Rock en Seine 2024 : Rois belges, Dieu LCD Soundsystem (Partie 1)

La grande messe de fin d’été a encore été d’un grand succès. Pariant l’union des générations sur la pop, le rock et l’électro, la nouvelle monture Rock en Seine redevient le meilleur grand festival parisien. Si de nombreux points sont encore perfectibles, les festivaliers se sentent de plus en plus choyés par les offres (restaurations, boissons, activités,..), les valeurs éthiques prônées par l’organisation et la programmation bien sûr. Bien évidemment, on subit le prix parisien mais le pass 4 jours reste très abordable (54,75€ la journée). Et finalement, on ressort épuisé mais surtout épanoui d’avoir vu défiler tant de stars devant nous. Retour sur nos moments marquants jour après jour : les Belges mettent le seum aux Français pendant que LCD Soundsystem règne en maître absolu du live.

MERCREDI 21 AOÛT 2024

Towa Bird – 18h40, Grande Scène

Pour ceux qui suivent la musique, elle est de base  la guitariste de l’artiste Reneé Mary Jane Rapp. Pour ceux qui lisent Vanity Fair, elle est en couple avec l’artiste Reneé Jane Rapp. Mais pour ceux qui lisent La Face B, Towa Bird est son projet solo lancé l’année dernière seulement. Bercée par le rock, la jeune artiste anglaise empile les tubes à travers son premier album American Hero. 

Fort logiquement, il sera défendu sur scène devant une foule rêveuse et sensible qui n’attend que Lana Del Rey. Peu importe, de son regard vif, Towa débarque sur son intro kitch d’hymne de stade et balance FML. Sa rage remplie de conviction sur le refrain Fuck My Life (vous comprenez FML désormais..) vient bousculer un public un peu tendre. Pourtant, elle ne manque d’énergie en courant de droite à gauche de la Grande Scène avec sa guitare. Accompagnée uniquement d’un bassiste et d’un batteur, on sent qu’elle apprécie la simplicité du rock juvénile qui consiste à envoyer la purée pour danser. Elle parvient à nous attendrir avant son deuxième morceau en déclarant son étonnement de constater autant de monde à 18h40 pour la voir et s’excuse de ne pas parler avec son « français de merde » car il y a tant de monde devant elle. 

Une belle excuse qu’on ressortira à nos profs de langues vivantes. L’envie de l’artiste de partager son projet est démonstrative. Son second morceau Ew emporte le public un petit peu plus à coup de sautillement et de claps dans les mains. On ne peut pas non plus résister devant les grands pas de danses de Towa sur Boomerang. La température continue de monter quand elle reprend Song 2 de manière impeccable ce qui permet de déchainer la foule. Towa n’a plus qu’à finir sur le tubesque Wild Heart et Drain Me! pour marquer les esprits à travers ses propres morceaux. Le show a duré à peine une quarantaine de minutes mais a marqué de son empreinte cette première journée.

Lana Del Rey – 21h45, Grande Scène

S’il y a un fait certain, c’est qu’il n’y avait qu’un seul nom qui résonnait dans la tête des quelques 40.000 festivaliers présents ce jour-là, celui de l’iconique Lana Del Rey. Un nom qui à lui seul a suffit pour motiver bon nombre de fanatiques, pour le moins aventureux, ayant fait la queue plus de 24h en amont du concert tant attendu, et ce, malgré la pluie torrentielle tombée la veille. Il faut les comprendre, l’artiste se fait très rare au sein de l’hexagone, si on omet son Olympia de juillet 2023, et les rares chanceux qui s’étaient octroyés le billet d’or.

L’heure de son set était programmée à 21h45, mais on connait toutes et tous, le retard signature de l’américaine. Heureusement, on lui pardonne tout, et on use de notre patience, encore et encore. Une attente qui arrivera à terme au bout de trente minutes. Mais on passe outre, car c’est sans nul doute un show d’exception qui nous attend. Oui, un show, car quel.le autre artiste s’en revient accompagné.e de sa troupe de danseuses, sa barre de pole dance, balcons fleuris à n’en plus finir, balançoire ou encore de son propre hologramme ? Un show made in USA, cent pour cent.

