Silly Boy Blue tient une place importante dans l’histoire de La Face B. Il faut le dire, sans elle et quelques autres, ce site n’aurait probablement jamais vu le jour. On l’aime et on la suit depuis le tout début. Logique donc qu’on aille la retrouver quelques jours avant la sortie de son second album, Eternal Lover. L’occasion de revenir avec elle sur la création de celui-ci, de son évolution artistique et de prendre des nouvelles de sa plus grande fan : sa maman.
La Face B: Comment ça va, Ana ?
Silly Boy Blue : Ça va bien. Un peu fatiguée mais je crois que je dis tout le temps ça.
LFB: Un petit peu ouais.
Silly Boy Blue: Mais ça va. En vrai, ça va plutôt très bien aujourd’hui. Ca dépend des jours.
LFB : C’est l’une des dernières questions que je t’ai posées la dernière fois: est-ce que tu penses pouvoir écrire des chansons en étant heureuse ?
Silly Boy Blue: Bah oui, parce que je l’ai fait. Maintenant, je l’ai fait. Ouais, j’en ai écrit dans l’album en étant heureuse, genre Sparks, je l’ai écrite en étant très heureuse. Non, ça y est, c’est possible. Je n’ai plus besoin d’être dans des états pas possibles.
LFB : C’est bon, on a fini l’interview. Ana va mieux (rires)
Silly Boy Blue: Bravo à tous. Elle n’a plus de problèmes. Non, en vrai, j’ai plus besoin d’être dans le deep du deep pour écrire des morceaux.
LFB: Dans quel état d’esprit tu étais à la fin de l’aventure Breakup Songs? Il y a eu la fin de l’album, les Victoires de la Musique, la re-sortie… Finalement, j’ai l’impression que tu ne nous as pas quitté depuis si longtemps que ça.
Silly Boy Blue: Je pensais que ça serait plus long d’écrire un album mais visiblement, j’avais envie de dire plein de choses. En vrai, j’ai très peur du vide, du silence. C’est quelque chose qui ne me plaît pas. Du coup, j’ai assez vite enchaîné parce que mine de rien, les chansons de Breakup Songs, elles avaient été écrites entre 2018 et 2020. Du coup, il restait 2020-2023 à faire. Le nouveau journal intime. Ça s’est vite enchaîné mais moi, ça me plaît. Je n’aime pas être statique. Je n’aime pas ne rien faire.
LFB: Est-ce que quand tu as commencé l’écriture, il y avait justement des paradigmes ou des choses que tu savais déjà, que tu avais envie de changer par rapport à la création.
Silly Boy Blue: Ouais, forcément. Il y a des trucs qui ont influencé l’écriture. Il y a des trucs que je savais que j’allais devoir redire en live pendant des mois et des mois. J’avais conscience de ce que c’était de donner un album à des gens. Le premier, j’ai eu l’impression d’avoir zéro maîtrise dessus. Quand on l’écoutait, ça me brisait le cœur mais en même temps, j’étais contente. Mais en même temps, c’était mon journal intime. Du coup, il y a quelque chose de beaucoup plus terre à terre. Je sais ce que ça fait. Donc ouais, j’ai eu le temps de processer tout ce qui était arrivé et puis après, j’ai fait ok, en connaissance de cause, on va pouvoir faire la suite.
LFB: Finalement, Eternal Lover commence avec, pour moi, une facette que les gens ne connaissent pas forcément dans ta musique, c’est l’humour.
Silly Boy Blue: Oui.
LFB: Commencer ton album avec un titre qui s’appelle Cindy déjà, c’était… Et même sur Widow Dreams Forever finalement, il y a un peu un jeu de massacre rigolo de l’image qu’on t’avait accolée avec ton premier album.
Silly Boy Blue: Ouais, c’est ça. Cindy, je l’ai faite… C’est un truc de remerciements de tous les gens qui sont là depuis le début et qui savent le délire avec Cindy, qu’on a tous construits ensemble bien gentiment. Ça a failli être le nom de l’album à un moment mais bon, je me suis dit qu’on n’allait peut-être pas pousser la blague aussi loin. Je me suis dit ça depuis le début de l’album, qu’il fallait se réapproprier un peu tout ce qui a été fait avant, pour partir sur des bonnes bases. Je ne subis rien et tout est en maîtrise. L’humour, ça fait partie d’un des trucs que j’aime beaucoup dans ma vie et je me suis dit que ça devait rentrer aussi dans la composition de l’album. Parce que c’est une partie de ce que je suis aussi. Donc si je donne tout, je donne aussi cette partie-là de moi que les gens connaissent sur moi via les choses qu’on a dit sur Cindy et tout ça.
