tu sais ? Même un homme qui tape son pouce avec un marteau pis qui fait « Ahhh ! », tu peux tourner ça dans la musique, c’est tout de la musique. Comme moi, au début de mon grand grand intérêt avec la musique, j’étais en train de sampler des vinyles, tu sais ? Je trouvais des vinyles, comme, je sais pas, pour vous « friperies », c’est où est-ce qu’on achète du linge usagé ?

LFB : Ouais, les friperies, ouais ouais.

P’tit Belliveau : J’allais à la friperie locale, pis j’achetais des vieux vinyles aléatoires, je ne connaissais même pas. Je trouvais des petits blocs, pis j’étais comme… Le début de ma musique, c’est de prendre des morceaux de musique qui sont pas comme je les veux, pis il faut que je les utilise pour créer quelque chose d’autre. Comme, il faut que je transforme pis que je m’arrange avec la qualité que j’ai là, pis que je transforme ça, comme. Ça, c’est mon point de départ dans mon grand, grand intérêt avec la musique. J’étais quand même musicien avant, mais c’était comme dans cette expérimentation-là que j’ai vraiment attrapé la bug d’adorer ça. Pis c’est encore toujours ce que je fais, on peut aller dans toutes sortes de directions… pis je trouve ça insultant quand le monde appelle ça ou ça « kitch », pis… Souvent, même, quand on parle de cheesy pis kitch, on utilise ça comme… Nous, on est quelqu’un de jeune et smart et hip, pis on dit ça à propos de quelqu’un qui est en train d’être vraiment vrai dans les émotions, quelqu’un qui ferme les yeux, pis qui chante du coeur, on va se moquer d’eux.

LFB : Ouais, il y a une forme de mépris en fait.

P’tit Belliveau : Pis moi, je trouve ça vraiment insultant, comme eux, ils sont vraiment en train de vivre quelque chose de vrai. Parfois, tu vois quelqu’un faire ça pis tu reconnais que c’est pas vrai, pis que c’est performé, but… Le monde vont souvent dire ça quand même quand c’est la vraie émotion.

Avec combien moderne qu’on veut être, surtout les jeunes, on veut tellement détruire toutes les traditions qu’on ne se pose jamais la question de si la tradition était bonne ou pas, c’est juste que si c’est une tradition, on détruit, toujours, toujours. Pis souvent, c’est très nécessaire, but quand ça vient à beaucoup de trucs dans la musique, on fait en sorte qu’on est beaucoup moins vrais, pis du coeur, émotionnels, quand on fait ça, parce qu’on a toujours peur d’avoir l’air trop cheesy à nos amis, ou au peuple, ou… Et je trouve que c’est juste trop dommage, tout ça.

LFB : Mais c’est un peu ce que tu dis dans Jfeel comme un alien  à un certain moment, tu vois. On a l’impression que les gens te demandent d’être vrai, mais quand t’es vrai, ils trouvent toujours quelque chose à redire en fait.

P’tit Belliveau : Ouais, ouais. Exactement. Ben souvent, les gens ne savent pas ce qu’ils veulent vraiment. On est tous coupables de ça, moi aussi. On est vraiment bons à s’auto-mentir, tu sais, dans notre propre tête. Mais c’est sûr que ce que le monde dit qu’ils veulent, pis ce que le monde veut pour de vrai, c’est de choses très différentes, tu sais.

LFB : Et justement, au niveau du sens de l’album, des paroles, tout ça… J’ai l’impression que tu es allé chercher beaucoup plus d’émotions en toi, et quelque chose de plus profond en fait sur ta personne que ce que tu avais pu faire avant.

P’tit Belliveau : Ouais, et pis en général, c’est juste à cause que je pouvais pas trouver de l’inspiration du monde réel, à cause que je n’étais pas dans le monde réel. Pour la plupart, je participais à rien, comme tout le monde d’autre, j’étais chez nous. Ca fait que la seule inspiration que j’avais, c’est des expériences que j’ai déjà eues. So, fallait creuser un petit peu plus creux. Fallait faire un trou un petit peu plus creux pour trouver quelque chose, au lieu de juste trouver des choses de tous les jours, en général.

