Sans conteste, 2022 aura été une année des plus chargées pour Black Country New Road : de la sortie de leur dernier album, “Ants From Up There”, en février dernier, à l’annonce de leur nouvelle formation, suivie par une tournée qui les aura emmenés des Etats-Unis au Japon. Nous avons profité de leur programmation au Pitchfork Paris pour discuter avec Charlie (batterie), Luke (guitare) et Tyler (basse) de leur folle année, et de leur programme pour la suite.
English Version Below – Version Anglaise plus bas
La Face B : Nous avons eu l’occasion de vous voir jouer lors de plusieurs festivals en France cette année, notamment Levitation ou encore La Route du Rock – et ce soir, Pitchfork. Comment vous sentez vous accueillis par votre public français?
Luke : Je dois admettre que mes souvenirs de Levitation sont plutôt distants, je ne me rappelle pas tout à fait de comment était le public. Par contre, la Route du Rock, c’était vraiment super.
Charlie : Carrément ! On ne s’y attendait pas forcément, en plus il y avait beaucoup de monde, c’était énorme. De manière générale, je pense que notre public français a été très sympa avec nous.
Luke : Aussi, lorsque nous avions joué au Trabendo, au cours de notre tournée précédente, je pense qu’il s’agit à ce jour d’un de nos meilleurs concerts.
Charlie : C’était fou, le public était vraiment incroyable !
Luke : Et bien, il s’agissait aussi de notre dernier (N.D.L.R: avant le départ d’Isaac Wood, chanteur au sein du groupe).
Charlie : Ça l’était, en effet. Cette nuit aura eu de terribles conséquences apparement…(rires)
LFB : Avez vous des anecdotes à nous partager à propos de vos derniers mois passés en tournée ? Comment l’avez vous vécu, avez-vous réussi à vous amuser un peu entre toutes ces dates ?
Charlie : Nous avons beaucoup joué, je dirais même que nous avons joué un nombre étonnant de concerts, étant donné où nous nous situions en tant que groupe et ce à quoi notre emploi du temps ressemblait au début de l’année.
Tyler : Je crois qu’aucun d’entre nous n’a vraiment réalisé le nombre de concerts que l’on nous a donnés. C’était simplement des chiffres sur un bout de papier, et puis ça c’est juste produit ; c’était monstrueux, une tache difficile. Et je ne dis pas – on a beaucoup de chance de mener la vie que l’on mène, nous sommes très privilégiés, mais c’était dur.
Charlie : Mais quand même, la plupart du temps, c’était fou. Beaucoup de concerts étaient géniaux, on est même allés au Japon, c’était incroyable !
LFB : Ça en a tout l’air !
Charlie : C’était super, super cool ! Je pense que cette année aura juste été un peu chaotique.
LFB : Comment était votre public japonais?
Tyler : Extrêmement attentif. En plus, c’était une grosse audience, ce qui était choquant pour nous – j’ai trouvé cela très émouvant qu’en étant dans un pays si éloigné de chez nous, où rien ne ressemble à l’endroit d’où l’on vient, autant de gens puissent s’identifier à, et comprendre, notre musique. Sans parler du décor : nous étions dans la montagne, proches de la forêt.
LFB : Est-ce facile d’équilibrer l’énergie de chacun d’entre vous lorsque vous voyagez ensemble ?
Charlie : En réalité, c’est mieux d’avoir un groupe avec plus de membres que l’inverse. Par exemple, si tu te sens d’une certaine manière, il y aura probablement quelqu’un qui ressentira les mêmes choses que toi – et à l’inverse, si tu as besoin d’être seul, tu pourras avoir cet espace sans que personne ne se sente mis à l’écart.
Tyler : Je n’en ai jamais eu marre de personne. Ce qui serait peut-être plus compliqué si nous étions un plus petit groupe, par exemple uniquement les trois d’entre nous (N.D.L.R.: Tyler, Luke, Charlie).
Luke : Ca serait un drôle de petit groupe ! Batterie, guitare et basse.
Charlie : Franchement ça serait hilarant !
LFB : Une partie des membres de BCNR ont suivi des études musicales. Pensez-vous que cette éducation plus formelle influence la manière dont vous composez en tant que groupe ?
Luke : Et bien, à vrai dire, tu interviewes actuellement les trois membres qui n’ont pas étudié la musique ! C’est le cas de tous les autres, en revanche. Ça influence sans aucun doute notre travail, notamment à travers les contributions de ceux ont bénéficié de cette éducation. La manière dont ils pensent la musique est légèrement différente. Je pense que ce qui nous aide beaucoup, c’est le fait qu’ils soient capable de communiquer leurs idées très facilement, car ils connaissent tout le jargon nécessaire du bout des doigts. Tandis que nous, on l’a appris sur le tas, mais on est encore en cours d’apprentissage.
