La Face B a rencontré Asaf Avidan à l’occasion de la sortie de Unfurl, un album introspectif et cinématique où se mêlent poésie, mystique et contrastes sonores. Profondément personnel, ce disque se tourne vers l’intérieur, dans un voyage viscéral et lumineux entre rêve et réalité, ombre et lumière. Dans cet entretien intime, il évoque la conscience, le subconscient, la création instinctive et la paix qu’il trouve dans la dévotion et l’engagement qu’il consacre à son sanctuaire animalier. Entre lucidité et sensibilité brute, Asaf Avidan se livre avec une philosophie instinctive, guidé avant tout par l’émotion. Une rencontre sincère et inspirante avec un artiste habité, pour qui la peur, la beauté et l’émerveillement ne font qu’un.
Retrouvez également le travail d‘Alexia Arrizabalaga-Burns (sous le pseudo Troubleshooteur) sur son site et sur Instagram

« En creusant plus profondément en moi, je creuse aussi dans ce qui nous relie tous. Chaque album est une couche de cette excavation — non pas un acte narcissique, mais une recherche d’amour et de compréhension. » Asaf Avidan
La Face B : Bonjour Asaf, tu es de retour avec un nouveau chapitre — Unfurl, un projet très ambitieux et profondément personnel. Avant de plonger dans les chansons et les visuels, comment te sens-tu en ce moment, dans ta vie comme dans ta carrière ?
Asaf Avidan : Je crois que l’album lui-même représente exactement ce que je ressens — je me sens « Unfurl » (déployé). J’ai visité ce que j’appelle « l’abîme » : cet espace au-delà de la membrane qui sépare le conscient de l’inconscient, le soi du non-soi, le fini de l’infini, l’humain du divin.
Je suis allé là-bas pour explorer qui je suis et revisiter mon travail passé, et c’était comme tomber dans le terrier du lapin d’Alice au pays des merveilles. Je n’en suis jamais vraiment revenu le même. C’est presque une sensation viscérale — floue, hors focus. Je me suis déployé vers l’intérieur, à la recherche de quelque chose d’à la fois intime et cosmique. C’est vivifiant, curieux, inspirant — mais aussi terrifiant et désorientant. Le mot « awe » (émerveillement mêlé de crainte) est essentiel pour moi, parce qu’il contient à la fois la peur et la fascination. C’est exactement de cela qu’il s’agit dans Unfurl : accepter avec soin un état d’être inconfortable et inconnu.
La Face B : Unfurl sort en octobre. Peux-tu nous parler de ses origines et de ce que ce projet représente pour toi ?
Asaf Avidan : J’ai toujours considéré mes albums comme des couches archéologiques — chacun faisant partie d’une excavation continue du soi. Et quand je dis « soi », ce n’est pas dans un sens égocentrique. Comme Carl Jung a exploré les archétypes dans la psyché humaine, ou Joseph Campbell dans les mythes, je cherche ce qui est universel — ce qui revient sans cesse, peu importe l’époque ou le lieu.
Nous ne sommes que des êtres conscients, des cerveaux derrière des crânes recevant des signaux de nos sens et créant un univers intérieur. Nous ne faisons jamais vraiment l’expérience du point de vue d’autrui — seulement du nôtre. Donc, en creusant plus profondément en moi, je creuse aussi dans ce qui nous relie tous. Quand je regarde une peinture rupestre, ce qui m’intéresse moins, c’est qui l’a peinte que pourquoi il ou elle l’a fait — et pourquoi, à travers le monde et les millénaires, tant d’humains ont ressenti le besoin de le faire. Qu’est-ce que cela dit de la condition humaine ? C’est cela qui me fascine.
Chaque album est une nouvelle couche de cette excavation — non pas un acte narcissique, mais une recherche de compréhension, d’amour et d’acceptation de l’autre. Dans mon précédent disque, Anagnorisis, j’étais arrivé à un point étrange dans cette exploration. C’était comme disséquer une table : d’abord tu vois le bois, puis les veines, puis les cellules, les molécules, et enfin les particules subatomiques. Et à ce niveau-là — celui de la physique quantique — tout devient fluide, interconnecté. L’acte même d’observer change ce que tu vois.
C’est ce que j’ai ressenti avec le soi. J’ai atteint un endroit où j’ai aperçu l’infini — ce que certains appellent le divin, d’autres l’inconscient — et depuis, cette membrane entre l’expérience « ordinaire » et quelque chose de plus vaste ne s’est jamais vraiment refermée.
