Rock en Seine 2024 : rois belges, Dieu LCD Soundsystem (Partie 2)

La grande messe de fin d’été a encore été d’un grand succès. Pariant l’union des générations sur la pop, le rock et l’électro, la nouvelle monture Rock en Seine redevient le meilleur grand festival parisien. Si de nombreux points sont encore perfectibles, les festivaliers se sentent de plus en plus choyés par les offres (restaurations, boissons, activités,..), les valeurs éthiques prônées par l’organisation et la programmation bien sûr. Les journées du samedi et du dimanche ont été encore plus denses et épiques. Retour sur nos moments marquants jour après jour : les Belges mettent le seum aux Français pendant que LCD Soundsystem règne en maître absolu du live.

SAMEDI 24 AOÛT 2024

Astral Bakers – 16h50, Scène du Bosquet

Dans une époque rempli d’images, d’égo et d’esbroufe, il y a des groupes qui font du bien au cœur et aux oreilles. Des groupes qui partagent une musique qui touchent directement, dont les ondes nous frappent sans interférence, juste pour l’amour de la musique et des guitares.

2024 nous aura permis de découvrir un de ces groupes en la présence d’Astral Bakers. Leur nom le précise bien, on est face à des artisans, quatre musicien.ne.s qui façonnent une musique qui finalement va toucher les étoiles.

Sur scène, cette idée se déploie encore plus. Une formation réduite à son essentiel (basse, batterie, deux guitares et des voix) sans bandes ou autres additifs inutiles pour nous éloigner de ce que doit être la musique pop/rock : des gens qui jouent ensemble et qui font de leurs particularités une force commune qui vient frapper nos âmes.

Et à ce petit jeu, Ambroise, Zoé, Nicolas et Theodora font très fort. Ce show à Rock en Seine était sans aucun doute l’un des plus beau et sincère que l’auteur de ces lignes (on est deux à écrire ce report) aie vue de mémoire récente. Et comment ne pas fondre avec des morceaux aussi évidents que Shelter, Why ou encore Easy.

Des morceaux à l’écriture limpide, à la puissance poétique évidente et qui sont partagés de la même manière qu’ils ont été créé : à quatre, ensemble et les uns collés aux autres. The Whole Story se vit ainsi devant nous, sans fard, dans toute sa beauté.

Si Astral Bakers s’en vient jouer près de chez vous, on ne peut vous dire que ceci : ne les manquez pas.

Nation of Language – 18h25, Scène du Bosquet

À l’image d’une étape de montagne sur le Tour de France, on attendait avec crainte la pluie durant cette journée. Les nuages étaient très menaçants et annonçaient une pluie diluvienne et des orages foudroyants. 

Les conditions n’étaient donc pas pleinement réunies pour danser sur la synthpop moderne de Nation of Language.  Mais nous n’étions pas inquiets par le contenu du set. Le groupe qui est sur le label PIAS, toujours gage de qualité, a livré l’une de ses meilleures prestations live. Après une introduction prometteuse sur Spare Me the Decision, le trio nous foudroie avec leur hit On Division St. Les notes du synthés nous font déjà planer et apportent pour la première fois de la douceur à cette journée aux harmonies rudes. Plus de mille personnes se sont présentées pour danser sur cette merveille. Pluie sur mille personnes s’est ensuite abattue sur le site et la scène. September Again et The Wall & I avaient fort heureusement bien chauffé la foule. Car sur l’entame de This Fractured Mind,  les gouttes avaient fracturés l’électricité de leur set. Le chanteur Ian devient nerveux mais aussi conscient de bien présenter ses morceaux. Il fait face dorénavant à un amas de gens en kaways en face de lui. D’une manière expliquée, il devient plus expressif sur scène et n’hésite pas à voir sa dulcinée Aidan aux synthés. D’ailleurs cette dernière remercia le public d’être resté si nombreux malgré la pluie et les soucis techniques. Il est vrai que tout le monde dansait et s’amusait sur ce format digne d’un festival de province. C’est avec le sourire et la satisfaction d’entendre en clôture Across That Fine Line, certainement le meilleur morceau qui  fait planer de bien être. Quand pas mal de personnes se permettent de dire à la fin : « Ah mais c’était très bien ça! Très cool! » , c’est la marque d’un concert réussi.