Tyler : C’est ça ! Et c’est cool de pouvoir être éduqués dans un environnement qui ne soit ni condescendant, ni intimidant. Mais cela signifie également qu’au fond, il y a deux manières de concevoir la composition musicale, parce qu’avec l’école interviennent des règles qui te sont inculquées, qui t’expliquent comment ça fonctionne. Et comme nous y sommes étrangers, nous n’avons pas ces règles – ce qui implique une approche différente.
LFB : Beaucoup d’entre vous jouez également dans d’autres groupes ou avez des projets solo, cela affecte-il votre processus créatif et la manière dont le groupe se produit ?
Tyler : Mon projet solo est en fait simplement une expression de moi-même, mais aussi un moyen de tester des chansons que j’ai écrites, et qui parfois finissent par intégrer le répertoire de BCNR. Donc ça ne gêne pas l’activité du groupe en soi. Rien ne le fait d’ailleurs réellement, car nous voulons que chacun puisse être capable de faire ce qu’il veut – s’ils font quelque chose en dehors de BCNR, ils le font car c’est important pour eux. Ca enrichit BCNR, et ça les enrichit eux aussi. Et puis tu sais, on ne veut pas être liés à BCNR ; ça ne devrait pas englober notre vie entière. Nous devrions être capable de faire tout ce dont nous avons envie. Dans les limites du raisonnable !
Charlie : Rien d’illégal !
LFB : Si vous deviez présenter BCNR à quelqu’un qui n’aurait jamais entendu parler de vous, comment en décririez vous l’essence ?
Charlie : Au fond, nous sommes juste des amis qui écrivent des chansons. C’est plus ou moins la caractéristique principale.
Tyler : C’est devenu plus humoristique en cours de route.
Charlie : Bien plus drôle, oui.
Luke : Quoi, le groupe ?
Charlie : Oui, c’est devenu assez marrant ces derniers temps. De la musique légère, un peu farfelue.
Tyler : En ce moment, on se sent comme si on jouait à un spectacle de fin d’année, quand les parents viennent tous nous voir, une sorte de spectacle de variétés. Il y a beaucoup de naïveté et de légèreté, que nous n’avions, je pense, pas auparavant.
Charlie : On est probablement en train de se diriger vers un nouveau cycle de musique très sérieuse, cinématique, pour le prochain album (rires).
LFB : Alors vous allez nous écrire une symphonie ?
Charlie : Une symphonie, ça serait probablement pousser un peu loin. Plutôt peut-être une sorte de comédie musicale nulle.
LFB : Je me demande bien ce que ça pourrait rendre.
Charlie : Vous verrez !
LFB : Comment échangez-vous vos idées concernant les visuels autour du projet ? Y a -t-il une personne en particulier qui prend les décisions ?
Charlie : C’est quelque chose dont on a beaucoup parlé, aux débuts du groupe. A travers tout ça, on a toujours été assez regardants par rapport à la manière dont nous nous présentons, notamment sur internet. Pas en personne par contre, il n’y a pas de raison (rires). Notre utilisation des réseaux sociaux a toujours suivi une esthétique cohérente, à laquelle on s’est tenus, comme un cycle. Et il y en a eu plusieurs évidemment – avec le premier album, puis le deuxième, et maintenant nous entrons dans une nouvelle période.
On n’est pas vraiment surs de ce qu’il va se passer, mais on a vraiment apprécié travailler avec différents artistes, ça a été très gratifiant. On a notamment travaillé avec Bob Price pour le premier album, puis utilisé une peinture de Simon Monk pour la couverture du deuxième. Partant de cette première peinture, on a tissé les mêmes thèmes en les déclinant sur les autres visuels de cet album. C’était notre fil rouge. Et maintenant on travaille avec Rosemary Murray, qui est incroyable.
LFB : Pour rebondir sur cette question de la présence en ligne – que pensez vous de la culture de mêmes qui s’est créée autour de BCNR ?
Charlie : Nos fans sont des gens chelous, de toute manière. Ils sont justes bizarres.
Luke : Je pense que tout cet aspect “memes” peut facilement te taper sur les nerfs, quand des gens en créent tout un tas sur toi par exemple. Mais on joue aussi le jeu, tu vois ce que je veux dire ? Ca dépend de notre humeur du jour. On n’a pas vraiment de point de vue défini sur le sujet parce qu’on fait nos propres petites choses bêtes de notre côté.
