Artiste rencontré sur la scène depuis plusieurs années déjà, Gabriel Tur est arrivé sur nos platines en cette rentrée musicale avec son premier EP : Papillon Blanc. On est donc allé à sa rencontre dans un lieu hautement symbolique pour lui : le 104. L’occasion de parler de sa musique, de ses influences anglo-saxonnes, de son amour de la langue française mais aussi du mélange entre le théâtre et la musique, de surf et de catastrophe.
LFB : Salut Gabriel, comment ça va ?
GT : Comment ça va ? Bah écoute bien, je suis un peu excité parce que du coup mon EP est sorti le 9, avant-hier (interview réalisée en septembre ndlr). Je commence à avoir des retours, je rencontre des journalistes comme toi. Et puis on va voir Catastrophe et comme je te disais tout à l’heure, c’est important pour moi que ce soit au 104 parce que moi le 104 j’y suis résident théâtre depuis 2016 avec le Grand Cerf Bleu et je suis résident avec mon projet de musique depuis deux ans. Et là, j’ai un programme un peu chargé l’année prochaine avec le 104 en musique parce que je suis accompagné par la région Ile-de-France, ce qui va me permettre d’avoir des résidences, de mettre en place des choses payées donc c’est cool.
LFB : Moi je t’ai connu à travers la scène justement, enfin à travers les concerts. Ces morceaux là, tu les portes avec toi, depuis quoi, deux-trois ans ? Et je me demandais quelles sensations ça faisait de libérer les choses et qu’elles ne t’appartiennent plus ?
GT : Ça fait un peu drôle quand même, même si on s’y prépare vachement en avance. Théoriquement, il aurait presque pu sortir il y a un an. Et quand on est vraiment comme je suis, pour l’instant, hyper indépendant, on gère un peu toutes les étapes, que ce soit le graphisme, contacter les presseurs de disques etc… En fait, c’est plein d’étapes qui prennent vachement de temps. Donc il y a une espèce de sortie du parcours du combattant que j’ai vraiment terminé à la fin du confinement. Et puis j’ai reçu les vinyles. Et ensuite, c’est que de la préparation à la promo.
Donc on est quand même très prêt psychologiquement mais ça fait toujours quelque chose d’un peu chelou de dire « bon bah c’est maintenant ou jamais, on y va quoi ».
Il y a toujours une bonne raison pour repousser, surtout quand tu es en indé et que tu n’as pas une date fixe.
Maintenant je me suis dit « bon même s’il y aura plein de sorties assez cool à la rentrée et que je vais être un petit peu dans le flow, bah je le sors quand même et puis voilà ». De toute façon je vais continuer à me battre et à en parler, à reprendre le chemin de la scène plutôt, en croisant les doigts et en touchant du bois, pour faire vivre cet EP et puis aussi préparer mon deuxième EP, que j’ai déjà commencé à maquetter, à enregistrer, à bosser en résidence, à jouer certains morceaux aussi depuis quelques temps sur scène.
Donc ouais, il y a un côté où effectivement ça fait un peu bizarre de se dire « comment les gens vont accueillir ces morceaux ? ». Parce que quand tu es sur scène tu vois comment les gens l’accueillent et généralement dans mes concerts, ça se passe plutôt bien. Les gens adhèrent et sont chauds. Je pense que par rapport à la scène et à ma performance scénique, j’y mets du coeur. Après sur un disque, tu ne sais pas comment les gens vont le recevoir. Pour l’instant j’ai des super retours donc c’est rassurant.
LFB : Si je te dis que pour moi ton album c’est un album de regard, de regard sur toi mais aussi de regard sur la société. Est-ce que c’est un truc qui te convient ?
GT : Ouais je trouve ça étonnant mais en même temps très juste. Parce qu’effectivement, le mot regard correspond du coup à ce que moi j’appellerais prendre le point de vue de certaines personnes, certains personnages. Pour parler de thématiques, de société, mais aussi d’amour, de loose, de choses qui me font marrer. Mais oui le regard, c’est-à-dire que moi je n’avais pas forcément envie de parler de mon regard personnel sur le monde en direct, avec de l’auto-fiction et mes petites histoires de cœur, de manière directe mais plus, à l’instar de Gainsbourg , d’inventer des personnages et des destins qui sont fertiles pour écrire des chansons..