Unfurl parle de cette expérience.
La Face B : Merci de partager cela.
Asaf Avidan : Mais je suis curieux — toi, qu’est-ce que tu ressens ?
La Face B : J’ai écouté deux morceaux et vu deux clips pour l’instant. Ce qui me frappe, c’est à quel point ton travail semble à la fois intime et universel. C’est personnel, mais cela s’ouvre sur quelque chose de plus grand. On peut plonger dans les détails minuscules ou observer le tableau d’ensemble — les deux coexistent magnifiquement.
Asaf Avidan : C’est exactement l’idée — présenter la complexité.
La Face B : Il y a tellement de textures.
Asaf Avidan : La richesse des textures est une partie essentielle du thème.
La Face B : L’as-tu conçu comme un journal intime, une expérimentation sonore ou une exploration philosophique ?
Asaf Avidan : Les trois !



La Face B : On le ressent vraiment. Même visuellement — si on ferme les yeux et qu’on écoute, il y a tant de couches. Parlons d’Unfurling Dream — un titre très poétique. J’ai adoré voir « dreamt and edited by Asaf » dans les crédits. C’est si juste, parce que tout le projet ressemble à un pont entre le conscient et l’inconscient. Dans le clip, il y a un bébé que tu tiens — est-ce toi enfant ? Ou un enfant que tu souhaiterais avoir ? On dirait une conversation entre différentes versions de toi.
Asaf Avidan : Ou tout cela à la fois. L’enfant pourrait aussi représenter le squelette du soi. Les rêves ne se soucient pas des structures ou des étiquettes — ils n’ont pas besoin d’être une seule chose. C’est la beauté de l’état onirique : il peut être tout ce que tu veux qu’il soit.
La Face B : Dans le clip, il y a une scène où des dizaines de « toi » apparaissent et dansent ensemble — c’est surréaliste. L’ensemble dégage une élégance très cinématographique. L’ouverture m’a même fait penser au Titre Arabian Night d’Aladdin (dessin animé) !
Asaf Avidan : (il rit, puis chante doucement) Arabian Night…
La Face B : Exactement ! Cette tonalité de conteur — « je vais te raconter une histoire ». L’esthétique m’a aussi évoqué James Bond et Hitchcock — les zooms, le cadrage, l’atmosphère. Comment as-tu imaginé cet univers visuel ?
Asaf Avidan : Tu as tout juste — ces références sont bien là, et de façon délibérée. James Bond et Hitchcock ont été des influences majeures pour l’univers visuel et musical d’Unfurl.
Musicalement, je me suis inspiré de Bernard Herrmann, qui a composé pour Hitchcock, et de John Barry, qui a fait les musiques de Bond. J’ai même travaillé avec un orchestre pour retrouver cette richesse et cette ampleur. Visuellement, j’ai puisé du côté d’Hitchcock, de David Lynch et du cinéma noir des années 40 et 50 — tout cela fait partie de mon rêve éveillé.
Cette esthétique avait d’ailleurs commencé à émerger pendant ma tournée solo Econology, avant même que j’écrive l’album. Je jouais déjà ce personnage des années 50 — un homme en costume gris.
La Face B : Je me souviens t’avoir vu à l’Acropole dans ce costume !
Asaf Avidan : Oui — même si ce concert-là était encore un peu plus coloré, car Anagnorisis avait sa propre palette. Plus tard, pendant la tournée solo, le look a évolué vers quelque chose de plus hitchcockien. Ce n’était pas une décision consciente — cela venait de mon subconscient, et je l’ai suivi.
J’ai toujours été fasciné par l’idée de réalité dans la réalité — comme Lynch l’explore, ou Hitchcock à sa manière. Dans le clip de Call of the Flow, par exemple, tu me vois en chanteur, mais aussi en acteur qui se prépare, puis en figure masquée. Un autre « moi » apparaît — un double — et les frontières entre ces réalités se brouillent.
Est-il l’acteur, le personnage, ou les deux ? Est-ce réel, imaginé, rêvé ? Je ne veux pas répondre à ces questions. C’est l’essence même du rêve. Comme le bébé dans Unfurling Dream — est-ce lui, son futur enfant, la mort, la renaissance ? C’est tout cela à la fois. Ces symboles sont là pour évoquer l’infini en chacun — c’est le langage du subconscient.
La Face B : Dernière question sur Unfurling Dream — et le corbeau ? Tu l’utilises comme un symbole guide ? Pour moi, il semblait mener le récit.