LFB : J’ai pu regarder un peu vos tiktoks, notamment les carousels de photos sur lesquels vous vous amusez à rajouter des filtres bien kitsch. Est-ce que ça vous tenterait qu’une de vos chansons devienne virale sur tiktok ?
Luk e: Et bien, on a essayé, de manière ironique – avec “Good Will Hunting”. On s’est dit que ça ferait une super trend tiktok, mais personne ne s’y est mis. Alors j’ai essayé d’enclencher le mouvement moi-même. Et quelques personnes l’ont fait, on me taggue encore parfois dans des vidéos. Le format, c’était simplement moi qui montrais tout ce qu’on faisait au cours d’une journée – ou plutôt, ce que moi je faisais.
Charlie : Parfois, je tombe sur des vidéos qui utilisent la fin de “Basketball Shoes”.
Luke et Tyler : Vraiment?
Charlie : Oui ! Des gens l’utilisent sur des compilations de scènes de “Peep Show”, ou de temps fort de la saison de Premier League de 2009/2010. Très bizarre. Comme je disais, on attire des fans étonnants.
LFB: La musique bizarre attire des fans bizarres. Sans vouloir qualifier votre musique de bizarre, évidemment.
Luke : Mais elle l’est ! Et c’est vrai.
LFB : Avez vous des coups de coeurs artistiques à nous recommander ?
Tyler : On parle beaucoup entre nous de Richard Dawson en ce moment – mais il a toujours été une source d’inspiration pour le groupe. Il y a quelques jours il a sorti le premier single de son album, la chanson dure apparement 40 minutes. Il en a tiré un film qui l’accompagne, pour lequel il a organisé une projection à Londres ; on voulait tous beaucoup y aller, mais malheureusement nous n’étions pas là.
Charlie : Il y a cette musicienne, Daneshevskaya, qui est vraiment super. Elle est devenue une amie du groupe maintenant. Elle est basée au Etats-Unis, et sa musique est incroyable. Une instrumentation assez directe, mais en même temps charmante et richement produite, qui accompagne une voix belle et froide.
Interview et Photos réalisées par Clara de Latour
ENGLISH VERSION
LFB: We’ve seen you perform at several festivals in France over the year, specifically Levitation and La Route du Rock – and now, Pitchfork. How has your french audience been treating you?
Luke: I must admit, Levitation is becoming a more distant memory now, I can’t really remember what the audience was like. But I remember, la Route du Rock was really nice.
Charlie: Really, surprisingly nice. And really big, too. It was massive. I think that in general, our french audience has been really kind to us.
Luke: Also, when we played in Paris (Trabendo), the tour before, it was one of our best shows.
Charlie: It was epic, the audience was really amazing!
Luke: Well, it was our last one (Ed. : before the departure of Isaac Wood as lead singer of the band).
Charlie: it was yeah, terrifying consequences following that night apparently…(laughing)
LFB: any anecdotes about your recent months of touring? How was all the experience, did you manage to have fun between the gigs?
Charlie: We’ve done a lot of shows this summer, I’d even say a really surprising number of shows, given where we were as a band and what our schedule looked like at the start of the year.
Tyler: I don’t think any of us actually processed the dates that were given to us. They were juste numbers on a bit of paper, and then it just happened; it was a beast, a tough thing to conquer. And I’m not saying – we’ve got a very lucky, privileged life, but it was hard.
Charlie: A lot of it was epic, though. Most of the shows were great, we even went to Japan, which was unbelievable.
LFB: That looks cool!
Charlie: It was really, really cool! I think it’s just been kind of chaotic this year.
LFB: How was the Japanese audience?
Tyler: Insanely attentive. It was a big audience as well, which was shocking – I found it really emotional being that far away from home, being in a place that was nothing like where we come from, and that people could relate, could understand our music. And being in the setting of the mountains, the forest.
LFB: Is it easy to balance all you guys’s different energy levels touring as a band?
Charlie: It’s actually better having more people than less, because it means that if you’re feeling one way, there’s probably someone that’s going to be feeling similar – and if you want space, there’s space to be had, because no one’s going to be left out.
Tyler: I’ve never gotten sick of anyone, which, you know, if it was only the three of us (Ed. : Tyler, Luke, Charlie), maybe that would happen.
Luke: That’d be a weird little band – a really normal band – the rhythm section, guitar and bass!
Charlie: That is actually hilarious!
LFB: A part of BCNR’s members have attended music school, do you think this formal education bleeds into your work as a band?