The Offspring – 19h25, Grande Scène

L’enchaînement est sportif car il faut traverser tout le site en longueur de la Scène du Bosquet à la Grande Scène pour assister au dernier concert de la tournée européenne de The Offspring. Avec près de quarante ans de carrières, les membres de ce groupe légendaire représentent les darons du mouvement punk. Dexter Holland et Noodles ne peuvent plus trop cacher leur rides sur scène. Les deux gaillards réunissent l’histoire du groupe aux côtés de jeunes membres tels Todd Morse à la basse et surtout l’excellent batteur Brandon Pertzborn. Mine de rien, cet élément important car il permet au son du groupe de garder la même dynamique qu’à ses débuts. 

Dès l’entame sur le trentenaire Come Out And Play, on admire avec nostalgie la fougue d’une époque révolue. Les riffs orientaux apportent une fraîcheur provocante et délirante. Pour la première fois en quatre jours, on aperçoit enfin un public déchaîné et prêt à en découdre sur des mosh. C’est exactement ce qu’il manquait depuis le début de ce festival, pourtant de riche qualité : de la folie punk ! La scénographie est elle aussi superbe avec ces animations de studios enfantins et très colorés. 

Avec le temps, certains morceaux prennent un coup de vieux, du moins en live. All I Want et Bad Habbit sonnent ainsi faux et peu harmonieux. D’autres se bonifient avec le temps comme Want Your Bad. On apprécie toutefois la setlist best-of du groupe qui permet à chacun d’apprécier les plus grands tubes.  En plus de cela, Dexter et Noodles partagent leur plaisir d’être encore sur scène et parviennent à nous le transmettre. Quitte à kitsch !  Voire même à nous inquiéter ! En plein milieu du show, The Offsprings aime rendre hommage à ses influences en réalisant les covers de In the Hall of the MountainKing, Iron Man, Sweet Child of Mine et Blitzkrieg Bop. Ça fait beaucoup, n’est-ce pas ? Le faire en salle, pourquoi pas, mais en festival sur une petite heure de prestation, c’est limite. On est venus pour les voir, pas pour un tribute ! Imaginez voir Oasish à l’édition 2026 de Rock en Seine ? Hors de question.

Malgré tout, cette ambiance de fête foraine se glisse parfaitement à l’esthétique débridé du punk. Étonnamment, malgré les réactions dubitatives de la foule, ils parviennent à créer l’excitation de la foule en jouant sur l’impatience d’entendre leur classique. Avant cela, nous avons le droit à un solo exceptionnel du batteur sur Gotta Get Away. Après, on ne souvient plus de grand-chose. Comprenez bien, l’enchaînement Pretty Fly, The Kids Aren’t Alright suivi d’un rappel composé de You’re Gonna Go Far, Kid et Self Selfteen ont balayé la foule dans un pogo démentiel. Les slams ont été plus intenses que les gouttes de la journée. Et finalement, le public s’est arrosé de sa propre sueur et des confettis partagés par le groupe. Quelle classe de fournir une telle prestation après tant d’années tout en répondant aux attentes des fans ! The Offspring est un géant dans son registre et nous l’a encore démontré.

Kae Tempest – 20h20, Scène du Bosquet

Notre amour pour Kae Tempest n’est pas récente, elle remonte même à 15 ans, lorsque l’on découvrait Sound Of Rum, son premier projet musical collectif avant qu’iel ne déploie ses ailes en solo pour une carrière en solitaire entre albums étincelants, romans, recueils de poésie, pièces de théâtre et essais qui le sont tout autant.

Ce qui est intéressant, c’est que sur scène, toutes les pièces de ce puzzle semblent se réunir en un tout cohérent. Entre le spoken word, le rap (qu’iel maitrise toujours autant et que certain.e.s devraient clairement prendre en exemple), l’interprétation théâtrale et les études philosophiques, Kae Tempest dévoile tout son art et nous entraine dans son petit monde avec une facilité déconcertante.