LFB : Si je te dis ça c’est parce qu’il y a un truc, je trouve, très « théâtral » qui vient aussi de ton background mais c’est vrai que je trouve que chaque chanson a une interprétation, même si c’est léger, on sent qu’il y a un regard, une incarnation qui est différente entre chaque morceau.
GT : Tout à fait. Parce que je réfléchis quand j’écris la chanson à comment si j’étais ce mec-là ou si j’étais dans cette situation là, comment j’aurais envie de parler ou d’imaginer ce qu’il se passe dans la tête de la personne. Et du coup, aussi il y a une dramaturgie dans mes chansons où les paroles sont en général assez fournies et voilà il y a un début, milieu, fin. Souvent c’est une histoire qui avance ou en tout cas le regard ou l’écoute du spectateur, de l’auditeur chemine au fur et à mesure de la chanson. Donc pour revenir à ta question de tout à l’heure, je trouve que le mot regard est bien. Il est assez juste.
LFB : Justement, c’est aussi pour ça que tes chansons sont assez longues. Parce que finalement il y a deux chansons qui sont dans le quart-temps classique.
Je trouve que les morceaux prennnent le temps se développer, avancer, revenir en fait. Et je me demandais justement si le fait d’être « indépendant », tu t’étais offert cette liberté de faire des morceaux de 7mn en fait.
GT : En fait, je n’ai pas trop réfléchi. Mais c’est une fois que j’avais quasiment tout enregistré, qu’on a commencé à mixer que je me suis rendu compte qu’effectivement, c’était quand même des chansons longues. Après, mon passé musical aussi, voilà, je viens du rock psyché, des trucs à la Godspeed You Black Emperor. Voilà mon groupe d’avant c’était plus ça.
Puis Pink Floyd tu vois.. Et j’aime aussi beaucoup Mac deMarco mais j’aime bien ces morceaux qui durent. Je ne sais pas pourquoi.
Il y a Gainsbourg mais il y a aussi beaucoup Bob Dylan. Et voilà ses morceaux sont longs parce que souvent ce sont des histoires et des textes qui nous emmènent dans des paroles, la poésie.
Mais après c’est une poésie qui est assez concrète quoi, c’est pas Léo Ferré ou du Bashung où tu as beaucoup d’images. Moi il y a beaucoup d’images mais il y aussi toujours une histoire, un petit scénario où il y a un premier degré de lecture qui est assez simple.
Et du coup je me dis que je vais essayer de me forcer, comme exercice de style, à faire des morceaux plus courts, plus ramassés pour mon deuxième EP. Même s’il y en a un ou deux, comme La Star dans ce premier EP. Mais ça s’est fait un peu comme ça tu vois. C’est par le texte, je me fais embarquer dans mes influences musicales, qui ont fait qu’il n’y a pas trop de morceaux courts effectivement.
LFB : Tu parlais de psychédélisme, personnelement j’ai noté trois axes de pensée sur ta musique et j’aimerais te faire réagir là-dessus. Déjà je trouve qu’il y a un axe naïveté / fausse naïveté. C’est hyper important dans ce que tu fais justement. Dans le sens où comme tu dis, tu as un côté tout mignon au premier abord mais si tu creuses un petit peu, il y a quand même des choses importantes et un peu plus profondes qui sont dites. Ensuite j’ai noté aussi le surréalisme, qui va de pair avec le psychédélisme. Mais le surréalisme dans le texte et le psychédélisme dans la musique en fait.
GT : Naïveté / fausse naïveté c’est drôle que tu dises ça parce que c’est vraiment les retours que j’ai eu beaucoup hier après le concert au Mégaphone Tour avec beaucoup d’esthétiques différentes sur le plateau. Et ce qui a vraiment étonné les gens c’est qu’ils riaient et à la fois ils voyaient que dans mon décalage, dans l’humour, j’étais hyper premier degré, hyper sérieux.