Asaf Avidan : Je ne veux pas tout révéler. C’est un guide — mais aussi un mort. (Il me montre ses tatouages.) J’ai un coq et un corbeau — ils représentent le masculin et le féminin, la vie et la mort, le jour et la nuit. Deux opposés qui forment un tout, une union qui crée le cercle de l’existence.
Dans le clip, il y a beaucoup de représentations de vie et de mort — le bébé et le squelette, moi marchant avec la Faucheuse. Le corbeau, pour moi, c’est une manifestation étrange d’une libido mystique. Il y a même ce moment freudien — il tient une saucisse ! Ce que j’aime dans les films de David Lynch, c’est que je ne les comprends jamais vraiment. Twin Peaks n’est pas fait pour être compris — il est fait pour être ressenti. Il évoque.
Je déteste me promener dans une galerie avec quelqu’un qui essaie de « décrire » une peinture abstraite. Si on pouvait l’expliquer avec des mots, on n’aurait pas besoin du tableau. La poésie n’est pas narrative — elle est évocatrice. Un plus un plus un égale l’infini. C’est ça, la beauté.
Alors oui — à toutes tes interprétations du corbeau.



La Face B : Tu as évoqué The Call of the Flow tout à l’heure. Là encore, on retrouve ce jeu de contrastes — la grandeur orchestrale face à ta manière presque parlée de chanter. Cela crée une tension fascinante. Et visuellement, il y a ce mélange de nostalgie — ces références à Hitchcock et John Barry — avec quelque chose de moderne et de vibrant. Quelle histoire voulais tu raconter à travers ces images ?
Asaf Avidan : Exactement ça — tu touches juste. Je voulais cette multiplicité de textures et de tons, mais pas simplement pour la variété. Chaque choix sert le thème. L’idée d’Unfurl est de fusionner les contradictions — de trouver l’harmonie dans les opposés. Donc oui, il y a ce flow presque rap avec des cordes à la Bernard Herrmann, une guitare folk, ma voix étrange, et des paroles philosophiques — tout ça coexistant, d’une manière ou d’une autre.
La Face B : Et ça fonctionne ! La façon dont ces éléments se heurtent est inattendue. En écoutant Unfurling Dream, j’ai pensé un peu à Beggin’ de Madcon — ce même rythme bluesy et entraînant. Les paroles sont denses, mais le flow les rend légères.
Asaf Avidan : C’est exactement la direction que prend la musique aujourd’hui — on s’éloigne du besoin de se cantonner à un seul genre. J’ai toujours été un artiste du collage. Regarde des artistes comme Tyler, the Creator ou Kendrick Lamar — sont-ils strictement rap ? Pas vraiment. Leur travail est plein de couleurs, de couches, de contradictions. Je ne sais pas vraiment où se place ma musique, et c’est très bien ainsi.
La Face B : Je suis d’accord — ta voix à elle seule échappe à toute catégorisation. Elle est singulière, mais aussi polyvalente. Tu mélanges tout ce qui sert la chanson, et ça sonne naturel.
Asaf Avidan : C’est le but. À la fin de la journée, la chanson est comme une divinité. Mon rôle est de la servir — d’écouter ce dont elle a besoin. Même si c’est moi qui l’écris, c’est elle qui me dit comment elle veut exister. Peut-être que le prochain album ne sera qu’une ballade au piano — si c’est ce que l’émotion exige. Pour Unfurl, le contraste et la richesse faisaient partie du thème. Je voulais cette sensation de surface de l’eau — chatoyante, stratifiée, jamais immobile. On peut réécouter encore et encore et toujours y découvrir quelque chose de nouveau. C’est cette expérience que je voulais créer.
La Face B : Comment as-tu trouvé ta voix ?
Asaf Avidan : J’ai toujours chanté comme ça. Je n’ai pas découvert ma voix — c’est elle qui m’a découvert. Mais j’ai commencé très tard. Je ne me suis mis à la musique qu’à 26 ans environ. À l’époque, j’étais animateur — j’avais étudié le cinéma et l’animation, et j’avais une carrière stable. Puis tout s’est effondré d’un coup : j’ai mis fin à une relation de six ans, quitté mon travail, changé de ville… toute ma vie d’adulte s’est écroulée en une semaine. J’avais une vieille guitare, je connaissais quatre accords, et j’ai commencé à vocaliser mes émotions — pas pour chanter, juste pour survivre.
