En janvier 2020, Tim Dup nous offrait son second album : Qu’en Restera-t-il ?. Un album superbe, entier et nuancé qui aurait vu son existence,et sa réception balayait par une pandémie inattendue. Alors que l’artiste a annoncé cette semaine son retour avec un titre dansant annonciateur d’un troisième album pour le mois de juin, on partage avec vous notre rencontre avec Tim Dup. L’occasion de parler de cet album mais aussi de son futur musical porté par une envie de légèreté et d’humanité toujours.

La Face B : Salut Tim, comment ça va ?
Tim Dup: Il faut répondre sincèrement ? C’est le problème du « ça va? » c’est que tout le monde pose cette question et en fait tu ne réponds jamais vraiment.
Ouais, ça va! Je me sens chanceux, je me sens heureux … après il y a des choses qui me manquent comme à tout le monde. L’impression que mon métier a clairement moins de sens en ce moment… Je me faisais la réflexion mais je ne sais même plus à quoi ressemble le public. J’ai des souvenirs de tournée maisje ne sais pas comment les gens ont pris mon dernier disque car je n’ai pas pu les rencontrer et, c’est un peu frustrant.
Après j’ai pleins de projets, j’ai envie d’aller assez vite sur les créations donc on verra à quel timing précisément.
J’aimerais bien aller sur un projet avec de la légèreté, mon dernier album est quand même un poil sérieux bien que je l’adore. Je l’aime énormément mais c’est vrai que je sens là qu’on tous besoin de truc un peu solaire, d’espérance.
Je reste un pessimiste heureux, je me rends compte que j’ai besoin de créer mais aussi créer pour retrouver finalement. II y a quand même cet espoir de créer avec l’idée de le partager, sinon ça n’a plus de sens.
LFB: Justement, on va faire un bon en arrière! Souvent on dit qu’un deuxième album c’est un deuxième premier album. Est-ce que tu as l’impression que c’est le cas avec cet album-là ?
Tim Dup: Oui c’est très vrai. On dit aussi souvent qu’un deuxième album c’est le plus dur mais, ça n’a pas été le cas. Par contre, il y a cette idée de nouvelle pierre, complètement.
Je pense qu’il y a ça aujourd’hui où tu sors quelque chose, c’est quand même une remise en question perpétuelle. En tout cas j’ai l’impression qu’au début d’une carrière, si carrière existe, au début du processus, j’ai cette sensation que ce n’est pas parce que tu as grimpé une marche qu’il ne faut pas la descendre pour la remonter. C’était quand même une deuxième première fois en effet.
C’est assez vrai ce truc de première expression très personnelle. En tout cas sur le premier il y a un côté un peu anarchie, notamment dans la temporalité de sa création où il y a des chansons qui datent d’il y a cinq ans, d’autres qui viennent de naître… Forcement tu as un panel qui est peu incohérent parfois
Aussi dans ce que traitait le premier album, de ce côté dichotomie que ce soit entre ville et campagne, construction, déconstruction. Il y avait l’idée d’itinéraire je pense et d’oxymore, quelque chose de très opposé. Tout l’album est comme ça et même si je suis toujours comme ça, notamment dans Mélancolie Heureuse, j’ai l’impression que le deuxième au lieu d’être dans une dualité, il est dans une nuance parce que j’ai aussi grandi, je suis clairement sorti de ce cap de l’adolescence et, il y a moins d’illusion, peut-être. C’est assez juste en tout cas ce truc de deuxième première fois.
LFB: C’est marrant car lorsque l’on dit que le second album est le plus dur, la formule c’est généralement que le premier album on met toute sa vie à le faire alors que le deuxième on met un an. C’est ce que tu disais, il y a des chansons que tu avais faites auparavant. Quand tu es dans un nouvel album, tu es dans un truc où tu dois écrire rapidement.
Tim Dup: Ouais et pourtant il y a des chansons du premier disque où je me retrouve vachement moins alors qu’elles ont été écrites plus tard! Notamment parce que tu as une adhésion du public qui est différente. Vers les ourses polaires, c’est une des premières que j’ai écrites et pourtant aujourd’hui, je la considère un peu comme incontournable dans ce que j’ai entrepris, pour l’instant.
Cette question elle se pose, notamment sur scène. Quand j’ai préparé la résidence pour la deuxième tournée il fallait bien se poser la question de quelle chanson je voulais. Tu réfléchis beaucoup à la fois sur l’adhésion du public et sur ce que ça raconte dans cette nouvelle histoire, est-ce qu’elles y ont une place.