Et je pense aussi que ça doit venir du théâtre, c’est-à-dire que le théâtre tu défends quelque chose et même si la scène elle est tordante, toi il faut que t’y croies à fond, que tu t’enfonces dans la situation burlesque et drôle de ton personnage. Tu vois Mr Bean par exemple. Je ne sais pas, je prends cet exemple mais il y en a plein. Il est clownesque parce qu’il est con, le spectateur est plus intelligent donc il rit de lui mais lui, il est vraiment dans la merde. Il a perdu sa montre dans la dinde et je trouve que ça, c’est une vraie dialectique importante pour rendre le spectateur actif tu vois. Qu’il ne sache pas si c’est du lard ou du cochon mais qu’il soit toujours tordu. « C’est trop drôle » « nan mais c’est hyper grave ce qui lui arrive » et qu’il soit comme ça, tiraillé entre deux dynamiques de pas savoir si il doit rire ou être en empathie. En même temps, le rire c’est aussi de l’empathie, tu ris parce que tu te reconnais.
Donc naïveté / fausse naïveté, effectivement un premier degré de lecture léger pour à la deuxième écoute se rendre compte que si tu grattes un peu, il y a quelque chose de sérieux et d’engagé derrière mes paroles souvent. Pas toutes hein mais certains morceaux. Après pour le surréalisme, bien sur c’est souvent des situations ou des tableaux que j’aime décrire comme ça avec peu de mots. Qui sont un peu surréalistes, un peu décalés, un peu extraordinaires. Mais toujours avec un coté de choses assez possible. Et il y a pas mal la thématique du rêve aussi, parfois des fantasmes qu’on se fait dans sa tête en rapport avec la réalité et l’esthétique psychédélique vient soutenir ça souvent. Parce qu’exemple dans Trigolove où il y a cette grande montée ou dans Les Cités où bah du coup c’est important pour moi que la musique passe par quelque chose de physique. Et c’est vrai que bon si tu balances qu’un morceau de 2-3 minutes, si tu veux avoir beaucoup de textes et une évolution dans l’histoire, t’as pas trop le temps de partir dans les montées un peu psychédéliques où la sensation que le son provoque sur toi t’emmène quelque part.
LFB : Ce qui est intéressant aussi, c’est que j’ai l’impression que ces montées là dans les chansons ont aussi été créées pour laisser ton corps s’exprimer sur le live. Parce que c’est quelque chose qui est hyper important dans ta musique et dans sa retranscription sur scène. C’est qu’il y a vraiment une présence physique et justement on part sur l’idée du côté théâtral qui est forcément imbriquée dans la chose. Mais je trouve que ça se ressent dans l’EP, que ces plages là sont pensées pour dire « sur le live je vais pouvoir me lacher et les gens avec moi »
GT : C’est vraiment pertinent ce que tu dis parce que je pense que ces morceaux ce sont créés finalement entre le live et le studio. Il n’y a pas eu un moment où je me suis enfermé dans un studio sans faire de scène. J’ai commencé ce projet en testant avec Jean dès le début sur scène en fait et ça nous a vachement servi pour composer le morceau en studio.
Donc effectivement dans mes envies de scènes, il y avait aussi des envies de faire juste des plages musicales pour moi, pour danser, pour aller au contact avec les gens et les faire comme tu dis, rentrer là dedans, dans la musique et se lâcher ouais. Je trouve que… C’est personnel et je ne sais pas si ça se sent dans mon projet, mais justement formater les choses ça peut être un peu dangereux parce que finalement là on nous dit « les morceaux de musique c’est trois minutes » et il y a des morceaux géniaux de trois minutes mais en live souvent ça peut être un peu ennuyeux parce que du coup tu applaudis, hop re-trois minutes, tu rentres un peu dans la chanson, tu applaudis, enfin tu vois ? Je trouve que les mecs comme Flavien Berger, ou peut être Catastrophe, ils proposent de casser des codes et ça pour moi c’est important.
