Toujours difficile de dire au revoir à un groupe, encore plus lorsque la créativité et l’énergie ne semblaient pas retomber. Après 6 albums et de nombreuses tournées mondiales, Les Canadiens de Metz ont décidé de mettre sur pause leur carrière musicale pour prendre du temps avec leurs familles. Ils sont ainsi en pleine tournée d’adieux, et seuls les Parisiens les plus rapides ont eu la chance de pogoter avec eux une dernière fois, dans une salle beaucoup trop petite pour contenir leur enthousiasme. Nécrologie d’un des meilleurs groupes de noise.
La maroquinerie peut être fière d’avoir accueilli le dernier concert parisien de Metz. Complet en quelques jours, le groupe aurait pu viser une plus grande capacité, mais possible qu’ils aient aussi cherché la proximité avec les fans. Peu s’étaient déplacés tôt afin d’admirer le groupe de Brighton Genn. Beaucoup en admireront tout de même les derniers titres, s’accumulant rapidement devant la scène. Déjà présent deux semaines auparavant à la Maroquinerie afin d’ouvrir pour Deadletter, le « sisterhood » de Genn est habitué aux premières parties de qualité. Leur rock stoner psyché semble cependant bien plus adapté au public de Metz, friand de vagues de sons et de bridge planants.
Dramatique à souhait, le groupe semble avoir trouvé sa formule. Des instruments épurés, clairs dans l’intention mais à la puissance de frappe parfaite. Chaque kick de batterie fait trembler les murs, les riffs de guitares sont mélodieux et permettent à la chanteuse d’appuyer de nombreuses vocalises. Clairement sa marque de fabrique et sa force, sa voix parfois rauque, parfois cristalline s’élève avec puissance alors que son corps se déhanche dans des simulacres de transe. Les têtes des amateurs de stoner hochent de plus en plus fort, visiblement conquis par la puissance du son et la beauté visuelle du show offert par les filles de Genn. On ne doute pas qu’ils prolongeront la découverte avec Unum, le début album du groupe.
Mais arrivent bien vite ceux à qui on voulait tous rendre hommage. Dans leur éternel look de geek hardos, Metz arrive sans chichi pour s’emparer de leurs instruments. Déflagration de son, torrent immédiat de violence, le groupe balance directement No reservation / Love comes crashing issu de leur dernier album. S’installe un court moment de sidération sur ce premier morceau, seul un grand blond tente de lancer des pogos avec véhémence. Il semblerait que le public soit hypnotisé par le jeu de batterie exceptionnel de Hayden et la qualité sonore générale du groupe. Les cris d’excitation fusent, les commentaires sidérés se font entendre, le public est déjà ravagé par cette première claque mais est prêt pour une seconde.
Plus d’hésitation, ils se jettent dans un bordel de pogos et de cris alors que Blind Youth Industrial Park retentit. Enchainant déflagration sur déflagration, Hail Taxi semble presque le moment de répit du concert, c’est pour dire. Le groupe décide néanmoins d’accorder une vraie pause aux surexcités de la fosse avec leur titre le plus shoegaze Light Your Way Home. Vrai moment de grâce, et précieux rappel que si Metz est l’un des meilleurs groupes de Noise c’est avant tout pour la qualité de leurs mélodies même sur des sons tapageurs. Pause de courte durée, puisque s’enchainent Mess of Wires ou encore The Swimmer, rentrant clairement dans les sons les plus sombres composés par le groupe.
Le public est transcendé, la violence est à son paroxysme, la fosse devient un amas de corps se jetant les uns sur les autres dans un bordel à la hauteur des vagues de son du groupe. Le chanteur guitariste Alex exprime à plusieurs fois sa reconnaissance pour l’accueil dantesque que leur réserve le public parisien. Le moment de grâce ultime arrivera avec leur masterpiece A Boat to Drown In. Morceau idéal pour clôturer cette setlist parfaite, alliant à la fois la violence du groupe, son sens du timing et du drama et tout cela dans un chaos de riffs désespérés.
Le bridge final transcendera d’émotion l’audience, car après tout c’est déjà la fin. La dernière fois que l’on se fera transpercer par le tsunami Metz. Sortie élégante avant un dernier rappel évident sous les cris des fans. Un « Take care of yourself and the others » vient annoncer les hostilités, ils ont décidé de nous achever avec leur banger de violence ultime Wet Blanket. Inutile d’évoquer l’état d’hystérie du groupe et de son public sur ce morceau. Derniers applaudissements pour saluer la qualité exceptionnelle de la carrière de Metz, rideau de fin.
Une seule question restera en suspens, pourquoi s’arrêter maintenant ? Le groupe n’a pas perdu une once de son énergie, ne semble absolument pas manquer d’inspiration, est porté par une communauté de fans ventant leurs mérites à tous les coins de rue. De façon extrêmement égoïste, on souhaiterait tellement fort que l’aventure continue. On espère que cette pause n’est que temporaire et leur permettra de se reconcentrer sur eux-mêmes, leur famille, leur bien-être. Bravo les artistes, quoi qu’il arrive vous avez réussi à marquer l’histoire du noise.
Crédit photos : Cédric Oberlin