Rencontre avec Chateau Forte

Il y a parfois des projets qui ne peuvent s’expliquer par les mots. Les sonorités et mélodies souvent trop puissantes en émotions pour pour que la paroles puissent décrire ce que l’on ressent. Chateau Forte fait partie de ces projets énigmatiques, qu’il faut voir en vrai pour comprendre ce qui s’en dégage. Lola-Ly et Clément, membres du duo, nous livrent malgré tout quelques pistes de compréhension de la musique dansante et poétique de Chateau Forte.

Chateau Forte @ Eva Duc

La Face B : Comment allez-vous ?

Lola-ly : Moi je suis arrivée la veille de notre premier concert, qui était la veille du début du festival. On est arrivés il y a trois jours. On a fait un concert dans un camping juste à côté avec Ladaniva, qui est un autre groupe qui a fait Les Chantiers.

LFB : Comment vous apprivoisez la réouverture des festivals ?

Lola-Ly : Pour nous, ça ne change pas énormément. Alors je ne sais pas comment ça nous impacte… Pas beaucoup, parce qu’on n’a pas fait énormément de festivals jusque là, et que là on fait ça, mais après, on n’a pas grand chose de prévu. Enfin, je crois qu’on est tous les deux sur autre chose. Donc moi, je suis contente d’avoir du temps pour faire autre chose, puisqu’on a fait pas mal de petits concerts entre décembre et maintenant, un peu tous les mois, entre 1 et 3 par mois, donc c’est bien d’avoir une pause aussi pour l’été, c’est super d’être ici.

LFB : C’est la première fois du coup que vous faites les Francofolies ?

Lola-Ly : On a déjà joué l’année dernière, parce que ça fait deux ans qu’on fait les Chantiers. L’année dernière, on était juste sur des ballades chantées. C’est ce qu’on va faire demain. c’était vraiment très léger. Enfin, on n’avait pas du tout de matos. On n’avait rien, pas vraiment de responsabilités, à part être là pour la ballade. Là, c’est trop bien d’être là, c’est un endroit finalement qu’on connaît bien et l’équipe nous accueille très bien, tout le monde est gentil.

LFB : Comment a commencé le projet Chateau Forte ?

Clément : Lola-Ly était monitrice de voile sur Le Havre, et moi j’étais passé par Le Havre pour une expo, et en fait j’ai fini par prendre un cours de voile parce que je trouvais ça cool. Je l’ai rencontrée, on a pas mal accroché, on s’est rendu compte qu’on faisait un peu de musique, on a commencé à faire ça, d’abord de la musique folklorique normande parce que Lola-Ly aime bien la polyphonie normande, et après c’est parti en compo. Chateau Forte parce qu’il y a tout ce côté marin, gardien de l’embouchure marine.

LFB : Ça va bien avec La Rochelle. Il y a beaucoup de texte dans vos musiques, et c’est toi Lola-ly qui écrit ?

Lola-Ly : Oui en grande partie. Après, Clément, je continuerais à le dire, a collaboré sur une chanson qu’on chante à chaque fois qu’on fait un concert. 

Clément : Donc en fait on parle plus du fait que j’ai écrit une partie d’une chanson que du fait que tu écris toutes les autres chansons. 

LFB : Avez-vous des inspirations pour la musique et pour les paroles ? D’où ça vient ?

Lola-Ly : Comme ça, je ne voudrais pas trop citer des gens en particulier parce que je ne pense pas vraiment par référence. Je crois que c’est plus des moments.

LFB : Comment tu les écris du coup ces chansons ?

Lola-Ly : Je me rends compte que lorsque je me dis “bon, aujourd’hui je vais fixer une chanson”, ça vient. Mais trop souvent j’ai plein de trucs en tête. Ce n’est pas du tout fixé mais ça vient avec la mélodie et ça se nourrit l’un de l’autre. Je pense que ça vient aussi des moments où je suis toute seule. J’ai vraiment besoin d’être toute seule pour écrire. Ça vient pas mal dans les moments où je marche. Enfin, j’aime bien randonner et je ne vis plus en ville donc ça facilite les choses. Sinon, parfois quand je suis dans ma douche, beaucoup dans la douche, en faisant la vaisselle. Des moments aquatiques, c’est vrai.

En fait oui, ça va peut-être avec l’eau. Quand j’écris je ne me dis pas “ah tiens je vais écrire comme Prévert, ou là ça me fait penser à un tel ou un tel.”

Souvent ça nous arrive d’écrire des mélodies ou alors des bouts de musique sur lesquels on va essayer de caser une mélodie, et puis j’essaie de me dire ce que peut vouloir dire cette mélodie, j’essaie de lui trouver un sens et de l’accrocher à des choses que je connais ou que j’ai envie de dire. Parfois, je ne sais pas du tout ce que ça veut dire, et puis au fur et à mesure, ça vient.

LFB : Comment arrivez-vous à vous rejoindre sur la création musicale ?

