Rêveur à l’univers coloré et nostalgique, Basile Palace a commencé par faire du rap à 14 ans. Ses inspirations musicales l’ont amené à fusionner son rap avec de la pop, du rock et du hip-hop. Découvrez son univers avant sa Maroquinerie, le 9 octobre prochain !

La Face B : Bonjour Basile Palace !
Basile Palace : Bonjour Romane !
LFB : Comment ça va ?
Basile Palace : Ça va super et toi ?
LFB : Ça va très bien. Bon, alors, qui es-tu ?
Basile Palace : Wow. Qui es-tu ? Ça c’est une question très difficile.
LFB : Vous avez quatre heures.
Basile Palace : Exactement, c’est parti (rires) ! Moi, je m’appelle Basile Palace. J’ai 27 ans. Je viens de Paris. Je faisais du rap avant sous le nom de Ezno. J’ai tout mis en privé, tu ne peux pas retrouver. Mais par contre, je n’ai pas supprimé. À l’époque, c’était très rap. Je prenais des instrus de rappeur que j’aimais bien. Puis, j’ai arrêté un peu pendant mes études. Et quand j’ai recommencé, je me disais que c’était dommage de faire que du rap parce qu’il manque une partie des influences que j’aime bien. J’étais fan de Mika, et de la pop britannique quand j’étais petit. J’étais fan de plein de trucs, rap, rock. J’étais hyper fan d’Eminem, qui me fascinait. Il avait une tendance à pouvoir sampler n’importe quel type de musique. Du coup, je me suis dit que ce serait cool.
J’étais avec deux potes, un qui faisait du jazz au CNSM, de la composition, mon meilleur ami d’enfance, et un autre qui faisait de la pop avec un groupe qui s’appelait les Tears. C’était un membre de Kids Return avant. Ils ont composé et produit sur l’album. Ça a pris un ton beaucoup plus pop, voire rock, voire jazz. C’est trop stylé, en plus, c’est à l’origine du rap. On trouve du coup beaucoup plus de pop, et c’était une volonté que j’avais aussi.
LFB : Si je devais résumer ta musique en quelques mots, je dirais : positive, colorée et chanson.
Basile Palace : Chanson, tu parles genre mélodie, ou influencé variété ?
LFB : Plutôt parce que ça chante.
Basile Palace : Ça chante, c’est vrai. C’était une des volontés aussi. Sur l’album, ça a changé parce que j’ai fait plus de chansons où je suis en voix seul.
Positive, en vrai, c’est trop bien. Parce qu’il y a parfois des sujets tristes, mais le but, c’est que ce soit sympa, que ce soit solaire. En concert, j’ai le smile. Moi, j’ai toujours dit que le but en faisant ce projet, c’est aussi de faire une partie un peu améliorée de moi et d’essayer de tendre vers elle. Je crois vachement que quand tu crées, si tu le fais depuis toujours et tout, c’est parce que tu as un besoin de le faire et envie de partager ça avec des gens pour les aider aussi. Donc, je ne voulais pas que ce soit défaitiste.
J’aborde beaucoup l’amour de mon père dans l’album, mais j’ai pas du tout envie que ce soit défaitiste. Alors c’est bien que les gens soient touchés ; je pense qu’en sortant du concert, si j’ai réussi à faire avoir aux gens un peu de frissons et en même temps qu’ils repartent avec le sourire, c’est que j’ai réussi de ouf ce que je voulais faire sur l’album.
Le dernier qualificatif, c’était chanson. Ça c’est super parce que c’est un des grands trucs qui fait que j’ai voulu réorienter le projet, c’était que j’aimais trop, peut-être que ce que je préfère dans toute la musique, à part les concerts, c’est le moment où tu trouves la mélodie. Encore plus que l’écriture, ça me fascine quand ça vient, que ce soit moi ou un pote, je trouve que c’est un des moments les plus purs que tu peux avoir en création. Si t’es avec la personne qui est en train de faire les accords et que d’un coup ça vient et que les deux se regardent, c’est cool, c’est incroyable. D’ailleurs dans le documentaire sur les Beatles il y a quelques années, ils filment à un moment et ils montrent vraiment le moment où ça arrive. C’est hyper rare de filmer ça et c’est magique comme moment, ils se regardent, t’as un des plus grands tubes du monde qui est en train de naître et les mecs ils sont là pour l’instant, il y a juste une voix et une guitare qui jouent les accords. Je trouve ça fou comme truc, et c’est le moment où t’as le plus de frissons, ça veut dire que tu kiffes. Le succès ça reste un accident, tu ne peux pas le fabriquer, c’est les gens, donc fais ce que tu aimes et puis voilà.