Le deuxième disque est très centré sur la notation du temps et ce temps, fait très tamis temporel qui reste. C’est intéressant et il ne s’agit pas de snobisme. C’est tout con et je vais te prendre un exemple: Johnny Hallyday et Mozart. Johnny dans son espace-temps présent c’est un monument, il est immense. Par-contre, à l’échelle de centaines d’années, ce n’est rien comparé à Mozart. Je ne sais pas s’il s’agit de grandeur, c’est ça qui est assez beau. Finalement plus ton espace-temps se réduit, plus il y a une importance et une préciosité. À la fois ce que les gens entreprennent, ce qui reste ou pas, les combats qui se mènent…
LFB: Quand tu chantes cette notion de temps qui passe, est-ce que tu avais un défi dans le sens de rendre ton album le plus intemporel possible?
Cet album on pourrait le figer absolument n’importe où dans l’espace-temps. Est-ce que c’est quelque chose auquel tu as pensé quand tu l’as écrit?
Tim Dup: Je pense que ce n’était pas une obligation intérieure que je m’étais fixé, mais, je pense que j’ai essayé de faire un disque qui se tienne, qui soit articulé. J’ai fait ce disque complètement en dehors de ce que l’on pouvait attendre de cet album et de moi. Notamment auprès des gens avec lesquels je travaille. Souvent, on dit qu’un deuxième disque est difficile parce que l’on a des attentes notamment du public.
Moi ça va je n’en ai pas un surdimensionné non plus. Ça commence petit à petit mais ça reste à taille humaine. Je ne fais pas de zéniths, Bercy… Je ne dis pas que ça ne me plairait pas mais en tout cas sur le papier, ce n’est pas ça qui me donne envie de me lever et d’écrire.
Cette idée d’avoir un disque qui soit hors frontières et hors temps, avec le recul j’en suis fier mais ce n’était pas forcément anticipé.
Ce qui est sur c’est que cet album a peut-être besoin de plus d’écoutes. Les directeurs artistiques en maison de disques, ils te parlent d’immédiateté, ils adorent ça! Ce qui est chouette aussi, j’adore me prendre des morceaux immédiats mais finalement les artistes que j’écoute le plus c’est quand même des artistes que je réécoute aussi! Je te parlais de légèreté mais la légèreté c’est aussi sérieux finalement, ce n’est pas trop à négliger. Là, j’ai envie d’aller vers quelque chose de plus énergique, plus dansant, plus léger car il y a eu ce deuxième disque aussi.
Peut-être que si je ne l’avais pas fait, je serais moins en train de me dire que je peux aller m’éclater un coup et lâcher prise!
LFB: C’est un album qui s’apprivoise, qui nécessite d’être écouté et réécouté, avec beaucoup de subtilités qui se dévoilent. Ce qui est intéressant, contrairement à beaucoup de choses qui se font aujourd’hui, tu crois en l’intelligence de ton public.
Tim Dup: Oui et en même temps, c’est intéressant. Là sur scène, toute la tournée qui avait été prévu, il y avait plein de dates complètes, le public était là. Pourtant dans la vente de disques, beaucoup moins. Alors que le premier album, c’est tout l’inverse! Tu sens que peut-être les gens l’ont moins écouté, peut-être qu’il a été moins reçu.
Le jour de la sortie de l’album, je l’ai annoncé sur mes réseaux en disant « voilà, il sort, évidemment je suis trop heureux mais un petit conseil, écoutez-le au moins deux fois. » En mettant ça, je savais que moi-même j’avais eu besoin d’être en studio pendant trois mois. Plus j’écoutais les chansons, plus je les aimais et plus il y avait une évidence. Ce n’est pas un album qui est inaccessible et concept,enfin, je ne crois pas.
J’aime ce qui est populaire aussi et je pense que lorsque tu écris des histoires tu as envie qu’il y ait plein de gens qui se retrouvent dedans,que ce ne soit pas un truc de mec complètement perché, dans une autre réalité.
Je pense qu’il y a des chansons qui sont très simples et assez immédiates. Place espoir, je n’ai pas l’impression que ce soit une chanson qui soit compliquée mais par contre ce n’est pas dans un format qui va se prêter à être diffusé sur des canaux dits populaires.
Le problème d’ailleurs, ce n’est pas tant le public et la réception,par exemple, j’ai eu la chance d’avoir beaucoup de presse, des télés, c’est plutôt le format. Tu te rends compte aujourd’hui que c’est LE principal problème de la musique, des singularités musicales, des pratiques de diffusions, c’est un problème du format.