22h10, la tant acclamée fait enfin son apparition, habillée de sa plus belle robe noire signée Chanel, splendide. Et c’est alors qu’elle entonne les premières notes du puissant Body Electric. C’est fort, sa voix nous saisit, et nos émotions ne savent déjà plus où donner de la tête. Les tubes s’ensuivent allant de West Coast, Summertime Sadness, Pretty When You Cry (le morceau qui se cache derrière notre patience d’ange, morceau souvenir d’une adolescence révolue), Bartender ou encore hope is a dangerous thing for a woman like me to have – but I have it qui aura valu une gorge nouée de notre côté (oh, et joyeux cinq ans un chouïa en retard à l’indétrônable Norman Fucking Rockwell!).

Tout l’heure et demie durant, les festivaliers chantonnent les morceaux un à un, par cœur, comme si l’histoire de ces chefs d’œuvres musicaux étaient leur. L’unisson est si puissant (même de notre point de vue, soit le côté de scène, soit relativement loin de la fosse), que ce dernier faisait parfois taire la voix de Lana. Aucun regret cependant, car on le répète, mais c’est ici que réside toute la beauté du live. Certains s’en donnait d’ailleurs tellement à cœur joie, que l’énergie fanatique n’a plus suffit pour résister, et aura causé quelques malaises, malaises pour lesquels elle aura stoppé son concert, inquiète, et voulant s’assurer que tout le monde aille bien.

L’heure de fin approchant, Lana Del Rey conclu sur le sublimissime Young and Beautiful, dont les paroles semblent encore hanter nos esprits, même dix ans plus tard. Un final jazzy/foxtrot grandiose, façon Gatsby le Magnifique, façon Lana La Magnifique. Puisse-t-elle revenir le plus vite possible. On s’impatiente déjà.

On finit la soirée par le désordre. Trop de monde vers la même sortie. On trouve des policiers à gérer maladroitement la circulation de dizaines de milliers de festivaliers qui se sentent oppressés dans cette masse impatiente de dormir. La tension est palpable car à minuit, on arrive déjà au dernier transport en commun de chaque réseau. Évidemment. Lana del Rey n’y a pas pensé du tout avec son retard de 30 min ! Et Valérie Pécresse, quand ce sont les JO, met les moyens pour la visibilité mais quand c’est Rock en Seine, rejettera la faute aux adversaires politiques ou pire, aux organisateurs du festival qui n’y sont pour rien. Les pouvoirs publics sont surtout les premiers responsables à mépriser la sécurité de chacun et la qualité des transports. Finalement, des milliers de personnes sont repartis à pied en pleine nuit dans la rue pour rentrer chez eux avec ce dégoût de la vie parisienne et de l’organisation du festival. On n’oubliera pas.

JEUDI 22 AOÛT 2024

The Last Dinner Party – 16h35, Grande Scène

La sensation rock de ces derniers mois était bien présente pour entamer cette deuxième journée du festival. En décor, deux longs rubans bleus aux étoiles dispersées. Un style qui évoque le temps du Moyen-âge pour célébrer les cinq reines présentes sur scène. Car oui, elles ont beau être jeunes, elles sont déjà talentueuses. Le quintet originaire de Londres réussit les prouesses exécutées en studio et rend leurs titres encore plus sublimes. Les quatre premiers morceaux s’enchaînent comme dans l’album. Caesar on a TV Screen et The Feminine Urge apparaissent déjà comme des classiques de la pop contemporaine. Les envolées vocales de Abigali Morris et Lizzie Mayland sont beaucoup plus saisissantes en live et nous hypnotisent devant de telles mélopées magnifiques.

Les titres s’enchaînent sans pause, on est embarqués irrémédiablement dans leur univers. Le jeu de guitare de Emily Roberts se révèle technique et entraînant. Concentrée sur son instrument, elle semble appliquée à la tâche pour rendre la copie parfaite avec beaucoup de style et de présence sur scène.  Sans elle, Sinner et Call Me, la reprise de Blondie, auraient moins d’envergure. Le groupe termine par le tant attendu Nothing Matters pour émerveiller une foule venue en nombre pour le premier concert de la journée. Une totale réussite qui donne le sourire et le pep’s pour le reste de la journée.

