Hickey de Royel Otis offre une balade musicale mélancolique, capturant avec justesse les nuances de l’amour. À travers des morceaux efficaces, l’album exprime avec sincérité les émotions fragiles et intenses des relations humaines.

En treize titres resserrés (presque tous sous la barre des trois minutes), Royel Otis ne cherche pas à s’étaler. Ils visent l’efficacité. Chaque morceau est une émotion jetée sur le papier, souvent avec cette nonchalance propre à l’indie rock qui irrigue l’ensemble de l’album. Et même lorsque les influences flirtent avec d’autres genres, l’album garde son cap : celui d’un regard sensible sur l’amour, dans ce qu’il a de bancal, d’instinctif et de profondément sincère.
Avec les premières notes de Hickey, une tension délicate s’installe, comme si chaque chanson tentait de saisir au vol un souvenir prêt à s’effacer. Car ici, il est bien question de mémoire, de sentiments flous, d’instants vécus entre naïveté et lucidité. Le cœur pris dans une faille temporelle, quelque part entre les premiers baisers et les premières désillusions.
Dès l’ouverture, I Hate This Tune donne le ton. Rythme accrocheur, chant mélancolique, et cette impression de vivre une rupture au ralenti. On y lit, en creux, la naïveté de ceux qui s’aiment en croyant que ça suffira. Moody poursuit sur cette ligne, un peu plus détaché, presque blasé. Le refrain y résonne comme un slogan, à mi-chemin entre l’introspection et la revendication. Royel Otis parvient ici à rendre le spleen dansant.
Puis vient Good Times, et sa lumière. Le morceau, porté par un effet de voix d’Otis, nous fait basculer dans le souvenir. Les synthés ajoutent de la profondeur, les guitares scintillent. C’est un slow estival déguisé en morceau pop. Une nostalgie heureuse. Torn Jeans prolonge cette plongée douce dans le souvenir, comme un écho discret aux réminiscences de l’été. On y sent l’été tirer sa révérence, le soleil couchant se refléter sur maillots de bains détrempés. Le refrain entêtant agit comme une caresse : douce, persistante.
Avec Come on Home, la gravité s’invite enfin. Plus ancré, le titre évoque le manque, la solitude alors que les textures plus graves viennent souligner cette pesanteur nouvelle.
Mais très vite, Who’s Your Boyfriend relance la machine. Tempo élevé, confusion émotionnelle, envie de danser pour oublier. Royel Otis traduit ici l’agitation intérieure avec des moyens simples : une mélodie qui court, une ligne vocale urgente, une production efficace.
Et puis Car, qui apparaît comme la pierre angulaire de l’album. Le morceau raconte une rupture avec cette fausse légèreté qui n’appartient qu’à ceux qui ont encore l’espoir. Le chant flotte, l’instrumental cavale. Joué lors de leur performance aux Eurockéennes, le morceau a confirmé son statut : hymne à la fois insouciant et résigné.
Sur Shut Up, les nappes synthétiques habillent une voix résolue. On sent le groupe vouloir explorer, sans jamais se perdre. Les guitares reviennent pour rappeler la ligne directrice : le rock indie, encore et toujours. Le groupe insuffle ensuite un vent chaud avec Dancing With Myself. L’été s’étire, nous senront la liberté. Les riffs de guitare se baladent, les synthés planent. Ce morceau nous donne envie de danser.
Puisque l’insouciance ne peut pas durer éternellement, Say Something revient à la douleur, à l’incompréhension. Ici, le morceau retranscrit les questionnements chaotiques d’un cœur brisé. Alors que l’on essaie de comprendre ce qu’attend l’autre, le désespoir et l’abandon paraissent inévitables.
She’s Got A Gun, plus pop, détonne légèrement, sans rompre l’équilibre. Une respiration plus légère, mais pas anodine. Avant que More to Lose ne vienne refermer la blessure : déclaration vibrante, le morceau monte en intensité jusqu’à l’explosion d’un « you and me » scandé comme une promesse, ou un dernier cri d’amour.
Et puis, Jazz Burger. Un nom étrange pour un final tout en douceur. Chant vaporeux, production aérienne, on atterrit en douceur. Alors que la fin de l’été se profile, de nouveaux horizons semblent s’ouvrir.
Avec Hickey, Royel Otis signe un album à fleur de peau, un carnet de bord sentimental entre éclats de joie et larmes discrètes. C’est un disque qui touche juste, parce qu’il parle de choses simples : aimer, perdre, espérer, regretter. Et puis recommencer. Dans un monde où tout va trop vite, ces treize morceaux offrent un répit. Une manière douce de dire que la vie, malgré ses contradictions, mérite d’être vécue pleinement.