Séverin : « c’est le premier album où il n’y a pas de petit compromis »

Parmi les artisans de la musique française, Séverin tient une place spéciale dans nos cœurs. L’artiste nous touche et nous émeut et ce n’est pas Nouveaux Dinosaures qui nous fera penser le contraire. Un album superbe, aussi grave que lumineux qu’il dévoile aujourd’hui. On a eu le plaisir de discuter avec lui il y a peu pour percer sa carapace et en savoir plus sur la création de ce nouvel album.

La Face B : Salut Séverin, comment ça va ?

Séverin : Ça va bien, ça va plutôt bien. Franchement, début de rentrée un peu hard et là, ça va.

LFB : Début de promo ?

Séverin: C’est pas tant ça, tu sais j’ai des jeunes enfants et donc c’est les rentrées, pour les gens qui connaissent. Mais ça va mieux, depuis hier.

LFB : Quand j’ai écouté l’album, j’ai eu l’impression que tu avais été un peu rattrapé par la gravité de l’existence.

Séverin: Parce que tu as trouvé le disque plus … ?

LFB : Plus sombre et plus sérieux dans les textes.

S : Ouais, c’est vrai. C’est marrant parce que je ne m’en suis pas tellement rendu compte en le faisant mais c’est en l’écoutant maintenant qu’il y a quand même tout un côté un peu humoristique qui est moins là. Mais honnêtement, je crois juste que ce disque me ressemble plus. Donc malheureusement, je crois que je suis peut-être un peu plus sombre que ce que je pensais.

LFB : C’est ça. Sur certains morceaux, j’ai l’impression qu’il y a la volonté de moins se cacher aussi.

Séverin: Ouais, ouais. De toute façon, pour plusieurs raisons mais c’est clairement l’idée de ce disque, d’arriver à faire une photographie la plus juste de ce que je suis. Et aussi, j’ai beaucoup moins d’énergie bizarrement. Je ne crois pas que ce soit la vieillesse, c’est aussi vachement les enfants et tout mais c’est le fait que j’ai moins d’énergie d’enrober… Je suis plus direct.

LFB : Ce qu’il y a de drôle, c’est que finalement, le titre de l’album Nouveaux dinosaures peut marcher sur deux visions. Il y a quand même cette idée malgré tout de prendre de l’âge et être plus sérieux, plus mature et de l’autre côté l’idée que l’humanité va finir par crever quoi.

Séverin: Exactement. C’est l’idée du titre. Et aussi, il y a un truc enfantin je trouve. J’aime bien aussi ça. C’est à la fois la fin du monde, à la fois le fait de vieillir mais en même temps, ça peut être le titre d’un dessin animé.

LFB : Ça va aussi avec la pochette : toi qui es de face un peu sérieux avec tout un tas de dessins autour.

Séverin: Tout à fait. Comme d’habitude, tu comprends tout. (rires)

LFB : A l’écoute de l’album, il y a ce truc là qui est sombre mais malgré tout, le ressenti que c’était hyper important d’être vivant.

Séverin: Ouais, je pense que c’est la différence entre être sombre et être désespéré en fait. Je pense que c’est peut-être sombre mais pas désespéré. C’est surtout avec les mélodies où j’essaie de mettre un aspect positif, plus que dans les textes sur ce disque. Il y a quand même une ambivalence entre fin du monde et espoir.

LFB : Oui, parce que fin du monde dit recommencement malgré tout.

Séverin: Exactement.

LFB : Il y a des morceaux qui sont très… Celui où tu parles de ton ami malade par exemple, qui est très direct. Je l’ai trouvé surprenant parce qu’avant, ça serpentait plus.

Séverin: Ouais, c’est clair. C’est drôle. C’est pour ça que cette période est excitante. Contrairement aux autres albums, je ne l’ai fait écouter à personne. Sauf les trois singles qui sont sortis. Mais tout le reste de l’album, dont cette chanson dont tu parles, personne dans mon entourage ne l’a encore écoutée donc je ne sais pas du tout comment ça va être pris. Alors qu’en début de carrière, tu fais écouter tes morceaux quand tu les écris. En deuxième partie de carrière, tu les fais écouter un peu plus tard et là maintenant, je veux que même mon entourage découvre le disque quand il sort. Tu es la première personne qui l’a écouté. Je ne pensais pas que c’était aussi direct que ça.