Je ne trouve pas nécessairement que c’est beaucoup plus émotionnel, je trouve juste que ce côté-là est un peu moins subtil dans ces chansons-là. Comme pour moi, même une chanson un petit peu plus humoristique, comme Income Tax, il y a quand même, dans mon intention… il y a quand même quelque chose d’émotionnel dans tout ça. Moi j’étais très pauvre avant, tu sais, comme quand je travaillais à ma propre job de charpenterie. Quand 200 dollars tombaient du ciel, ça changeait ma vie pour une semaine, tu sais ? Comme, il y a quelque chose de triste dans le propos de la chanson. Que deux, trois cent pièces changent la vie à tout nous autres, c’est triste, tu sais. Je voulais juste que tu réalises ça, pis pas que t’y penses beaucoup, but quand j’écrivais la chanson, je pensais à tout ça. Un petit peu, tu sais. Toutes mes chansons ont ce côté-là, c’est juste parfois, je décide de mettre plus de lumières sur un aspect de la chanson que l’autre.

Pis sur Income Tax, c’est plus l’ambiance de party, de danser et tout, et bien sûr, c’est ça que je veux, mais dans cet album-ci, il y a souvent des chansons que j’ai choisi de mettre plus un spotlight sur l’aspect intime, émotionnel, but de mon point de vue, ça a toujours été un côté qui existe, dans toutes mes chansons. C’est juste que je ne veux pas pas nécessairement que toutes mes chansons, ça te fasse la tête avec ce concept aussi.

LFB : Moi je parle de musique de strates en fait. C’est-à-dire que quand tu écoutes tes chansons, plus tu creuses, plus t’écoutes, et plus tu trouves des choses différentes à chaque fois.

P’tit Belliveau : Ben merci beaucoup, c’est certainement le but. Pis j’essaie toujours d’écrire mes trucs pas vagues, mais comme… ouverts assez pour que tu puisses te poser des questions et te trouver tes propres réponses. Parfois même dans des entrevues, je n’aime pas aller trop loin non plus, pour ne pas ruiner ce côté-là. Je dis pas que mes chansons sont tellement complexes qu’il faut les écouter douze fois, but en même temps, j’essaie juste de faire paraître que c’est comme… surface, pis beaucoup se passe en surface dans mes chansons, c’est voulu, but je veux toujours qu’il y ait un petit peu au moins en-dessous, pour se faire poser une question ou deux.

Je trouve que la meilleure façon de changer les opinions des gens, ou de donner un conseil à quelqu’un, c’est de le faire croire qu’ils se sont rendus là eux-mêmes, tu sais ? Souvent, je ne vais jamais faire la morale, but si j’ai quelque chose dans mon cœur que je pense qui est important pour les gens à entendre, je vais jamais le dire, je vais essayer de leur faire se poser la question.

LFB : Ouais, c’est clairement faussement naïf en fait, tu vois. On pourrait penser que c’est comme ça, mais en fait dès que tu creuse c’est toujours ouvert vers l’autre. Toutes tes chansons, même J’feel comme un alien, même Demain, des choses qui peuvent paraître simples comme ça, c’est toujours ouvert vers les autres, pour qu’ils s’interrogent eux . Des choses auxquelles tout le monde peut se raccrocher en fait, dans ce que tu racontes. Même si ça parle de toi à la base.

P’tit Belliveau : Ouais, ben c’est certainement l’intention. Il faut que ça soit de mon coeur pis honnête pis personnel pour moi, but il y a une manière d’écrire à propos de ces trucs qu’on peut tous comprendre.*

Je pense qu’on surestime à quel point on est différents dans les différents peuples, les cultures… Il y a tellement d’expériences qui sont juste humaines. Comme, vraiment vraiment universelles, tu sais ? Bien sûr, il y a toujours des exceptions, but comme de façon grandement générale, il y a plein plein plein d’aspects de la condition humaine qui sont universels, tu sais. Pis même 3000 ans passés, même 10 000 ans passés, il y a des trucs qu’ont toujours été comme ça, tu sais. Et pis on aime tout le temps croire que notre pays et notre communauté et notre temps dans l’’histoire humaine est unique, pis là c’est un temps spécial où il y a des choses spéciales qui se passent.