Sourire aux lèvres, apparemment surpris.e de voir autant de monde (la scène du Bosquet était clairement trop petite pour iel) aura concentré son set sur ses derniers albums et EP (on regrettera toujours l’absence de titre de l’excellent Everybody Down qui fête cette année ses 10 ans) et une poignée d’inédits (qui annoncent l’arrivée d’un nouvel album, iel nous l’a promis), l’anglais.e aura une nouvelle fois enchanté son monde, notamment sur cet enchainement assez dingue entre Europe Is Lost et We Die ou encore sur des moments plus atmosphériques avec No Prizes ou la sublime Grace.

Ceux qui connaissaient Kae Tempest en auront eu la confirmation, les autres l’auront découvert : on est réellement face à un.e artiste majeur.e de notre génération.

Massive Attack – 21h35, Grande Scène

Ils seront à tout jamais les premiers à être les headliner de Rock en Seine, tout comme PJ Harvey le lendemain. Les rois de la Trip Hop reviennent huit ans après leur dernière apparition sur le festival après le décès du guitariste Angelo Bruschini en 2023. 

Massive Attack est connu pour proposer une expérience musicale qui va au-delà d’un simple concert. Marqués par la violence de notre époque contemporaine, les membres du groupe associent leur musique à des images chocs et poussent à réfléchir sur la nature de l’homme et à la confiance qu’on peut lui apporter. Leur discographie viennent apporter une trêve qui pour capter l’instant et se remettre en question. Le groupe répète cette performance depuis les années 90. On est avertis.

Au programme de la setlist, le collectif ne peut proposer de nouveau titres puisqu’il n’a pas sorti d’albums depuis quinze ans. On retrouve alors de nombreux covers qu’ils s’avèrent tantôt agréables, tantôt passables. Notamment la reprise de In My Mind de Gigi D’Agostino qui laisse perplexe en étant joué au début et à la fin du set. La reprise Rockwrok d’Ultravox a eu le mérite de réveiller tout le monde après l’hypnotique Inertia Creeps. Elle a aussi réveillé les consciences par sa  scénographie qui a choqué certains festivaliers. Il est vrai que cette séquence d’images montrant divers hashtag complotistes pouvaient laisser des doutes si nous connaissions mal le groupe. Or, ces messages sont présents depuis 2019 à leur concert et régulièrement mis à jour. Ils pointent du doigt tout ce que combat le groupe. Peut-être que le message n’a pas été assez clair mais encore une fois, tout cela demande à se renseigner en amont..

Les images effroyables de la ville de Gaza détruite par les bombardements durant la guerre actuelle entre le Hamas et Israël interpellent sur sa violence. La voix douce d’Elizabeth Fraser apporte sur Black Milk un souffle de poésie et surtout de soutien aux mères et enfants victimes de ce conflit. Là encore, certains commentaires de festivaliers détonnent et fuient même le concert en voyant les images jugées pro-Palestiniens. A côté , on entend même une certaine personne ralait « Ils devraient plutôt écrire un livre sur la politique au lieu de faire la musique« . Ce type de commentaire est pathétique. Massive Attack est connu pour afficher son soutien à Palestine depuis vingt ans au moins. Ils ont d’ailleurs partagé un message clair de paix à la fin du concert en demandant la libération de tous les otages et le cessez-le-feu immédiat des bombardements. 

Le groupe a également partagé ses plus grands succès allant de Risingson, Angel, Unfinished Sympathy avec Deborah Miller et bien sûr Teardrops qui nous ont envoûtés aussi bien par le son que l’image. Les plus belles surprises restèrent la poigne des Young Fathers qui ont donné plus d’envergure à ce show sur Gone et Voodoo in my Blood. Le plus long concert de cette édition aura tenu toute ses promesses avec son casting de prestige en mêlant militantisme et puissance trip hop malgré quelques longueurs.

