Après deux ans de fermeture des frontières, Antoine Assayas revient pour nous inviter à rien de moins qu’un tour du monde… Entre field recording, musique électronique et collecte de sons oubliés, avec l’étonnant Room of echoes qui paraît aujourd’hui, le jeune prodige nous propose un opus iridescent aux multiples facettes.
Des lieux de résonance
Dans cet objet musical non identifié qu’est Room of Echoes, la chambre en question se fait le réceptacle d’un dialogue intimiste entre passé, présent et futur. Car l’avant-gardisme des musiques électroniques fait écho à des enregistrements sonores bien plus anciens, comme ces captations rares réalisées entre 1940 et 1950 et collectées par la grand-mère pianiste d’Antoine Assayas. Sur l’album se mêlent des archives recueillies en 1950 chez les nomades Peul du Niger, d’autres collectées auprès du plus vieil orchestre gamelan à Bali en 1970 ou encore, des bribes audio de joueurs de sarewa, une flûte locale nigérienne. Le résultat est un opus invraisemblablement riche où collaborent des musiciens des quatre coins du monde. Découverte en quelques titres…
Retour en terres inconnues
Une écriture cinématographique : c’est ce qui caractérise le mieux The return. S’il s’ouvre sur une phrase mélodique semblant une affirmation, bientôt reprise par les paroles, comme l’ouverture d’un conte : « There was a light »… l’écriture nous suggère de multiples visions venant l’illustrer, avant de conclure : « Dreams will pass you by ». On sourit, un peu amers et nostalgiques d’un voyage débutant à peine mais dont on pressent l’urgence à le vivre à fond avant un inéluctable retour.
Running on the shore : week-end à la mer entre père et fils
Qu’on ne s’y trompe pas : si la mélodie se fait plus dissonante et festive, le beat engage un rythme dansant quasi galopant. Métaphorique fuite en avant d’une génération chassant l’autre, ou joie des retrouvailles familiales : car sur ce titre, nul autre que le père d’Assayas, Michka (Aka Grateful Däd), pour poser son timbre sombre sur la lumineuse composition. Le titre est définitivement performatif : en écho à la description d’une course sur le rivage, le morceau avance lui aussi au trot dans l’écume. La mer nous lèche les orteils – et les tympans, à mesure que les mélopées nous rattrapent. « Save me » (mais de quoi ? ) : une supplique comme un point de côté, nos souffles coupés.
Plastic Lady, mélopée trip-h(p)op
On poursuit le voyage au son de la voix lancinante (« Hypnotized ! ») d’un Antoine Assayas doublée d’une voix féminine qui lui répond en écho : celle de la chanteuse Theresa Epflein, rencontrée en tournée à Berlin. Une résolution mélodique aux accents pop survient, rapidement nuancée de sons percussifs riches qui nous entraînent toujours plus loin… Le bridge ponctue ce virage d’un piano mélodique digne d’une romcom un peu cynique venant adoucir le propos et évoquant presque brièvement les titres les plus mélancoliques des Smashing Pumpkins du temps d’Ava Adore. La richesse de la partie instrumentale conjure le sort, la balade trip-hop psychédélique s’achève…
Un secret bien gardé
Secretly Yearning porte bien son nom. Au hululement d’étranges instruments se mêle aux chants d’oiseaux venus de contrées lointaines, pendant que des grelots annoncent la survenue d’un événement mystérieux… Une nappe électronique déferle pour attirer le morceau sur des terres futuristes aux consonances métalliques. Bruit d’explosion, auquel succède soudain celle d’une voix céleste : organique et charnelle, le timbre de Tabitha, chanteuse portoricaine établie à Hanoï, apporte une douceur indie pop qui n’est pas sans rappeler la diva contemporaine Hannah Reid. La production est millimétrée, la reverb parfaitement maîtrisée et la surenchère, de mise, apporte du corps à un morceau étrange qui se meurt doucement – seulement pour être rejoué immédiatement, ou suivi de l’incroyablement groovy Higher than I can explain dont nous vous avions parlé à la sortie de l’hallucinant-halluciné clip réalisé par Valentin Duciel. De l’addiction auditive.