C’est-à-dire que si j’ai envie de faire un piano-voix de deux minutes, je le fais et puis si après j’ai envie de faire un morceau de 15mn qui est une grosse montée, je le fais. Et c’est le même projet. Je trouve aussi que c’est bien des projets qui viennent brasser des envies, des formats,des influences différentes et qui nous emmènent par l’originalité, leurs propos, à nous lâcher ou à justement penser hors des codes, des cases.
LFB : Moi je pense que si on veut te mettre dans une case, le seul truc que je vois, c’est que tu fais partie de cette tradition de personnes qui donnent de l’importance au texte en français mais qui ont une vraie culture anglo-saxonne dans le son en fait.
Et je pense qu’après, les cases on s’en fout un peu mais tu sens qu’il y a ça, qu’il y a un vrai amour de la basse aussi dans ta musique que j’aime beaucoup.
GT : J’étais bassiste aussi quand j’étais plus jeune. Enfin dans mon groupe Cyd Jolly Roger j’étais bassiste.
LFB : Je trouve que la basse ressort vraiment dans tes chansons et je trouve ça hyper cool parce que c’est un instrument qu’on a tendance à cacher dans le fond alors que c’est lui qui donne tout le rythme et toute la structure au morceau.
GT : Qui lie la musicalité et le rythme.
LFB : Je vais te poser une question par rapport au théâtre et à la musique parce que je sais que tu ramènes beaucoup la musique à quand tu fais du théâtre et que finalement tu fais aussi du théâtre quand tu fais de la musique. Je me demandais comment chez toi, l’un nourrissait l’autre.
GT : Il y a divers ponts mais on va dire que par exemple le premier morceau que j’ai composé avec Jean Thevenin (Jaune), c’était Trigolove, c’est ce qui a un peu lancé le projet et c’était parce que je faisais un spectacle avec le Grand cerf bleu qui s’appelait « Non c’est pas ça, Treplev variation ». C’était notre première création du collectif. On l’a joué au Centquatre, au festival Impatience et on était en étape de création de ce projet là. Et je ne sais pas pourquoi, on n’avait pas d’ingénieur son ou de créateur son qui pouvait venir. Et Jean était venu parce que je le connaissais par d’autres potes. Il était venu et c’était dans le spectacle, c’est une sorte de piano / voix, Trigolove, et il y a juste mon frère qui fait de la basse à la fin du morceau. Donc je lui ai dit « putain c’est trop cool ce que tu fais », et il m’a dit « ouais j’ai trop aimé ton morceau, si tu veux, viens dans mon studio on enregistre ». C’est comme ça que ça a commencé. Donc moi je dirais que le premier pont, c’est que souvent j’écris des chansons pour mes pièces de théâtre, j’écris la BO en direct et je fais des personnages de musiciens, donc la musique est importante dans mes pièces. Et du coup quand je fais ça, après je prends le morceau et je l’enregistre en studio pour mon projet quoi. Si je me dis « tiens ce morceau est cool » dans la pièce de théâtre, je vais m’en servir pour mon projet. Je me suis inspiré du personnage principal d’une pièce qu’on joue avec mon Collectif écrite par Quentin Hodara pour Partez Devant aussi..
Donc ça c’est le premier pont on va dire assez basique, c’est-à-dire de composer une BO pour un spectacle. Se dire putain ce morceau là, ces paroles que j’ai écrites… Parce que oui aussi, avec ce morceau dans « Non c’est pas ça », c’etait la première fois que j’écrivais en français. Moi je m’étais fait toute une montagne depuis que je fais de la musique, donc depuis le lycée, de l’écriture en français. Je m’étais dit que c’était plus compliqué que d’écrire en anglais. Et en fait ça s’est avéré faux parce que dès que j’ai commencé à écrire en français, j’ai trouvé ça hyper cool et facile en fait. Je me suis rendu compte que j’avais des « facilités » et du plaisir à écrire en français.
LFB : C’est peut être plus impudique en fait. Enfin les gens voient ça comme plus impudiques parce que c’est ta langue maternelle.