C’était comme une forme de psychanalyse. Quand tu parles de ta douleur, tu la structures — et quand tu t’entends la dire, tu commences à la comprendre. C’est ce qui m’est arrivé. Ma voix n’était pas un choix conscient. C’était une libération — un cri, une plainte, une expression de vulnérabilité et de peur, avec une touche d’espoir.
Quelques mois plus tard, j’ai commencé à chanter en public. La première fois, il devait y avoir dix personnes dans la salle. Quand j’ai commencé à chanter, tout le monde s’est tu. Le décalage entre mon apparence et ma voix était frappant. C’est là que j’ai compris que ma voix était un outil — mais je ne l’utilise toujours pas de manière délibérée. Je me laisse guider par l’émotion.
Sur cet album, j’explore différentes façons de l’utiliser — la tendresse, la rugosité, le flow parlé. C’est un instrument que j’apprends encore à apprivoiser.
La Face B : Tu explores vraiment cette palette sur The Call of the Flow et Unfurling Dream — de la douceur de l’intro à ces moments cinématiques très 1950s, puis ce rythme parlé, à la fois ludique et surprenant.
Asaf Avidan : Merci ! Je crois que j’apprends à embrasser le plaisir en vieillissant. Il y a de l’humour dans l’absurdité de la vie — on est tous mortels, donc au fond, rien n’a vraiment d’importance. Et c’est libérateur. Les choses les plus sérieuses ne doivent pas toujours être prises trop au sérieux. J’aime m’autoriser à jouer — avec ma voix, la musique, les visuels. Quand je me suis retrouvé à rapper, j’étais aussi surpris que tout le monde ! Ce n’était pas prévu. J’écrivais sur la panique, et le flow est venu naturellement. J’ai failli le jeter, mais ma copine et mon frère m’ont convaincu de le garder. Et j’ai bien fait de les écouter.
La Face B : Oui, c’est surprenant — mais dans le bon sens. C’est audacieux et joueur. En parlant de surprises — tu as utilisé l’IA pour créer un de tes clips. Comment est née cette idée ?
Asaf Avidan : Je devrais préciser que c’était la première fois que j’utilisais l’IA, et je l’ai fait avec précaution. Je suis très conscient des débats éthiques autour de cette technologie — du fait qu’elle puise dans la créativité humaine collective sans consentement. J’ai toujours travaillé en live, et j’accorde beaucoup de valeur à la collaboration.
Mais dans ce cas précis, la technologie collait au thème. Unfurl explore l’idée d’un inconscient collectif — et c’est ce que représente l’IA pour moi. C’est un miroir de notre histoire créative commune, qui régurgite tout ce que l’humanité a produit.
Quand je lui donne des images de moi et que je la guide avec “cinématique années 40”, elle puise dans ce vaste réservoir de mémoire visuelle — tout le langage du cinéma de cette époque. Oui, cela soulève des questions sur la propriété intellectuelle, mais sur le plan conceptuel, cela faisait sens pour ce projet.
Et j’aime aussi cette étrangeté que l’IA conserve encore — assez réaliste pour être crédible, mais assez étrange pour sembler onirique. C’est exactement l’atmosphère que je voulais. Dans un an ou deux, quand elle deviendra indiscernable de la réalité, elle m’intéressera peut-être moins.
La Face B : Je trouve que ça fait sens aussi, parce que tu voulais parler de tes rêves — de ce qui se passe dans ton inconscient. C’est difficile de confier ce genre de brief à un réalisateur, non ?
Asaf Avidan : Exactement. Je voulais le faire moi-même, de manière plus intime. Je pouvais me balader avec ces visions, ces images animées dans la tête, et les monter jusqu’à ce qu’elles forment quelque chose de cohérent. C’était un processus créatif fascinant — parler du “moi”, le traduire, et voir comment “l’Asafness” serait interprétée par un ordinateur.
J’ai nourri l’IA avec des tonnes d’images de moi — Asaf, Asaf, Asaf — et je lui ai dit : “Maintenant, produis-moi un Asaf.”
Je crois qu’une chanson devient une chanson d’Asaf Avidan immédiatement. Pour moi, une chanson ne vit vraiment que si elle me donne des frissons pendant que je l’écris. Je suis d’ailleurs très rapide à écarter les choses — je jette beaucoup de ce que j’appelle mes “bébés difformes”. Je ne garde rien qui ne me bouleverse pas.
