Aller au delà des apparences. Lorsque l’on voit Aime Simone, on imagine tout sauf ce qu’il a à nous offrir. Et puis on écoute sa musique et on y voit ce combat contre la noirceur, la recherche de la lumière et l’énergie, toujours, qui contamine. À l’occasion de son passage aux Francofolies de La Rochelle, on a eu le plaisir de se poser pour discuter avec lui. Rencontre avec un artiste qui ne cherche qu’à (vous) surprendre.
La Face B : Comment ça va ?
Aime Simone : Ca va, merci, ça va bien et toi ?
La Face B : Ça va bien. Tu viens de jouer aux Francos, tu as fait ton Point Éphémère, tuas joué à Beauregard… Je me demandais comment se passait la rencontre avec ton public.
Aime Simone : C’est un public différent déjà dans chaque date que t’as mentionné. Beauregard, les Francos, ce n’est pas un public qui m’attend forcément, ce n’est pas un public qui me connaît forcément. Alors qu’au Point Éphémère c’était des gens qui connaissaient déjà, qui étaient déjà fans, qui sont venus me voir moi réellement. Les rencontres se passent bien. Miraculeusement bien. Même les gens qui ne me connaissent pas, au final, j’arrive à les convaincre. J’ai l’impression. Je rencontre des gens qui sont intéressés par ce que je fais, il y en a qui sont touchés aussi. Ça se passe très bien.
La Face B : Je t’ai déjà vu plusieurs fois en live et j’ai trouvé qu’il y avait une vraie explosion d’énergie, comme si tu relâchais tout ce que t’avais en toi à chaque fois que tu montais sur scène.
Aime Simone : C’est vrai, ouais j’essaye de sortir ce qu’il y a en moi à la fois émotionnellement et aussi très physiquement. Tu vois, il y a ce côté d’intensité émotionnelle, du chant, de la voix, du rapport avec le public et il y a des moments plus physiques où je saute, où je kick… Ce genre de choses.
La Face B : Du coup, je me demandais, avec tout ce que tu racontes et ce que tu fais sur scène, si ce n’était pas trop dur pour toi d’être tout seul ?
Aime Simone : Non, au contraire, c’est un choix qui est super important pour moi. Parce que j’ai l’impression que quand je suis seul, je peux mettre en avant une forme d’intimité et une sorte de force, de confiance en soi. Ça m’oblige à avancer dans deux extrêmes et quelque part c’est plus difficile parce que si je fais une erreur, il n’y a personne pour me rattraper et pour distraire l’attention mais en même temps, je reçois toute l’énergie.
Toute l’énergie du public, elle va être dirigée directement à moi. J’ai l’impression de recevoir encore plus d’énergie que si on était 5 sur scène. Ça serait plus dispersé. Donc moi, c’est un choix que je fais comme ça et les artistes qui m’inspirent sont seuls sur scène aussi. Par exemple The Weeknd, ou même Kanye West. Ce sont des artistes qui sont souvent seuls et qui ont presque une approche théâtrale, ils mettent en avant une forme de scénographie et la performance, l’émotion et la relation avec le public. Il n’y a pas d’artifice, tout va dans une même direction.
La Face B : Et justement, quand tu sors de scène, tu es plus épuisé ou tu es juste nourri par ce qu’on t’a donné ?
Aime Simone : Je suis plus nourri ouais. Beaucoup plus nourri. Je peux être fatigué physiquement et vocalement mais je ne suis pas épuisé moralement, tu vois ce que je veux dire. En réalité, ça me nourrit ce rapport au public.
La Face B : Je vais revenir sur ton album qui est sorti en 2020 et qui vient de sortir en physique cette année. Moi quand je l’écoute, j’ai la sensation que c’est un album qui est ancré dans une période très spécifique de ta vie. Je me demandais comment tu le vivais cet album-là, comment tu vivais avec ces chansons-là deux ans après et de enfin pouvoir le défendre sur scène ?