LFB : Mélanger le rap et la pop, c’était nouveau pour toi ?
Basile Palace : Au moment où moi j’ai commencé le rap c’était encore quand même assez cadré, et puis je pense que je n’osais pas sortir de certains codes parce que j’avais envie que ce soit crédible. Quand tu grandis, tu as peut-être plus confiance dans les choix que tu fais, maintenant je m’en fous qu’un petit me mette un commentaire en mode « c’est naze », pas grave, maintenant ça va, je suis en paix.
J’ai eu pas mal l’occasion de pouvoir faire chanter des copines et des chanteuses sur des chansons. Il y a six personnes qui chantent sur mon album : mon frère, ma mère, mais aussi trois copines qui sont aucune des chanteuses, et c’est ma meilleure amie, qui est dans Toi et Moi, par exemple. C’est elle qui fait les trois voix à chaque fois et elle chante pas, elle est actrice, mais c’est trop beau, elle a un timbre de voix qui est trop beau.
LFB : Dans ta bio Spotify, on peut lire à un moment « OVNI musical », ça m’a intrigué. Ça veut dire quoi ?
Basile Palace : Je sais pas, c’est difficile pour moi de parler de ma musique comme ça. Parfois c’est un problème, même si c’est en train de changer je pense pas mal, mais les gens ont du mal avec les cases, parce qu’on a besoin de classifier, et du coup si tu dis tu fais un truc qui est entre des trucs… Il y a des termes qui sont sortis, des expressions comme pop urbaine, le hip hop, pour faire les deux, tous ces mots existent. Mais je pense que c’est pas très important, l’important c’est est-ce que c’est bien à la fin, est-ce que t’aimes bien ou pas.
LFB : On te connaît pour ton album qui s’appelle 22m2. J’ai lu que c’était la taille de ta chambre.
Basile Palace : Non, même pas, ça aurait été grand (rires) ! C’était la taille de mon appart avec mon père. Un pote, à l’époque, quand on en avait parlé, je lui avais dit que j’ai commencé à faire de la zik dans cet appart. C’était un moment où avec mon père, on était un peu en galère, il se faisait expulser d’appart, moi je le suivais, et mon petit frère qui allait naître avec ma belle-mère. Du coup, on campait un peu dans cet appart, et c’est à ce moment-là où j’étais un peu ado, et j’étais peut-être un peu en colère de ce qui arrivait autour de moi, que j’ai voulu commencer à écrire. J’écrivais des trucs en prose avant, genre des petites histoires quand j’étais petit. J’ai toujours voulu écrire, raconter des trucs, mais je trouvais que la musique avait un truc en plus.
Du coup, c’était la taille de cet appartement, et mon pote m’avait dit, c’est pas grave, parce qu’on a trouvé Basile Palace comme nom, je trouvais que c’était cool comme truc. Et il y avait une double histoire, c’est que les premiers morceaux, on les a composés dans une toute petite cave à Montreuil, un peu dégueu, où on a fait des mélodies qui étaient beaucoup plus lumineuses que la cave ne l’était. Ce n’est pas non plus une cave terrifiante, mais ça contraste avec l’idée de Palace. Et du coup, 22m², je me suis dit : « je ne reprends pas mon nom d’Ezno, je ne fais pas trop de références à ça dans le projet », parce que c’était plus sur mon père que sur moi, et sur ma famille. Je voulais plus parler de trucs de relations et de sentiments que d’un truc strictement biographique, je pense. Mais du coup, je trouvais ça sympa de remettre ce nom, et puis il y a l’idée, je ne sais pas, on peut s’agrandir, du coup ça commence petit.
LFB : Ça fait quoi de sortir un album ?
Basile Palace : C’est dingue. Non, en vrai, c’est ouf. C’est ce que j’ai mis en story l’autre jour sur un post, j’avais une photo de moi petit qui était en train de chanter devant des potes. Je n’y crois pas, mais ma mère m’a dit un truc, avant que je fasse de la musique, donc je pense que c’est vrai. Elle était allée voir une comédie musicale, il faudrait que je retrouve le nom, quand elle était enceinte de moi, et je tapais en rythme sur le truc. Énorme comme truc. Elle me disait que depuis, j’avais, petit, le sens du rythme, j’étais un bébé très cool.
