Il y a deux ans sortait MP3+WAV, et pour l’occasion, on avait déjà pu discuter avec sean. Entre-temps, les choses ont évolué pour le rappeur, qui offre toujours une riche palette de sonorités sur Restez Prince. On est revenu avec lui sur la conception de ce projet, mais aussi sur les deux années qui se sont écoulées depuis notre dernier échange.
LFB : On avait déjà pu échanger en 2020, à la sortie de MP3+WAV, qu’est ce qui a changé pour toi depuis ?
sean : Dans ma vie personnelle, plein de choses. Après, c’est vrai qu’on a pris le temps de construire un bon projet, de se poser et de réfléchir à ce que l’on voulait vraiment faire. Du coup, c’est là qu’est né Restez Prince, et on est directement retournés en studio. Un nouveau studio, d’ailleurs : suite au cambriolage qui a donné lieu à MP3+WAV, on travaille maintenant au studio Noble, qui est dans Paris et comme son nom l’indique, au sein duquel je travaille avec des bêtes de gens, qui ont un peu apporté une respiration nouvelle dans ma façon de créer aussi. Du coup, je me retrouve avec un nouveau mixeur, un mec qui s’occupe de mes masters.
Je pense que même le processus de création a changé depuis.
LFB : En parallèle, tu as aussi signé sur le label, Suite21. Est-ce que ça aussi ça a changé quelque chose dans ta manière de travailler ?
sean : Ça m’a apporté une nouvelle équipe surtout ! Je travaille avec un mec que je connais bien, qui s’appelle Lansky, on est de la même génération, on se connait depuis grave longtemps, donc officialiser ça, c’est cool ! Je savais qu’il pouvait m’apporter ce truc un peu « jeune » dans le marketing que j’avais pas forcément avant. Le fait de communiquer autour de ma musique, de la rendre plus visible, c’est pas à ça que je prête le plus d’attention, je préfère laisser ce genre de choses à des gens de mon équipe.
J’ai signé pour deux projets, du coup, on pense surtout à la suite. On est en train de construire toutes les sorties en fonction de ce qui va arriver. Ça sera quelque chose de plus organique, qui devrait bien marcher en terme de fluidité.
LFB : Ça te permet aussi de plus te focaliser sur la partie création musicale…
sean : En tout cas, ça m’enlève une pression. Après, je suis un peu fou, j’aime bien avoir un oeil sur tout : marketing, montage vidéo,…
Même au niveau des questionnements que j’ai pour des trucs tout bêtes, comme comment bien faire son post Instagram. Maintenant, j’ai une équipe digitale, avec un gars qui a de l’expérience là dedans. On a la force de Sony à ce niveau là !
LFB : Lors de notre première discussion, tu m’avais dit accorder autant d’importance au visuel qu’à la musique. C’est toujours le cas ?
sean : Ça a pas changé (rires)
LFB : Ça se remarque avec le premier clip qui est sorti, celui de Piano Black. Il installe une certaine ambiance. Qu’est ce que tu as voulu faire ressortir avec ce nouvel opus ?
sean : C’était de vraiment parler de cette philosophie qu’est pour moi Restez Prince, restez fidèle à vos rêves, restez jeunes. J’ai essayé d’emmener mon univers avec légèreté et simplicité, tout en me mettant dans des rôles, comme dans ce clip, où je suis le majordome d’un mec qui donne l’impression d’appartenir à un groupuscule élitiste comme les reptiliens.
L’histoire de Restez Prince, c’est d’être toujours dans la quête, dans une aventure, comme dans les contes, et de toujours privilégier l’aventure à sa finalité. Ne jamais se mettre dans la position du roi, qui signifie l’opulence, qui dans les contes est souvent gros et mourant, et qui n’a plus le goût de se lever le matin, sauf pour manger encore plus.
LFB : Ça fait plusieurs fois que tu parles de la jeunesse, quel est ton rapport à cette période de vie ?
sean : Je pense qu’il faut rester jeune ! Mon rapport à tout ça, c’est que je le vis comme les choses arrivent. Je suis jeune, mais je me sens aussi grandir en même temps. Dans ma musique, je sens que j’aborde les mêmes thèmes différemment. Si je dois retenir une chose de la jeunesse, c’est qu’il faut essayer de la préserver, de ne pas trop se ranger trop vite et devenir chiant.
