Un an après la sortie d’un double single, la jeune américaine Romy Mars semble sonner un retour bien rodé et grandiloquent. Avec A-Lister, elle a commencé à faire parler d’elle. Rapidement les chiffres se sont envolés, Charli XCX s’en est emparé et a fait suivre une trends TikTok reprenant les mélodies addictives du titre. Un torrent virtuel qui a suffit à alerter les oreilles les plus curieuses faisant de Romy Mars, l’une des potentielles sensations de cette année. On va sûrement détester l’adorer ou adorer la détester mais il est nécessaire de comprendre pourquoi, à 18 ans et avec seulement trois singles, elle affole déjà le monde de la pop.

A l’heure où la musique pop continue de dicter la mesure, à l’aide de figures devenues incontournables telles que Charli XCX ou Taylor Swift qui ont animé l’année 2024 avec outrance, des projets plus confidentiels et protéiformes se développent. Parmi eux, ont peut citer oklou et ses inspirations électroniques, ou encore Faye Webster et sa réactualisation de la folk et de la country. S’il y a un gap générationnel entre les têtes d’affiches citées et Romy Mars, elles partagent pourtant plus d’un point commun. Parmi eux, on peut noter une convergence des milieux exacerbée par les réseaux sociaux et plus globalement les nombreuses opportunités que permet Internet. Nourries de mode, de cinéma, de musiques et gravitant dans ces cercles artistiques, elles veulent TOUT faire.
Si pour Charli XCX cela aura prit du temps (et un budget marketing exorbitant), pour Romy Mars le départ dans les industries culturelles a été un peu favorisé par son climat familial. A l’âge de treize ans elle fait ses premiers pas de modèle chez Marc Jacobs. Cependant cette aventure l’a fera moins connaitre que le TikTok qu’elle publiera trois ans plus tard. Agée alors de 16 ans, elle se filme faisant la recette trendy du moment, des pates à la vodka tout en expliquant une dispute familiale avec ses parents. Jusque là rien d’anormal sur la plateforme. Sauf que, l’adolescente en question n’est nulle autre que la fille de Sofia Coppola (réalisatrice) et Thomas Mars (leader du groupe Phoenix). Ces derniers s’empressent de supprimer la vidéo, mais la découverte d’une nouvelle népo-baby qui n’a pas peur de s’affirmer affole une partie de la toile.

