Sous les arbres du bois de Vincennes, We Love Green 2025 a tenu ses promesses : trois jours de concerts, de découvertes et d’ambiances contrastées, entre énergie brute, expérimentations sonores et moments suspendus. Retour sur les performances les plus marquantes d’un festival toujours en quête d’équilibre entre fête et engagement.
Vald (Matthieu)



Le vendredi soir, Vald a littéralement retourné le festival We Love Green avec un live aussi audacieux qu’explosif. Principalement axé sur son dernier album PANDEMONIUM, le rappeur d’Aulnay a proposé un set revisité en profondeur, s’appuyant sur les talents de Vladimir Cauchemar et Todiefor pour transformer ses morceaux en véritables bombes électro-techno.
Dès les premières notes, l’atmosphère était électrique. Le public, venu en masse, s’est laissé emporter par ces réinterprétations à la frontière du rap et de la rave. La scène vibrante, les lights stroboscopiques et les basses puissantes ont rapidement installé un climat de transe.
Moment phare de la soirée : le morceau RÉGULATION, chargé d’une tension presque mystique, a littéralement transcendé la foule. Porté par un beat hypnotique, Vald y a livré une performance d’une intensité rare, comme en totale fusion avec le son et le public.
Si certains festivaliers ont semblé déstabilisés par la tournure très techno du live, l’ambiance globale relevait de l’extase collective. Ce virage musical audacieux prouve que Vald n’a pas peur d’adapter son univers à l’esprit des festivals estivaux.
Il a conclu en beauté en rappelant ses classiques, pour le plus grand bonheur des fans de la première heure. Ce concert, entre chaos sonore et génie créatif, confirme une chose : Vald maîtrise l’art de la scène comme personne.
Magdalena Bay (Laura)




Jusque là il y avait eu peu de regret concernant l’enchaînement de la programmation mais il en fallait au moins un, ce concert illustre l’un des casse-têtes classiques des festivals : faire un choix entre deux artistes qu’on ne voulait pas départager. La timetable nous a obligés à quitter le set de Magdalena Bay en avance, qui se finissait pile au moment où Charli xcx montait sur la grande scène. Une bonne partie du public avait déjà pris place pour attendre la tête d’affiche du samedi soir.
Pas besoin d’assister à l’intégralité du show pour comprendre qu’on tenait là l’un des temps forts de la soirée. Leur concert a démarré avec les titres les plus attendus comme She Looked Like Me!, Killing Time, True Blue Interlude, Image, Death & Romance… On est au moins content d’avoir eu ceux-là en début de setlist.
On savait à quoi s’attendre : même scénographie, même tenue que sur le reste de la tournée. Et pourtant, aucune déception. L’énergie de Mica est captivante. Difficile de détourner le regard alors qu’elle parcourt la scène dans sa grande tenue bleue et ses chaussons de danse, comme en apesanteur. Il y a quelque chose qui relève du rêve et du majestueux dans leur musique qui prend toute sa force en live. C’est tout simplement magnifique. Dans le contexte des festivals où la scénographie est souvent mise au second plan, leur proposition visuelle est l’une des plus abouties de cette édition, même dans une version allégée de leur tournée en salle. La magie opère quand même, on aurait simplement aimé que plus de monde puisse en profiter. Reste à espérer un retour en France très vite.
Parcels (Océane)




Juste avant les concerts très attendus de Gesaffelstein et Charli xcx, Parcels a électrisé la foule avec un show funk-pop aussi précis que généreux. Les Australiens, impeccablement habillés comme à leur habitude, ont débarqué sur scène avec une énergie débordante.
Leur set, construit comme une montée continue, a enchaîné tubes et longues improvisations groovy, notamment sur Tieduprightnow et Lightenup. Les musiciens, complices, ont offert un vrai spectacle de groupe, sans jamais chercher à tendre vers un jeu solitaire.
Entre solos de claviers bondissants, riffs funky et lignes de basse efficaces, le public s’est rapidement transformé en dancefloor géant, malgré les quelques gouttes de pluie qui ont de toute évidence influé l’euphorie collective sur scène comme parmi la foule. Une prestation maîtrisée, pleine de joie et de chaleur, qui a une énième fois confirmé Parcels comme l’un des meilleurs groupes live de leur génération.
Sampha (Charles)


C’est sous une tente pleine à craquer que l’on retrouve Sampha en cette fin de dimanche après-midi. Pour nous il reste un petit trésor caché de la musique mais il semble que le temps (ou le type de public présent à We Love Green) finisse par lui donner les lettres de noblesse qu’il mérite.
Il faut dire que, sans faire preuve d’emphase, la musique du musicien sur album est tout bonnement exceptionnelle et qu’elle prend encore de l’ampleur une fois le bonhomme sur scène.
Accompagné de musicien.ne.s aussi talentueux.ses que lui, le londonien déroule un set fabuleux entre moments intimes, détour plus spirituel et passage par des parcours où le groove prend l’avant, le tout bien aider par un set-up live qui donne la part belle aux percussions.
Impossible donc de resister à Spirit 2.0 ou encore son tube (No One Knows Me) Like the Piano, on vibre aussi sur un medley de morceaux interprétés avec une précision assez dingue qui n’empêche jamais une générosité explosive et un plaisir absolument communicatif, encore plus quand, aux détours de certains morceaux, Sampha reprend discrètement des extraits de sa collaboration avec SBTRKT.
Le set se termine en apothéose avec l’excellente Blood On Me extraite du sublime Process. Comme à chacun de ses passages, Sampha aura livré une prestation entre le cool et l’intense, bien aimé par une musique qui nous bouleverse. Un moment marquant, comme à son habitude.
LCD Soundsystem (Charles)