LFB : Tu dis que tu l’as fait écouter à personne mais c’est aussi la façon dont tu l’as enregistré, parce que les personnes qui l’ont enregistré avec toi n’étaient pas du tout des morceaux avant que vous les enregistriez ensemble non ?

Séverin: Bah ils ont écouté une semaine avant. Sauf Jérémie qui m’a un peu aidé à finir certaines mélodies et Ambroise aussi. Mais que sur un ou deux morceaux. Mais ouais, de façon générale. Ma technique d’enregistrement et ma technique de faire la musique, je les ai un peu plus définies. Je sais ce que j’aime bien et comment le faire bien. Ce truc-là qu’on a fait, mais déjà sur Ça ira tu verras, sur celui d’avant et sur celui-là aussi, d’enregistrer en live la musique, et de trouver les arrangements le jour-même, c’est ce que j’aime faire. Là où on a poussé le truc sur ce disque par rapport à celui d’avant, c’est que là aussi, les voix je les fais en direct. Sauf deux morceaux, elles sont toutes chantées au moment de ce que tu entends.

LFB : Quand on prend l’album dans sa globalité, j’ai l’impression que c’est un peu un bonbon acide. C’est-à-dire qu’au début, ça pique mais après, tu as toute la douceur qui revient quand même. Je trouve que ça fait beaucoup ça avec la production et la façon dont les morceaux sont composés en fait. Même si c’est sérieux, il y a toujours énormément de douceur comme il y en a toujours eu chez Séverin en fait.

Séverin: Tout à fait. Je suis d’accord. Pour le coup, le côté dark, dark, je n’arrive pas tellement à le faire. Mais je pense que comme dans la vraie vie, je suis assez sombre et en même temps, je suis obligé de faire des blagues. Je pense que ça me ressemble.

LFB : D’ailleurs, il y a un morceau qui cristallise je trouve ça, c’est Amour partout.

Séverin: C’est le morceau un peu plus…

LFB : Qui est un peu là pour sauver.

Séverin: Ouais, je suis d’accord.

LFB : C’est le petit carreau de lumière dans un coin.

Séverin: C’est marrant parce qu’au début, quand je l’ai fait, je me suis dit que c’était le morceau single et tout, et tout le monde qui me connaît bien me disait : non, non, ça c’est un morceau pour juste respirer un peu dans le disque mais ça ne reflète pas du tout le disque.

LFB : C’est vrai que ça ne reflète pas du tout le disque mais ça aurait pu être marrant de le sortir en trompe-l’œil.

Séverin: Ouais, mais en même temps, c’est un peu ce que j’aurais fait avant. Là, j’aime bien le fait d’assumer et aussi de prendre ma place. C’est ce qui me rend heureux ces temps-ci. Ma place d’outsider est vraiment marquée mais j’en profite, dans le sens que je suis totalement libre et même dans mes choix de singles, il faut que je fasse exactement l’inverse de ce que je ferais dans une pensée plus commerciale. Parce que je suis hors-sujet là-dessus donc faut que je sois le plus pur possible.

LFB : Justement, tu as l’impression de pouvoir en profiter de cette fraîcheur perpétuelle ? Ce n’est pas qu’il n’y a pas d’attente mais quand tu sors un album, je suis hyper heureux de te retrouver parce que ce sont toujours des petits « évènements » de te voir.

Séverin: Je pense que c’est ma force. Par rapport à d’autres, je n’ai aucune contrainte en fait. Je n’ai pas de contraintes parce que je suis mon propre producteur, j’arrive à gagner de l’argent ailleurs en faisant notamment… J’ai fait la musique d’un dessin-animé qui marche beaucoup et c’est ça qui me permet de vivre de ma musique. Ça me permet aussi d’être totalement libre dans mes choix. Je vais jusqu’au bout des trucs. Je fais tout dans la façon de le faire. J’ai encore des souvenirs même pour mon album d’avant, pourtant j’étais déjà producteur mais des directeurs marketing qui me disaient : ah il ne faut pas mettre des intro longues. Attends, je sais que ça pourra plaire plus en étant plus dans mon format.

LFB : Il y a un côté un peu artisan finalement.

Séverin: Complètement. J’ai l’impression d’être de plus en plus ébéniste et je trouve ça cool parce que finalement, ça me permet peut-être de prendre une place.

LFB : Et d’être en paix avec ça aussi. Parce que ce n’est pas forcément le cas de tout le monde.

Séverin: Ouais, ouais. Bien sûr mais quand ça marche et que j’ai l’impression que j’ai réussi, c’est hyper gratifiant pour soi.