En étant issue de l’union d’un chanteur de renommé et d’une réalisatrice elle-même déjà fille d’un père bien installé dans le paysage culturel américain (le réalisateur Francis Ford Coppola), Romy Mars semble être l’incarnation même du népotisme. Après avoir profité des relations privilégiées de sa mère pour défiler très tôt pour Marc Jacobs, elle figure à l’affiche de Megalopolis, le dernier grandiloquent, mais surtout mégalomaniaque spectacle visuel de son grand-père. Non moins rassasiée de ces expériences, c’est dans une nouvelle branche artistique qu’elle s’épanouit désormais : la musique. Alors non, cette dernière n’est pas produite par son père et s’en approche que vaguement par un côté pop lumineux et quelques effets de voix aux inspirations 90’s. Elle est construite avec l’aide de Claud, artiste de Chicago présenté par Jack Antonoff architecte de la pop moderne connu notamment pour ses travaux sur la musique de Taylor Swift.
Certes, on est loin d’un parcours accidenté fait d’embûches, de patience, de larmes et de sueur. Si ces routes sinueuses peuvent enrichir les récits des interprètes, il n’est pas une nécessité pour se raconter. A l’inverse, la jeune Romy, joue de ses privilèges pour les raconter avec légèreté, ironie et une certaine conscience d’elle-même qui peut étonner. Loin des clichés qui voudraient que ces enfants de célébrités n’auraient rien à raconter, elle reste dans la lignée de ce que sa mère transmet au cinéma : la vie d’une jeune femme enfermée contre son gré dans une prison dorée dès le plus jeune âge. Même si cela peut être fait avec une certaine maladresse, il est intéressant d’ouvrir ce prisme et de décortiquer les impacts du népotisme sur la construction de jeunes adolescent.e.s en pleine construction face au monde qui les entoure. Encore plus à l’heure de la surexposition médiatique des réseaux sociaux.
« It’s hard to fake it
I should just say it
You know I’m tired of the same old thing
I crave something new
I know it’s wrong to wish for something that’ll never be true
I hold it sacred
I shouldn’t waste it »Romy Mars – From a Distance
Pour comprendre un peu plus la jeune artiste, il est bon de faire un saut dans le temps, en 1972. L’année où sort Le Parrain, film réalisé par Francis Ford Coppola. On y voit, dans la scène mythique du baptême la jeune Domino. Métaphoriquement, on pourrait y voir là aussi une profession de foi puisque ce bébé n’est nul autre que Sofia Coppola, la fille du réalisateur.
Après des expériences dans la mode, chez Chanel et une passion pour la photographie, elle se lance à l’orée des années 2000 en tant que réalisatrice signant un succès d’entrée avec son premier long-métrage : The Virgin Suicides. En racontant le quotidien des soeurs Lisbon confinées dans un domicile aux allures de prison dorée par leurs parents, Sofia fait de son népotisme, un élément central du film et de ceux à venir. Elle continue de décliner son récit de vie avec des personnages féminins aussi puissants que mélancoliques à l’image du récent Priscillia (sortie au début de l’année 2024). Elle s’y intéresse à l’histoire de la femme d’Elvis Presley, plus jeune que le Roi de Memphis et enfermée par ce dernier dans les rêves fumeux du luxe et de la célébrité.
Si on peut reprocher à son cinéma un certain centrisme sur un milieu blanc et bourgeois manquant de représentativité, il est intéressant de prendre du recul et de comprendre dans quel climat elle a pu grandir. En vivant de l’intérieur ces histoires, elle ne fait que dépeindre sa réalité à travers le médium de sa caméra. Tout comme sa fille l’a fait par le biais d’un micro.
A l’heure où le libéralisme exacerbé tente de promouvoir une certaine idée de la méritocratie. Il rend, par conséquent, la position de népo-baby honteuse. Pourtant, Romy l’embrasse sans aucune hésitation. Elle affiche la fierté qu’elle porte envers ses parents sur ses réseaux sociaux.
Si la filiation entre la mère et la fille est notable, cette dernière ne semble pas avoir été façonnée de toute pièce. Déjà parce qu’il y a un fossé de générations entre les deux femmes et surtout parce qu’il y a une volonté claire de s’émanciper de la figure familiale. Le ton est différent, la mélancolie rêveuse de la mère s’évapore pour laisser place à une nonchalance désabusée qui transparait dans les choix mélodiques de la fille. Là où l’on pourrait imaginer que Sofia Coppola aurait souffert de sa condition, Romy semble l’avoir intériorisée, comprise et appréciée dans son spectre le plus large.
Pour faire un parallèle qui fera plaisir aux fans les plus assidus de la fratrie. Romy c’est plutôt l’une des pestes de Lick The Star (premier court-métrage de Sofia Coppola) que l’une des soeurs Lisbon.

C’est pour toutes ces raisons qu’en dehors de la simple filiation familiale, il faudra surement compter sur Romy Mars pour égayer les années pop à venir.
Plus abouti que ses deux premiers singles tout en y gardant le même fil musical : une pop atmosphérique et lumineuse, A-Lister est apparu comme le petit ovni pop de ce milieu d’année. Mélodies addictives et lumineuses, phrasé nonchalant, bridge puissant, le morceau sonne comme une ode douce-amère sur le star-système avec les yeux et la candeur d’une jeune fille entrant à peine dans la vie d’adulte.
Les relations amoureuses prennent aussi une place importante de sa musique. Sur son dernier single Ego elle y raconte le récit d’une reconstruction plaçant l’amour autant comme un bienfait pour sa construction personnelle que comme un déclencheur d’autodestruction.
Du côté du visuel, Romy Mars déploie une esthétique vintage entre grains rétro et couleurs flashy. Un pont entre les années 90’s et 2010 assez étonnant pour une artiste qui est née en 2006…
Il sera intéressant de continuer à voir comment elle arrivera à décliner son récit sur plusieurs singles sans tomber dans la lassitude et les stéréotypes avec lesquels elle peut flirter par moment. En attendant, il reste difficile de ne pas s’attacher à cette figure pop assumée.