Silly boy Blue : « j’aime bien être la meuf triste mais je ne suis pas que ça »

Entre Silly Boy Blue et La Face B, c’est une histoire amicale et musicale qui roule depuis un moment déjà. On n’a jamais caché toute l’admiration que l’on porte à Ana et ce n’est pas son Breakup Songs qui aura atténué l’amour qu’on lui porte. Alors qu’elle sera demain en concert à La Gaité Lyrique, on a voulu discuter de ce premier album avec elle, de manière plus intime qu’une interview classique, histoire de percer les derniers mystères de Silly Boy Blue.

photo de silly boy blue par Inès Ziouane

La Face B : Salut Ana, Depuis ta victoire aux inouïs en 2019 tu as été énormément occupée par rapport à d’autres personnes. Est-ce que Silly Boy Blue n’a pas peur du vide ?

Silly Boy Blue: C’est l’histoire de ma vie et c’est pour ça que je fais de la musique aussi parce que j’ai tout le temps besoin  de faire des choses pour ne pas à avoir à me retrouver face à moi même et ça m’arrange bien. Après avec les confinement et tout j’ai pris le temps pour avoir du vide dans ma vie et j’aime beaucou l‘ennui aussi pare que m’accepte un peu plus et j’apprends à être un peu plus seul avec moi. Donc j’ai peur du vide mais je l’apprivoise de plus en plus.

LFB : Tu viens de sortir ton premier album et il s’appelle breakup songs, est-ce que ce n’est pas un titre un peu trompeur ?

Silly Boy Blue : Si, à fond. Il y a plein de gens qui pensent que ce sont des chansons de rupture, de tristesse, que tu m’as quitté et tout ça. En fait ce n’est pas du tout le cas. Je l’ai beaucoup dit, mais dans une rupture il y a mille sentiments : la tristesse, la colère, le désespoir mais aussi l’espoir quand tu passes à autre chose, la joie de te rendre compte que tu es amoureux de quelqu’un d’autre.

Tu as toutes ces choses et du coup pour moi je devais trouver un nom de l’album et c’était le plus à propos car il se passe tellement de choses dans une rupture que je me suis dit que c’était le seul terme qui regroupe tout ce que j’ai ressenti en écrivant cet album. En fait on va dire que tout est parti d’une rupture, de plusieurs ruptures plutôt et tout fini par ça. Donc voilà pour moi c’est un peu trompeur parce qu’il y a des gens qui vont se dire que c’est album triste mais ce n’est pas que ça.

LFB : Pour moi c’est un album sur les sentiments de la rupture

Silly Boy Blue : complètement.

LFB : Quand tu écoutes l’album tu as vraiment comme tu dis tu as cette espère de résignation un peu fantomatique, après du soulagement et justement je me demandais si tu voulais créer une tracking-list en forme de cheminement ?

Silly Boy Blue : En fait la tracklist est quasiment chronologique, toutes les étapes par lesquelles je suis passée. Alors parfois il y a des baisses de régime parce que voilà mais c’est un peu ça.

Quand j’ai fait l’album je ne voulais pas que ça soit un album avec un single et un autre morceau. Pour moi ils ont tous un rapport entre eux, ils sont tous parti du même genre d’expériences. Quand on me demande comment je l’ai composé, c’est vraiment un journal intime de 2017 ou 2018, donc en gros la fin du premier EP, à une semaine avant de partir en studio. Teenagers c’est une des dernières.

Donc ça fait journal intime de 2018 à 2020. I y a une idée d’entité générale et globale et ça me tenait à coeur de faire ça. Parce que je sais qu’aujourd’hui nos pratiques d’écoutes sont différentes mais moi j’ai toujours des album totems. Je sais que Melodrama de Lorde jamais je l’écouterais de manière séparée. Je l’écoute en fois. Blonde de Franck Ocean pareil. Il y a plein d’albums que tu écoutes de A à Z et je ne dis pas que les gens voudront écouter mon album de A à Z mais tu peux parce que il y a une cohérence dans l’ordre d’écriture des morceaux.

photo de silly boy blue par Inès Ziouane

LFB : Malgré tout, tu sens quand même l’ambition de faire des petits tubes non ?

Silly Boy Blue : En vrai je ne sais pas. Pour il y a des morceaux qui sont pour moi des tubes mais qui n’ont jamais été des tubes dans la vie et du coup qu’es-t ce que c’est un tube ? Ça passe en radio ? Tout le monde le connaît par cœur ? Pour moi il y a tellement de définitions de « tube » que je n’arrive pas trop à savoir ce que ça veut dire. 

