Retrouvailles avec Samba de La Muerte à Beauregard

Cette année, on a beaucoup croisé Samba de La Muerte. Des Balades Sonores à Beauregard en passant par La Maroquinerie et le Biches Festival, on a vu la musique d’Ornament évoluer de plus en plus. On a donc pris le temps de faire un « bilan » de cette année avec Adrien tout en profitant pour parler avec lui de l’actualité, d’humanité mais aussi de Collectif Toujours et de l’édition de son festival, Déclic, prévue pour la rentrée.

Samba de La muerte portrait
Crédit : Céline Non

La Face B : Salut Adrien, comment ça va ?

Samba de La Muerte : Ça va bien. On enchaîne les festivals depuis qu’on s’est vus. C’est une première pour Samba, donc c’est pas mal de plaisir de jouer devant beaucoup de monde, faire ce qu’on aime faire et le faire avec des gens qui ont envie d’entendre de la musique et qui sont contents.

LFB : On va plus parler du live parce qu’on a déjà pas mal parlé de l’album. Ça fait quasiment un an que tu tournes pour Ornament. Quel recul et quel bilan tu fais de cette année où tu as fait énormément de concerts ?

Samba de La Muerte : On en parlait avec Vivien de mon label Yotanka, il nous a vus au début de la tournée et maintenant il nous disait qu’il y avait un gap qui s’était passé. Même nous on le sent. Je pense qu’on est plus relax. Même si dès le début on s’est sentis bien à jouer cet album. Là, il y a vraiment un aboutissement, il y a quelque chose qu’on n’avait jamais vraiment ressenti sur scène et un rapport avec le public très fort. Je pense que les gens comprennent pour la première fois où on est, ce qu’on fait et comment on leur transmet. Je suis super fier d’avoir réussi à leur transmettre.

LFB : Cette décision que tu avais dès le départ de ne jouer que l’album dans son entièreté, c’est idéal.

Samba de La Muerte : C’est ça. Tout a été très fluide depuis le début. Il s’est passé quelque chose d’assez magique. Tout a découlé de manière assez naturelle, en se libérant de beaucoup d’influences, en faisant une musique qui nous était propre. Je trouve que sur scène, les gens doivent le voir. On a envie de le partager tellement fort que souvent on nous dit qu’il y a des sourires, l’envie de partage. C’est vrai qu’on est tellement heureux de le présenter que plus les dates avancent, plus on a confiance, plus on sait où on va. Je pense que le discours est clair et on le rend bien.

LFB : Pour t’avoir vu quatre fois dans des conditions totalement différentes, entre le showcase dans un disquaire, une Maroquinerie, un petit festival, un gros festival, c’est vrai qu’il y a toujours ce plaisir d’être sur scène et de partager sa musique.

Samba de La Muerte : Ouais, c’est marrant parce que les groupes que je vois en général, ils sont quand même dans cet état d’esprit. C’est à partir de ce moment-là que ça me touche. On n’est pas obligé d’haranguer les foules ou de sourire tout le temps pour qu’il se passe quelque chose. Hier, on jouait dans un tout petit bar au bord de la mer et ce soir sur une scène immense, on a donné exactement la même chose et on a envie quelque soit le format de donner l’album comme il est, avec l’énergie qu’on a envie de donner.

LFB : C’est ce que je disais à Martin, ton batteur. Lui, de la première seconde à la dernière seconde du concert, il a un sourire énorme. C’est vraiment un truc qui est communicatif pour les gens et qui va dans le sens de la musique que vous faites.

Samba de La Muerte : Vu que les gens ne comprennent pas ce que je raconte, forcément on est en France, je chante en anglais. C’est vrai que ça vient appuyer l’énergie du set où on sent qu’il y a un truc de partage. Les paroles sont vraiment là-dedans, elles parlent de ça, d’être ensemble et de partager des choses positives. Cet album est assez orienté comme ça.

LFB : Même sans le vouloir, c’est un album qui est un peu un remède à tout ce qu’on peut vivre actuellement.