LFB: Ce qui est très intéressant, c’est que Cindy, c’est aussi quand l’album s’ouvre, j’ai l’impression que c’est une chanson, même dans le texte, qui est adressée aux personnes qui t’écoutent.
Silly Boy Blue: Ouais. A fond. C’était un peu le secret, qui a été dévoilé dès maintenant. Je l’ai écrite en pensant à ça, à ce truc que j’allais faire en sorte que vous m’aimiez et puis si un jour, vous vous lassez, qu’est-ce que je deviendrais ? C’est complètement ça. C’était un peu ma première frayeur en commençant à écrire l’album. Qu’est-ce qu’il se passe après quoi ?
LFB: Du coup, il y a Widow Dreams Forever qui enterre aussi un peu l’image un peu dark.
Silly Boy Blue: L’image de la veuve éplorée. De dire je serais toujours cette personne-là et c’est pareil, Eternal Lover, je serais toujours l’eternal lover un peu au bord de la falaise qui est un peu en mode « hey ». On ne sait pas trop si elle va bien mais je me suis dit que c’est ce qu’on m’a collée comme étiquette et que j’ai complètement accepté parce que c’était complètement le sujet du premier album. Reprenons-la, on se l’approprie et on avance avec quoi. C’était le mood.
LFB: Si on pense à Breakup Songs, il y avait quand même un peu un côté passif par moment alors que là dans l’écriture et dans ce que tu fais, c’est complètement actif.
Silly Boy Blue: Exactement. Quand j’ai écrit l’album, on était avec Paco et je lui ai dis que j’avais l’impression d’avoir arrêté d’être le personnage non joueur de ma vie dans cet album. J’ai l’impression d’avoir repris les commandes du bazar.
LFB : J’ai l’impression que tu as tout fait pour éviter la redite finalement et que tu t’es autorisée à explorer énormément de choses musicalement. On pourrait presque voir un single par titre, tellement il y a d’ouvertures musicales et d’influences qui te correspondent énormément quand on te connaît. Là où Breakup Songs était plus uniforme avec une vraie ligne, là il y a un truc un peu puzzle éclaté qui reste dans le jeu. On sent que tu t’amuses et que tu es allée explorer plein de choses.
Silly Boy Blue: Ouais. J’en ai parlé tout à l’heure mais en vrai, cet album, je l’ai fait comme si c’était le dernier et que j’avais pile le temps de faire tout ce que je voulais explorer. Genre un morceau a-capella, un morceau vraiment vénère, le morceau où je fais une déclaration d’amour. J’avais vraiment envie d’aller au bout de toutes les choses parce qu’en vrai, c’est un deuxième album et si je ne le fais pas maintenant, je ne pourrais pas le faire plus tard. Enfin, je n’ai pas l’impression que je pourrais le faire plus tard. Là, c’est le moment. Page blanche. On est partis et on fait tout ce qu’on veut. C’est exactement ce que je voulais faire.
LFB: Ne pas te piéger.
Silly Boy Blue: C’est ça. De ne pas me restreindre, ne pas me piéger, ne pas me limiter et aller un peu checker un peu des choses qui me plaisent.
LFB: Comme le premier album a quand même été bien accueilli, je pense que le fait de faire ça, ça te permet aussi de dire aux gens « regardez, je ne suis pas là où vous m’attendez et je peux vous proposer d’autres choses en fait ».
Silly Boy Blue: Ouais. Surtout j’aime d’autres choses. J’aime faire d’autres choses quoi. Genre vraiment, j’aime faire des pianos/voix mais j’aime aussi faire ça. Il y a tellement de choses que j’écoute qui sont différentes et de choses que j’écris et que j’ai envie d’écrire, qui font qu’il fallait que chacune ait sa place sur ce CD.
LFB: Si on calcule bien, on passe de la pop mainstream à Bon Iver, en faisant des crochets sur du Billie Eilish.