2manydj’s – 23h20, Scène Cascade

Proposer Massive Attack un samedi soir est toujours osé par sa teneur politique. On en oublie l’esprit des fêtes. Le festival nous propose alors de finir soit sur l’annonce de dernière minute, un DJ Set à 110 BPM (sic) de Polo & Pan b2b Myd, soit 2manyDJs, projet DJ des membres fondateurs de Soulwax. Il va de soi que nous avons opté pour ces talentueux belges. En à peine une heure, le duo nous a offert un set endiablé où l’intensité n’a jamais redescendu. Chaque nouveau morceau proposé apportait sa dose d’excitation infernale. Des remix de Wet Leg à Charli XCX, en passant par les Chemical Brothers ou encore DJ Europarking, les belges nous ont offert le meilleur des clubs électros rocks aussi rafraîchissants que tonitruants.La scène Cascade s’est transformé naturellement en dancefloor sauvage. Bien entendu, les frères Stephen et David Dewaele qui étaient la veille sur la même scène et l’après-midi à Londres, avaient gardé assez d’énergie pour faire monter la pression. 

Le tant attendu Work It a littéralement fait exploser de joie la foule qui n’attendait que celui-ci pour atteindre le septième ciel. Chauffé à bloc, le public hurle de plaisir en attendant le classique Blue Monday. On se sent parti pour rester danser jusqu’à l’aube. Malheureusement, les belges nous frustrent encore et coupent brusquement New Order pour glisser Tequila des Champs en guise de closing. On ne voit pas d’autres choses à dire : on s’est bien éclaté durant une heure, merci !

C’est ainsi que se termine cette quatrième journée  : le cœur qui bat à cent à l’heure et dans la joie. Nous avons retrouvé avec ce samedi ce qui fait le charme d’un festival : une vadrouille à travers différentes scènes pour des styles éclectiques . A chaque fois, il était possible d’être placé convenablement pour regarder les concerts. Car oui, l’offre était plus importante, diversifiée et indie. D’ailleurs, s’il n’a pas été possible de voir tous les concerts dans leur intégralité, on tenait à signaler les excellentes prestations des groupes des années 90 comme Blonde Redhead et Sleater-Kinney mais aussi les petits nouveaux de la scène françaises que sont Geagea et Dog Park. Côté déception, il y a eu Inhaleur comme souvent et The Kills dont l’absence d’un batteur nuit à leur live en festival. Mais nous retenons finalement la folie des américains et des belges. Et ceci n’est pas le début d’une mauvaise blague.

DIMANCHE 25 AOÛT 2024

ALIAS- 14h20, Grande Scène

Le dernier jour d’un festival est souvent un combat entre l’envie de voir des concerts et la fatigue qui commence à devenir notre pire ennemi.

Pourtant c’est une énergie au maximum qui circule en nous. Car, bonheur des annulations et des changements de line-ups, c’est ALIAS qui s’apprête à ouvrir la Grande Scène de Rock en Scène en ce dimanche ensoleillé. Un concert légèrement particulier pour nous : au-delà du fait qu’on dira toujours crânement que les premiers articles sur ALIAS étaient de notre fait, le temps a fait que la relation a bien évolué et qu’on a un petit pincement au cœur à voir des amis débouler sur la scène principale d’un grand festival français.

Et autant le dire : si le défi était de taille, Manu, Vincent, JB et Simon l’ont réussi avec brio. À fond pendant plus de 40 minutes, le quatuor aura forcément charmé son monde. Il faut dire que le dernier album du projet, EMBRACE CHAOS, a tout pour être un destructeur de scène, encore plus lorsqu’il se retrouve accompagné de certains des meilleurs morceaux de JOZEF (ici Dance With A Psychokiller et Together).

Dans une formation sans guitares, ALIAS torpille tous les aprioris sur la musique rock et nous fracasse avec bonheur dans une tempête de chaos, à la fois maitrisé et déviant, mais loin d’être bêtement un concert qui se joue dans l’énergie brute.

Bourré de nuances, la musique d’ALIAS sur scène se vit et se partage, se danse et se headbangue. Mentions spéciales aux superbes OLD MAN (qui prend tout son sens en live), CURSED et surtout COCKTAILS AND DREAMS, qui n’aurait pas eu à rougir au coeur du set de LCD Soundsystem ce soir là.

Sans peur, avec un talent assez dingue, ALIAS aura offert un concert qui aura réveillé son monde. Une manière idéale de commencer un dimanche en somme.

Baxter Dury – 15h00, Scène Cascade

Est-ce que l’après-midi réussit à Baxter Dury ? C’est une question qu’on était en droit de se poser, et apparemment la réponse est oui. À Beauregard et à Rock en Seine le dandy décadent anglais jouait en début d’après-midi, un horaire qui ne semble pas forcément correspondre à sa musique.