Kasabian – 18h05, Grande Scène 

Kasabian a su empiler les tubes au fil des albums ce qui donne l’assurance de passer un bon moment. La seule crainte en les voyant à Rock en Seine était de voir un groupe à bout de souffle et d’idées comme sur leurs deux derniers albums. Point de suspense, la formation britannique garde toujours autant de vitalité pour gagner la ferveur des foules. Le départ du concert est d’ailleurs parfait : un fan anglais réclame Tom Meighan. On ne se lassera jamais de l’humour anglais. Il est d’ailleurs bon de faire une petite parenthèse et de souligner la bonne réaction des membres du groupe qui ont viré à jamais leur leader charismatique mais controversé dès qu’il a été jugé coupable. La décision aurait pu être prise plus tôt cependant.

Sergio Pizzorno, le guitariste co-fondateur du groupe, a repris les rênes. La première chose qui détonne, c’est qu’il est très remuant sur scène et tient son micro comme Booba. La French Touch. Les classiques Club Foot et Underdog font mouches par leur qualité intrinsèque d’être des hymnes de stade. Call surprend aussi. Titre très médiocre de leur dernier album Happenings, il s’inscrit dans la continuité du set avec son rythme tapageur. Il permet également de lancer comme il se doit Shoot the Runner qui lui aussi propulse une communion festive grâce à ses forts coups de batteries marquants. Sergio en profita même pour circuler dans l’allée qui sépare les riches (Espace Garden) du reste de la populace pour venir narguer les caméras. Ces dix premières minutes sont dynamiques et enthousiasmantes. Et ce n’est pas fini, You’re Love with a Psycho (clin d’œil à Tom Meighan) apporte un peu de douceur pop. On lève les bras en dandinant sur le refrain, on se sent bien. Kasabian balance du lourd et confirme son statut de groupe de qualité en festival.

Mais le concert va commencer à dévisser un petit peu. L’enchaînement de Coming Back to Me Good et Italian Horror qui proviennent du dernier album, casse le rythme effréné du concert. Sergio a beau gesticuler en rappant, les titres ne prennent pas. La bonne surprise fut de réentendre treat de leur album électro-rock 48:13. Les musiciens vont jouer aux références en plaçant à intervalles réguliers l’intro de Intergalactic des Beastie Boys et celui de Breathe dès Prodigy. On se reconcentre ainsi davantage sur leur show,  il en était nécessaire. Kasabian finit en mettant le feu sur L.S.F. où le public paraissait timide à reprendre le chant à la fin du titre malgré l’insistance du groupe. En revanche le titre, Fire fera bondir de joie les spectateurs. Finalement, les anglais peuvent se reposer sur leurs classiques et l’hyperactivité de Sergio pour toucher le cœur des gens.

The Hives – 19h45, Grande Scène

Si les Hives n’ont certainement pas réussi leur meilleur concert de leur carrière, ils ne déméritent pas d’être cités par les meilleurs concerts de ce festival. La situation était complexe et il faut le dire, étonnante pour eux. Les fans de Maneskin étaient venus en masse pour camper largement en avance devant la Grande Scène. Déjà que c’est limite dans « l’esprit d’un festival », on peut leur reprocher peut-être leur manque de culture aussi car, visiblement, bon nombre d’entre eux ne connaissaient pas ce groupe suédois de nom. À la limite, pas de souci mais ont-ils écouté des morceaux pour les découvrir ? On dirait que non et ça, par expérience, The Hives l’a senti.

Alors on a eu le droit à des Hives plus tapageurs sur leur son et à un Pelle Almqvist en animateur déchaîné et jamais déstabilisé, comme à son habitude, il est vrai. Après l’ouverture très énervée Bogus Operandi, le chanteur décide de présenter son groupe : « Nous sommes les Suédoises (oui, oui). On est les meilleurs. On fait du super rock« . Cette arrogance détonne pour les non-initiés mais amuse beaucoup pour le reste. Le concert devient drôlement intelligent. Pelle va s’efforcer à parler français et à être en interaction avec le public tout en jouant treize titres en cinquante minutes. Cela fait beaucoup en peu de temps ! L’avantage du punk, c’est que les morceaux ne durent pas une éternité. Ils peuvent même être ratés car la fête prime avec eux. Le batteur Chris Dangerous s’est planté à trois reprises en début du set tandis que les riffs de Nicholaus Arson n’étaient pas toujours bien calés sur les nouveaux morceaux. Sans compter les quelques effets Larsen.