Luke: Well good for you, you’re actually interviewing the three people that didn’t! Everyone else did. It definitely does, at least in term of the contributions of the ones who did go. The way they think about music is maybe slightly different. I think what really helps is that they can communicate ideas very easily because they have all the language so readily available, whereas we’ve picked it up, but we’re still learning.
Tyler : We are! And that’s cool to be educated in an environment thats neither patronising nor intimidating. But it also means that essentially, there are two ways of looking at writing music. Because with education comes rules that have been placed into your head of how music works – and because we never went to school, we don’t have these rules, so it’s just different ways of approaching songwriting.
LFB: A lot of you also play in other bands or have solo projects, how do you navigate this, does it affect the creative process and the way the band performs?
Tyler: My solo thing is just an expression of myself, but also just to try out songs that I’ve written and that became BCNR stuff. So that doesn’t get in the way. Nothing actually does, we want everyone to be able to do what they want to do because if they’re doing something else out of BCNR, they’re doing it because it’s important for them to do, and it informs BCNR and it informs them. And you know, we don’t want to be bound to this; BCNR shouldn’t be our life. We should be able to do what we want to do. Within reason!
Charlie: Nothing illegal!
LFB: it you had to explain BCNR to someone who’s never heard of it, how would you describe its essence?
Charlie: We’re juste friends, writing songs. That’s kind of the main thing.
Tyler: It’s gotten funnier along the way.
Charlie: It’s gotten much funnier.
Luke: what, the band?
Charlie: Yeah, it’s quite funny recently. It’s just sort of like silly music, really.
Tyler: At the moment, it feels like we’re performing at our end of school year show, when the parents have come to see and it’s a bit of a variety act – there’s a lot of naivety and lightness to it, which I don’t think it used to have.
Charlie: We’re probably about to go on another cycle of very serious, cinematic music for the next record (laughing).
LFB: So you’re going to write a symphony?
Charlie: Symphony might be pushing it. Or maybe some sort of rubbish musical.
LFB : I don’t know how that would turn out.
Charlie: You’ll see!
LFB: How do you guys exchange ideas regarding the visual aspects of the project? Is there someone making the call?
Charlie: It’s something that we actually talked quite a lot about, when the group started. Throughout the whole thing we’ve always been quite considerate of how we present ourselves, especially online. Not in person though, there’s no reason (laughing). The way we use social media has always been following a consistent aesthetic that we stick to, like a cycle. And that’s obviously changed, with the first album, then the second album, and now going into this new period – we’re not really sure what’s going to happen, but we’ve really enjoyed working with different artists, that’s been a great part about it. We’ve worked with an artist called Bob Price for the first album, and then we used a piece of art from Simon Monk for the cover of the second album, and then from that painting we used the same themes and reflected them in the other artworks of the album, it was kind of our thread. And now we’re working with Rosemary Murray, who is amazing.
LFB: Speaking of online presence – what are your thoughts about the whole meme culture surrounding BCNR?
Charlie: Our fans are just like weirdos anyways. They’re just bizarre, so I think we can leave them to their own devices.
Luke: I think that it’s sometimes easy for that to get in your nerves, when people are memeing loads of stuff to do with you or whatever. But we also just play into it, you know what I mean? Depending on what mood we’re in. We’re fallible in that sense, we don’t really have a proper stance on it because we do our own stupid shit.
LFB: I’ve watched some of your tiktoks, notably the photo dumps with the crazy visual effects. Would you ever want one of your songs to get viral on tiktok?
Luke: Well we did try to make it happen, sort of tongue in cheekily – with “Good Will Hunting”. We thought this would make a great tiktok trend when we finished it, but no one was doing it. So I started to try and get it going. And a few people did it, I still sometimes get tagged, the format was just whatever we were doing on a day – or rather whatever I was doing.
Charlie: The ending of “Basketball Shoes” – that comes up occasionally.
Luke & Tyler: really?
Charlie: like with people doing – cuts from “Peep Show” and highlights of 2009/10 premier league season – really bizarre. But yeah, I think you would get a weird audience.
LFB: Weird music attracts weird audiences.
Luke: It’s true.
LFB: Not to call your music weird though.
Charlie : It is!
LFB: Do you have any recent favorites, in any artistic field, that you’d like to share with us?
Tyler: We’ve been talking about Richard Dawson a lot at the moment – he’s always been an inspiration though. A few days ago he released the first song from his album, the song is apparently 40 minutes long. He made a film for it and they had a screening in London, we all really wanted to go to that, but unfortunately we were away.
Charlie: There’s a musician called Daneshevskaya who’s really great. She’s become a friend of the band now, she’s based in America and she’s amazing. Kind of straight up but richly produced lovely instrumentation around these cool, beautiful vocals.