Samba de La Muerte : Ouais, bah espérons. Mais c’est vrai qu’il a été écrit il y a à peu près deux ans. Les textes ont été écrits il y a deux ans. Forcément, ils sont connectés à l’actualité parce qu’on sentait bien, au fond de moi, ma manière d’écrire, c’était plutôt reprendre une sorte de plume comme un enfant qui regarde le monde et qui se dit « qu’est-ce qu’il se passe ? ». Ou en tout cas, en tant qu’adulte, me dire comment je pourrais retrouver une forme de naïveté, de fraîcheur pour continuer à évoluer dans ce monde qui me paraît très compliqué, avec beaucoup de haine de l’autre. Comment on pourrait écrire une nouvelle histoire mieux ? C’est vrai qu’aujourd’hui particulièrement, est-ce qu’on va écrire l’histoire dans un sens ou dans l’autre ? Je pense qu’on va encore finir un peu entre les deux parce qu’au final, il y a quand même eu un soulèvement d’une partie de la politique qui se dit qu’on ne peut pas en arriver là. Il va falloir se réveiller et faire attention aux autres. L’album parle vraiment de ça parce que moi, c’est comme ça que je vis ma vie. J’aimerais bien à un moment arriver au français parce que si je disais tout ce que j’ai envie de dire dans mes textes en français, après on serait peut-être plus un groupe de ska. C’était un peu ça. Quand j’avais 10-15 ans, c’était cette musique-là. Mais en même temps, il y avait cette vibe là. Aujourd’hui, on est peut-être un peu renfermés, c’est plus sombre. Quand on est là, on est là pour dire aux gens…

crédit : David Tabary

LFB : Un morceau comme We Head For, c’est ça.

Samba de La Muerte : Oui, en plus là avec l’actualité, j’ai un peu appuyé ce truc-là. Cette chanson parle de créer des choses bien ensemble, je pense qu’on est tous très différents. Aujourd’hui, plein de gens ont dû voter tel ou tel truc, on s’en fout. Juste rendons-nous compte qu’on peut accepter les différences et faire des choses positives. Chanter une chanson, c’est notre point de départ et c’est le seul truc qu’on peut faire aujourd’hui.

LFB : C’est important de rappeler que la musique, c’est un truc qui doit rassembler les gens.

Samba de La Muerte : Tu le vois ici. C’est quand même cinq jours d’une micro-société qui arrive à vivre ensemble. Les gens se font des sourires, ils doivent se faire des câlins. C’est un peu exceptionnel mais je pense que peut-être que quand on sort dans la rue après un festival comme ça, on est peut-être un peu moins aigri.

LFB : Surtout sur un festival comme ça qui joue énormément sur la diversité musicale.

Samba de La Muerte : Oui, je trouve ça incroyable. Tout ça se croise et je trouve que la programmation cette année est particulièrement bien pensée pour créer une mixité de public qui est aujourd’hui compliquée à faire.

LFB : J’ai une question sur l’album et la représentation du live. C’est un album qui a été enregistré dans des conditions live. Je trouve qu’il se transforme beaucoup sur scène malgré tout. Je me demandais comment tu avais réussi à transcender et à repasser de l’étape live figée à revenir sur du live complètement différent de l’enregistrement ?

Samba de La Muerte : À la base, c’était déjà enlever de la matière. On a enregistré live mais après on rajoute des synthé. Au final, c’est ce que je disais hier avec DITTER, on parlait d’enregistrement et je disais que si je pouvais à chaque fois enregistrer mes disques à la fin de la tournée, ça serait extraordinaire. Là il y a encore moins d’éléments que sur le disque, c’est vraiment plus brut. Après, est-ce que ça sonnerait bien quand tu l’écouterais ?

LFB : Peut-être faire une version live ?

Samba de La Muerte : Ce soir, il est enregistré, filmé. On aura peut-être un live à Beauregard cette année. Ça s’est fait assez naturellement mais ce qui a été un bon déclic, c’est qu’on a choisi les instruments principaux et on essaie de faire ce qu’il se passe sur l’album avec cette petite base. Ça a donné toute l’ampleur et la dynamique du live. Il y a peu d’éléments. Je pense que le public le reçoit aussi. Il y a quelque chose de brut et c’est complètement différent de ce qu’il se passait avant et c’est très bien.

LFB : Tu es plus à l’aise dans cette idée-là ? Je t’ai vu sur tous les concerts des tournées d’avant et j’ai l’impression que là, tu es sur un truc de « maturité » qui te correspond bien. Tu as l’air beaucoup plus apaisé et heureux sur scène.