Je me disais, imagine cet enfant, le petit qui commençait à rapper, à l’époque, à partir de mes 13, 14 ans, imagine qu’il voit ça aujourd’hui. Et je vois mon petit frère qui, lui, fait moins de musique, mais a le même âge que moi à l’époque où j’ai commencé, il voit ça, ça le rend fou. Je suis fier de l’avoir fait pour mon père, en vrai. Il aimait beaucoup le projet. Moi, j’ai toujours dit, attendez pour être fier, on ne l’a pas encore fait, mais force est de constater qu’il est parti avant et qu’il était fier quand même, et c’est cool, même s’il n’a pas pu tout voir.
LFB : Tu parles de quoi, c’est quoi qui t’inspire ? Sur quoi tu écris ?
Basile Palace : Alors, ça a pas mal changé sur l’album, c’est pas un album concept, mais c’est un album qui a quand même un fil conducteur, et je trouve que ça c’est cool. Même si on écoute la musique de façon plus segmentée avec les plateformes aujourd’hui, ça reste cool de faire des albums, parce qu’il y a des moments où c’est chouette.
Et du coup, sur le premier EP, je pense que c’était peut-être beaucoup moins biographique, à part une chanson qui s’appelait Cartoon, où je racontais un peu ma vie enfant, des trucs d’enfance, on a déjà un peu ce thème. Je l’avais appelé Cartoon en référence à Mika, dont le premier album s’appelait Life in Cartoon Motion, de 2009. Je trouvais ça trop beau comme image, de se dire qu’on essaie de vivre dans une BD, genre on met des couleurs, et tu vois l’univers qu’a suivi après. Il était aussi assimilé à ça, il y a un truc de personnage. C’est comme ça qu’on voit la vie quand on est enfant. Bref, sinon c’était des chansons d’amour, parce que je trouve que c’est une universel comme truc, et c’est cool parce que ça parle à peu près toujours à tout le monde, indépendamment de ce que les gens ont vécu, c’est une manière de rapprocher toujours les gens sur des trucs où personne ne sait ce qui s’est passé derrière. Moi, je me sers de ce que j’expérimente, mais c’est aussi trop bien de pouvoir parler pour mes potes, de raconter des trucs. C’était une période sortie de l’adolescence où il y a eu beaucoup les premières ruptures, les premiers trucs, où tout le monde fait mal.

LFB : Tu n’écris pas que sur des expériences perso ?
Basile Palace : Non, du coup, pas du tout. C’est une phrase que je dis régulièrement pour expliquer, parce que je la trouve trop bien, c’est Lujipeka dans un morceau de Columbine qui disait, « Elle et lui / n’existent pas, / je m’en sers pour raconter ce que je vois ». Et je trouvais ça trop bien. En effet, parfois, je vais me servir de trucs que j’ai pu vivre. Quand je parle de mon enfance, c’est le cas. Je vais faire référence à des sentiments que j’ai eus dans l’amour.
Vu qu’il y a eu la mort de mon père au milieu de tout ça, pendant l’album, j’étais en train de composer la mélodie d’un des singles de l’album quand j’ai appris qu’il était rentré à l’hôpital pour une crise cardiaque, Ça devait être une chanson d’amour au départ. Et les deux, trois phrases, c’était déjà « Attends-moi juste un peu, un jour je serai heureux ». Et puis je me suis dit que ça allait être sur lui. Et du coup, j’ai fait un peu trois temporalités : une chanson sur la mort en elle-même, vraiment le moment de la mort. Une chanson sur un dialogue un peu imaginaire qu’on aurait pu avoir, avec la voix de mon petit frère sur le refrain. Une chanson qui revient sur mon enfance et sur le côté nostalgique du rapport dans l’idéal. Voilà. Il y a un peu de tout ça.
Et Mécaniques est un peu à part dans l’album. Après, il y a aussi des chansons d’amour, des ballades pop, vraiment instrumentale, genre guitare-voix. Dans Mécaniques, c’est un peu plus en rapport à la vie de façon générale. C’est peut-être celle où je parle un peu plus de moi, de mon ressenti, de comment je vois le monde, comment je l’expérimente, ce qui me fait, en fonction de mon âge, comment j’ai vu les femmes. Voilà.