Bref, il s’agit de musiciens qui veulent juste se défouler et s’amuser : peu importe la justesse, tant qu’il y a de la vie, ils souhaitent tout dégommer sur scène. Walk Idiot Walk fait ainsi sauter tout le public. Pelle continue son rôle d’animateur en chauffant le public comme au bon vieux temps des émissions d’Arthur dans les années 90 : « Bruit! Silence! Bruit! Silence »; ou encore : « Mesdames, faites du bruit ! Messieurs, faîtes du bruit ». C’est bête mais l’effet est réussi. Il annonce ensuite « un grand classique du rock« . Sans surprise, il s’agit de Hate You Say I Told You So qui réveillera les bons vieux souvenirs de chacun. Le public gagne en agitation ce qui permet au groupe de mettre en avant les morceaux du dernier album comme le très court Trapdoor Solution ou encore Countdown to Shutdown. Il semble que The Hives adorent lancer leurs titres majeurs par un titre d’une durée minuscule et énervée. Le duo final est le plus excitant : Come On! lance parfaitement la tension pour Tick Tick Boom qui est un véritable hymne du stade. On regrettera peut-être l’intervention de trop de Pelle entre les deux titres. Mais il nous aura régalé par ses multiples sauts sur scène et ses besoins d’aller dans la foule. The Hives a donc rempli sa mission : faire exploser de joie et de sourires un public nombreux, pas facile à acquérir. De nombreuses personnes témoigneront sur les réseaux sociaux de leur plaisir d’avoir découvert et apprécié ce groupe lors de cette soirée. Comme quoi, on peut séduire à tout âge. 

Gossip – 20h45, Scène Cascade

On n’avait plus revu Gossip à Paris depuis leur concert au Bataclan en 2019 si on excepte leur passage au studio 217. Il s’agit donc d’un groupe plutôt rare à voir sur ces cinq dernières années. L’attente était donc grande. Ce fût une déception.

Le groupe dégage beaucoup d’énergie. Surtout Beth Ditto. Sa voix est impressionnante, forte, porteuse et vibrante. On est conquis. Malheureusement, elle parle trop. Au début, on trouve ça plaisant quand après le premier morceau Listen Up!, elle trinque à notre santé en espérant ne pas vomir en chantant. Elle rote même. C’est peu raffiné mais drôle. On aime ça. Mais ce type de sketch continue entre chaque titre en plus des mille remerciements qu’elle nous offre. On est lassé, on veut juste que ça balance ! D’autant plus que les morceaux ont de légères teintes électros qui peuvent s’enchaîner impeccablement. De plus, le son de la guitare est trop faible pour profiter des mélodies sur la première moitié du concert. Pour finir, on reprochera une redondance sur chaque titre qui montre crescendo avant d’envoyer la sauce sur le dernier refrain. Bref, la magie ne prend pas. 

Il faut attendre les trois derniers titres pour s’enjailler davantage. Standing in the Way of Control se différencie grâce à son entame tonitruante par ces à-coups excessifs sur la batterie et cette basse bondissante. On ressent le public déchaîné ! D’autant plus que Beth a eu l’excellente idée d’entonner Smells Like Teens Spirit avant le drop explosif. Voilà ce qu’on attendait ! S’en suit Crazy Again qui est une pépite indie pop de leur dernier album. Malheureusement, son introduction aurait mérité d’être plus soignée afin d’emporter tout le monde comme le final attendu Heavy Cross. Il y avait peut-être un petit truc à faire entre les « ouh-ouh » de Crazy Again et les « oh-oh » de Heavy Cross. Bon, on n’est pas sûr mais on veut des trucs originaux ! Mais Beth Ditto était d’humeur pipelette. Heavy Cross a été surjoué en plus avec trois drops au lieu de deux. On sent qu’il est temps de partir car la fin du concert est imminente et que Maneskin a décidé de commencer pile à l’heure. Sur le chemin qui mène à la Grande Scène, on attend Beth remerciant des dizaines de fois le public et reprend en bonus L’homme à la photo d’Édith Piaf. Toujours plus. Et de trop.