Quand tu ne rentres pas à cent pour-cent dans ce format et bien c’est compliqué en fait. Lorsque tu te rends compte que tu fais de la chanson française un peu sérieuse, par sérieux sur le coup est-ce que ça vaut le coup d’être écouté mais sur le côté où tu écoutes le disque et tu n’es pas entrain de te fendre la gueule et bien ce n’est pas forcément simple et c’est même un combat. Notamment car aujourd’hui même des partenaires classiques de chanson comme France Inter ont besoin de se moderniser et de trouver d’autres tranches de publics. Ce que je comprends et donc ils rentrent en playlist Niska, Damso par exemple.
LFB: Ou alors il faut être installé. Comme Vincent Delerm ou Alain Souchon..
Tim Dup: Exactement! C’est là que tu te rends compte qu’un deuxième disque est notamment difficile car c’est un peu bâtard. A la fois tu n’es pas installé donc il faut tout refaire, o parlait justement de nouvelles marches.
Et en même temps, tu n’es pas tout neuf, tout neuf! Donc tu n’as pas la primauté d’une découverte où les gens sont un peu comme des oufs.
LFB: Je trouve,et c’est assez rare en ce moment, que “Qu’en restera-t-il ?” est un album detout. Il s’écoute dans son entièreté.
Tim Dup: J’ai veillé à faire des chansons qui soient accessibles mais par contre, je ne me suis absolument pas posé la question et d’ailleurs c’était assez difficile dans la stratégie que l’on essayait de penser. Quel morceau on sort en premier? Quel morceau en deuxième? Quel morceau en troisième? J’étais dans l’incapacité de dire quel titre est mieux qu’un autre car j’ai fait ce disque comme un album. Je ne me suis pas dit qu’un tel titre pourrait rentrer en radio ou un autre, donc on est allé le pousser à fond.
C’est compliqué mais je pense qu’on peut essayer de trouver une intelligence dans le fait d’avoir un morceau qui va être diffusé sur des canaux populaires en radios etc. et pour autant que derrière il y avait un disque qui se tienne. C’était très naturel en fait, c’était un disque assez spontané et ces questions-là, elles ne se posaient pas
LFB: Je vais revenir sur les thèmes de l’album.
l y a une histoire de quête amoureuse et une histoire de quête sociétales et ce « qu’est-ce que l’on va laisser? » Comment le monde va-t-il être après notre passage? Tu as d’ailleurs des croisements dans l’album.
Est-ce que ces deux quêtes-là te conviennent? Et avais tu penser pensé au fait aux croisements?
Tim Dup: Oui, tu as complètement raison. Je pense que pour préciser la chose et même la généraliser, j’ai l’impression que ces deux chemins sur le disque, ils s’opèrent. J’en ai pas mal parlé et je trouve ça assez juste, on est entre pesanteur et légèreté. À la fois, ces deux impressions, ces deux états-là, c’est le propre de la vie humaine.
On est constamment pris entre quelque chose d’absurde qu’est notre condition d’être vivant avec un trou du cul et avec un truc très ancré, très terrien. Et à la fois le sublime, rêver l’amour, la musique, l’art, la culture, les choses magnifiques qui se décalent de ce côté ancré sur la terre.
On parlait d’espace-temps, c’est ça, aussi. Quand tu as un espace-temps qui se resserre sur une vie, même dix, vingt, trente, cinquante ans, il y a une espèce d’injonction… C’est aussi mon tempérament de foi là-dessus mais moi je fais l’injonction de vivre.
Dans des choses très concrètes, l’album parle notamment beaucoup d’ivresse. Il y a une vraie réponse quand tu es un être humain dans l’ivresse, la bouffe, le plaisir charnel ou autres. Ces choses qui t’ancrent sur terre et qui sont délicieuses et qui limite échappent à tous ces questionnements d’avenir, d’empreinte, de mémoire, de trace, d’un passage… Ça t’éloigne de ça. Tu es juste dans un présent, concret.
À côté de ça, il y a un questionnement quand tu élargis l’échelle des temps sur finalement qu’est-ce qu’on laisse? À la fois je me rends compte que mes parents vieillissent, mes frères et sœurs ont des enfants qui grandissent, très très vite et c’est flippant.