LFB : Maintenant, on va revenir à l’année passée, où tu as été un peu plus discret, dans le sens où tu n’as sorti que des singles et des clips. C’était pour préparer Restez Prince ?
sean : Ouais, complètement ! C’était les prémices du projet. On s’est dit qu’on allait sortir des hors d’oeuvres, comme ça, pour faire plaisir et mettre en place quelque chose de nouveau. On s’est laissé le temps et on a sorti Omax, Diamant, un peu plus tard Vide. Ce sont des morceaux que j’ai depuis assez longtemps et que j’avais envie de sortir. Du coup, j’ai trouvé des gens pour les clipper.
Je regrette pas du tout ces sorties, j’en suis toujours content ! Il y a eu de bons retours.
Omax c’est aussi un des premiers morceaux où j’essaye de pousser plus loin vers l’organique. C’est presque un morceau de baile. À la dernière minute, on a réussi à chopper un percussionniste brésilien de fou, qui a joué pour Stevie Wonder. Il a rejoué tous les beats avec des instruments, c’était fou !
C’est ça aussi Restez Prince, c’est d’aller au bout des choses, et même d’aller toujours plus loin.
LFB : Actuellement, le projet vient de sortir, il t’as pris longtemps à mettre en place ?
sean : En fait, c’est paradoxal parce que le projet, je l’ai fait assez vite : pendant un mois et demi j’allais deux à trois fois par semaine au studio. C’est plus après que j’ai pris le temps de réfléchir à comment j’allais le sortir, mais aussi à la suite, pour ne pas arriver et repartir comme une fleur, mais au contraire proposer quelque chose qui progresse dans le temps. Depuis tout à l’heure je parle de fluidité mais c’est vraiment ça, il y a les capsules vidéos L’Oeil du Dog, on sait là où on va les emmener, pareil pour Restez Prince. Mais la confection de la musique n’a pas pris autant de temps que ça.
LFB : Maintenant que c’est disponible, es-tu satisfait des retours que t’as déjà pu avoir ?
sean : C’est toujours agréable de recevoir de la force, de voir que ça touche toujours autant de gens, voire même de plus en plus de personne. Je pense que c’est un projet qui fédère tous mes types de fans, de celui qui a aimé Mercutio à celui qui s’est pris Diamant. Ce que je trouve cool, c’est qu’il y a quelque chose qui s’est un peu unifié avec ce projet, il y a un vrai univers fort qui s’en dégage, du coup je pense que c’est un pari réussi !
LFB : Je me pose une question à laquelle il va peut-être être difficile de répondre, mais quand on écoute tous tes projets, on se rend compte que tu peux toucher à pas mal de sonorités… Ce n’est pas dur pour toi de devoir être concis pour ne pas que le projet parte dans tous les sens ?
sean : Je pense que ça a été une des grosses problématiques dans ma carrière ! Mais là, le but, c’était de rester fidèle à cette envie de ramener pleins d’influences différentes tout en gardant mon empreinte. C’est vraiment ce qu’on a essayé de faire, me trouver une empreinte vocale et s’y tenir. Même dans les mixs, tous les morceaux sonnent un peu pareil, même si les ambiances ne sont pas les mêmes. Je pense qu’il y a une certaine cohérence musicale, que ce soit par les voix ou par les effets et l’émotion qu’on va y mettre.
C’est vrai que c’est dur pour un artiste jeune comme moi, dans un environnement qui change beaucoup. Je ne voulais juste pas qu’on m’apparente à une case en particulier pendant des années. Je deviens de plus en plus sûr de ma musique, je sais ce que je veux faire !
LFB : Tu as déjà pu défendre le projet sur la scène de La Boule Noire. Quelles sensations t’as apporté ce retour sur scène ?
sean : C’était la première rencontre avec mon public, c’était un moment de ouf, une synergie incroyable avec des gens que je voulais voir depuis très longtemps, comme ma famille qui était là. C’est aussi un moment d’accomplissement pour tout le monde, et surtout pour les gens avec qui j’ai travaillé ce projet. On avait aussi beaucoup d’ambitions sur la soirée, on a préparé un vrai spectacle et quand t’as pas beaucoup de moyens, ça procure beaucoup de stress, mais ça a été une respiration pour tout le monde, ça nous a tous fait rêver. Ça donne juste envie de réitérer et de faire ça encore mieux.
C’était aussi la première fois que je vendais du merch, il y a eu pleins de choses symboliques pour moi.