Aime Simone : C’est marrant, quand il est sorti en 2020, l’album était dans un certain état. Soniquement et même vocalement. Il y a le fait aujourd’hui de toujours jouer. J’ai beaucoup évolué pendant ces deux dernières années donc j’ai l’impression que ce n’est presque même plus les mêmes morceaux en fait. En termes de voix, je me suis beaucoup entraîné, j’ai beaucoup travaillé. Je n’ai plus la même voix en fait aujourd’hui. J’ai une voix plus forte, plus droite, plus solide. Avant, j’étais plus frêle et vulnérable. J’ai l’impression aussi que le fait d’avoir travaillé les morceaux pour le live, je les ai remixés pour le live, ça leur a donné plus de force, plus d’impact. Quand on écoute l’album sur Spotify qui est sorti en 2020 c’est quelque chose de très intime, très DIY. Alors que quand tu écoutes les morceaux en live, c’est patate ! Il y a une force, tu vois, il y a des basses… Du coup, comme c’était le même album, j’ai l’impression de le présenter d’une manière assez différente et j’ai l’impression d’avoir transcendé des morceaux.
La Face B : Tu te sens toujours en accord avec tout ce que tu racontes ?
Aime Simone : Ouais, ce sont des morceaux qui ont été écrits de façon à ce que soit à la fois personnel et universel. Et si parfois je peux perdre quelque chose de personnel, ou en tout cas que l’aspect personnel est devenu quelque chose de passé, je me raccroche toujours à l’aspect universel, qui est celui qui me raccorde au public. C’est cet aspect-là qui est connecté au public.
La Face B : Justement, ce qu’il y a d’intéressant dans ce que tu racontes, même si c’est sombre par moments et parfois, à tort on te qualifie de trop sombre, je trouve qu’il y a une vraie histoire de résilience dans ta musique, et de toujours aller chercher le p’tit point de lumière qui va te permettre justement d’avancer et d’évoluer en fait…
Aime Simone : Ouais. C’est vraiment les deux aspects dans Aime Simone. Le côté Dark and Light, c’est vraiment cet équilibre qui fait ma musique dans sa totalité. C’est vrai que des fois on me qualifie d’emo à tort, c’est peut-être emo, mais ce n’est qu’un aspect de ma musique. Il y a des chansons un peu emo mais elles sont juste là pour être un contexte, elles sont là pour faire ressortir l’aspect lumineux. Et en réalité, moi ce qui m’attire et ce que je veux propager, c’est cet aspect lumineux, c’est de l’espoir, c’est de l’amour, c’est ces choses-là, qui donnent de la force, du pouvoir.
La Face B : De toute façon, dans tous tes morceaux, la porte n’est jamais fermée. Il y aura toujours moyen de la défoncer…
Aime Simone : C’est ça. C’est ce que j’ai écrit pour moi à la base. C’est des choses difficiles mais en même temps c’est ce que je veux donner aux gens ; de l’espoir, de l’amour, de la force… Je ne veux pas qu’ils sortent et qu’ils aient envie de se suicider après avoir écouté mes morceaux (rires).
La Face B : Oui, il y a de la musique qui est faite pour ça mais j’ai l’impression qu’on t’a un peu catalogué à tort dans ce genre musical-là, alors que si t’écoutes vraiment les paroles ou même la production, on est sur quelque chose qui est complètement différent de ça…
Aime Simone : Même des fois, je pense que ce sont des gens qui se sont trop arrêtés sur l’esthétique plutôt que la musique, qui m’ont catégorisé un peu vite. Et qui passent à côté de cet aspect lumineux. Mais encore une fois, tout dépend de comment on écoute la musique et comment on me perçoit moi, mon image et le côté sombre n’est qu’un contexte, suffit d’être réaliste. Dans la vie, tout n’est pas joyeux et lumineux, mais ce qui est fort c’est cet arc, d’avoir quelque chose de sombre et d’aller vers la lumière. Parfois c’est l’inverse ! Mais il faut toujours positiver.