Il faut croire que nos préjugés se sont bien plantés puisque l’anglais nous a offert cet après-midi là (et au début de l’été aussi) un set absolument réjouissant. Il faut dire que le garçon a désormais dans sa besace, riche d’une carrière de plus de 20 ans, une sacrée armée de petites tubes pop qui ont tout pour nous réjouir.

Et, bonheur suprême, le public semblait plus que réceptif, ce qui a poussait Baxter a jouer son rôle à fond : hurlement, sourire narquois, petite pause digne du Zui quan (l’art-martial de l’homme ivre) et consommation (excessive ?) d’alcool, on a eu droit au grand show de Baxter Dury.

Un show qui n’a pas empêché le garçon de tenir son rôle de chanteur et de nous entrainer dans son univers entre joie et peine, porté par une écriture subtile et des compositions parfaitement retranscrites sur scène cet après-midi là. Mention spéciale à Palm Trees, Miami, Pleasure ou l’iconique et sublime Cocaïne Man.

Point d’orgue, le petit festival final et inattendu ou Baxter Dury reprendra le titre qu’il a partagé avec Fred Again… présent lui le vendredi à rock en seine.

C’est donc toujours un plaisir particulier de voir Baxter Dury en concert, et on prend déjà rendez vous pour le prochain.

Zaho de Sagazan – 16h40, Scène Cascade 

La performance  de Zaho de Sagazan a été une réussite totale. La quadruple lauréate aux Victoires de la Musique 2024 n’a jamais autant remplie la Scène Cascade. Sa prestation s’est concentrée sur le registre de l’électro-pop avec peut-être un surplus de basse inutile.Les beats froids d’ Aspirationet Tristesse nous ont donné l’envie de danser. On ressent que Stromae a eu pas mal d’influences sur sa créativité. Son titre majeur La symphonie des éclairsa emporté tout le public qui a repris avec elle, ses lignes poétiques. Ne sombrant pas dans une morosité comme elle l’indique ensuite, Zaho propose de nous donner de bonnes ondes avec les plus dansants de son répertoire et même jamais sortie en studio comme le frénétique Dansez. Malgré sa fatigue, l’artiste a donné le maximum de son énergie et même surpris positivement de nombreux spectateurs la découvrant. En bel hommage au rock, elle nous a fait le plaisir de chanter sa reprise de Modern Love de David Bowie où toute son équipe la rejoint sur scène. Après un petit bain de foule, Zaho termine par une chute sans incidence et qui, au contraire, la rend encore plus grandiose.

Ghinzu – 17h25, Grande Scène

C’est Ghinzu, c’était bien. On pourrait résumer notre avis sur cette petite sentence qui en dit peu mais aussi beaucoup.

Groupe de rock immense de la vague belge du début des années 2000 (côté à côté avec SOULWAX et Girls In Hawaii qu’on aura aussi eu le plaisir de voir sur scène cet été), on n’esperait plus vraiment voir Ghinzu sur scène. Mais la nostalgie aidant, la bande de John Stargasm venait à Rock en Seine célébrer les 20 ans de Blow et les 15 ans de Mirror Mirror.

Canette de Jupiler à la main, Ghinzu a prouvé qu’il en avait encore sous la pédale et nous a offert un concert électrique et intense, centré sur des morceaux qui sont au fil du temps devenu des classiques de la musique.

Cold Love, The Dragster-Wave, Do You Read Me?, Blow … Elles étaient toutes là, vivantes comme jamais, jouaient avec ce qu’il faut de fouge et de grand bordel pour nous attendrir, nous faire frémir et pleurer.

On ne peut clairement pas en dire plus car, maintenant qu’on les a enfin vu, on peut le dire : un concert de Ghinzu ça se vit. Espérons simplement qu’il ne faudra pas attendre 10 nouvelles années pour avoir le plaisir de revivre ça.

bar italia – 18h25, Scène du Bosquet

Une foule importante et curieuse est venue parcourir le site pour découvrir ce groupe londonien. Il a fallu seulement attendre deux morceaux pour entendre l’un des deux guitaristes demandait au public « de se bouger plus« . Si seulement c’était possible…mais bar italia ne l’a pas encore compris. En revanche, nous sommes nombreux à savoir désormais qu’ils sont mauvais. Thank you, next.