LFB : Justement, ma question profonde de l’interview : est-ce que tu dirais que ta musique retranscrit qui tu es ?
Basile Palace : Oui. C’est une bonne question. Je ne sais pas si elle est profonde, mais elle est super en tout cas. Si, c’est profond parce que c’est à la base un peu de tout ce que j’ai voulu faire quand j’ai créé le projet. J’ai été diagnostiqué borderline et TDAH. Pendant longtemps, avant le diagnostic, je n’étais pas non plus trop dans le mal, mais j’avais des phases très down, des trucs très hauts. Je ne comprenais pas très bien les sensations. C’était souvent beaucoup trop fort. Et ça me faisait assez mal dans la vie de façon générale.
Du coup, la musique, je l’ai toujours vue comme un truc où quand j’étais petit, j’écrivais des histoires tristes. Tout le monde me disait qu’elles étaient tristes, mais parfois, ce n’est pas grave parce que la vie n’est pas toujours trop marrante. Mais j’avais tendance à avoir les choses de façon très sombre. Mes histoires, tout le monde mourait à la fin. Il y avait des suicides et tout. Tout le monde était en mode, wow, pourquoi à ce point-là. Et du coup, quand je suis revenu à Basile Palace, je pense qu’il y avait l’idée justement de se détacher de ça et d’être en mode, voilà, je n’allais pas bien à ce moment-là. Qu’est-ce que je peux créer qui va m’aider à tendre vers cette personnalité ? Et c’est pour ça qu’il y a un truc aujourd’hui qui est vachement commun dans la musique et que je comprends. C’est le rapport avec les réseaux, l’instantanéité, le côté « on est proche des gens », « on est normaux ». Je pense que depuis l’époque, c’est assimilé beaucoup au phénomène qu’il y a eu autour d’Angèle, où elle était très à assumer le côté, « je me lève, regardez, je suis décoiffé le matin ». Mais du coup, ça a un peu cassé le côté où on peut essayer d’avoir un personnage.
En fait, je trouve qu’en France, on a un peu du mal avec la notion de personnage. Je trouve que ça a un côté comique. Aux Etats-Unis, ils arrivent beaucoup plus. Moi, ça me ferait chier que Bowie fasse un vlog pour expliquer pourquoi il a les yeux verons. J’ai la flemme, je préfère ne pas le savoir et le voir arriver comme ça, comme un alien, en mode, wow, c’est qui ce mec ? J’ai pas envie qu’il m’explique pourquoi il a fait Ziggy Stardust. J’aime bien ça. Alors, je trouve que c’est très bien de désacraliser potentiellement l’image de l’artiste parce qu’il n’y a pas à sacraliser. Par contre, sacraliser l’idée de l’art et de la musique comme chose qui est au-dessus de nous, moi, je trouve ça bien. Alors, il y a un truc malsain à le faire de façon fanatique, peut-être, et ça c’est dangereux, mais je trouve qu’il y a peut-être un milieu à trouver là-dedans. En tout cas, je pense qu’on gagnerait en France à pouvoir se dire qu’il y a des gens qui sont des personnages, et que ce n’est pas forcément comique. Tu vois, parce qu’un mec comme Eminem en France, ça serait forcément passé pour un truc comique d’une certaine manière.
LFB : Pour moi, le perso le plus connu de la scène un peu française, récemment, ce serait Lorenzo.
Basile Palace : Oui, tu vois, instinctivement, j’ai pensé à ça aussi. Je pense à Kamini à l’époque, c’est autre chose, mais il s’est archi inspiré d’Eminem. Parce qu’il bossait dans un asile psychiatrique en tant qu’infirmier. Et du coup, il y a un clip, c’est pas un remix, mais c’est vraiment le Psycho Star Show, je crois. Et dans l’instru, ça ressemble tellement à Dre dans les années 2000. On dirait vraiment The Real Slim Shady, il y a un peu des trucs grotesques. Il a fait Disque d’Or et tout, mais en France, c’était perçu comme un gag. Oui, il est moche et drôle, mais il est archi sérieux, lui. Et Kamini, il était pas que drôle, c’était archi stylé ce qu’il racontait. Et je pense qu’il a pas pu, et on l’a toujours vu comme le mec de Marly-Gaumont, le mec comique. Alors qu’il avait beaucoup plus…
Et du coup, c’est un peu comme les battle MC. J’ai jamais voulu faire de battle en rap, alors que j’adore ça. Parce que j’avais trop peur qu’après, une fois que tu colles une étiquette sur un truc, t’es en mode battle MC, c’est tout.