La Face B : Tu joues justement avec ton image pour surprendre les gens…
Aime Simone : Ça m’a toujours intéressé. Parfois, les gens ont une apparence qui n’est pas réellement la personne qu’ils sont et souvent dans nos sociétés, dans nos pays, dans nos civilisations occidentales, on juge très rapidement les gens sur leur aspect physique. Et on oublie l’humain, on oublie ce que sont les gens au-delà de ce à quoi ils ressemblent. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé sur les réseaux sociaux où tout est jugé en 5 secondes sur une image. Je pense que c’est pour ça aussi que dans cette approche-là que les gens ont pu me catégoriser dans telle ou telle chose. Soit d’emo soit de je sais pas… De rock !
La Face B : Limite, ils n’avaient pas écouté ta musique et avaient déjà une idée de ce que tu fais…
Aime Simone : C’est ça. Moi c’est quelque chose de post-genre, quelque chose qui va plus vers la pop, vers le côté lumineux, avec un contexte qui est mélancolique et un peu sombre de temps en temps mais c’est pour donner une image réelle et un équilibre qui est pour moi universel.
La Face B : C’est quelque chose que je trouve un peu, limite insultant, d’essayer de catégoriser ta musique parce que j’ai l’impression qu’elle ne ressemble qu’à toi. T’es au-delà des genres et des étiquettes en fait. Y a une vraie proposition musicale dans ce que tu fais. C’est vraiment quelque chose qui n’est pas forcément ni dans l’air du temps, limite plus dans le futur, dans un truc où peut-être dans 10 ans, les gens feront la même musique que toi et tu auras été le précurseur de ça en fait…
Aime Simone : Merci ! Peut-être. J’espère. Je serais heureux. C’est vrai qu’il y a quelque chose d’à la fois timeless dans l’écriture et j’essaie de pas réinventer les formats du songwritting. C’est quelque chose de très pop : y a des couplets, y a des refrains, y a des pré-refrains, y a des ponts… J’adore cette musique-là. C’est quelque chose qui m’est sincère. J’essaie pas de faire cette musique pour plaire ou quoique ce soit. Moi j’écoute cette musique, c’est ça qui me touche. Et après, dans l’approche des productions et la façon de chanter, c’est vrai que j’essaie d’aller vers quelque chose de plus moderne et d’inventer des choses. Je pense que c’est le mélange qui fait que ça pourrait être perçu comme futuriste ou… C’est le mélange des genres, je crois.
La Face B : Ce qu’il y a d’intéressant, même si elle est discrète, je trouve qu’il y a un vrai rapport d’amour à la guitare dans ta musique…
Aime Simone : C’est vrai. La guitare c’est mon instrument premier et principal. C’est aussi comme ça que je suis vraiment tombé amoureux de la musique, c’est par la guitare et par le chant, le côté songwriting et, encore aujourd’hui, la plupart de mes chansons sont écrites à la guitare. C’est vraiment comme ça que je commence. Je dis pas tout le temps parce qu’y a toujours des exceptions à la règle. Parfois, je commence directement sur des drums, une instru, quelque chose de plus rythmique. Généralement, très souvent, principalement c’est guitare et ça commence même par de l’improvisation. C’est vraiment genre accords et mélodie. C’est vraiment ce qui me touche. C’est l’âme de ma musique.
La Face B : Ce qui surprend aussi c’est qu’il y a un côté très instinctif dans ta musique.