Dans certaines façons, ça c’est toujours vrai, but dans beaucoup de façons… Ca paraît pas plus loin de la vérité, tu sais. Il y a tellement de trucs qui arrivent à tout le monde, pis qu’on connaît tous, J’essaie de mon mieux de trouver des exemples de ça, pis d’essayer d’utiliser ça dans mon art.

LFB : Ouais, c’est ce qu’on disait au début quoi, le plus important, c’est de transmettre des émotions en fait.

P’tit Belliveau : Exactement. Sauf pour les psychopathes qui sont pas capables d’émotions, on connaît tous les mêmes émotions, tu sais. La rage, c’est de la rage. Et de la tristesse, c’est de la tristesse. Et de la joie, c’est de la joie, et de l’amour, c’est de l’amour. Tu sais ? Que ce soit en Allemagne ou en Algérie, c’est la même chose, tu sais ?

LFB : Clairement.

P’tit Belliveau : Pis c’était la même chose 10 000 ans passés.

LFB : J’ai encore quelques questions. J’aimerais te parler de tes clips et de tes visuels. Moi, j’aime beaucoup tes clips, je les trouve hyper weird par moments…

P’tit Belliveau : Ben merci.

LFB : Et je me demandais comment tu travaillais, comment tu t’impliquais sur des vidéos en fait.

P’tit Belliveau : Ben y’a des vidéos que j’ai faites moi-même dans le passé, pis sur ce disque, j’ai fait John Deere moi-même… But en général, quand je peux me le permettre, j’aime plus travailler avec des artistes. Pis en général, c’est aussi simple que : je trouve un artiste que j’aime bien, pis je lui donne carte blanche. Tu sais, je ne veux juste pas que ça soit offensif ou quoi que ce soit, je veux pas que ça soit… méchant.

Bien sûr, je vais jamais choisir un artiste que j’ai même peur de ça, tu sais ? Je lui fais confiance, pis je suis jamais déçu, j’ai jamais été déçu jusqu’à date. Moi, je suis tellement reconnaissant de l’internet dans ma vie, tu sais… Juste, comment l’internet pis les ordinateurs et tout peuvent être horribles, pis ça peut être une mauvaise force, ça peut aussi être une force incroyablement puissante, pis beau, pis plein de passion. Les humains, on est social, tu sais. On veut connecter avec des gens, pis l’internet, c’est incroyable de ce point de vue-là, pis pour la collaboration aussi.

Je dépense beaucoup de temps à découvrir des artistes, des graphistes, des vidéographes ou qui que ce soit, sur l’internet. Pis quand c’est le temps pour faire de nouveaux clips, ou faire de nouveaux t-shirts, ou pour avoir une nouvelle pochette, tu sais, comme… J’ai plein de différents artistes que j’ai sur ma liste que j’aimerais travailler avec un jour, pis… Dépendant de la chanson, j’ai toujours un bon choix à trouver, tu sais.

LFB : J’ai vu que t’avais déjà deux concerts complets à Montréal. T’en as un troisième qui est annoncé pour l’année prochaine sur la même salle.

P’tit Belliveau : Oui.

LFB : Comment tu te sens par rapport à ça, et comment tu vois l’avenir avec cet album-là, qui risque d’avoir une vie un peu plus étoffée au niveau de la tournée et tout ça ?

P’tit Belliveau : Ben je veux dire… C’est sûr que ça me touche beaucoup. Je ne vais jamais arrêter de me sentir chanceux d’être où est-ce que je suis, tu sais. Là que je fais beaucoup de tournée, il y a des aspects de la tournée que je trouve difficiles. Tu sais, comme, être loin de ma famille et pis de ma maison, c’est dur.