LFB : Et niveau écriture et compo, comment tu fonctionnes ? Est-ce que t’es team « j’ai une banque de texte et je vais mettre sur ma musique » ou team « je compose de la musique et je vais écrire dessus » ?
Basile Palace : Ça change de plus en plus. Avant, quand j’ai créé le projet, je voulais grave que ce soit toujours à partir des accords que je compose. Puis malgré tout, il m’est arrivé des moments où mes potes n’étaient pas dispos, vu que je compose qu’avec des gens, je compose pas tout seul. Donc parfois, je peux prendre deux, trois références sur YouTube. Après, je referai ou je changerai les accords et tout, mais pour avoir une référence, une idée d’une vibe que j’ai. Mais j’écris de plus en plus souvent maintenant, sans composer de mélodie dans ma tête, en me disant je vais voir et peut-être qu’en fait, ça collera sur un truc. En tout cas, c’est rare que je trouve des mélodies cool sans avoir d’accord avec. J’ai vachement mal à projeter une mélodie sans avoir la base harmonique derrière. Moi, je pense que c’est parce que je suis pas un musicien de base. Et du coup, j’arrive pas à imaginer comment ça sonne, donc il me faut une prod. Par contre, je peux le faire avec une ébauche de prod, je peux le faire avec un sampleur en deux secondes en mettant un petit truc. Il me suffit de quatre accords, par contre.
Je me casse souvent à Londres quand je peux, même si c’est cher, pour aller écrire. Parce que j’adore écrire là-bas. J’ai écrit beaucoup de l’album là-bas, entre Paris, et une maison dans le sud de mon pote. Et donc là, je m’apprête à recommencer à écrire. Parce que ça fait longtemps que je n’ai pas écrit. J’ai passé mon année à faire de la promo, des clips et pas de musique. Et je trouve que c’est quand même bizarre de passer autant de temps à ne pas faire de musique quand on est censé être musicien. Mais c’est le jeu. C’est super agréable de faire le reste aussi. J’ai très hâte de refaire de la musique. Ça va être bien.
LFB : Je t’ai vu en concert à la Maroquinerie en janvier 2023. C’était trop cool ! Est-ce que tu trouves que ta musique a mûri depuis les débuts ? Est-ce qu’elle a changé depuis, par exemple, Qu’est-ce que tu nous chante ?
Basile Palace : Alors, oui, dans l’ensemble, je trouve que oui. Je considère qu’elle est plus adulte, qu’elle a grandi parce que j’ai grandi. Mais je ne considère pas qu’elle soit arrivée… Je ne sais pas si tu y arrives un jour. Et je ne sais pas, ça se trouve, dans dix ans, je vais écouter un de mes premiers morceaux et je me dirais, tu avais raison là-dessus plus que ce que tu as fait ensuite. Il y a des trucs que tu ne retrouveras. C’est toujours bizarre, ça. Tu ne sais jamais. Tu as toujours l’impression que sur le moment, tu es mieux quand tu changes.
Et puis, je ne sais pas, c’est un truc classique de la musique. Tu te dis toujours, le prochain sera le meilleur, le prochain sera le meilleur. Parfois, ce n’est pas le cas. Et c’est dur quand ça t’arrive, je pense, quand tu fais un tube et qu’après, plus jamais, ce n’est pas facile. Ça peut te servir à en vivre et c’est génial déjà. Mais tu peux être en mode, merde, comment je l’ai fait ? Est-ce que j’avais vraiment du talent ? Est-ce que ce n’était que de la chance du coup, ce truc-là ? Est-ce qu’on s’est foutu de ma gueule en me faisant percer ? C’était un rêve que j’ai vécu ou pas ? Parce qu’en fait, d’un coup, c’est dur à vivre en plus, je pense. Costaud quoi.
