Ramó, le Grand Naïf dont on a besoin

En 2018, on faisait la rencontre d’un drôle d’oiseau au pelage pop et électronique. Ramó nous chantait alors « tout ira bien » et on avait envie d’y croire. L’avenir est malgré devenu un peu plus sombre que prévu, mais l’on se raccrochait tout de même aux branches musicales qu’il nous tendait ici et là. Une musique tout à la fois énergique et douce, solaire mais pleine de lucidité qu’il développait en 3 EPs entre 2018 et 2021. Depuis, Ramó s’était un peu caché dans son nid pour nous préparer la prochaine étape : un premier album. Et ce Grand Naïf est définitivement le grand bol d’air pop dont on a besoin.

Des bruits du monde et de la nature, des sonorités étranges comme un orchestre qui se prépare pour élancer le grand mouvement, puis la voix de Ramó qui émerge, comme un disque un peu rayé qui semble avoir été laissé là depuis la nuit des temps, venant d’une époque qui semble loin derrière nous.

En une introduction de moins d’une minute, Ramó nous rappelle les composantes qui font sa musique : un univers parallèle, un monde qui se rapproche du notre et qui pourrait sans doute prévoir le futur d’ici quelques siècles. On entre donc dans cette pop post-apocalyptique qui semble nous prévenir du monde autant que de nous rappeler ce que l’on a et que l’on doit chérir. En 39 secondes étranges, tout ce que semble être Grand Naïf se joue devant nous.

En douceur, comme un animal musical un peu craintif, Ramó sort donc de la pénombre en douceur et en tendresse avec Brèches. Dans les craquelures du béton, il fait percer la lumière, déverse sa douceur et nous offre un titre qui mêle des notes synthétiques, des boucles vocales et un spoken-word chaleureux qui s’envole sans forcer sur les refrains. Un bol d’air, un monde imparfait mais qui nous convient si bien.

Des bosses et des bleus continue le chemin, observateur du monde et de ces grands naïfs dont il fait partie. Ceux qui portent en eux l’expérience de la vie mais qui n’ont jamais rejeté leur âme d’enfant, qui laissent vivre en eux une naïveté de tous les instants, qui s’accordent le droit au bonheur alors que s’élève au loin des notes de trompettes.

Une transmission du combat pour le bonheur et la résilience qui continue d’évoluer dans un Mantra qui se veut plus enlevé. Ce morceau cristallise sans aucun doute tout le travail de Ramó depuis bientôt 10 ans : voir dans la musique une formule sacrée, une répétition à la fois musicale et de mots qui transforment les idées en quelques choses de tangible.

Le corps et le cœur se mettent alors à danser et finissent, à travers ce morceau presque chamanique, à trouver une onde d’expression commune avec l’esprit. Un mantra qui résonne partout et qui fait du bien, laissant vibrer un montage sonore absolument merveilleux.

S’amusant du contrepieds, Ramó se décide pourtant à ralentir le rythme, pour nous chanter la Dolce Vita. Une fuite les cheveux au vent, l’amour et le bonheur d’être avec l’autre pour un morceau lancinant et en clair-obscur. Trouver la lumière dans le clair-obscur, faire fuir les pensées sombres dans l’amour et dans les yeux de l’ombre. Une promenade pop qui annonce pourtant l’arrivée d’un drôle de vent.

Car oui, Sirocco débarque, accompagné par la suite d’En Fleurs. Deux morceaux placés en plein cœur de l’album comme une pulsation d’énergie, un emballement bienvenu et une sensation du tout possible qui frappe et nous entraîne. Les émotions se retrouvent ici décuplées, assumées sans pour autant forcer l’emphase. Un étrange équilibre qui nous pousse à rejoindre la danse de Ramó.

Cela tombe bien, puisque débarque Pourquoi on est ici ? Une grande question pour un superbe morceau. Face à cette question absurde, la réponse se trouve dans les interlignes, au centre des mots d’enfants qui viennent accompagner Ramó. Il faut chercher le bonheur et le chérir, sans chercher forcément à y poser des mots et à l’interpréter plus que nécessaire. C’est là le chemin pour devenir un Grand Naïf. Créer un chemin, au-delà du sens et de la réalité parfois trop prenante du monde.

Pourquoi on est ici ? est une accumulation de questions sans réponses car les réponses n’ont pas autant d’importance que le chemin parcouru et qui se termine par une sentence qui, elle, ne prête pas au questionnement : c’est l’Amour qui guide tout.

Bien réveillés, nous n’avons décidément Pas Sommeil. Morceau insomniaque, mélopée synthétique qui laisse exploser les fantasmes du sommeil qui s’échappe. Le cœur s’emballe car l’amour est présent et qu’il occupe toutes les pensées, peu importe le lieu, l’endroit et l’heure qui se dissipent sur le réveil. Une nouvelle élévation spirituelle et dansante qui charme dans une sorte de post-pop merveilleuse.

L’album arrive dans son dernier tiers et semble ralentir le chemin pour nous amener vers la destination. Connexion inattendue mais pourtant logique, on retrouve Maison Pierō Au bord du vide. Une chanson à deux voix, qui tisse un onirisme bienvenu, un échange humain et musical entre deux personnes qui cherchent à se comprendre et se rassembler, qui unissent la différence des regards autour d’un morceau plus sombre qu’il ne veut bien le montrer.

Tenir et Loin des phares viennent terminer l’aventure. Des appels à la résilience et à la communauté, à vivre en se créant une bulle, un endroit qui nous ressemble en y acceptant ceux qui nous font du bien et qui portent en eux la tendresse, l’amour et la volonté de combat qui fait vibrer les grands naïfs. Avec ce premier long format, Ramó cristallise à merveille tout le travail sonore d’une vie. Ce Grand Naïf nous fait du bien, il nous invite à danser, rire, rêver, pleurer aussi. Il nous pousse à croire en demain, à voir l’ailleurs et la lumière dans les fissures d’un monde parfois trop dur et violent. À la fin de l’écoute, on a envie de revenir à ce que Ramó nous avait promis lors de notre première rencontre : peut-être qu’effectivement, tout ira bien

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