LFB : D’arriver à être fier de ce que tu fais.

Séverin : Oui, tu vois c’est la première fois où il n’y a pas un morceau où j’ai un petit compromis. J’ai l’impression que je suis fier de tout. Ce qui est très agréable quand tu fais ça, c’est que, que les gens aiment ou aiment pas, évidemment je préférerais que les gens aiment mais je ne cherche pas à plaire à tout prix. S’ils n’aiment pas, c’est qu’ils ne m’aiment pas tellement et ça, je ne peux leur en vouloir. Je trouve que c’est un bon choix de ne pas m’aimer. Ils ont le droit.

LFB : Est-ce que, dans la façon dont il a été fait, tu avais la volonté de créer un album un peu intemporel et qui, comme tu le dis, pourrait résister à la poussière du monde ?

Séverin: Ça reflète la musique que moi j’aime et c’est vrai que ce que j’aime, c’est quand même souvent plus des choses assez intemporelles, selon moi. C’est vrai que je trouve que c’est plus facile d’être intemporel dans le fait d’utiliser que des instruments acoustiques. C’est notre façon de faire en fait, très boisé et tout. C’est un truc qui est là depuis la nuit des temps et qui à priori, que l’intelligence artificielle n’arrivera pas à remplacer. Là, au moins je ne suis pas en compétition. C’est aussi pour ça que même la façon de faire où on a tout enregistré dans une seule pièce, on entend le bruit de la pièce, etc. Tout ça fait partie de ce truc-là. C’est de la vieille pierre, c’est du vieux bois. Après intemporel, je ne sais pas.

LFB : C’est un peu ton album le plus épuré malgré tout. Il y a quand même un choix « radical » de ne pas utiliser de batterie.

Séverin: Ouais, complètement. Mais ça, c’était d’abord un choix. Je voulais enregistrer dans cette pièce que je connais depuis que je suis né parce que c’est une maison de ma mère. Il y avait cette pièce qu’ils ont, dans les années 70 calfeutrés eux-mêmes. Ce qui fait qu’il y a un son que j’adore dans cette pièce. Depuis toujours, je me disais que ça pourrait être marrant de faire un disque là, c’était mon rêve et tout. Et dans cette démarche là… Alors j’ai quand même un studio à Paris, on a quand même tout démonté pour amener là-bas. Ça n’avait aucun sens en plus, il venait d’être fini. Mais il fallait qu’on soit tous dans cette pièce. Une batterie ne permettait pas de faire ça en fait. Donc le choix de ne pas mettre de batterie, ce n’était pas tant un choix musical mais c’était un choix qui nous permettait d’enregistrer ensemble et quasiment sans sonoriser notre truc. On s’écoute juste jouer ensemble.

LFB : Pour toi, cette maison, c’est un élément de l’album ?

Séverin: Pour moi, c’est un musicien complètement dans l’album. Je pense que ça, ça se sent. On a vachement gardé les débuts et les fins de morceau pour que tu sentes un peu la chaise qui grince, la porte… Et on a vécu aussi dix jours tous enfermés dans cette maison. Avec juste un cuisinier qui nous apportait à bouffer et de l’alcool quand même. Dans un truc très cocon ensemble, dans une maison. Je pense que tout le monde a aimé ça.

LFB : Ce que j’ai aussi aimé sur l’album, j’ai l’impression que tu as trouvé un peu l’équilibre entre une tradition de la chanson française et ton amour pour la musique mondiale, qui part plus sur quelque chose folk/nord-américaine. Il y a cet équilibre-là que tu as toujours cherché et qui fonctionne pleinement.

Séverin: Ouais, merci, c’est cool. C’est vrai que je n’écoute pas beaucoup de chanson française en fait. Il y avait un truc aussi d’accepter de ne pas être un bon chanteur, mais qui vient pour le coup de la découverte que j’ai faite il y a quelques années avec la musique brésilienne où il y a ce truc d’accepter de ne pas chanter très fort. Là, c’était ce mélange, d’avoir ce truc très brésilien de chanter vraiment pas fort et en même temps, un peu le folk américain. C’est ce que j’écoute le plus quand même. Anglais ou américain. Mais ce truc très sur l’instrument.

LFB : Oui, et qui se répercute très sur l’écriture aussi. Finalement, la folk c’est raconter des histoires de vie. C’est un peu ce que tu fais, des vignettes de l’existence.