Ça continue, sans cesse! Le monde tourne, le sablier s’écoule, il n’y a pas de pause… Ça pose aussi cette question-là, ce que tu laisses, toi, de ton passage? En transmission? À l’échelle plus globale? Qu’est-ce que notre humanité, terrible, laisse aussi derrière elle?
Cet espace-temps, j’aime bien aussi le raccrocher à une forme d’engagement où tu te dis qu’à l’échelle d’une année-lumière, ça n’a pas de sens en soi. C’est aussi ma conception : si tu es la dedans tu te dis, bon à la limite, aucun intérêt de se battre pour des trucs puisque de toute façon, à grande échelle, nous, c’est du beurre!
Mais plus tu réduis l’échelle, plus ça a du sens parce que nous sommes dans le présent; pour nous et surtout pour ceux qui viennent après. Les luttes, pourquoi ça a autant d’importance? Pourquoi il ne faut pas lâcher? Pourquoi les luttes féministes comme les luttes écologiques, comme les luttes d’égalité des droits? Elles ont du sens, notamment pour demain car une fois que tu as gagné une liberté c’est quand même difficile de revenir en arrière. Enfin, quoi que… On est moins dans une ère où l’on est flippé de ça mais tout de même, iIl y aura toujours des vieux cons pour revenir manifester à douze contre l’avortement. Ou des gros connards pour revenir manifester à treize contre le mariage pour tous… Bref, je m’éparpille.
LFB: Mais c’est intéressant!
Tim Dup: De toute façon, c’est vrai que le disque s’éparpille!
LFB: Justement, d’un point de vue esthétique sur le disque,tu es toujours dans cette espèce de dualité entre l’intime et l’universel, entre la poétique et le politique, entre l’ombre et la lumière. Ce sont des choses que l’on ne verrait pas forcément se côtoyer et que tu arrives à associer joliment à travers ta musique.
Il y a vraiment cette idée de musique, presque Yin and Yang. L’un qui nourrit l’autre et qui fait exister la chose!
Tim Dup: Merci! Ça me touche car je crois beaucoup en l’idée de nuance.
Je trouve que ça s’applique partout. Où que tu ailles, l’idée de nuance c’est quelque chose qui est très beau et qui est fondé sur un équilibre entre les choses. Particulièrement aujourd’hui où la pensée binaire est plus à la mode que l’idée de nuance.
Parfois, tu te dis que la notion de nuance est chiante aussi car rien avance. C’est différent d’avoir de la nuance et être dans le compromis. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Par exemple, un compromis politique, ça ne fait pas trop avancer les trucs… Heureusement que tu as parfois des combats, qui ont de la radicalité. Aujourd’hui, tout le monde veut donner son avis, là d’ailleurs moi je donne mon avis alors qu’on s’en fout en fait. Pour autant, heureusement qu’il y a des gens qui disent les choses, sinon il ne se passe rien.
Les luttes féministes c’est pareil, heureusement qu’il y a de la radicalité. En tout cas, sur un disque, c’est toujours intéressant de veiller à avoir de la nuance. Si tu es trop politique, ce n’est pas bien. Si tu es trop poétique, ce n’est pas bien non plus. Je pense que c’est juste un album qui me ressemble et qui est partagé entre plusieurs choses. J’ai mille avis en fait, ce n’est pas que j’en ai beaucoup mais ce sont des avis qui se différent tous les un des autres, ils se contrebalancent. Ça, je m’en rends compte quand je discute avec des gens sur certains sujets … Au final, il faut se faire son truc au milieu de tout ça, essayer de tracer une route entre plein d’ambiances, plein d’états, plein d’idées. Je n’assène pas des vérités, c’est des questionnements dont je n’ai moi-même pas les réponses. Souvent, les disques tu les sors avec une biographie, qui va parler du disque, de l’artiste et sur le deuxième, je n’ai pas voulu faire de biographie. J’ai juste fait un livret avec des textes que j’avais écrits pendant mes voyages ou ailleurs, pour notamment ne pas donner trop d’éléments de langage. Ne pas dire comment le disque a été fait, comme si, comme ça. Je le dis un peu dans le documentaire mais c’est plus pour prolonger un voyage que de dire de quoi il parle.
Je souhaitais arriver avec un disque et leur dire qu’il suffit d’écouter et ensuite tu t’en fais ton truc.
LFB: On est encore sur une idée de laisser exprimer l’intelligence des gens!
Tim Dup: Et de rendre une interprétation personnelle!