Silly Boy Blue: Oui. Tous des gens que j’aime. J’ai tellement travaillé sur le fil rouge de Breakup Songs et sur la chronologie des choses, et il a été écrit sur tellement de temps. Alors que cet album Eternal Lover a été écrit en un laps de temps super court, en quelques mois. J’avais envie qu’il soit encore plus vaste que tout ce que je raconte dedans. Que ça soit écrit à cette période-là mais par contre, c’est tout ce que je peux voir de la musique que je sais faire.
LFB : J’ai l’impression qu’il y a aussi une pensée, qui n’était pas forcément sur Breakup Songs, très orientée sur le live de certains morceaux. Tu vois qu’ils ont aussi été construits en pensant le live, à la façon dont ils pourraient être retranscrits.
Silly Boy Blue: En vrai, j’ai pensé au live forcément parce que c’est une grosse partie de ma vie. Mais je n’ai pas pensé, je ne me suis pas dit qu’il fallait que ça sonne comme ça pour le live parce que tu ne sais jamais comment ça va sonner. Par exemple, j’étais persuadée que tel morceau serait bien en live et que Cindy marcherait pas du tout. En fait, c’est l’inverse. Cindy, c’est celle que je veux faire le plus en live en ce moment. Du coup, on ne sait jamais. Donc je ne me suis pas basée là-dessus. Par contre, c’est vrai que j’avais au moins envie de me dire qu’en vrai, je ne suis pas que quelqu’un qui fait du piano/voix, je suis aussi ces choses-là qui sont beaucoup plus… Genre un peu les deux pieds dans le plat quoi. Ça, je ne me suis pas permise de le faire pour le premier album parce que j’avais un peu peur. Teenager on l’a mise à tel BPM parce qu’il ne fallait pas que ça soit… Et en fait, là, on y est allé. Genre bah ouais, ça va à 130, ça va à 130. Ce n’est pas grave en fait. « Tu as envie de le faire à 130 ? Ouais. Ok faisons-le à 130 ». C’était Paco et moi, tout le long.
LFB : J’ai l’impression que tu as enterré ton complexe de l’imposteur en fait.
Silly Boy Blue: Moyen.
LFB: Si, quand on écoute l’album…
Silly Boy Blue: Ouais en vrai, si. Je l’aurais toujours un peu parce que j’aurais toujours des doutes tu vois. Mais oui, j’en ai eu marre de me détester. C’était trop fatigant. Il y a déjà plein de gens qui sauront le faire pour moi dans la vie en général, sur internet ou dans la vraie vie. Mais non, je n’ai plus trop… Je ne sais pas, c’était très fatigant de se détester autant, tout le temps, sans cesse. Du coup, c’est un peu reposant. Mais aussi, il y a une différence, c’est que j’ai bossé pour le premier album mais ce deuxième album, c’est au-delà de bosser, ce n’est plus des sacrifices que j’ai faits. Toute ma vie a tourné et tourne autour de cet album. Tout mon quotidien, tout ce que je fais, tout est dirigé vers ça. Tout passe au second plan. Alors, ma famille, mes amis sont habitués donc c’est ok. Il y a eu des choix très durs à faire là cette année, depuis septembre, dirigés vers la musique. Mais celui-ci, toute ma vie est dedans. Tout mon temps, toute mon énergie, c’est une autre paire de manches si je puis me permettre.
LFB: Tu es une vraie musicienne quoi.
Silly Boy Blue: Non mais en vrai, c’est vachement moins… C’est très fatigant parce que je suis très control freak sur tout, sur l’image. J’ai écrit les clips, j’ai fait le dernier clip, on l’a fait à deux avec Jean-Max (Jean-Maxence Chagnon ndlr). On a fait le montage, pendant que je faisais le montage, il faisait l’incrustation. On a tout fait. Les pochettes des singles, on les a faites ensemble. Il m’a appris à me servir de Photoshop et moi j’ai retravaillé les trucs. Les shootings, on les a faits avec Louis Lepron. On a tout fait un peu dans tous les sens. La DA du live, je la fais avec Augustin, mon bassiste. On a tout fait au moindre détail, les transitions et tout. Donc oui, il n’y a aucun endroit de l’album où je n’ai pas mis 100 % de mon énergie. Il n’y a pas un truc que j’ai laissé et que j’ai délégué. D’un côté, c’est chouette, c’est fatigant, mais en vrai, cet album… Avant, je disais que mon premier album, c’était mon bébé. C’est un peu ce que j’ai dit là. Mais là, ce n’est plus mon bébé, c’est moi. Ce deuxième album, c’est moi, c’est l’intégralité de moi-même.