Mais du coup, je pense qu’elle a mûri parce que moi, j’ai grandi un peu. Après, le rapport par exemple entre Qu’est-ce que tu nous chantes et mon album, c’est compliqué à faire parce que c’est une chanson d’ego trip où je m’amuse. Et en l’occurrence, j’ai parlé à un pote il n’y a pas longtemps, il m’a dit « tu vois l’album, alors il sonne joyeux mais les thèmes sont tristes ». Et il m’a dit, c’est un mec qui tient beaucoup à moi, avec qui j’ai commencé le rap à 14 ans à l’époque, il s’appelle Alexis, qui est incroyable et qui m’a dit « mais tu vois, c’est bien que tu l’aies fait parce que t’en avais besoin, t’étais pas bien à ce moment-là, donc les textes sont durs mais on a besoin de kiffer, de danser» etc.
Et puis je pense que c’est hyper important de tirer la ligne la plus longue possible entre ton premier album et le deuxième, pour ne pas te cantonner à un style, parce que si tu restes sur la même chose, non seulement t’as un risque de décevoir, parce que tu refais, et pour toi, ça peut être réducteur à terme de t’imaginer ça. Enfin en tout cas, c’est pas impossible du tout que dans les mois qui arrivent, je sorte un EP de rap, ego trip, marrant, de nouveau hyper coloré où je fais des trucs comme ça. Ça pourrait très bien revenir et j’ai envie de le faire parce que justement, c’est un truc que je disais sur le premier EP, c’est le rappeur qui voulait chanter, chanteur qui voulait rapper, les deux, l’un ou l’autre, et j’étais en mode, en vrai, pas l’un ou l’autre, genre nique, ça ne veut rien dire. Il y a les deux, je fais les deux, c’est pas grave en fait.
Et surtout, en vrai, les gars qui vendent le plus en France dans le rap aujourd’hui, c’est genre Gims, Orelsan, c’est loin d’être du full rap, c’est pas de la drill, c’est quand même assez variété certains morceaux d’Orel. Si ça marche, tu seras calé dans les playlists. Si ça marche, ça marche, de toute façon, il n’y a pas de galère.
LFB : Bonne transition par rapport au rap, parce que j’allais dire que ce que j’aime bien aussi dans ta musique, c’est qu’il y a les côtés rap. Et j’entends un peu des flows de 2TH.
Basile Palace : Ah ouais, mais grave, trop stylé, trop calé.
LFB : Un peu Columbine, aussi. Et puis dans les textes en plus, je pense, au-delà du flow.
Basile Palace : Il y avait beaucoup de mélodique. Ils étaient plus autotunés, ils utilisaient plus d’effets de voix. Mais je trouvais ça génial. J’ai beaucoup aimé Columbine, leur album Adieu bientôt. C’était un super titre d’ailleurs.
LFB : Ce qui m’a sauté aux oreilles en second plan, c’est Philippe Katerine.
Basile Palace : C’est marrant, est-ce que t’as eu une chanson particulièrement où ça te l’a fait ? Parce que moi j’y croyais pas, alors que j’adore Philippe Katerine. Mais sur Dernière Round on s’est rendu compte qu’en fait, il y a deux trois phrases où en effet c’est… Après je pense que c’est Philippe Katerine, il le fait genre fois dix. Mais du coup je comprends parce que dans l’intonation il y a un petit truc.
Mais à la fois quand je rappe beaucoup et je pense dans Palace par exemple, on me disait Sadek. Et en fait c’est marrant car il y avait un truc très bien articulé, mais t’as quand même un peu de souffle qui passe, je sais pas comment dire. Il y avait plein de gens quand je faisais du rap sur des groupes de nos, plus personne ne me le dit. Et c’est marrant, je passe des gens qui me confondent à Sadek potentiellement à Philippe Katerine. C’est marrant comme principe. Et en vrai bonne définition du projet. Cool.

LFB : Tout à l’heure, on parlait de la coloration de ta musique. Mais il y a aussi la couleur dans tes visuels, où tu portes souvent un t-shirt rose. Je ne m’attendais pas à ce que t’en aies un aujourd’hui !
Basile Palace : Je l’ai acheté en trois exemplaires ! Je l’ai acheté en trois pour être toujours avec dès que je prends une photo et tout. Je veux faire la blague de Vald. Je sais pas si tu te rappelles à l’époque, il avait tout le temps un pull Redskins avant de percer. Et tellement il le mettait tout le temps, c’était devenu une blague dans les commentaires, genre frère achète un pull. Du coup ça faisait monter et tout. Et c’était devenu le mec au pull Redskins pendant un moment avant de péter vraiment. Et du coup je me suis dit parfait, si dans 6 mois tout le monde dit je suis le mec au t-shirt rose, je suis trop content, j’ai réussi mon coup. Voilà, ça commence à rentrer.