LFB: Tu parlais de voyage, ta musique s’en est toujours nourri comme de pensées. Tu as sorti ton album en janvier 2020 et au moment de partir en tournée, tu te retrouves enfermé chez toi. Comment as-tu vécu cet effet statique de deux, trois mois confiné? Est-ce que ça a eu une influence sur ton écriture, sur ta production à venir?
Tim Dup: Déjà, j’ai eu beaucoup de chance, j’ai eu un confinement de connard. J’étais les deux premières semaines confiné dans le vignoble d’un copain dans le sud, on a le droit de me juger, je le comprends! D’ailleurs, heureusement que sa famille a débarqué au bout de deux semaines donc on a été obligé de changer de lieu de confinement avec mon pote. J’étais avec mon coloc et sa meuf pendant tout le confinement et en fait tu deviens alcoolique en restant dans un vignoble.
Ces deux premières semaines, elles étaient très étonnantes! J’étais vraiment malade donc je me suis reposé et très vite, notamment en changeant de lieu de confinement, est revenue la tristesse et la frustration d’avoir bossé pendant un an sur un disque, des répétitions.. On a quand même fait une semaine de résidence pour monter une création vidéo avec des lumières, avec deux musiciennes et moi sur scène, ce qui était nouveau. J’ai mis une telle énergie et un tel temps là-dedans, et tout ça tombe tel un château de cartes. J’en étais presque déprimé. Évidemment, aussi le contexte sanitaire, c’est là que tu prends du recul et que j’ai refusé de me plaindre puisque je ne suis pas en première ligne, parce qu’il y a des gens qui souffrent, parce que je ne suis pas dans mon appart à Paris.
J’ai eu la chance de pouvoir bouger. A partir de ce moment-là, alors que je n’arrivais pas du tout à écrire le premier mois, c’est revenu paisiblement. C’était des thèmes de paix, assez solaires et c’est pour ça que l’on parlait de légèreté, je pense que j’ai aussi envie d’aller vers ça sur les prochaines choses qui sortiront. Parce que ça fait du bien, déjà à moi et puis aux gens. Être un peu moins sérieux. Je m’en rends compte et c’est quelque chose qu’on me renvoie souvent. J’ai souvent des discussions avec mon manager là-dessus. « T’es souvent sérieux quoi! »
Les gens ne connaissent pas ton côté schlag, un peu bargeot. Ça fait du bien de lâcher prise mais mine de rien ce n’est pas si facile. Lorsque tu sors un projet où tu te mets en avant et notamment pas comme un personnage, ça veut dire que tu donnes de toi. Il n’y a jamais eu de frontière entre ce que je suis et ce que je mets dans mes chansons. Donc tu ne peux pas trop te cacher derrière un truc. Finalement, c’est une pression que je me suis mise, j’en ai conscience.
Je me mettais la pression de faire quelque chose de sérieux, de travaillé, d’abouti. Alors que ce n’est jamais complètement abouti.
C’est l’idée aussi de sortir un peu du sérieux. C’est presque être d’autant plus honnête, bien que j’aie l’impression de l’être dans ce que je fais mais l’être encore plus en montrant ce côté-là!.
Après, je ne suis pas toujours à l’aise avec ce curseur, de degrés, d’intimité, de personnalité que tu vas donner. Forcément tu vas avoir envie de te protéger. Tu te rends compte que parfois, lorsque tu donnes beaucoup, les gens reçoivent beaucoup. Ça aussi, ça m’arrivait après des concerts, à chaque fois je discutais beaucoup avec les gens. Et puis parfois, tu discutes avec des gens, tu n’as pas l’impression mais tu leur en a donné beaucoup par tes petites chansons et ils peuvent avoir l’impression qu’ils peuvent te demander beaucoup aussi. Tu as un moment où il y a une frontière qui doit se mettre en place aussi… Mais ça va, j’ai très peu de gens fous qui me suivent.(rires)
Tu adhères aussi des gens qui te ressemblent donc quand tu n’es pas sur un projet qui est fétichiste de toi… en tout cas j’essaie d’être dans un rapport simple donc tu as plutôt des gens qui ont ce rapport simple.
LFB: J’en ai parlé un petit peu avec Hugo (Pillard ndlr), ton album est hyper cinématographique.