Maneskin – 21h45, Grande Scène vs The Psychotic Monks – 22h20, Scène du Bosquet

Il y a des choix difficiles dans la vie. Profiter de Maneskin qui est une rareté en France ou s’assurer d’être transporté dans l’univers captivant des Psychotic Monks. Impossible de trancher, on se dirige à la Grande Scène suite au long monologue de Beth. On aperçoit au loin ces nombreuses lumières rouges sanglantes qui entourent le quatuor italien. Il y règne une atmosphère de concert de stade d’un grand soir. On est vite conquis par la bassiste Victoria De Angelis. Certes, elle joue trois-quatre accords seulement par morceaux : plutôt assez simple et toutefois puissant. Mais elle partage son plaisir d’être sur scène en nous lançant souvent des sourires radieux. Damiano David, chanteur et leader du groupe, reste plus neutre et distant, préférant se concentrer sur sa performance. On ne va pas se mentir, on les trouve tous les quatre beaux et élégants. Cela se traduit à travers leurs titres tous de grand ampleur mais qui bien souvent, semblent redondants au fil des minutes. Et les morceaux ont les défauts de leur qualité.

Gossip sonne creux et souffre d’une production radiophonique trop poussée. Zitti I Buoni, morceau victorieux de l’Eurovision, est en revanche plus percutant, bien aidé par la puissance du jeu de guitares Thomas Raggi dont le riff peut faire penser à un plagiat des Vendettas mais également de Queens of the Stone Age. Arrivé au tiers du concert, on se délecte de la reprise Beggin’ pour se mouvoir ensuite vers la nouvelle scène du Bosquet.

A peine sur place, on entend déjà les basses lourdes et oppressantes du génialissime morceau Crash. On est rapidement hypnotisé par cette virulence expérimentale. Le décor est sobre mais les Psychotics Monks n’oublie d’afficher le drapeau palestinien à côté de celui de la transidentité. Ces deux combats sont chers au groupe. Crash est un morceau assez long pour profiter de sa montée jouissive. Le batteur Clément malmène son outil de travail pendant que Paul fait raisonner sa rage à travers ses coups de griffes sur les cordes de sa guitare. On est déjà totalement subjugué par cette performance sonore unique dont chaque coup de batterie nous prend par les tripes. Les français jouent principalement leur dernier album Pink Colour Surgery, reconstruit et peaufiné en live. Ils ont décidé d’aligner dès le départ les titres les plus percutants dont Post-Post et All That Fall.  Si la première moitié du concert est électrisante, l’autre moitié se veut plus intimiste et expérimentale. Il est même difficile de s’y accrocher tant les mélodies y sont rares. Sauf qu’il n’y a aucune coupure pour souffler. Nous voilà pris dans l’étau de leur atmosphère pesante. On parvient à entendre l’enchaînement (88) et Décors avant de finir dans les abîmes de la désolation sur location memory. Les Psychotics Monks ont sublimé la musique en un art brut comme expérience sensible.

Les organisateurs peuvent être fiers de leurs choix pour ce deuxième soir ! Même si notre journée consistait principalement à faire des allers-retours entre les deux plus grandes scènes. La programmation résolument rock a quasiment affiché complet. Ce succès provient probablement du choix des artistes du début et de la fin. La hype The Last Dinner Party avait déjà fait le plein sur la Grande Scène à 16h35 et il n’y avait pas encore ces maudits campeurs fans de Maneskin. Malgré quelques redondances, le groupe queer italien a réussi à séduire en nous replongeant dans le rock des seventies et confirme son statut de headliner. Darons et Gen Z ont ainsi pu être mélangés dans cette foule immense. Ce n’est pas Barbara Pravi qui aurait ramené tout ce gratin pour le meilleur et pour le pire, désolé la France. 

VENDREDI 23 AOÛT 2024

Soulwax – 21h55, Scène Cascade

À chaque concert de Soulwax, lorsque le silence succède au chaos, la petite phrase scandée par les belges dans NY Excuse flotte dans l’air et dans nos esprits pendant quelques minutes : « Is it good enough for what you’re paying? »

Cette fausse question, remplie d’ironie est la signature fétiche des belges, celle qu’ils nous font scander histoire de nous achever, pour nous rappeler encore et toujours que face à nous se trouve l’un des meilleurs groupe qui tourne actuellement sur scène. 7 membres dont 3 batteurs, une mise en scène à l’esthétique pensée pour offrir le meilleur son possible et une heure de show imparable sans réelle pause, oui Soulwax aura encore retourné le public venu, en masse, pour le voir sur scène.

Malgré cette espèce d’opulence, 3 batteurs on le répète encore, rien n’est superflu chez le combo belge, tout est à sa place, tout trouve sens pour nous faire croire que cet immense fête est improvisée, alors que tout est maitrisé, parfait de la première à la dernière note.