Moi, j’ai déjà travaillé très dur dans ma vie, soit à la musique ou soit dans la construction, j’ai toujours travaillé dur, depuis dans ma vie adulte, tu sais. Pis quand j’arrivais à la maison après ma job de construction, j’étais vraiment vraiment fatigué, de façon physique, j’avais rien, tu sais. Mais la tournée, ça fatigue d’une façon complètement différente, mais autant puissant quand même, juste d’une différente manière.

Pis parfois je m’attrape à ne pas apprécier à quel point je suis chanceux de pouvoir faire tout ça, tu sais. Faut que je me rappelle à quel point je suis chanceux de faire tout ça, à cause que… Je suis capable de faire la chose que j’aime le plus, pour le plus de temps raisonnablement possible. Je deserve pas ça, tu sais, c’est incroyable, et pis… Au Québec, pis à la France, j’entends tellement d’histoires d’autres artistes, que… « Oh, les Québécois sont pas gentils, les Français sont pas gentils… Ils vont se moquer de ton accent. » comme, ça arrive parfois, mais c’est tellement pas mon expérience en général.

e me sens vraiment comme c’est mes cousins pis mes cousines. Pis je dis pas juste ça pour être mignon. Je le ressens. Quand je parle à des gens de d’autres cultures, je les aime, but il y a une connexion spéciale dans le monde des Québécois pis des Français, pis je trouve ça encore plus beau. à cause qu’on a l’impression que ça va mal aller, quand ça va bien, tu sais ? So, d’aller à Montréal, une grande ville où je connais personne, pis que… Tu sais, on est 900 dans la même salle ensemble avec le même but de juste avoir le fun.

Ca me touche tellement, pis… comme justement on disait, ils payent leurs 20 pièces pour me voir, moi. Qui est-ce que moi je suis ? Pourquoi est-ce que moi je deserve ça ? Ça ne fait même pas de sens, je ne comprends même pas pourquoi. Je mets beaucoup beaucoup de temps pis d’effort dans tout ça, pis comme, de voir tout ça porter fruit, ça me rend tellement ému. Je ne sais pas, à chaque fois qu’on est dans une salle qui est pleine, que ça soit une petite salle d’une petite place, pis c’est 100 personnes, pis c’est complet, à Montréal ou où que ce soit, ça me touche toujours le même montant, pis… Je pense pas que c’est quelque chose qui va jamais changer, tu sais. Si un jour c’est 2000, ou 3000, ou plus, je pense pas que ça va changer, tu sais. C’est… c’est juste incroyable.

LFB : Et du coup, est-ce que tu te sens moins comme un alien avec tout ça ?

P’tit Belliveau : Quand je joue de la musique sur l’estrade, c’est un des moments que je me sens pas comme un alien. Pis ustement, dans la chanson, les deux couplets en anglais, c’est pour montrer deux exemples de quand est-ce que je me sens pas comme un alien : c’est sur l’estrade ou avec ma blonde. Pis bien sûr, y’en a d’autres, mais ça c’est deux exemples de quand je me sens complètement normal. Etre sur l’estrade avec 900 de mes autres aliens, avec de nouveau tous le même but : de juste être contents ensemble. C’est un des rares moments où je me sens complètement normal… Ça m’a donné une effusion de juste en parler, tu sais ? Ça fait du bien, je sais pas quoi dire. Il n’y a personne qui est normal, pis moi je sais pas à quel point les autres se sentent des aliens, mais tout ce que moi je sais, c’est que moi je me suis souvent senti bizarre dans le monde, et pis encore plus quand je vais dans d’autres pays, tu sais… Tout le monde a des différentes coutumes, et je me sens juste toujours bizarre. De se sentir normal pour une heure à la fois, c’est spécial.

Crédit Photos : David Tabary

Retrouvez notre premier entretien avec P’tit Belliveau par ici