LFB: On parlait de storytelling. Finalement, cet album-là, c’est aussi l’intégralité de toi-même dans ce qu’il est. Ça fait vraiment rollercoaster émotionnel. Tu montes, tu descends, tu montes, tu descends et du coup, ça maintient l’attention parce que tu ne sais jamais quel morceau va suivre. Je trouve qu’il y a cette volonté de surprendre en permanence et d’aller chercher des palettes d’émotions. Des trucs de la vie. Tu peux être heureuse et cinq minutes après, tu vas te mettre à chialer quoi.
Silly Boy Blue: C’est ça. C’est beaucoup plus franc j’ai l’impression sur ça, sur la manière d’exprimer les émotions. C’est une espèce de mix un peu chelou entre : c’est moins pleine de colère, de rancœur et tout ça que le premier album mais en même temps, c’est beaucoup plus franc. Il y a des phrases que je dis qui ne sont pas du tout des métaphores et qui sont juste « c’est ça, point, fin de l’histoire ». Ça s’est passé comme ça, il s’est passé ça, ça, ça puis ça et voilà. Je ne pars pas dans des chemins où même moi, je n’avais pas envie de me perdre quoi. C’est très net.
LFB : C’est vraiment ça. Si on part sur les lyrics et sur les choses comme ça, il y a une écriture qui est plus humaine et plus directe, beaucoup moins fantasmagorique que ça pouvait l’être. Là, tu es impudique sans chercher à en faire trop et sans chercher à poétiser certaines choses. Un morceau comme Not a friend, il est comme ça.
Silly Boy Blue: Complètement. Parce que c’est juste ce qu’il s’est passé. Et puis parce que c’est comme ça que c’est venu aussi. Dans ce court laps de temps d’écriture d’album, il y a eu aussi un peu une urgence à faire ces morceaux-là parce que j’avais besoin qu’ils soient faits. Du coup, j’ai pu revenir sur des choses mais c’était écrit comme ça et on est partis quoi.
LFB : J’ai l’impression que sur cet album, plus que les situations, ce sont tes sentiments que tu analyses aussi.
Silly Boy Blue: Ça, j’ai plus pris le temps aussi. Dans les morceaux, il y a plus de réflexions autour de ça parce que maintenant, je sais ce que c’est que d’écrire une chanson et ce que c’est d’avoir un milieu, un début et une fin. Là, j’avais vraiment besoin qu’il y ait une cohérence parce que je savais que j’allais chanter normalement pendant un petit peu de temps. Et que ça veuille dire quelque chose aussi. J’ai écouté plein de trucs qui m’ont inspiré aussi et qui ont changé ma manière d’entendre des chansons, de me les approprier et tout ça aussi quoi.
LFB: Quand on te connaît, on a aussi l’impression qu’il y a des morceaux où tu te parles à toi-même.
Silly Boy Blue: Ouais, c’est possible.
LFB : Un titre comme Stalker ou même I don’t look good when I cry. Pour moi, j’ai l’impression que tu te parles à toi aussi. Peut-être que la façon la plus facile de transmettre des émotions aux gens, c’est aussi te les transmettre à toi-même.
Silly Boy Blue: Et puis, de leur mettre des noms aussi, que ça existe. Par exemple Stalker, je ne dis pas Stalker dans ce morceau et pourtant, c’est comme ça que je l’appelle une fois que je l’ai écrit. Parce que je me suis sentie comme ça à ce moment-là.
LFB: Pour moi, je trouve qu’il y a un socle au milieu de l’album avec Stalker, Hopeless, Hate, Forever et Not a friend qui est hyper important et qui n’est pas placé là par hasard parce qu’il y a un vrai jeu de miroir entre ces morceaux.
Silly Boy Blue: Complètement.
LFB: Il y a aussi… Pas un passage à l’âge adulte mais une évolution de personne.
Silly Boy Blue: Je voulais vraiment que Hopeless soit mis au milieu pour faire la transition entre tout ça. Après, on passe à la suite. Ça, ça a existé. C’étaient des moments douloureux que je n’avais pas envie de nier et dire que tout s’est bien passé pendant cette création d’album. Mais par contre, il y a l’avant et l’après. C’est un peu la morale de l’histoire. C’est un peu marrant parce que Hopeless est sur la même personne que Not a friend. Il y a eu ce moment, en plein dans l’œil du cyclone, de désespoir absolu… En fait non. La vraie histoire qui s’est passée, ce n’est pas « est-ce que tu vas m’appeler? Est-ce que machin ? ». C’est arrivé, c’était à un moment. Mais par contre, ce qui s’est vraiment passé, c’est ça et maintenant, c’est avec mes mots que je le raconte de cette manière-là.