Samba de La Muerte : Ouais. Sans renier ce qu’il s’est passé avant, je pense que ça m’a amené ici et en même temps, je n’arrive pas trop à le comprendre. Quand on a fait l’enregistrement de l’album… En novembre 2022, on a fait un concert dans un tout petit lieu. Au moment où on commence le concert, j’ai eu une sensation que je n’ai jamais eue avant dans ma carrière et ça, ça continue jusque-là quand je suis monté sur scène tout à l’heure. Je n’ai pas de stress. Je sais ce qu’on fait. Je ne sais pas si c’est ça la maturité mais en tout cas, c’est la fin d’un cycle et le début d’un nouveau. J’ai l’impression que des portes se sont ouvertes pour moi aussi, dans ma manière de monter sur scène. J’ai moins besoin de courir partout, même si j’ai encore beaucoup de mouvements d’énergie. Avant, je poussais presque les gens à s’agripper alors qu’il manquait quelque chose ou alors il y avait déjà peut-être trop de choses. Il y a un rapport qui s’est équilibré entre ce que je donne moi et la musique derrière où tout est plus clair.

portrait samba de la muerte
crédit : Céline Non

LFB : Tu as peut-être moins de choses à prouver aux autres et aussi à toi-même ?

Samba de La Muerte : Ouais, parce que je suis apaisé. L’album parle beaucoup de s’apaiser. Je pense que la création de cet album m’a tellement apporté de choses et de chansons, elles m’ont tellement permis de passer un cap dans ma vie aussi. De passer de la vingtaine à la trentaine vers la quarantaine. C’est vraiment un album très intérieur et transitoire. Quand je l’a fait, j’ai senti que ça m’avait fait du bien. C’est la suite logique.

LFB : Il y a une autre partie de ta carrière que les gens connaissent moins, c’est ton travail avec le collectif Toujours. C’est quoi tes ambitions sur cette partie-là ?

Samba de La Muerte : À la base, c’était vraiment monter un label pour revenir à une forme d’indépendance après toutes mes expériences de tous mes groupes. J’ai pu produire, gérer un peu mieux la production de mes albums, de mes spectacles et aussi tout ce que je fais autour de Samba. Et aussi m’implanter sur le territoire à Caen et échanger avec d’autres groupes, les aider à travers mon réseau et à travers les choses que je peux aujourd’hui transmettre. Centralement, organiser un festival en septembre où tout le travail que l’on fait sur l’année se retrouve au Déclic festival qui a lieu du 11 au 14 septembre à Caen. Voir un peu tout le travail que l’on fait et notre envie de rassembler les musiques, les arts vivants et autour de la musique, et aussi tous les collectifs. Là je sors d’une interview avec La terrasse qui est à Caen, ce sont des jeunes. Déclic, j’aimerais que ça soit un moment de rencontre des artistes émergents à Caen et de la région.

LFB : C’est étendre en dehors de ta musique ce que tu fais.

Samba de La Muerte : Ouais le discours que j’ai aussi dans la musique et ce que j’ai voulu faire depuis le début. Collaborer, continuer à collaborer pour enrichir le propos, s’enrichir soi-même, être à la rencontre des gens. On est plus forts ensemble. C’est ça le collectif.

LFB : On parlait du Déclic, je trouve que dans la programmation, il y a aussi cette ambition de ramener des artistes que les gens n’ont pas forcément l’habitude de voir à Caen et qui sont pourtant des artistes en développement et des trucs hyper ambitieux. Est-ce que tu peux nous parler du festival ?

Samba de La Muerte : On a cherché longtemps comment le définir et c’est musique et exploration artistique. Ce que j’aimerais, c’est être comme dans les festivals où tu n’as même pas besoin de regarder la prog pour y aller. Donc ça passe par l’expérience. Nous, notre expérience c’est plutôt quelque chose d’une programmation où il faut fermer les yeux et y aller, être curieux. Il y a un côté itinérant et découverte de la ville. C’est abordé avec cinq lieux différents. Et pouvoir aller voir des concerts dans une église et dans un jardin, dans un hôtel, dans un lieu alternatif de la ville, dans un bar. Essayer de faire revivre la musique dans la ville et une partie plus expérimentale dans le côté donner une chance à des artistes, musiciens/musiciennes de rencontrer d’autres formes d’arts comme la danse, l’art visuel et pouvoir aussi proposer ça au public et qu’il puisse voir quelque chose d’assez inédit dans un cadre inédit. C’est la curiosité du public. Sans ça, on n’y arrivera pas. Mais je pense qu’on a des super lieux à Caen pour essayer de fidéliser du monde et j’espère que les gens seront au rendez-vous cette année.