Aime Simone : Je pense que ça vient du fait que j’improvise tout. C’est-à-dire, ça peut pas être quelque chose qui se construit petit bout par petit bout de manière robotique ou presque méthodique, scientifique… C’est vraiment quelque chose d’organique, dans le sens où ça a commencé par moi qui ai attrapé la guitare, qui ai chanté ce que j’ai pu chanter… Tu vois, rien que respirer, faire un phrasé, de s’arrêter, laisser de la place, recommencer…C’est pas des choses qui s’enchaînent… Souvent y a plein de morceaux où les gens s’arrêtent pas. Tu écoutes les morceaux et t’entends jamais le moment où ils prennent de l’air, parce que tout est collé, tout est enregistré ligne par ligne. J’essaie de garder quelque chose de normal, d’humain…
La Face B : Et justement, tu as eu plusieurs vies, tu as vécu dans plusieurs lieux, j’ai l’impression que les lieux et les voyages, tous les endroits que tu as visité ont eu aussi une influence forte sur ta musique mais aussi sur ton style, j’ai l’impression que t’as pris un peu de partout où t’es allé pour te construire…
Aime Simone : Ouais je crois que c’est un comme nous tous, en fait. On est l’accumulation de nos expériences. C’est vrai que les voyages m’ont permis de prendre du recul sur moi, sur mes origines et d’où je viens. Et ça m’a permis de découvrir des choses, des styles musicaux, des styles vestimentaires, des façons de penser, des formes de philosophies, des façons de se sociabiliser… Oui effectivement… Paris, Los Angeles, Berlin, un peu Vienne aussi… Essentiellement Los Angeles et Berlin, c’est des villes qui m’ont le plus…
La Face B : C’est des villes d’ouverture de toute façon… Au niveau des styles, de l’humain…
Aime Simone : Très ouvertes. Après elles ont leurs défauts aussi, mais je trouve qu’il y a quelque chose d’assez fascinant dans ces villes, dans ces communautés aussi…
La Face B : J’avais une question sur le titre de ton album (Say Yes, Say No), je trouve qu’il ne représente pas ta musique… J’ai l’impression que ta musique n’a rien de binaire en fait, j’ai l’impression que t’es ni dans le oui ni dans le non. Mais que t’es plus dans le mélange, d’inventer des nouvelles façons d’expression, des nouvelles couleurs…
Aime Simone : Ah ouais ?! C’est vrai, t’as raison. Je pense que le titre vient de l’idée de faire taire le cerveau, l’intellectualisation pour un retour à l’émotionnel, au physique et aux sens… C’est une forme de presque retour au primitif parce que justement, pour se concentrer sur la musique et sur la diversité, les couleurs des émotions… Pareil, au début, je faisais beaucoup les choses en noir et blanc, dans le visionnement, mais parce que pour moi les couleurs elles étaient ailleurs. Elles étaient dans l’émotion, dans le mouvement, dans la musique… Parfois, réduire des choses de manière très binaire, ça permet de faire ressortir les autres choses. Et c’est aussi un moment où je suis devenu papa. Et j’avais déjà l’impression, qu’au début les enfants, ils évoluent dans le monde par des oui, des non à des choses très simples « Tu veux ça ? Oui Tu veux ça ? Non ». Et puis y a aussi tout ce côté binaire du + ou du -, ou des logiciels informatiques c’est que des 0 et des 1. Ce genre de choses, y a quelque chose dans l’univers, c’est toujours un peu universel mais c’est pas pour oublier les couleurs.
La Face B : Ouais, au final tu vois c’est encore une fois l’idée de mettre un truc et d’en exploser les apparences..
Aime Simone : Oui. Créer du contraste…
La Face B : Tu as sorti un nouveau titre récemment. C’est quoi le futur pour Aime Simone ? Si tu as la volonté de surprendre après…
Aime Simone : Surprendre. J’aime beaucoup faire ça. J’ai travaillé longtemps et je travaille encore sur un album. Et j’aimerais vraiment le sortir, j’essaie de donner des chansons qui sont vraiment généreuses, qui apportent quelque chose à une musique d’aujourd’hui, qui m’apportent des choses à moi personnellement aussi… Je pense que ça sortira au printemps 2023. Je travaille vraiment sur ces morceaux-là, j’espère tout tenir cet été à vrai dire. Ca sera la surprise.
La Face B : Est ce que tu as des coups de coeur récents ?
Aime Simone : C’est compliqué. Je suis quelqu’un de très obsessionnel. Je reviens beaucoup à des choses passées souvent. Ce qui est sorti récemment, ce qui m’a plu en tout cas c’est le nouvel album de Post Malone, Twelve Carat Toothache. Ce qui m’impressionne aussi c’est les révélations, c’est des gens et… Les humains. Beaucoup de rencontres. C’est ça mes coups de cœur, c’est les gens !