LFB : C’est hyper intéressant parce que finalement, encore une fois, ce sont les éléments de ta vie qui chamboulent complètement la création d’un album. C’est drôle parce que ce sont des choses dont j’ai parlé avec Fils Cara, Martin Luminet, les plans d’albums sont complètement chamboulés parce que des éléments de l’existence viennent y mettre quelque chose.
Silly Boy Blue: Ouais complètement. Ils viennent faire la tracklist, ils viennent faire ce que tu veux faire dans les clips. Ça influence tout ce que tu fais mais après, faut aussi choisir de les faire rentrer ou pas quoi.
LFB: Finalement, ce que tu apportes le plus dans Eternal Lover, et c’est un élément qu’il n’y avait pas sur Breakup Songs, tu parles d’amour mais tu parles d’amour de soi en fait. Ce qui n’existait pas du tout sur les anciens morceaux.
Silly Boy Blue: Ouais, parce qu’on se détestait trop. De capter aussi que tu n’as pas besoin de quelqu’un d’autre pour t’aimer toi. Ça, tu vois, j’ai fait des chansons d’amour dans cet album, je pense direct à Sparks et à Uninvited qui sont vraiment purement des chansons d’amour mais ça n’a pas nié tout ce que je suis en vrai aussi. Ce n’est pas parce que ces chansons sont des chansons d’amour pour quelqu’un que d’un coup, tout va mieux et que je ne suis plus la personne mélancolique. Non, ça veut dire que tout existe dans un même spectre et peuvent y cohabiter plein de monstres et de jolies personnes.
LFB: Le plus important, c’est aussi de s’aimer soi.
Silly Boy Blue: Ouais, un long chemin qui est la non détestation. Plus trop le temps et l’énergie en vrai. J’avais trop de choses à faire que de me regarder et de me dire « t’es vraiment trop nulle ».
LFB : Du coup, ça pose la question : pourquoi tu finis l’album avec I don’t look good when I cry ?
Silly Boy Blue : En vrai, pour plusieurs raisons. Je savais que l’intro, c’était Cindy. Le milieu, c’était Hopeless et la dernière c’était I don’t look good when I cry . C’était sûr parce qu’en fait, cette chanson est assez spéciale. Musicalement déjà, parce que je suis arrivée en studio à un moment et j’ai dit à Paco, mon producteur, que j’avais toujours rêvé de faire un morceau uniquement avec de la voix. Donc il fallait qu’on le fasse avant de finir l’album et on l’a faite. Le truc étrange qui s’est passé, c’est que c’est le seul morceau sur une relation que j’ai eue avec quelqu’un qui s’est très bien terminée. C’est la seule personne que moi j’ai quittée. Je n’ai jamais réussi à écrire sur cette personne et c’est venu comme ça, sur ce morceau-là où je dis juste que malgré tout, c’était quand même une rupture très compliquée.
Même si c’est moi qui l’ai quitté. Je n’avais jamais eu besoin d’extérioriser la colère, l’incompréhension parce qu’il n’y en a pas eu, vu que c’est moi qui ai fait le choix. Il n’y a pas eu tant de tristesse que ça mais il y a eu cette espèce de silence qui est resté longtemps après et qui a été finalement aussi bruyant que des engueulades. Quand tu te retrouves dans un silence avec un appartement à moitié vide, c’est aussi très violent mais c’est une autre violence. Du coup, ce morceau était tellement important pour moi dans la manière dont il a été écrit et créé que pour moi, c’était l’outro de l’album. Je voulais qu’elle ait un endroit à elle.
LFB : Il fallait que le silence se fasse après ce morceau-là en fait ?
Silly Boy Blue : Ouais, c’est ça. C’est la fin de quelque chose que je n’avais pas réussi à clore vraiment je pense. Je m’étais juste dit que c’était moi qui avait quitté la personne, donc c’était bon. Mais en fait, ça méritait d’être dit ce truc-là.
LFB : Est-ce que tu as anticipé l’accueil des gens ?