Parce qu’en vérité, on n’écrit jamais une chanson. À un moment, c’est la chanson qui commence à s’écrire toute seule. C’est magique, au sens le plus mystérieux du terme. Je ne veux pas trop romantiser ça, mais Leonard Cohen disait : “Si je savais d’où viennent les chansons, j’irais plus souvent.”
On ne sait jamais. Tout ce qu’on peut faire, c’est affûter nos outils et être prêts à la saisir quand elle apparaît. La plupart du temps, je laisse passer. Mais il y a parfois ces moments de grâce — soudains, fugaces — où je me mets à pleurer ou à avoir la chair de poule sans comprendre pourquoi. Et là, je sais : celle-là, elle mérite que je m’y consacre.
La Face B : En dehors de la musique, tu écris aussi ? De la poésie, un journal ?
Asaf Avidan : J’ai essayé. Mais honnêtement, je ne suis pas très bon à ça. (rires)
La Face B : Et le cinéma ? Tu as exploré la composition de musique de film ?
Asaf Avidan : Oui, j’ai travaillé avec Mélanie Laurent sur Le Bal des Folles. J’ai adoré ce processus — collaborer sur l’art de quelqu’un d’autre, sur sa vision. C’est une dynamique très différente, et j’aimerais vraiment recommencer.
La Face B : Tu es aussi très engagé pour la cause animale et le véganisme. Tu diriges même un sanctuaire, c’est ça ?
Asaf Avidan : Oui, avec Caterina, ma compagne.
La Face B : Comment ces valeurs, et ce mode de vie au quotidien, influencent-ils ton travail artistique ?
Asaf Avidan : Honnêtement, ça me prend beaucoup de temps et d’énergie. Mais c’est aussi une grande source de paix. Je suis vraiment heureux en m’occupant des animaux, en travaillant à la ferme, assis au bord du lac.
La Face B : Ton visage vient de changer complètement en deux secondes. Regarde-toi — tu irradies !
Asaf Avidan : (sourit) C’est vrai. Ils me rendent tellement heureux. Je les aime à la folie. Rien que d’en parler, ça m’émeut. Je ne peux pas décrire à quel point c’est gratifiant, au plus profond de moi. Si je repense aux trois dernières années, et aux souvenirs que j’aimerais emporter sur mon lit de mort, ils ont tous un lien avec eux, d’une manière ou d’une autre.
Parfois, j’ai peur que ça me rende moins intéressé par les interactions humaines — celles qui, souvent, nourrissent les chansons ou les histoires. Mais au fond, ça ne me dérange pas. L’expérience humaine est vaste et profonde — et ça en fait partie. Écrire cet album tout en m’investissant totalement dans la ferme, c’était chaotique, difficile, mais magnifique. Les animaux vivent, je continue à tourner, et tout ça coexiste d’une manière ou d’une autre. Avec Katerina, on accueille toujours plus d’animaux, on essaie d’acheter plus de terrain. Parfois, c’est épuisant— un peu comme les gens décrivent la parentalité. (rit doucement)
La Face B : Unfurl sort le 10 octobre. Qu’aimerais-tu que les auditeurs ressentent ou retiennent de cette expérience ?
Asaf Avidan : J’espère qu’ils ressentiront une palette d’émotions riche et complexe — et qu’ils s’y retrouveront eux-mêmes, plutôt que d’y chercher à me trouver, moi.
La Face B : Merci beaucoup pour ton temps, Asaf. C’était un vrai plaisir.
Asaf Avidan : Merci à toi.
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Version en Anglais
La Face B: Hello Asaf, you’re back with a new chapter — Unfurl, a very ambitious and deeply personal project. Before we dive into the songs and visuals, how are you feeling right now, both in your life and in your career?
Asaf Avidan: I think the album itself represents exactly how I’m feeling — I feel unfurled. I’ve visited what I call “the abyss,” that space beyond the membrane separating the conscious from the subconscious, the self from the not-self, the finite from the infinite, the human from the divine.
I went there to explore myself and my past work, and it’s been like falling down an Alice in Wonderland rabbit hole. I never really came back the same. It’s almost a visceral feeling — blurry, out of focus. I’ve unfurled inward, in search of something both internal and external. It’s invigorating, curious, awe-inspiring — but also terrifying and disorienting. The word awe is important to me, because it implies both wonder and fear. That’s what Unfurl is about: a careful acceptance of an uncomfortable, unfamiliar state of being.
La Face B: Unfurl is coming out in October. Tell us about its origins and what this project means to you.