GT : Je me suis aussi rendu compte que mon écriture était déjà vachement construite sans l’avoir vraiment travaillée, sans avoir écrit beaucoup de chansons en français. Il y avait déjà une façon d’écrire et chercher du vocabulaire, de constituer des images. C’est souvent des premiers jets quand j’écris des chansons. Je les retravaille très peu. Et je me suis dit aussi que ça venait de ça, de côtoyer des auteurs au plateau. C’est-à-dire d’avoir bossé des auteurs classiques mais aussi des auteurs contemporains et c’est vrai que le théâtre, c’est souvent une langue. Bon il y a des auteurs qui écrivent comme on parle dans la vie et il y a des auteurs qui ont vraiment leur façon de parler.
Quand tu lis Lagarce où tu vois, ils ont une façon d’exprimer la pensée, d’exprimer la pensée des personnages où il y a leur langue. Ou même des auteurs de romans, enfin tu vois, que ce soit Blandine (Blandine Rinkel), elle pourrait t’en parler aussi. Donc le fait de côtoyer cette littérature là dans mon corps en tant que comédien, je pense aussi que ça m’a habitué à du vocabulaire, à comment on fait passer une pensée par les mots. Donc ça c’est un autre pont que je peux faire. Et le troisième c’est que le fait d’être un comédien professionnel qui est un musicien professionnel, ça t’ouvre plein de portes au théâtre. Dans le sens où avec la Comédie Française, on a fait ce projet là sur l’enregistrement de Bob Dylan, Like a Rolling Stones, Comme une Pierre qui… Et je sais qu’ils m’ont pris parce qu’ils m’aimaient bien comme comédien mais aussi parce que j’étais batteur, pianiste, guitariste et que c’était tout bénéf’ quoi. Enfin voilà ça en tant que comédien ça me nourrit vachement et c’est pas de la comédie musicale, c’est autre chose, c’est jouer des enjeux , tu discutes, tu dis un truc, une scène forte et puis tu prends une guitare, tu joues et il n’y a pas de transition, pas de jeux / pas jeux.
Que tout ça soit un même magma… Donc je fais pas trop de distinction entre les deux. Je me rappelle l’année juste après le bac, avant que je fasse mon école de théâtre où j’étais assez actif avec mon groupe de musique. Je faisais ma première mise en scène à la fac et il y avait un directeur de théâtre qui m’avait dit… Je devais louper une répet’ pour faire un concert sur une grosse place de Montpellier avec mon groupe, c’était un concert important. Il m’avait dit « faut que tu choisisses la musique ou le théâtre ». Moi je lui avais dit qu’en fait non, j’ai pas du tout envie de choisir justement. Je pense que les deux vont se nourrir. Et pareil un autre intervenant à l’école qui m’avait dit qu’il fallait que je choisisse si je voulais être acteur ou musicien.
LFB : C’est très français ça.
GT : C’est très français de mettre les gens dans des cases encore une fois. Et moi j’ai toujours dit « allez vous faire … » parce que je sais que mes deux passions sont là . Je peux pas faire de choix et bien sur, il faut faire des choix dans la vie, tu ne peux pas tout faire à fond mais je trouve que des fois, faire les choses qu’on aime au maximum, si ça te rend heureux, faut le faire.
LFB : Je voudrais revenir sur l’aspect visuel. Je trouve que la pochette super intéressante parce qu’on reste sur l’esprit de ce qu’on disait sur la musique, de cette idée à première vue un peu basique de la personne en blanc avec le logo et tout ça. Et puis si tu regardes les détails, tu vois justement tout ce qu’il y a dans la musique. C’est-à-dire les différents personnages qui sont de dos, le miroir qui est déformant, comme si tu pouvais plonger dedans et devenir une autre personne. Et même dans tes clips en fait, je trouve qu’il y a un vrai travail esthétique qui est hyper important, qui va de pair avec la musique. Et justement je me demandais comment tu t’impliquais là-dedans et comment s’était créé cette pochette.