Séverin: Mais aussi, techniquement, il y a un truc que j’avais envie de faire en le commençant, c’est de… Je ne sais pas si ça parlera aux gens mais c’est d’essayer de retrouver cette sonorité un peu de voix… Souvent, la chanson française en général, les voix sont très bright, très aigues. La diction française fait que tu as besoin, pour les syllabes, de mettre vachement d’aigus, etc. Et là je voulais justement enlever ça. Donc l’écriture même des textes, de trouver que ça puisse sonner sans ce bright qui fait un peu un effet variet’. J’ai l’impression que si tu fermes les yeux et que tu n’écoutes pas le texte, ça sonne plus anglo-saxon. On a un son anglo-saxon avec pourtant, des mots en français.

LFB : D’où le mélange de traditions.

Séverin: Voilà. Mais ça, j’ai l’impression que ça marche. Je suis hyper content parce que c’était un truc… Tu n’as pas l’impression qu’il y a un effet de filtre.

LFB : C’est marrant que tu parles de ta voix. Est-ce que tu as l’impression de l’avoir redécouverte sur cet album ? Parce que finalement, tu n’as fait que les voix sur l’album.

Séverin : Ouais, ouais, complètement. Ça s’est un peu fait d’abord en contradiction avec les disques d’avant où j’ai vachement parlé et chanté avec ma voix pleine. En fait, je ne sais pas, ça m’a saoulé. J’ai l’impression que sur le disque d’avant, je ne le regrette pas du tout, mais j’essaye de faire le beau. Alors que là, j’essaie juste d’être plus fragile. J’ai l’impression qu’en fait, ça me va mieux.

LFB : Oui, il y a un truc peut-être pas crooner mais brésilien, de charme et tout ça.

verin: Ouais, j’essayais de rouler un peu des mécaniques alors que là, j’ai l’impression que… Je n’avais pas l’énergie d’une part. Franchement, j’ai fait deux enfants à un et demi d’intervalles, donc je n’ai pas dormi pendant deux ans, pour de vrai. Je pense qu’il y avait un peu ce truc-là, d’être un peu à bout. Et puis, en commençant à le faire, je me suis rendu compte que ça m’allait bien.

LFB : C’est peut-être les textes qui méritaient ce traitement. J’ai l’impression qu’il y a quand même beaucoup de respect et un vrai regard sur les textes et peut-être la volonté aussi qu’ils soient pleinement compris.

Séverin: C’est marrant que tu aies ce sentiment. Ce qui est sûr, c’est que les textes par contre, la grosse différence par rapport à avant, c’est que je n’arrivais pas à retoucher mes textes. Alors que là, je les ai beaucoup retravaillés. J’ai passé beaucoup de temps là-dessus. Après la compréhension, j’ai l’impression qu’il y a des textes qui peuvent être un peu flous dans ce nouvel album. Je ne sais pas.

LFB : Je n’ai pas cette impression.

Séverin: Le morceau Histoire de fou, tu comprends tout ?

LFB : Je pense.

Séverin: Parfois, j’ai l’impression que je suis un peu mystérieux mais en fait, pas du tout.

LFB : Il y moins de mystères mais du coup, il y a plus d’émotions et plus… Pas une connivence mais un peu quand même. Un truc qui fait que l’auditeur se raccrochera plus à certains morceaux. Nouveaux dinosaures par exemple, tout le monde comprend.

Séverin: Détrompe-toi, j’ai des gens qui m’ont envoyé des messages en me disant qu’ils comprennent le titre mais qu’ils ne comprennent pas que je suis en train de parler d’urgence climatique. Ils pensent juste que je suis en train de parler du fait de vieillir. Mais bon, après pourquoi pas.

LFB : Par contre, il y a un titre qui je trouve tranche complètement avec la couleur de l’album, c’est le duo avec Alex Montembault, qui est très comédie musicale. J’ai pensé à Catastrophe aussi. Je le trouve très beau ce morceau. J’aimerais bien que tu m’en parles. Au niveau de la couleur musicale, tout ça. Il est placé au centre et j’ai l’impression que ça fait une sorte d’interlude, de respiration étrange au milieu de l’album.

Séverin: Il y a déjà une différence principale, c’est que je l’ai écrit au piano alors que quasi tous les autres, sauf peut-être le dernier, c’est des guitares. Donc il y a une différence harmonique là-dessus. Après, le morceau je l’ai écrit pour Alex en me disant que ça lui irait bien, à lui et à moi. Alex Montembault, c’est un artiste pour mon label qu’on a signé avec Benoit et avec qui on travaille pour le futur. C’est une découverte géniale et importante. Pour moi, c’était le moment, il fallait qu’il chante sur le disque. Donc voilà, je lui ai fait un morceau pour ça.