LFB : Tes covers sont colorées et chaleureuses. C’est quoi la motivation de cette DA visuelle ? Même si on a un peu couvert la question au final.
Basile Palace : Oui, mais il y a un petit truc qu’on n’a pas dit trop, c’est que du coup l’album, il est centré aussi sur cet appart. J’ai acheté trois t-shirt rose pour en avoir toujours sur scène. Parce que du coup, en tournée, je vais l’avoir aussi, enfin je veux que toute la DA soit autour. Vu que ça s’appelle 22 mètres carrés, on va essayer de reconstruire un petit appart sur scène, on va essayer de faire une sorte de DA autour d’une chambre d’ado. Orelsan avait genre un canapé à la Boule noire, la première Boule noire qu’il avait fait avant de péter, pour faire la promo, je pense, de Perdu d’avance. Il l’a refait à Bercy, il a remis un canapé. Du coup, si on peut faire un petit clin d’œil à ça, c’est chouette. Et puis, quand même, vu que j’ai fait un album un peu sur mon enfance autour de mon père, je me suis dit que ce serait cool de faire sonner un peu des trucs que j’ai kiffé aussi.
Nine Bourgois, une super photographe, une super copine aussi, a fait toutes les covers de presse. Et le photographe de la cover de la pochette, c’est Shkelzen Konxheli, c’est un ancien émigré des Balkans, qui a fui la guerre et qui s’est retrouvé dans un petit village suisse avant d’arriver sur Paris. C’est un putain de photographe de mode.
Et du coup, avec le mec avec qui on a produit les sons, et celui avec qui on a composé, mes meilleurs potes Léon et Alex, qui sont les deux super compositeurs, et Draedfull, qui s’appelle Jérémy, qui est un producteur hyper, hyper talentueux avec qui on a bossé, qui a produit la majorité de l’album, on s’est dit que ce serait cool d’orienter un peu le truc années 2000. Et du coup, la cover, pareil, j’ai fait une cover limite kitsch. Moi, j’adore le kitsch. C’est une photo qui est très composée, alors que c’est vrai qu’on a plus tendance aujourd’hui à faire des trucs soit assez énigmatiques, assez conceptuels, soit des trucs où il y a la tête en gros, parce que c’est une contrainte des plateformes. Là, c’est galère parce que à l’époque c’était très bien de pouvoir faire des trucs, genre les albums de Michael Jackson où t’as des milliers de dessins, des Beatles, c’est coloré, c’est incroyable comme truc. Aujourd’hui, tu fais ça, tu le vois sur une plateforme, tu te dis « qu’est-ce que c’est que ça ce truc-là » ? Le but c’est quand même qu’il y ait un truc dans les clips aussi, dans l’image. Sur l’EP, on était plus années 80, 90 et là on est plus années 2000, 2010. En vrai, les gens comme moi ils commencent à vieillir un peu, maintenant moi j’ai 27 ans et ça va arriver la phase de nostalgie des années 2000 en fait.
LFB : Tu paries sur le futur du passé.
Basile Palace : Exactement !
LFB : Tu m’as parlé de la Maroquinerie. C’est le 9 octobre. T’as hâte ?
Basile Palace : J’ai archi hâte. Et en plus on part en tournée sur 6 villes en France. Il y a Lyon, Bordeaux, Nantes, Marseille. C’est la première tournée que je vais faire. Parce que pour l’instant j’ai fait pas mal de concerts mais à Paris. Là récemment, j’ai commencé à faire des concerts en première partie pour Yoa, pour Miel de Montagne, pour Alain Souchon. Et là je vais faire Kenji et Soprano au festival Zénith Open Air à Nancy. Et c’est une esplanade derrière, donc c’est encore plus grand en fait. Je crois que c’est délire. Après j’ai de la chance, j’ai eu des publics hyper cool. Alors que c’est pas toujours le cas en première partie, les gens ils viennent pas pour toi. Mais c’est que du bonus. Moi je trouve que c’est limite moins stressant qu’un show pour toi. Ça me permet de rencontrer des artistes.