GT : Comme les clips, comme un peu tout pour l’instant dans mon projet, c’est très empirique. C’est-à-dire que je regarde mon planning et je vois que j’ai un trou là, bon bah j’appelle mon pote Guillaume Belvèze , photographe qui m’avait vu dans un concert à Belleville que j’avais fait dans un petit bar chez une pote au Barbouquin. Qui depuis fait toutes mes photos. Je contacte une meuf qui est graphiste aussi, Charlotte Giarmarchi Verdu, parce qu’elle a fait les pochettes de The rodeo, et la pochette du dernier album de Christophe. Elle m’a vu en concert et elle m’a apprécié. Enfin voilà, c’est que des rencontres que j’ai fait dans la vie et je me dis, bon bah si vous aimez mon projet, on bosse ensemble. Et ça se fait de manière empirique aussi les clips.
C’est-à-dire que j’ai une idée de scénario, souvent quand j’écris la chanson, j’ai un peu le clip en tête. Donc j’en parle à des gens ou je le réalise moi-même. Papillon Blanc je l’ai réalisé avec un pote tu vois Laurier Fourniau. Pour Trigolove, je l’ai réalisé tout seul en allant à Tahiti avec l’aide de Laureline et mon mailleur ami Aurélien et puis avec l’aide de ce même Laurier de retour à Paris pour les images à Paris. Et puis ça se fait toujours un peu par hasard. Ben tiens le mec qui a monté Trigolove, c’est Robin Lachenal qui a fait pas mal de clips de Flavien Berger aussi. Je l’avais rencontré à une soirée et voilà. Ça se fait comme ça, on discute. C’est des rencontres.
Et maintenant à force de rencontres, je peux dire que j’ai une sorte d’identité qui s’est faite autour de moi mais tout passe par mes idées, ma vision des choses, en rebond avec les autres. Et pour Partez Devant, pareil ça s’est fait avec une ancienne pote de Béziers Delphine Sicard Malafosse qui m’avait vu en concert avec sa collaboratice Amandine Mane. Et voilà ma place dans l’écriture des scénarios ou dans la réalisation des clips, est assez importante. Dans la réalisation de la pochette aussi.
On a eu cette idée là des miroirs quand on a fait la séance photo et finalement c’est l’idée que j’ai gardé. Après bon bah voilà, ça se passe bien avec les gens avec qui je travaille pour l’instant. Il y a jamais eu de clash ou de trucs. Je considère que l’empirisme et l’improvisation et l’accident est important dans… Même dans le travail d’une identité visuelle, parce que justement on peut pas encore une fois être dans des trucs trop calibrer, même le clip de Partez Devant qu’on avait préparer en amont et qui est plus lécher on a du improviser et réinventer des choses au tournage et au montage alors…
LFB : Il est quand même assez inquiétant ce clip. Le double bizarre…
GT : Ouais ouais. C’est Victor le Dauphin ! Ça pareil, je me suis rendu compte que sur ce premier EP avec tout ces clips, même en essayant de prévoir les choses beaucoup en amont, et en réfléchissant à tous les détails, il y a toujours des choses qui passent à travers les mailles du filet. Donc faut savoir être souple, rebondir . Enfin voilà je suis aussi un peu control freak et c’est peut être parfois un peu trop. C’est pour ça aussi qu’il me tarde d’avoir un entourage professionnel un peu plus présent, même si ça se fait petit à petit. Pour aussi des fois, me délester. Mais c’est compliqué quand c’est ton projet, et comme je sais ce que je veux. Et la preuve en est, c’est que toi tu trouves que c’est cohérent alors que finalement c’est que des bouts de ficelles et des potes différents. Mais le dénominateur commun, c’est moi et c’est ma vision. Et je sais où je vais tu vois, enfin je pense (rires). Peut-être que pas du tout mais je pense pas.
LFB : Encore deux questions. Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour l’avenir avec ce premier EP ?
GT : Déjà avoir une reconnaissance médiatique un peu plus grande pour en parler. Après moi je trouve que c’est hyper important d’avoir des relations comme ça avec des médias engagés qui sont hyper pertinents dans leur travail.
Donc ce que je pourrais me souhaiter, c’est d’avoir un accompagnement et un milieu professionnel un peu plus développé pour pouvoir aussi faire parler de projet à un plus grand nombre. Et puis oui pouvoir aussi financièrement, ne pas tout prendre en charge. Là je vais avoir l’aide de la région Île-de-France déjà donc c’est cool.