Sur chaque clip, tu as exploré un style cinématographique different. Est-ce que c’est quelque chose de réfléchi ou que tu as réalisé après coup? Il y a quelque chose de post-apocalyptique alors que le dernier clip est très film muet avec les expressions du corps. Tu as le clip animé, le clip documentaire…
Tim Dup: Avec le recul, il y a ce truc en mode pas trop eu le choix, qui a été un peu « subi. » Enfin, subi génialement parce que c’était cool du fait par exemple de ne plus avoir trop de moyens ou des contextes qui faisaient que où du coup tu dois créer autrement. En tout cas c’est sûr, notamment dans la musique, le disque est cinématographique. Le premier album aussi. On a toujours fait ça, on a toujours mis vachement d’ambiance. J’aime beaucoup l’ambiance, même dans l’écoute finalement. Celui ou celle qui écoute, déjà par un espace, juste par le son, ça j’aime bien.
Le premier j’avais envie de me mettre en scène et de raconter une histoire. Dès que tu en racontes une, tu as une dimension cinématographique et j’aime bien ça.
Elle vient peut-être de ne pas avoir des clips qui sont collés aux chansons. Tu n’es du coup pas dans une représentation mot pour mot mais tu as une autre porte d’entrée. Avec Hugo, on essaye souvent de faire ça et notamment dans les clips, avoir toujours cet esprit de nuance, de contraste. Je pense au clip de Une envie méchante par exemple. Sur le premier album où c’est une chanson qui est un peu hardcore dans son thème. Le clip à la fin justement, la fille s’en sort quoi! Avoir toujours cette ombre et lumière, ne pas être forcement collé à l’intention d’une chanson. Le clip de Place espoir c’était aussi autre chose. On sort de ce côté post-apocalyptique où t’es dans une vision et tu inscris ça dans un truc très quotidien, très réaliste. Suivre le voyage quotidien de trois femmes qui se croisent sur la place. Le disque est comme ça toute façon. Il est dans ce côté à la fois fictionnel et quotidien, brut.
Je voulais trop clipper Rhum Coca mais on a pas pu le faire. On a récupéré l’idée de Rhum Coca, d’ivresse nocturne mais qu’on aurait fait de façon moderne avec justement un clip en noir et blanc avec Une autre histoire d’amour. On a filmé ça à l’IPhone, un plan séquence en faisant venir les potes dans un bar et c’était hyper cool de faire ça. Tu vois que c’est bricolé donc tu ne peux pas te dire est-ce que c’est un clip ? est-ce que s’en est pas un?
LFB: La chorégraphie est très travaillée quand même!
Tim Dup: Oui et du coup tu travailles autrement. J’aime bien aussi sortir de mes zones de confort. J’adore danser mais souvent je danse comme un schlag car tu es comme un ouf en soirée et tu n’as aucune maîtrise, aucune technicité. J’ai appelé une copine qui avait dansé sur une vidéo qu’elle avait fait sur Place espoir et je lui ai demandé de me coacher! Du coup elle m’a coaché pendant trois jours, elle m’a montré des petits moves et à un moment tu fais tes trucs! C’est assez rigolo et je trouve que pierre après pierre, tu donnes quelque chose d’un peu différent à chaque fois sur des portes d’ouvertures.
LFB: Pour finir et en parlant de clips,il faut que tu m’expliques cette passion pour les fesses! (rires)
Tim Dup: C’est très puéril mais j’adore ça! J’adore planquer des culs. On n’est pas pudiques dans la famille. Au moins, tu ne te prends pas trop au sérieux. Le premier c’est celui de Jules, mon coloc, qui est dans Les ourses polaires. On n’avait même pas fait exprès, on n’avait rien calculé, on tournait vraiment le plan. Ce con il s’est mis entre les deux rochers et c’était sublime! Dans Une envie méchante, on a pas pu le mettre car il était trop visible. A un moment, il y a un plan de drone dans la forêt, Jessy elle court dans la forêt et je m’étais foutu le cul à l’air dans les fougères. Elle passe en courant en disant « putain, mais il y a un cul! »
Tu vois le truc au drone c’est infâme! Dans Une autre histoire d’amour, on en a caché un mais il n’est pas trop visible. Dans la reprise de La vie ne vaut rien, il y en a aussi un, dans les fougères. Dans Place espoir, il y en a un aussi, c’est celui de Tomasi!
Surtout, l’anecdote très drôle, c’est que à chaque fois ils te font chier en télé pour flouter les bières mais ils ne voient jamais les culs! Du coup, sur M6 t’as des cul !
A chaque fois que le clip des Ourses polaires passait j’étais là putain c’est tellement drôle! Sur Moïra Gynt, ils nous ont fait flouter les bières mais ils ont jamais flouté les culs!