LFB : Sur ce projet, à l’instar des précédents, on y retrouve peu d’invités : il n’y en a en fait qu’un seul : S.Pri Noir qui t’avait également invité sur sa série Saison 999. Comment vous vous êtes connectés ?
sean : Par des relations rares, des gens qu’on a en commun. C’est un mec du 20ème arrondissement, il a beaucoup plus d’expérience que moi. Dès nos premières discussions, j’écoutais les oreilles grandes ouvertes, j’apprenais de lui.
À la base, c’est moi qui l’ai invité sur Hey Baby et c’est en fin de session, en écoutant un instrumental un peu r’n’b, que j’ai fait une petite topline, et il a pété un plomb. Au final, on est resté toute la nuit ensemble à travailler le morceau et au bout de trois heures, Juicy était fini. Ca a été beaucoup plus rapide que pour Hey Baby. Il a toujours voulu faire un morceau r’n’b, du coup il l’a gardé, et c’est sorti un mois ou deux après la session studio. Pendant ce temps là, Hey Baby patientait dans un tiroir.
LFB : Ce n’est pas frustrant pour toi de garder autant de temps des morceaux ?
sean : Là, je savais que j’allais le garder pour ce projet parce que le morceau me plait beaucoup. Mais je pense qu’on apprend à vivre avec cette frustration. Au final, je pense qu’il doit y avoir une centaine de morceaux que je n’ai pas sortis et que j’aurais aimé sortir un jour. Même si peut-être qu’aujourd’hui je ne veux plus les sortir, j’ai l’habitude de connaitre la frustration des maquettes qui dorment sur mon ordinateur. Quelque part, c’est le métier !
LFB : Je pense que c’est peut-être aussi ça qui peut te permettre d’affiner un peu ton spectre musical…
sean : De ouf ! Plus récemment, je le vois avec les artistes qui m’entourent, des gars comme Winnterzuko, qui ont un univers super précis. C’est ça que j’adore et que je respecte de fou, même si on est pas du tout dans le même créneau.
LFB : Le fait que tu collabores peu vient plus d’une volonté de ta part de développer ta propre page, ou c’est la faute à un manque d’alignement des planètes ?
sean : C’est plus la première option ! Je compte vraiment dégager mon univers et je veux arriver à un moment où, si tu me veux en featuring, c’est pour que j’apporte mon univers. Du coup, je ne me presse pas trop là-dessus, j’essaye d’abord de construire mon univers ! Je ne suis pas à la recherche de la collaboration qui va me faire percer, je trouve que ça sert à rien.
LFB : J’avais aussi envie de revenir sur le morceau Vide. Dessus, on te sent empreint de nostalgie. C’est un sentiment que tu côtoies au quotidien ?
sean : Je pense qu’on est tous sujets à ce sentiment.
Pour Vide, je l’ai vraiment écrit comme ça me venait. C’est le cas pour toutes les chansons qui sont aussi fortes. Pour moi, elles resteront dans le temps. Il y a une symbolique dans ce que j’y raconte et la période de vie à laquelle c’est lié.
Il faut savoir que Hey Baby est plus récent que Vide, ça veut dire que c’est un morceau qui a été écrit il y a vraiment très longtemps. Je me rappelle, je faisais la promotion de MP3+WAV chez Mouv avec Pascal Cefran et j’ai fait un live dans lequel j’ai joué Vide. Ca veut dire que c’est un morceau qui a bien vielli. Au final, quand je l’ai joué à La Boule Noire c’était encore plus fort que quand je le jouais il y a un an et demi.
LFB : En 2020, quand je t’ai demandé ce que je pouvais te souhaiter pour la suite, tu m’avais répondu que t’espérais que le contexte en France et dans le monde devienne un peu plus calme et apaisant. Autant dire que deux ans plus tard, on ne t’a pas vraiment entendu. Comment vas-tu en temps qu’artiste dans le contexte actuel ?
sean : Tout va bien, je me sens béni ! Tout est revenu à la normale pour moi. Pas dans le monde, qui est de plus en plus fucked up, mais dans ma petite bulle. Je suis hyper reconnaissant parce que j’ai de plus en plus de gens qui m’accompagnent, et qui croient de plus en plus à mes projets et c’est beau à voir.
Alors aujourd’hui ce que tu peux me souhaiter, c’est encore plus de réussites, de moments de vie comme ceux de La Boule Noire, faire grandir le projet sean tout en ayant la santé et le bonheur.