Asaf Avidan: I tend to look at my albums as archaeological layers — each one part of an ongoing excavation of the self. And when I say “self,” I don’t mean it in a selfish way. Just like Carl Jung explored archetypes in the human psyche or Joseph Campbell explored them in myth, I’m searching for the universal — the things that reappear no matter where or when we are.
We’re all just conscious beings, brains behind skulls receiving signals from our senses and creating a universe within. We never truly experience anyone else’s perspective — only our own. So by digging deeper into myself, I’m actually digging into what’s universal. When I look at a cave painting, I’m less interested in who painted it than why they did it — and why people across the world and across millennia felt compelled to do the same. What does that say about the human condition? That’s what fascinates me.
Each album is a new layer in that excavation — not a narcissistic process, but a way to research and find love and acceptance in the other. In my previous record, Anagnorisis, I reached a strange point in that exploration. It was like dissecting a table: first you see the wood, then the grains, then the cells, the molecules, and finally the sub-particles. And once you reach that level — the world of quantum physics — everything becomes fluid, statistical, interconnected. The act of observing changes what you see.
That’s how I felt about the self. I reached a place where I saw the infinite — what some call the divine, others the subconscious — and ever since then, that membrane separating the “ordinary” experience from something larger has never quite closed again.
Unfurl is about that experience.
La Face B: Thank you for sharing that.
Asaf Avidan: But I’m curious — what do you feel?
La Face B: I’ve heard two songs and seen two music videos so far. What strikes me is how the work feels both intimate and universal. It’s personal, but it also opens up to something larger. You can zoom into the tiny details or look at the big picture — both coexist beautifully.
Asaf Avidan: That’s exactly the idea — to present complexity.
La Face B: There are so many textures.
Asaf Avidan: The richness of the textures is a key part of the theme.
La Face B: Did you conceive it as an intimate diary, a sonic experiment, or a philosophical exploration?
Asaf Avidan: All three!
La Face B: You can really feel that. Even visually — if you close your eyes and just listen, there are so many layers. Let’s talk about Unfurling Dream — such a poetic title. I loved seeing “dreamt and edited by Asaf” in the credits. It’s so fitting, because that’s what the project feels like — a bridge between the conscious and subconscious. In the video, there’s a baby you hold — is it you as a child? Or maybe a child you wish to have? It feels like a conversation between versions of yourself.
Asaf Avidan: Or all of the above. The child could also represent the skeleton of the self. Dreams don’t deal with structure or labels — they don’t need to be one thing or another. That’s the beauty of the dream state: it can be anything you want it to be.
La Face B: In the video, there’s a scene where dozens of “you” appear and dance together — it’s surreal. The whole thing has such cinematic elegance. The opening even reminded me of Arabian Nights from Aladdin!
Asaf Avidan: (laughs, then softly sings) Arabian Nights…
La Face B: Exactly! That kind of narrator’s tone — “I’m going to tell you a story.” The aesthetic also made me think of James Bond and classic Hitchcock — the zooms, the framing, the atmosphere. How did you imagine this visual world?
Asaf Avidan: You’re absolutely right — all of those references are there, and deliberately so. Both James Bond and Hitchcock were key influences for the visual and musical world of Unfurl.
Musically, I drew inspiration from Bernard Herrmann, who scored Hitchcock’s films, and John Barry, who did the Bond soundtracks. I even worked with a live orchestra to get that richness and grandeur. Visually, I looked toward Hitchcock, David Lynch, and noir cinema from the ’40s and ’50s — all part of my dreamscape.
That aesthetic actually started taking shape during my solo Econology tour, even before I wrote the album. I was already performing as this kind of ’50s character — a man in a grey suit.
La Face B: I remember seeing you perform at the Acropolis in that suit!
Asaf Avidan: Exactly — though that show was still a bit more colorful, because Anagnorisis had its own palette. Later, during the solo tour, the look evolved toward something more Hitchcockian. It wasn’t a conscious decision — it came from my subconscious, and I followed it.
I’ve always been fascinated by the idea of reality within reality — the way David Lynch explores it, or Hitchcock plays with perception. In the video for Call of the Flow, for example, you see me as a singer, but also as an actor preparing for a role, then as a masked figure. Another version of me appears — a doppelgänger — and the boundaries between those realities begin to blur.
Is he the actor, the character, or both? Is it real, imagined, or dreamt? I don’t want to answer those questions. That’s the essence of the dreamscape. Just like the baby in Unfurling Dream — is it him, his future child, death, rebirth? It can be all of that, and more. Those symbols are there to evoke the infinite within the self — that’s the language of the subconscious.