LFB : Un titre comme Goodbye tu sens que c’est quelque chose qui peut vivre en tant que entité solitaire.

Silly Boy Blue : Avec Goodbye j’avais surtout envie de sortir un morceau joyeux parce que j’avais envie de joie, c’était la veille du deuxième confinement, un truc comme ça, c’était une période un peu morose et je voulais sortir un truc feel good parce que j’aime bien être la meuf triste mais je ne suis pas que ça. Du coup voilà.

LFB : Pour moi, l’évolution importante entre l’EP et l’album, sur l’album c’est que tu as accepté d’être l’héroïne de tes chansons. Tu es passée d’histoires en réaction aux actions d’une autre personne à un album ou tu es maitresse de tes propres histoires.

Silly Boy Blue : Il y a trois ans je subissais ma vie, même monter sur scène je subissais et je m’excusais d’être là. Ça le fais moins et j’ai décidé de ne plus être un personnage non joueur de ma vie et de ne plus attendre que les choses se passent.
Plein de choses ont changé, il y a eu plein de concerts, des histoires dans ma vie … J’ai d’autres vécu set ça fait je suis plus okay avec les sentiments que je ressens et la vie que je mène, avec mes décisions et mes histoires d’amour aussi, ça fait que j’ai moins de mal à me ré-approprié ma vie et mes chagrins d’amour.

Avant j’étais plutôt « mon dieu je suis seule et je souffre, c’est dur… » et maintenant c’est plus : il s’est passé ça et on va pas réécrire l’histoire et je vais vite l’écrire avant que mon cerveau se mette à faire n’importe quoi, réécrire l’histoire et à me faire passer pour la méchante. Et ça, ça m’a fait du bien car j’ai arrêté de me dire que j’étais la victime. J’aime bien le statut de victime car tu acceptes en face de toi une personne coupable mais j’ai eu aussi besoin de ne pas être la méchante et ça, ça fait du bien. 

LFB : Il y a un côté plus actif mais justement, en fait tes chansons sont inspirées depuis le départ de ce que tu vis mais c’est limite plus impudique que ce que tu as fait avant parce qu’on sent vraiment que tu te caches moins. Est ce que tu as peur que cette zone de démarcation entre Anna et Silly Boy Blue soit de plus en plus ou c’est ça t’intéresse de jouer avec ça ?

Silly Boy Blue : Il y aura toujours une partie de moi qui ne sera pas visible dans ce projet, celle que mes proches et ceux que j’aime voient.
J’aimerais bien être plein de choses et c’est ce que je voulais faire en mettant un pseudonyme mais je crois que je finis toujours par donner ce que je suis en vrai parce que je n’ai jamais fait autrement et ça m’a peut-être porté préjudice à plein de moment de ma vie, c’est vrai mais en fait je ne peux être que ce que je suis.

Je ne peux pas jouer un rôle et c’est peut-être pour ça que j’ai vécu des trucs durs car je donne ce que je suis assez directement mais je n’arrive pas, ça sonne faux quand j’essaye d’être quelqu’un d’autres et d’être plus détachée, moins directe et moins frontale et quand je fais des métaphores ça sonne faux et même moi  je le vis comme quelque chose qui sonne faux.

Et puis j’ai l’impression d’avoir passé beaucoup de temps dans ma vie à ne pas froisser les gens, à mettre les formes, à me dire j’aurais du faire ça mais en fait il n’y aura pas de deuxième premier album.
Dans l’EP j’avais mis le titre you’re cool pour une personne qui n’a pas été cool du tout avec moi en vrai, ça c’est un peu la première fois que je le dis parce que je ne voulais pas la blesser, mais en fait j’en ai marre de trouver des excuses à des gens qui ont des comportements pas ok comme j’en ai marre de retourner la question d’un truc dit simplement. Dans Hi it’s me again je dis « sorry » plein de fois parce que j’étais vraiment désolée mais ça je ne l’ai pas dit, j’en ai marre d’être en conflit avec moi même et pour ne plus être en conflit avec moi même il faut que je dises les choses.

LFB : Ta musique et tes chansons ne te servent pas à réécrire l’histoire mais à rectifier les choses que tu n’as pas pu dire, à te remettre dans la ligne.

Silly Boy Blue : Exactement. Et si a posteriori je nepeux pas le faire ce n’est pas possible. Je ne peux pas continuer ma vie sans dire les choses telles qu’elles ont été dans la tête. Vu que je ne peux pas le dire dans la vie, au moins je le dis dans mes chansons. 