LFB : Il y a un côté pour le coup très chanson française sur celui-là, très 80.

Séverin: Mais tu crois qu’il le serait aussi s’il ne chantait pas ?

LFB : Non sans doute pas.

Séverin: Je pense que c’est sa voix qui rapporte ce truc parce qu’Alex, c’est un vrai chanteur. C’est un grand chanteur. C’est l’antithèse de ce que je suis en termes de chant. C’est en ça que moi, je ne suis pas grande chanson française, un chanteur qui chante aussi fragilement, il y a peut-être Yves Simon un peu dans le paysage. Mais Alex, c’est l’inverse. Je pense que c’est quand même lui qui apporte, après le côté piano qui est plus harmonique et tout. Mais je pense que c’est vachement lié à sa voix.

LFB : C’est peut-être pour ça que le morceau marche aussi. C’est deux univers différents qui se rencontrent.

Séverin: Ouais, bien sûr. Je pense que sur le papier, au début, quand on a chanté le duo, on disait que nos voix ne marchaient pas du tout ensemble. Et en fait, on a trouvé le fait qu’Alex m’harmonise, on ne chante pas la même note et quand il arrive, tu fais genre waouh. Je trouve que c’est ça qui fait que le morceau, tu t’en souviens.

LFB : Oui et de la même façon qu’Amour partout, c’est un morceau, même si le terme est très dur, c’est un morceau qui amène une lumière différente dans l’album.

Séverin: Ouais. Moi j’adore les disques… Je trouve que quand ta façon de faire est radicale et assez extrême, il y a une unité qui va se faire entre la voix et le processus. Il y a eu deux morceaux qu’on a viré du disque parce qu’ils ressemblaient un peu trop à d’autres. J’aime bien qu’un disque soit un genre de panel au sein d’une coquille.

LFB : Du coup, le fait de l’avoir enregistré en dix jours, d’avoir limité un peu le temps, est-ce que c’était quelque chose justement pour garder une fraîcheur sur les morceaux ou une volonté de te surprendre aussi après avec ces morceaux-là ou c’est un process que tu as l’habitude de faire ?

Séverin: Non mais dix jours, c’est plusieurs choses. La première, c’est déjà de laisser ma femme s’occuper de mes enfants toute seule. Donc tu ne peux pas partir pendant deux mois, sinon tu es vraiment un gros bâtard. (rires)

C’était une durée où j’étais à fond dans ce truc-là. Il y a le fait que les musiciens qui sont sur le disque, ce sont quand même à peu près les meilleurs à Paris et je n’avais pas la capacité de les payer pendant 12 jours. Même si c’est des copains.

Et puis c’est ça, je trouve que l’intensité, ça marche. C’est dix jours mais avec les musiciens, c’était six jours seulement. Donc après quatre jours pour finir les petits détails et tout. Tu n’as pas le temps de te poser des questions.

LFB : Tu gardes quelque chose de direct.

Séverin: Pour tout te dire, quand on a commencé l’enregistrement, on a commencé sur un morceau et on n’a pas réussi à le faire. J’ai commencé à flipper. Le premier jour, à la fin, sachant qu’on en avait six, on n’avait rien. Le deuxième jour, on a réussi à en faire un et là je me suis dit, ok, ça va être compliqué. Et le troisième jour, on a fait genre quatre ou cinq dans la journée. Après, toute la fin s’est super bien passée et tout mais au début, c’était paniquant parce qu’en plus, les autres n’avaient jamais joué avec Michelle (Blades ndlr). Elle est un peu plus comme moi. Jérémie et Ambroise, ce sont des génies, des cerveaux qui vont à 6 000 à l’heure. Michelle est comme moi, tu lui dis un truc, elle peut l’avoir oublié cinq minutes après. Alors que les autres sont déjà en train de penser cinquante fois. Ambroise par exemple pendant le disque a doublé ses guitares avec un cavaquinho, un instrument brésilien, une petite guitare qui est accordé pas comme une guitare. Lui, en cinq minutes il a appris à jouer de l’instrument. Il nous a dit de lui laisser dix minutes et il est revenu en jouant tous les morceaux comme ça. Moi, ça m’aurait pris deux ans. Donc c’était cool et on s’est tous trouvés au bout du deuxième jour.