Du rock sous influence électronique, ou de la musique électronique nourrie au rock, on n’a pas vraiment envie de définir la musique de Soulwax. Tout ce qu’on peut dire c’est qu’à chaque concert, la bande des frères Dewaele nous rappelle parfaitement pourquoi on les aime.

Entre les nouveaux morceaux placé au départ (Hot Like Sahara, Idiots in Love) qui tend vers une veine plus rock proche de leurs débuts, la part du set dédiée à leur exceptionnel FROM DEEWEE (Missing Wires, Is It Always Binary ou encore Here Come The Men In Suits sublimement mêlée à leur remix de Work It de Marie Davidson) qui continue de vieillir comme un bon vin, ou encore les tubes imparables qui viennent de NITE VERSIONS ( Krack toujours aussi folle, Miserable Girl qui réveillerait un mort ou les cultes E Talking et NY Excuse) , le set de Soulwax reste un grand moment d’extase et de maitrise qui rend heureux toutes les personnes qui ont le plaisir d’y assister.

Alors oui encore une fois, c’est assez bon pour ce que l’on paie, et ça sera encore mieux la prochaine fois.

Charlotte Adigéry & Bolis Pupul – 23h15, Scène du Bosquet

Alors que tout le monde partait en direction de la grande scène, une poignée d’irréductibles gaulois se présentaient devant la scène du Bosquet pour assister au concert des géniaux Charlotte Adigéry & Bolis Pupul. À l’image de leurs « grand frères » de label, les belges nous ont offert ce soir là un concert à leur image : dansant, drôle et politique.

Chaque concert du duo est une célébration. Une célébration de la musique bien évidemment, mais aussi une célébration de leurs identités, de leurs différences et de toutes les petites choses qui font que les humains finissent par se réunir.

Détendus, mais toujours aussi précis, Charlotte & Bolis ont donc déroulé leur musique avec un talent toujours aussi dingue pour nous embarquer dans des ambiances assez différentes. Ensemble, ils montent une sorte de transe qui frappe sans qu’on s’en rende vraiment compte, notamment grâce à des titres comme Blenda, Patenipat ou la toujours aussi impressionnante It Hit Me. Ces morceaux font monter une tension dans l’efficacité, les propos et les intentions qui les rendent imparables et transforment le show en quelque chose de différent, mais toujours aussi attirant.

De l’autre côté du spectre, il y a Making Sens Stop et son groove contaminant, Ich Mwen impactante et d’une beauté rare ou la superbe Hey qui ouvre le show.

Bien sûr, impossible de passer à côté des bangers tels que l’étrange Haha, l’évidente Ceci n’est pas un cliché et le feu d’artifice final et plein d’ironique : Thank You.

Une fois encore, c’est à nous de remercier Charlotte Adigéry & Bolis Pupul. On sait pourquoi on va les voir et comme toujours, on sait pourquoi on y retournera.

Si sur le papier, la programmation du jour nous rendait très dubitatif pour nos âmes aux penchants rock, la surprise fut totale ! On a été impressionnés par des artistes aux styles variés qui ne se renferment jamais dans un registre. C’est en ça qu’on apprécie un festival : aller voir ceux qu’on aime et se laisser porter à des nouveautés. On ne peut que tirer notre chapeau à Rock en Seine qui a construit intelligemment ce vendredi réussi autour de Fred again… Ce dernier nous a pourtant laissé un goût mitigé, surtout aux regards de la performance de Jungle et de Soulwax. Le talent est là mais l’ensemble est décousu et inégal virant du planant au dubstep hip-hop entrecoupé par de nombreux discours. On ne sait pas sur quel pied danser pour de l’électro (sic). Néanmoins, les fans ont été conquis et donc l’objectif est pleinement atteint. 

On insiste : on aurait aimé toutefois plus d’ouverture d’esprit ou du moins d’un plaisir de profiter de l’esprit d’un festival chez certains spectateurs. En effet, comme la veille avec Maneskin il est lassant de voir camper toute la journée ces ultras qui ne souhaitent voir qu’un seul artiste au détriment des moins célèbres. On était peinés de voir peu de public devant emily jifri, Soulwax ou encore Charlotte Adigéry & Bolis Pupul. Certes, ces derniers jouaient en même temps que l’aristocrate anglais. Ce constat est triste et inquiétant. On commence à mieux saisir le coup de gueule de Damon Albarn à Coachella cette année.

Crédit Photos : Clara de Latour