LFB : ce qu’il y a d ‘intéressant, finalement cette idée là dans les paroles elle se retranscrit aussi dans les productions. Il y a énormément de force car sur le premier EP, on pouvait te voir comme une personnee fragile. 

Silly Boy Blue : J’ai rencontré les deux producteurs avec lesquels j’ai travaillé (Sam Tiba et Apollo Noir ndlr) et il y a eu un vrai truc. Ils se sont vraiment mis au service de la musique, on a appris beaucoup de choses tous les trois. Le premier EP, que j’aime beaucoup, j’ai plus laissé champ libre aux producteur avec qui je travaillais, que j’adore et qui est hyper talentueux mais j’avais moins d’attache.

Mais après deux ans de tournée et de composition, j’ai grandi et je sais ce que je veux et surtout ce que je ne veux pas et ça fait quelque chose de plus affirmé qui ressemble plus à mes maquettes etc.. ça m’a fait du bien et je tenais à produire des chansons car ça me tenait à cœur. Je suis une meuf, je fais de la musique et j’ai envie de produire des chansons aussi, je voulais des morceaux écrits, réalisés et composés par moi même parce que tous les jours de ma vie je combats le syndrome de l’imposteur.

C’est ce que je dis dans un de mes morceaux, 200 lovesongs, que j’ai écrit après un concert. Je ne comprendrais jamais ce que je fais ici, ce que le public voit et ce que je nevois pas parce que jene m’aime pas et c’était un manière de me réapproprier ma musique de faire ça, ils m’ont laissé vachement faire ça et c’était très chouette.
Après tu vois ils m’ont appris des trucs, énormément de choses je vais pas nier leur travail car ils ont des connaissances que je n’ai pas mais ils n’ont jamais essayer de m’apprendre la vie ils m’ont appris des tricks et suggéré des choses car en tant que producteur, j’ai envie d’avoir mon choix. 
Je n’avais pas le quart du talent de traiter tel ou tel truc et ils ne l’ont jamais fait en modifiant tout, donc je sais que ça a été un truc très vertueux et on est en 2021, on peut encore tomber sur des gens qui t’apprennent la vie et vont te faire la musique que tu ne veux pas du tout à la base. Nous ça n’était pas ça, on était à 3, il y avait un échange, c’était trop bien, c’était génial de bosser commen ça. C’était une cohésion parfaite, personne ne voulait écraser l’autre.

LFB : Pour t’avoir vu sur scène plusieurs fois, certains morceaux ont beaucoup évolué au cours du temps. Comment le live t’a aidé dans la création des morceaux ?

Silly Boy Blue : Le live m’a aidé à avoir ce que je voulais et ne voulaiss pas. 22 j’ai vu qu’elle a vachement changé car le refrain n’étais pas exactement ce que je voulais et en studio on a testé plein de trucs. L’album a été influencé par le live car j’adore ça et j’ai envie de refaire des concerts. J’ai pensé au live pour jouer des trucs que j’aimais dans des moments que j’aimais. 


LFB : À l’écoute de l’album, j’ai remarqué quelque chose de très intéressant dans les morceaux, il y a une sorte de conversation entre toi et toi même, notamment sur un morceau comme Teenagers.

Silly Boy Blue: Je l’ai déjà beaucoup dit sur plein de chose différent mais je ne sais pas où j’en serai sans l’album car j’ai eu besoin de plein de chansons pour me construire car ce sont aussi des messages à moi même.
La chanson 22 s’appelle 22 parce que je me suis séparé de quelqu’un un 20 août et le 22 août j’ai capté que cette personne sortait avec quelqu’un d’autres et je l’ai appelé 22 parce que j’avais besoin de me dire à moi même si jamais à un moment cette personne te manque rappelle toi que deux jours après votre rupture, il était en couple.

C’est en fait à la fois des messages que je me dis à moi même pour me rappeler mais c’est aussi des totems comme des memos pour ne pas oublier comme des pseudo MSN… j’ai besoin de me rappeler car j’ai tendance à surinterpréter les choses et de me dire que c’est ma faute tout le temps et je mets des phrases clés pour me rappeler que je ne suis pas tout le temps la fautive. Ce n’est pas tout le temps de ma faute si les choses se passent pal. Je me parle à moi même et je parle à quelqu’un quand je dis « it’s ok to cry you are brave« .
J’aurais aimé les entendre, si un lycéen entend ça sur le chemin des cours ça lui fera du bien. J’aurais aimé avoir ça pour comprendre la vie

LFB : Oui il y a une côté hyper personnel mais un vrai côté de transmission, on sent malgré tout, tu dois aussi le remarquer que les gens rattache la musique à leur propre histoire.