Souvent, un festival se doit de se terminer en feu d’artifice, avec un dernier concert qui met tout le monde d’accord et qui laisse des souvenirs impérissables gravés dans les souvenirs des festivaliers. Moins d’un an après leur prestation fabuleuse à Rock en Seine, cette mission revenait une nouvelle fois aux New-Yorkais de LCD Soundsystem.
Et la mission fut réussie avec grandeur et maîtrise par la bande de James Murphy. Bien décidé à nous offrir le bonheur que l’on mérite, le groupe débarque sur scène avec cinq minutes d’avance pour lancer les festivités avec Oh Baby. Un morceau d’introduction, lent et parfois mélancolique qui permet au public de rejoindre le devant de la scène et de rejoindre la messe musicale d’un des meilleurs groupe de ces 20 dernières années.
Pas le temps de niaiser comme disent les québécois que LCD Soundsystem enchaîne avec deux titres absolument monstrueux : l’hypnotique Tonite et la fabuleuse Tribulations qui verra le sautillant Al Doyle nous faire part de toute sa technique à la guitare.
Entre deux remerciements et petites pointes d’humour à propos du froid, Murphy, comme à son habitude, n’hésite pas à mettre en avant ses deux comparses historiques : Pat Mahoney et Nancy Whang.
Pour le reste, le groupe s’amuse toujours à modifier sa playlist d’un concert à l’autre nous offrant ce soir là des versions dantesques de I Can Change, North American Scum ou de leur dernier morceau, x-ray eyes que l’on découvrait pour la première fois sur scène ce soir là.
Le dernier tiers du concert verra LCD Soundsystem nous offrir un trio de morceaux iconiques qui mettront le public dans tous ses états, entre l’extase, la mélancolie et la communion : Dance Yourself Clean, New York, I Love You but You’re Bringing Me Down et All My Friends.
On est un peu sonné lorsque résonnent les dernières notes du show. Si on devait lui trouver un seul défaut ? Sans doute le fait qu’il n’ait duré qu’une heure quinze. Parce qu’on n’a jamais assez de LCD Soundsystem dans nos vies.
Gesaffelstein (Matthieu)
Le samedi soir, La Clairière s’est transformée en sanctuaire pour accueillir Gesaffelstein. Pas d’entrée spectaculaire. L’artiste surgit dans la pénombre et gravit lentement les marches d’un autel flanqué de colonnes. L’atmosphère est mystique, presque irréelle.
Dès les premiers sons, la tension s’installe. Le set est brutal, précis, implacable. Chaque beat résonne comme un coup de tonnerre. Gesaffelstein n’a pas besoin de mots : il impose, il écrase, il envoûte.
La scénographie est minimaliste mais redoutablement efficace. Des flashes blancs tranchent l’obscurité, sculptant sa silhouette dans les ténèbres. Une proposition visuelle rare pour un festival, à la fois épurée et percutante.
L’ambiance est lourde, presque écrasante. Le public, d’abord figé, se laisse happer. Peu à peu, la Clairière devient une foule en transe. Chacun vibre au rythme des infra-basses, happé dans cette spirale sonore.
Point d’orgue du show : la pluie qui s’abat soudain sur Vincennes. Un vrai déluge. Comme si Gesaffelstein l’avait invoqué, pile au moment où son set atteint son apogée.
Il termine sans un mot, redescend les marches dans un silence solennel. La scène retombe dans le noir. Fin de l’incantation. Une heure de chaos magnétique. Un show glaçant, puissant, inoubliable. Gesaffelstein a confirmé ce soir-là son statut : seigneur absolu des ténèbres.
Beach House (Océane)
Dans une atmosphère de début de soirée, le soleil se couchant tout juste, Beach House a transformé la clairière du festival en un rêve éveillé. Le duo de Baltimore a livré un set tout en douceur, baigné de nappes de synthés et de guitares vaporeuses.
Dès les premières notes de Lazuli, le public s’est laissé porter par cette mélancolie planante, hypnotisé par les visuels abstraits projetés en arrière-plan. Victoria Legrand, toujours aussi énigmatique derrière son clavier, a envoûté par sa voix grave et aérienne pendant qu’Alex Scally tissait des mélodies délicates à la guitare.
Peu de mots, beaucoup d’émotion parmi le public : la communion était silencieuse, tout comme nos larmes que l’on tentait de cacher, mais en vain. Leur interprétation de Space Song a été accueillie comme un classique, chantée à demi-mots par une foule captée.
Un moment suspendu, hors du temps, qui a prouvé que même dans un grand festival, la douceur peut s’imposer avec force.