Pour être concret, trouver un label, un tourneur, ça serait cool et puis un distributeur pour créer et faire mon deuxième EP, en gardant mon indépendance et ça je me battrais en tant qu’artiste. Parce que mine de rien, les artistes ont toujours le dernier mot. En tout cas, moi je crois à ça. Dans le théâtre, c’est possible parce qu’on est dans le théâtre subventionné. Dans la musique, c’est peut être un petit peu plus compliqué mais je pense que c’est possible aussi. Il faut savoir bien s’entourer et savoir dire non à des moments.
C’est un vrai plaisir de faire de la musique, de la partager sur scène et puis voilà de se lancer dans cette aventure là. Donc voilà, ça serait cool un entourage professionnel, un label.
LFB : Ma dernière question, c’est : est-ce que tu as des coups de coeur récents à partager avec nous ? Pas forcément que de la musique.
GT : Des coups de coeurs récents ? Là je lis un livre d’un mec qui a fait la révolution contre Slobodan Milosevic. Il s’appel Srdja Popovic et ça s’appelle « Comment faire tomber un dictateur quand on est seul tout petit et sans arme » et pacifique en gros. C’est très drôle. C’est vraiment basé sur l’humour. En fait c’est un mec qui a réussi à faire petit à petit enrayer la dictature de Milosevic grâce à des canulars, à des blagues. Donc il a un centre de formation international où il y a des gens, des activistes syriens, des activistes du monde entier et il leur apprend, il fait des séminaires avec eux, pour comment on va faire pour petit à petit déstabiliser le pouvoir.
Voilà ça c’est un peu mon coup de coeur de l’été. Je suis en train de finir de le lire. C’est très drôle en plus. À chaque fois il invente des trucs absolument drôles. En Syrie, ils font des balles de ping-pong avec écrit « Résistance ». Donc quand tu vois des flics qui te font peur mais qui sont en train de ramasser ces balles comme des cons, ça les décrédibilise quoi.
Après musicalement, Catastrophe je pense que c’est des gens où tu sens qu’il y a une affinité de coeur, par leur rapport qu’ils ont avec la scène, à l’écriture, à leur côté justement hors case. Le fait que ce soit des auteurs aussi, en partie comme Blandine (Blandine Rinkel). Des gens un peu touche à tout, ça me plaît beaucoup et musicalement c’est aussi super intéressant ce qu’ils font, leur écriture… Voilà c’est des gens que je suis avec intérêt. Après le surf, je l’ai découvert cet été.
Enfin, j’aimais le surf et j’ai toujours aimé la culture surf. Je suis un gros fan des Beach Boys putain. Mais j’ai découvert ce que c’était de manière physique. J’en ai fait pendant un mois là. Et c’est hyper intéressant comme rapport au sport, à la nature. Ça te remet un peu à ta place, tu vois les vagues que tu te prends dans la gueule, qui te défoncent la gueule (rires). C’est aussi se remettre à sa place, tout petit par rapport à la nature. Et puis voilà, parce que je pense que c’est ce genre de sport qui, écologiquement, peut faire réfléchir. Parce que tu te dis que t’es pas grand chose par rapport à la puissance de la mer. C’est un sport actif, c’est-à-dire que t’as pas l’impression de faire des efforts.
Mais comme tu penses toujours à remonter pour prendre ta prochaine vague, finalement t’es crevé et t’as vachement fait de sport alors que t’as juste essayer d’avoir des sensations. Et dans ces trucs là d’adrénaline, ça me parle par rapport au théâtre, à la musique, de se lâcher quoi. Et c’est vrai que la détente, tout ça… Donc ouais un peu un coup de coeur sportif de l’été. Surfer c’est aussi une bonne philosophie de se laisser emmener par les vagues et aussi accepter de se prendre des vagues dans la gueule. Donc pareil pour le coronavirus, je pense qu’il faut laisser passer cette vague de merde et puis surfer sur celle qui va arriver après. On va voir.