À Paris, le public est souvent plus dur, je ne sais pas pourquoi. On nous attend avec des fourches. Déjà il y a beaucoup de d’artistes, je pense que c’est la ville où il y en a le plus. Les premières parties à Paris, parfois c’est dur de ramener les gens.
LFB : Je pense que comme c’est très saturé en offre musicale, les gens sont encore plus cinglants, « j’ai écouté un son, j’ai pas aimé de fou, je vais pas perdre mon temps ».
Basile Palace : C’est possible, grave.
Du coup voilà, je suis trop content parce que ça s’est bien passé, qu’on a testé un peu le show en version plus courte, et je suis hyper impatient parce qu’on va changer la formule musicale, on va avoir de la scénographie, on va franchir un step dans l’accompagnement qu’on a autour de nous, et ça c’est incroyable. C’est une vie de malade. Il ne faut jamais s’habituer à ça, c’est un truc de fou et les gens sont tellement sympas avec nous. On s’amuse quand on fait de la musique, on s’amuse quand on va au travail.
C’est pour ça que je trouve ça dur les stars qui ne sont pas sympas. Quand t’es une star, t’as gagné, le jeu est gagné, pourquoi du coup t’es saoulé ? Tu veux quoi de plus ? C’est génial, ta vie elle est cool. Après bon, le succès veut pas dire que t’es heureux, mais je sais pas, au moins la politesse. Parce que c’est un truc qui est marquant, moi à chaque fois que je vais dans des émissions, que je parle avec des journalistes, il y a régulièrement des gens qui me disent « les grands artistes c’est compliqué ». Mais bon, il y a un respect à avoir, c’est grâce aux gens quand même, c’est un truc con, c’est parce qu’il y a des gens qui viennent en concert que je fais un concert, donc c’est la moindre des choses d’être sympa avec ces gens, je sais pas.

LFB : C’est quoi tes albums préférés ?
Basile Palace : Ok. Du coup, Life in Cartoon Motion, de Mika, parce que c’est que des tube. On dirait que c’est une compilation, c’est fou. Grace Kelly, c’est un label qui lui a dit « t’es trop différent, trop coloré ». Trop coloré plus que trop différent. Mais lui, on lui avait dit ça, et du coup, il était revenu chez lui, il avait écrit I could be brown, I could be blue, I could be violet, etc. Je peux être n’importe quoi, je peux être ce que vous voulez, juste laissez-moi ma chance. Belle revanche, parce que, bah là, le label qui a pas mal le seum, je pense, aujourd’hui.
Après, c’est classique ça. The Slim Shady LP, et The Eminem Show, les deux, c’est des putains d’albums en vrai. Et après, c’est The Marshall Mathers LP, c’est le premier, c’est là où t’as My Name Is. My Name Is, d’ailleurs, c’est Eminem à l’envers. C’est It’s Eminem. Ça a été banalisé parce qu’il a fait des films, c’était un peu moins à la mode, il a passé peut-être le moment où il était le plus incroyable dans sa musique, qui était dans les années 2000. Après, il a passé beaucoup quand même 10 ans à s’excuser à tout le monde. C’est super. Je trouve ça très bien de s’excuser, mais j’espère que ça va mieux parce qu’il a quand même arrêté la drogue. Avec sa femme, ça a été horrible, il y a des violences de ouf. Et du coup, sa fille a grandi entre des trucs hyper violents. Je crois qu’ils se tapaient entre eux. Ce n’est pas qu’ils battaient sa femme, mais ils se tabassaient entre eux. Vu qu’il a eu des parents archi-absents, lui, il a été archi-présent.
Et le troisième, qu’est-ce que je peux mettre de cool ? Ah, j’aimerais bien en mettre un genre de… Ce n’est même plus récent. Je pourrais dire un album de PLK que j’adore, un album de Booba que j’adore, un album de Sexion d’Assaut. Il y en a plein.
Ah, voilà, je vais mettre un album de Black Eyed Peas. Comme ça, cool, c’est un groupe. Il y a des voix féminines, voix masculines. Oui, un album de Black Eyed Peas. Je ne sais pas, n’importe lequel. Je suis très mauvais en nom. C’est terrible. C’est mon angoisse dans la musique parce que tu mets un son, en général, je connais, mais tu me dis des noms…
LFB : Merci. Je n’ai jamais fait une interview aussi longue de ma vie, c’était hyper enrichissant !
Basile Palace : Désolé (rires) ! Merci beaucoup !