LCD Soundsystem – 21h50, Grande Scène

Face à cette programmation condensée,il a fallu encore faire un choix. Profiter pleinement du groupe LCD Soundsystem ou aller jusqu’au bout de la prestation des Pixies ? Nous avons opté pour la première solution. Malgré tout, nous avons assisté à leur première moitié du concert de Black Francis et ses acolytes. Sans surprise, la qualité du son n’était pas au rendez-vous comme souvent à leur concert. Car il n’est pas assez fort et trop vacillant dans les airs. De plus, on sent les guitares à la peine et les voix usées comme sur Caribou et Hey. A contrario, Monkeys Goes to Heaven et Debaser ont gardé de leur force avec leurs pointes de déchirement. Le groupe de rock alternatif américain a voulu faire plaisir à ses fans en jouant de nombreux classiques en début de set. Mais nous décidons de rejoindre la Grande Scène où une fois sur place, larme à l’œil, nous entendons le mythique Where Is My Mind ? Il était clairement en attente pour le concert qui s’avérait être celui de l’année.

Était-ce utile d’être si bien placé pour voir ce groupe légendaire d’électro rock ? Non, contrairement aux Strokes l’année dernière, LCD nous ont offert une qualité sonore et visuelle parfaite aux quatre coins du site. On ne croyait pas que cela était possible. Le décor est pauvre en quantité, riche en idée : une magnifique et énorme boule de disco est suspendue en l’air au-dessus de la scène. 

Les huit membres du groupe débarque pile à l’heure pour lancer Get Innocuous!. Il n’y a pas de meilleur départ que ce titre qui apporte une tension excitante pour la suite. Les coups de batteries viennent nous rappeler la puissance dance sur chaque titre.Des fragments de leur influence viennent se glisser dans les enchaînements pour ne laisser aucun temps mort durant ces quatre-vingt dix minutes. On redécouvre ainsi Radioactivity de Kraftwerk qui permet de faire le lien aux alentours de 120 BPM avec I Can Change. Ici, et ce n’est que le début, LCD nous gratifie d’un refrain entêtant qui fera déjà lever les bras au ciel. Les américains nous surprennent par ce filet baveux électronique qui élance  Tribulations.Mine de rien, au bout du premier quart d’heure, on sent qu’ils sont en train de réaliser quelque chose de grand. LCD Soundsystem nous livre un set inédit (encore) très rythmé dont le meilleur reste à venir. 3 titres, 3 albums différents revisités : chirurgical.

Malade deux jours auparavant au festival All Points East à Londres, James Murphy retrouve de sa superbe et balance l’un de leurs titres les plus punk de leur répertoire : Movement. Les musiciens ne cessent de changer d’instruments et de place comme Al Doyle qui manie la boite à rythme puis s’amuse à lancer en boucle sa guitare dans les airs. Les lumières s’agitent de manière épileptiques et suffisent à animer la scénographie. Le final bruitiste de Movement se marie une nouvelle fois parfaitement avec l’entame électro-disco de tonite. De la sueur des pogos vient le temps de la danse. C’est de la folie, toute la foule est en ébullition.

A 54 ans, James réussit à nous mettre à rude épreuve par cette intro d’une trentaine de minutes non-stop. Il prend enfin le temps de prendre une légère pause pour nous confier que le prochain morceau Someone Great à un de ses amis proches, son psy Justin Chearno décédé deux jours plus tôt. Le show vire sur un instant mélancolique. On ne peut que s’émouvoir sur les répétitions inlassables du titre chanté par James et Nancy. A peine le temps de s’essuyer les larmes que les musiciens enchaînent de manière moins subtile avec Losing My EdgeJames plonge dans sa folie en s’adonnant au kung-fu. Puis il nous crie dessus sur chaque refrain comme s’il était notre père dans un spoken word aux sonorités futuristes. En plein discours, les membres surprennent en chantant Ghost Rider de Suicide, Robot Rock des Daft Punk et Don’t Go de Yazoo. Ils ne sont pas grands, ils sont géants. Mais, pourquoi nous poussent-ils à devenir bipolaire ? 