LFB : Le fait d’avoir ses musiciens-là, ça apporte aussi quelque chose.

Séverin: Ah bah ça apporte que tu leur fais complètement confiance. Jamais je n’ai eu un doute. Peut-être une ou deux fois j’ai dit que je n’étais pas sûr de ça mais leurs idées marchaient tout de suite. Et c’est pour ça que je ne joue pas d’instrument sur le disque, parce que je n’allais pas massacrer leur travail.

LFB : Tu le vois comment le live ?

Séverin: Ça serait eux sur le live. Pour le moment, on a un concert à la Nouvelle Eve et justement, l’idée c’est qu’on va refaire le disque avec eux. Ça va être trop cool. On ne pourra pas faire une tournée comme ça. S’il y a une tournée qui vient, on remplacera ceux qui ne pourront pas mais là je pense que pour ce concert-là, c’est trop sympa qu’on soit ensemble. Et je pense qu’on va vraiment jouer le disque et on va être dans la même formule.

LFB : Ça va être un évènement exceptionnel quoi. 

Séverin: On est clairement sur un évènement exceptionnel.

LFB : Avec un album où tu parles quand même de sujets sérieux et tout, est-ce que tu as l’impression d’avoir soigné les choses dans ta vie ?

Séverin: Écoute, je ne sais pas si les chansons soignent les choses. Après, il y a toujours un aspect thérapeutique dans le fait d’écrire des chansons mais je ne sais pas, tu mets de l’ordre dans tes idées, ça c’est clair. Après, je ne sais pas si je soigne. Je sais que je vais vouloir en refaire un de disque. Donc c’est un peu sans fin. Tu fermes un peu des chapitres à chaque fois. Après le disque d’avant, je pensais que je n’allais plus faire de musique. Enfin si, mais je ne pensais pas que j’allais refaire un album. Et en fait, il y a un moment où tu te réveilles. C’est pour ça qu’à chaque fois, ça me prend deux-trois ans.

LFB : Ce qu’il y a de bien, c’est que tu as évité l’écueil des chansons sur le Covid.

Séverin: Alors, j’ai évité deux choses : les chansons sur le Covid et les chansons sur les enfants parce que je trouve que le jeune papa qui parle de ses enfants, ça peut être super mais je ne sais pas, là je ne le sentais pas.

LFB : Peut-être le prochain. Tu les feras chanter dans l’album.

Séverin: Non mais comme je fais aussi de la musique pour enfants, à un moment donné, ça me suffit.

LFB : Comment tu le vois vivre cet album ? Est-ce que tu as des attentes particulières ?

Séverin: Que ça cartonne et que j’en vende des millions. Mais après je connais le monde de la musique. Non mais moi, mon rêve c’est que les gens qui aiment ce genre de musique trouvent ça bien et que j’ai déjà… Philippe Katerine qui m’envoie un message et qui me dit qu’il aime Nouveaux Dinosaures, c’est ça aussi qui me rend heureux. C’est sentir que les gens me comprennent et que je ne suis pas tout seul dans mon truc. Après, ce n’est pas de la musique commerciale. Après, ouais mon rêve ça serait qu’il y ait plus de lumière sur moi via… Quelqu’un qui la prendrait dans un film, ça pourrait aussi s’y prêter ma musique. Ça serait génial.

LFB : Est-ce qu’il y a des choses récentes qui t’ont plu ?

Séverin: J’ai découvert plein de musiques en faisant ce disque. J’ai commencé le disque en faisant une playlist de musiques, ce que j’avais fait avant. Des choses d’aujourd’hui qui me plaisaient et j’ai découvert plein de trucs comme ça. Notamment Andy Shauf par exemple, que je ne connaissais pas. Bright Eyes. Des choses qui ne sont pas tout à fait récentes. Même Adrianne Lenker. Tous ces trucs-là que je ne connaissais pas tellement. Pour le coup, avec ce système de radio Spotify où tu découvres plein de choses… A chaque fois que j’aimais bien un truc, je le mettais dans ma playlist qui s’appelle La meilleure playlist du monde. J’ai découvert plein de choses d’aujourd’hui. Il y a plein de choses dans cette veine-là finalement. Même des Gaëtan Nonchalant, des jeunes d’aujourd’hui où on est sur le même type de trucs.

Après l’interview, Séverin nous a aussi envoyé un livre qu’il apprécie en ce moment :

Crédit Photo : Célia Sachet

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