La Face B: Last question about Unfurling Dream — what about the raven? Do you use it as a guiding symbol? For me, it felt like the guide throughout the story.
Asaf Avidan: I don’t want to give it all away. He is a guide — but he’s also dead. (He shows me his tattoos.) I have a rooster and a raven — they represent the masculine and the feminine, life and death, day and night. Two opposites that create a whole, a union that forms the circle of existence.
In the video, there are many representations of life and death — the baby and the skeleton, me walking with the Grim Reaper. The raven, to me, is a strange manifestation of a mystical libido of some sort. There’s even that Freudian moment — he’s holding a sausage. What I love about David Lynch’s films is that I never really understand them. Is Twin Peaks made to be understood? No — it’s meant to be experienced. It evokes. I hate walking through a gallery with someone who tries to describe what an abstract painting “looks like.” If we could explain it with words, we wouldn’t need the painting. Poetry isn’t about narrative — it’s about evocation. One plus one plus one equals infinity. That’s the beauty of it.
So yes — to whatever your interpretation of the raven is.
La Face B: You mentioned The Call of the Flow earlier. Again, there’s this play of contrasting textures — the grandeur of the orchestra against your almost spoken-word delivery. It creates a fascinating tension. And visually, it’s that blend of nostalgia — those Hitchcock and John Barry references — with something modern and vibrant. What story did you want the imagery to tell?
Asaf Avidan: Exactly that — you’re hitting all the right notes. I wanted that multiplicity of textures and tones, but not just for the sake of variety. Each choice serves the theme. The idea of Unfurl is to merge contradictions — to find harmony in opposites. So yes, you get rap-like flow with Bernard Herrmann strings, folk guitar, my strange voice, and philosophical lyrics — all existing together, somehow.
La Face B: And it works! The way those elements collide is unexpected. When I heard Unfurling Dream, it reminded me a bit of Madcon’s Beggin’ — that same rhythmic, bluesy bounce. The lyrics are heavy, but the flow makes them feel buoyant.
Asaf Avidan: That’s exactly the direction music is heading in — we’re moving away from the need to confine ourselves to one genre. I’ve always been a collage artist. Look at artists like Tyler, the Creator or Kendrick Lamar — are they strictly rap? Not really. Their work is full of colors, layers, and contradictions. I don’t know where my music fits, and that’s how I like it.
La Face B: I agree — your voice alone defies categorization. It’s singular, but also versatile. You blend everything that serves the song, and it feels natural.
Asaf Avidan: That’s the goal. At the end of the day, the song is the god. My job is to serve it — to listen to what it needs. Even though I write it, it tells me how it wants to exist. Maybe the next album will just be a piano ballad — if that’s what the emotion requires. For Unfurl, contrast and richness were part of the theme. I wanted that feeling of water’s surface — shimmering, layered, never still. You can listen again and again and notice something new each time. That’s the experience I wanted to create.
La Face B: How did you find your voice?
Asaf Avidan: I’ve always sung like this. I didn’t discover my voice — it discovered me. But I started very late. I didn’t make music until I was around 26. Back then, I was an animator — I studied cinema and animation, and I had a stable career. But everything collapsed at once: I ended a six-year relationship, left my job, moved cities… my whole adult life fell apart in a week. I had this old guitar, knew maybe four chords, and started vocalizing my emotions — not to perform, just to survive.
It was like a form of psychoanalysis. When you speak about pain, you frame it — and when you hear yourself, you start to process it. That’s what happened to me. My voice wasn’t a conscious choice. It was a release — a scream, a cry, an expression of vulnerability and fear, with a little hope mixed in. A few months later, I started performing. The first time I sang live, there were maybe ten people in the audience. When I began singing, the whole room went quiet. The dissonance between how I looked and how I sounded was striking. That’s when I realized my voice was a tool — but I still don’t use it deliberately. I just follow the emotion.
On this album, I’m exploring different ways to use it — tenderness, roughness, spoken flow. It’s an instrument I’m still learning to play.
La Face B: You really explore that range on The Call of the Flow and Unfurling Dream — from the tenderness of the intro to those cinematic 1950s moments, and then the spoken rhythm that’s playful and surprising.
Asaf Avidan: Thank you! I think I’m learning to embrace fun as I grow older. There’s humor in the absurdity of life — we’re all mortal, so ultimately, nothing really matters. That’s actually freeing. The most serious things shouldn’t always be taken too seriously. I like allowing myself to play — with my voice, with the music, with the visuals. When I first found myself rapping, I was as surprised as anyone! It wasn’t planned. I was writing about panic, and the flow just came naturally. I almost threw it away, but my girlfriend and my brother convinced me to keep it. I’m glad they did.