Silly Boy Blue : Non, tellement pas que je ne l’ai envoyé à personne. Normalement, je l’envoie 1 000 mois avant à mes amis et tout ça et là, personne ne l’a. Mes parents ne l’ont pas encore écouté. Ils l’écouteront je pense le jour de la sortie. J’espère. Mes copines ne l’ont pas écouté non plus. Il n’y a que les gens qui ont travaillé sur… Bon il y a Augustin qui l’a écouté parce que c’est Augustin. Je passe ma vie avec lui et puis parce qu’il a travaillé dessus en vrai le pauvre. Mais non, j’ai fait un peu de la rétention d’informations avec celui-là parce que j’avais envie qu’il soit terminé vraiment avant de l’envoyer. Et je ne sais pas comment dire.
LFB : Tu as envie que les réactions soient brutes.
Silly Boy Blue: Ouais et puis, il faut que je comprenne qu’il va sortir aussi. En vrai, il y a un an, il n’existait pas. Mais même pas un des morceaux, je crois que je process un peu tranquillement et puis après, hop, tout le monde fera ce qu’il veut de ça. Mais là, je n’ai pas ce truc de dire que tel morceau, ça fait trois ans que je l’ai écrit. Non en vrai, j’ai juste envie qu’il vive le plus longtemps possible et le mieux possible. Mais, il faut que je m’habitue à ce qu’il sorte quoi.
LFB : Avant de terminer, je voulais prendre des nouvelles du niveau d’anglais de ta maman.
Silly Boy Blue: Elle est venue en Angleterre à mon concert, elle n’a pas tout compris mais elle a compris genre Stalker et tout. En vrai, elle cherche les paroles sur internet maintenant. Ce qui n’est pas à mon avantage mais elle ne sait pas bien se servir d’internet, ce qui est à mon avantage. Non, je crois qu’elle a compris. Elle a compris que je serai toujours sa fille qui chante en lui tournant le dos parce que je ne veux pas chanter face à elle des morceaux.
LFB : Ça va être dur à La Cigale. Je la vois au premier rang.
Silly Boy Blue : Elle a fait un truc abusé la dernière fois. C’était à Londres. Il y avait des gens qui étaient dans le public et elle a vraiment demandé à passer devant. À un moment, les gens disaient « bah non, arrête de passer devant ». Elle leur a dit « non mais en fait, je suis sa mère ». À tout le monde, elle disait « je suis sa mère donc je dois être devant ». J’étais genre « tu ne peux pas faire ça ». Tu peux venir aux concerts si tu veux mais tu ne peux pas dire « je suis sa mère donc je suis devant au milieu ».
C’est à peu près à tous les concerts. Sacré phénomène. Je l’avais interdite de venir à Bourges mais j’ai été obligé de l’accepter. Du coup, elle vient à Bourges, elle est très contente.
LFB : Est-ce qu’il y a des choses que tu aimerais rattacher à Eternal Lover ? Qui ont existé pendant sa création et qui t’ont influencé ?
Silly Boy Blue : Oui. Il y a deux choses. C’est juste ça. Pendant la création de l’album, j’ai écouté que deux albums. Normalement, j’écoute plein de choses parce que j’aime bien la musique. Mais là, je n’ai écouté que deux albums en boucle. C’était Bon Iver i,i. Ça, j’ai écouté que ça. Je connais tout, les moindres souffles. Genre là, tu me mets une seconde de chaque début de morceau, je sais le reconnaître. Et j’ai aussi écouté énormément Punisher de Phoebe Bridgers. J’ai écouté que les deux, sans cesse parce que c’était la seule chose qui m’apaisait. J’ai été très, très angoissée de la fin des Victoires jusqu’à la fin de l’album. J’avais vraiment des gros moments d’angoisse. C’est les seules choses qui m’apaisaient très, très fort.
Et aussi je tapais brown noise sur Spotify. C’est du bruit marron, je ne connaissais pas. C’est juste bien. J’écoute ça je pense une heure par jour. C’est hyper apaisant. Il y a des fréquences très, très basses. C’est comme quand tu es dans l’avion. J’arrêtais pas de dire que j’adorais voyager en avion mais non, c’est juste parce qu’il y a ce bruit tout le long qui t’apaise. Voilà. Les deux albums, je les ai écouté à fond parce qu’il me calmaient beaucoup. Quand je sens que je vais avoir des problèmes physiques de tension, je les mets et j’ai l’impression d’être dans un câlin de quelqu’un, dans un cocon.