Clément : Chaque chanson est différente. On se retrouve, on va jammer un peu. On va essayer des choses et puis vont naître des choses. Non, mais c’est très foutraque, et à l’intérieur de ça et de d’expérimentation naissent des chansons. Parfois Lola-Ly arrive avec des trucs qui sont déjà très aboutis, des chansons avec des mélodies parfois, et il reste l’instrumentation. C’est assez flexible. 

Lola-Ly : Comme on ne vit pas au même endroit, j’ai l’impression qu’on a un peu ce truc de bosser tout seuls de nos côtés respectifs, et après de se montrer et voir ce que ça donne, mais parfois c’est très abouti d’un côté ou de l’autre, et puis parfois ça se construit vraiment. Il y a d’autres morceaux qui se construisent vraiment de moments où on est ensemble et en venant de rien d’ailleurs. On n’a pas vraiment de technique.

Clément : Je ne sais pas pourquoi, mon téléphone s’est lancé hier sur un mémo de “la pizza” qu’on a vraiment écrit ensemble dans la cuisine.

LFB : J’imagine que c’est compliqué d’avoir un projet au milieu de pleins d’autres projets, comment arrivez-vous à garder ce projet au centre ?

Lola-Ly : Ça fait trois ans qu’on bosse ensemble. Enfin, plus sérieusement sur ça. J’ai l’impression que c’est comme si on était toujours au début. Comme si on était toujours en train de démarrer un truc et du coup, moi j’ai jamais de moment où je me dis que c’est fatiguant, que j’aimerais faire autre chose. J’ai envie d’avancer, il y a plus d’envie que de fatigue. On a plein d’autres choses à côté mais je crois que pour Clément comme pour moi c’est important aussi.

Je n’arriverai jamais dans quoi que ce soit de ma vie à me dédier à un seul truc. Donc c’est bien aussi d’avoir autre chose à côté, ça nourrit de toute façon.

LFB : Pour vous, qu’est-ce qui lie la musique électronique à la chanson à texte ? 

Clément : A priori, il n’y a rien qui les lie et en même temps tout. Parce que les deux sont de la musique dans une certaine forme d’art et de façon de s’exprimer, donc il n’y a aucune raison que ça n’aille pas ensemble, et on n’a pas vraiment réfléchi à intellectualiser ça. On ne s’est jamais dit “on va mélanger du Barbara et du Daft Punk” mais c’est né de trucs assez pratiques. On a fait beaucoup de résidences avec une compagnie de théâtre qui voulait qu’on improvise avec eux, et avec l’envie de mettre des sonorités plus dansantes, l’électronique est venue et avec elle la mise en place d’un setup de machines d’expérimentation. C’est vraiment par ce biais qu’on est arrivés à cet univers-là, donc ce n’est pas du tout réfléchi. Dès le départ, on se laisse vraiment guider par les contraintes qu’on a, par ce qui nous fait bouger à un certain moment, c’est comme ça qu’on crée des formations sur un type de musique. Mais sans réfléchir. C’est avant tout le plaisir que nous procure un son qui décide de ce que tu vas faire comme arrangement, comme type de musique.

Lola-Ly : Être surpris, j’aime bien les moments où on essaye plein de trucs quand on ne sait pas trop où ça va et hop du coup ça marche. Enfin ça marche parce qu’on est tous les deux d’accord que ça marche bien. Mais oui, il n’y a aucun moment où l’on se dit “tiens si on allait faire ça” enfin c’est plus de la recherche et de l’instinct.

LFB : Est-ce que vous sauriez définir un peu votre style de musique ?

Lola-Ly : J’aimerais bien avoir des réponses claires. 

Clément : Cette semaine, je pense qu’on peut dire démangeaisons, parce qu’on a eu des petits problèmes allergiques, et ça marche bien avec la musique aussi.

Une réaction.

(rires)

Lola-Ly : Et toi tu dirais quoi ?

LFB : Hier, dans la voiture en venant ici, il y avait la lune qui brillait et c’était une lune spéciale, ultra proche de la Terre. J’ai écouté les trois titres que vous avez sorti sur Spotify en boucle. Je ne sais pas si c’était la lune, si c’est parce qu’il faisait noir ou alors parce qu’on roulait vite, mais il y avait une esthétique très spéciale, c’était presque irréel. J’ai beaucoup aimé le fait d’être enrobée dans la pénombre avec uniquement les paroles et la musique. Ce n’était pas un état de transe mais comme si j’étais dans une bulle.

Clément : Oui, lunaire. tu as très bien répondu.

(rires)

Lola-Ly : Ça parle toujours soit de nuit, soit de jour, soit entre nuit-jour, ce moment-là, de passage… finalement c’est un peu ça. (rires)

LFB : Théoriser sa musique c’est toujours compliqué…

Lola-Ly : Non mais la notion de limites, jamais trop de quelque chose.

Clément : Un espèce d’équilibre, comme sur un bateau en fait.

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