La Face B: It does catch you off guard — in a good way. It’s playful and bold. Speaking of surprises — you used AI to create one of your music videos. How did that come about?
Asaf Avidan: I should clarify that. It’s my first time using AI, and I did it carefully. I’m very aware of the ethical debates around it — the way it borrows from collective human creativity without consent. I’ve always worked live, and I deeply value collaboration. But in this case, the technology fit the theme. Unfurl explores the idea of a collective subconscious — and that’s what AI feels like to me. It’s a mirror of our shared creative history, regurgitating everything humanity has made.
When I feed it images of myself and prompt it with “cinematic 1940s,” it taps into that vast well of visual memory — the entire cinematic language of that era. Yes, it raises issues about intellectual property, but conceptually, it made sense for this project. And I also love that uncanny quality AI still has — it’s real enough to be believable, but strange enough to feel dreamlike. That’s exactly the mood I wanted. In a year or two, when it becomes indistinguishable from reality, it might not be as interesting to me anymore.
La Face B: I think it makes sense that you wanted to talk about your dreams — about what happens in your subconscious. It’s difficult to give that kind of task to a producer or director, right?
Asaf Avidan: Exactly. I wanted to do it myself, to make it personal. I could walk around with these visions, these animated images in my mind, and edit them into something that made sense. It was a fascinating creative process — to talk about the self, to translate the self, and to see how the “Asafness” would be interpreted by a computer. I fed it image after image of myself — Asaf, Asaf, Asaf — and told it, “Now produce me an Asaf.”
I think any song becomes an Asaf Avidan song immediately. For me, a song only truly lives when it gives me goosebumps as I’m writing it. I’m actually very quick to discard things — I throw away a lot of what I call my “deformed babies.” I don’t hold on to something unless it moves me deeply.
Because honestly, you never write a song — at some point, the song starts writing itself. It’s magic, in the most mysterious sense. I don’t want to over-romanticize it, but as Leonard Cohen said, “If I knew where songs came from, I’d go there more often.”
We never know. All we can do is sharpen our tools and be ready to catch it when it appears. Most of the time, I let things go. But there are these rare, fleeting moments of grace — when suddenly I tear up or get chills. I didn’t even know I was feeling that until it came out. That’s when I know: this one is worth the effort it’ll take to bring it to life.
La Face B: Outside of music, do you also write poetry or keep journals?
Asaf Avidan: I’ve tried. But honestly, I’m not very good at it. (laughs)
La Face B: Have you explored film music — composing for cinema?
Asaf Avidan: Yes, actually. I worked with Mélanie Laurent on Le Bal des Folles. I loved that experience — working with someone else’s art, someone else’s vision. It’s a different creative dynamic, and I’d love to do more of it.
La Face B: You’re deeply involved in animal rights and veganism. You even run a sanctuary, right?
Asaf Avidan: Yes, with Katerina, my girlfriend.
La Face B: How do those values — and that daily commitment — influence your creative work and purpose as an artist?
Asaf Avidan: To be honest, they take a lot of my time and energy. But I find so much peace in it. I’m happiest caring for the animals, working on the farm, sitting by the lake.
La Face B: Your face just softened so much in the last two seconds. Look at you — you’re glowing!
Asaf Avidan: (smiles) It’s true. They make me so happy. I really love them — to death. It’s making me emotional even saying it. I can’t describe how deeply rewarding it is.
If I think about the last three years, and the memories I’d want to take with me to my deathbed, they all involve them somehow. Sometimes I worry that it makes me less interested in human interactions — and those are the things that often lead to songs, to stories. But honestly, that doesn’t bother me.
The human experience is vast and profound — and this is part of it. Writing this album while being fully committed to the farm was messy, hard, and beautiful. The animals are alive, I still tour, and somehow it all coexists. Katerina and I keep taking in more animals, trying to get more land. Sometimes it’s overwhelming — like people describe having children. (laughs softly)
La Face B: Unfurl comes out on October 10th. What do you hope listeners will take away from it?
Asaf Avidan: I hope they’ll feel a rich, complex range of emotions — and that they’ll find themselves in it, not me.
La Face B: Thank you so much for your time, Asaf. It’s been a pleasure.
Asaf Avidan: Thank you.