Silly Boy Blue : Je m’en suis rendue compte car je m’identifie aux chansons génériques avec métaphores car la mélodie peut me toucher mas si Lorde dit i love you because… je m’identifie à fond parce que c’est concret.Je ne sais pas si les gens vont s’identifier à mes chansons mais pour moi écrire tu m’as quitté et je suis triste maintenant ça ne me parle pas mais ce que j’écris c’est j’ai passé trois jours dans mon canapé à me rappeler que j’étais ta meuf et que tu m’a laissé tomber comme une merde, ça c’est concret et j’ai toujours écrit comme ça.

LFB : Puis tomber amoureuse en 6 minutes et ne pas oublier la personne pendant 6 ans

Silly Boy Blue : La phrase la plus importante pour moi c’est dans Teenager : I don’t make moves But I can write 21 songs about you.
Et c’est vrai, c’est que comme ça que je marche. Je vais peut être passer pour la pleureuse mais ça me va très bien car c’est avoir des sentiments et ne pas savoir comment en fait.
LFB : Les gens qui vont te dire ça n’ont pas écouté l’album car ton album est multiple comme peut l’être un être humain.

Silly Boy Blue: Je suis d’accord,. Ccomme je te disais il y a plein de choses dans l’album et je ne suis pas là pour me plaindre ou me venger de mes ex, c’est vraiment pas ça. Mon but c’est de dire, il s’est passé ça et peut-être que des gens vont se retrouver là dedans. De la même manière Creepy girl c’est une histoire vécu dans ma tête et moi j’aime bien aussi savoir qu’il y a des gens qui vivent destrucs dans leur tête mais ont de le dire. Pas moi. C’est pareil, tout ce qu’on est entrain de dire je le dis dans mes morceaux comme teenager je me suis dis détesté dans ma vie.
Ca fait 25 ans je suis une horrible personne avec moi même et si une personne me hait je peux lui dire « tu as du retard et tu seras jamais aussi virulent que moi. »

LFB : Tu es hyper présente sur les réseaux, en contact permanent avec les gens. Parfois tu n’as pas envie de mettre une distance ?

Silly Boy Blue : Parfois les réseaux me flinguent vraiment la tête. Beaucoup de moment avec le confinement où j’ai du couper les notifications etc … mais d’unautre côté parce que il y a des moments où j’étais très seule cette année car je me suis séparée et les réseaux sociaux étaient ma seule référence d’amour ce qui est fucked up comme affaire. J’ai besoin de distances mais ça m’a aussi apporté beaucoup d’amis, de bonnes tranches de rire.  Je sais que je peux mettre un stop quand j’ai besoin et je planifie des posts mais je sais qu’il y a aussi beaucoup de gens que j’aime fort sur les réseaux qui m’apportent des choses positives.

LFB : Est ce que tu penses que tu pourrais écrire de la musique si tu étais heureuse ?

Silly Boy Blue: Non, parce que je n’ai jamais été complètement heureuse. J’ai des moments avec et des moments sans et je l’ai accepté mais je pense pas parce que, j’ai écrit de chansons quand j’étais heureuse mais je compose plus rapidement quand je suis dans la douleur car j’ai besoin de ça mais quand je suis très heureuse je pars à la campagne et je coupe mon téléphone donc pas de réseau et instruments. Pour être honnête je ne sais pas, je dis non spontanément mais ça m’est jamais arrivée d’être uniformément heureuse car j’ai toujours une grosse mélancolie en moi. Ma dernière histoire d’amour était magnifique, et j’étais heureuse mais ça m’a pas empêchée d’être triste à certains moments. J’ai toujours des gros moments de mélancolie donc je sais pas trop 

LFB : Pour finir, j’aimerais revenir à une chose dont on a déjà parlé : Est-ce que tu as autorisé ta maman à traduire les paroles de tes chansons ?

Silly Boy Blue : Oui et non, elle sait qu’elle peut le faire, j’ai dit des choses importantes dans cet album j’ai beaucoup envoyé de maquettse à ma maman et elle comprend de plus en plus. J’ai moins peur de ce qu’elle va penser car moins peur de ce que je suis et que je l’aime très très fort et des choses que je n’ai pas réussi à lui dire et que j’ai mis dans l’album et elle m’en parlera quand elle voudra m’en parler.

Vous pouvez retrouver Silly Boy Blue sur Instagram et Facebook et redécouvrir notre chronique de Breakup Songs ainsi que son ADN musical.

Crédit Photos : Inès Ziouane