Car home débarque juste après avec son harmonie électronique planante. Plutôt logique puisque ce morceau partage la même ligne de basse que son prédécesseur. Les sentiments sont bouleversés sur ses paroles qui nous consolent à l’aide de la nostalgie. Nous prenons par les bras nos amis et chantons.. Il s’agit certainement du titre où la voix de James Murphy n’a jamais été aussi belle, ce qui est un paradoxe pour cet artiste qui n’a jamais voulu être chanteur. La boule de disco s’illumine enfin et brille de mille feux jusqu’à la fin de ce nirvana. James ne perd toujours pas son temps à discuter et ses camarades lancent les rythmes tribaux de Dance Yrself Clean. On le sait d’avance que ce morceau finit par exploser et pourtant on est toujours agréablement transcendé par cette montée brute et surpuissante. 

On entre dans le final de ce show gargantuesque. La tristesse prend le dessus et nos larmes se libèrent sur New York, I Love You But You »re Me Bringing Me Down puis sur les notes de piano délicates et agitées (dont une note répétée à 140 BPM pendant 4 minutes) de All My Friends. Leur rituel de fin continue de jouer sur les ambiguïtés de nos émotions en mélangeant vague à l’âme et volupté. Après une heure et demie de fête punk, LCD Soundsystem  nous pousse à profiter de la vie en nous réconfortant auprès de nos amis. Nous voilà dans le plus beau final de Rock en Seine depuis Arcade Fire sous le déluge en 2010. Sur nos dernières forces, on répète alors If I could see all my friends tonight, le sourire radieux, les joues trempées.

Le festival a une progression linéaire et en crescendo au fil des jours pour finir en apothéose sur le plus beau et le plus grand des concerts de l’année 2024. Impressionnée par la performance des New Yorkais à l’unanimité, la foule repart le cœur conquis. Quelle claque monumentale ! Pourtant la journée a connu aussi des hauts et des bas dans la qualité des prestations , ce qui en fait le charme d’un festival. La pointe de regret se porte sur PJ Harvey qui a fourni une prestation de qualité mais dont l’esthétique musicale manque d’entrain à une heure tardive où on avait de plus d’amusement. 

Le site a beaucoup évolué positivement. On apprécie notamment la place dérisoire de l’Espace Garden, l’offre conséquente des stands malgré les prix élevés, la safe-zone, le travail mis en place pour l’inclusivité ou encore la fluidité pour entrer dans le festival.  Il y a bien sûr des améliorations à réaliser comme la queue pour les toilettes, la sortie du festival qui est une galère ou les images des écrans de la Grande Scène qui étaient en décalés avec le son. Le plus gros hic provient de la disposition des scènes, on a l’impression que l’entrée du festival est délaissée et que tout le monde est poussé à rester entre la scène Cascade et la Grande Scène.

Ceci étant dit, quid des artistes pressentis pour l’année prochaine ? 

– Il n’y a aura pas Oasis, on les attend sagement pour 2026 ;

– l’artiste féminine et headliner du mercredi soir serait déjà trouvé mais nous n’avons encore aucun indice. Mitski et beabadoobee sont annoncées favorites pour l’accompagner ;

– une journée rap serait à l’étude : espérons que les organisateurs pensent davantage à Childish Gambino; Kaytranada ou encore Lava LaRue qu’à PNL ;

– une journée rock/hard rock serait aussi renouvelée le jeudi, les grosses côtes sont Green Day, Royal Blood, Queens of the Stone Age. Sinon, on rêve de Deftones ou Gojira ;

– enfin, les artistes indie devraient être encore de la partie. Phoenix est toujours fortement attendue mais ne semble pas être sûr de repartir en tournée en août 2025. Vampire Weekend, Foster the People ou Empire of the Sun ont, quant à eux, de fortes chances d’être disponibles pour jouer fin août.

En attendant, la programmation 2024 de Rock en Seine a tenu encore toutes ses promesses voire même plus en nous régalant dans cette orgie musicale. Nous sommes déjà impatients d’y retourner l’année prochaine !

Crédit Photo : Clara de Latour
La première partie de notre report est à retrouver ici