Silly Boy Blue, une conversation autour de goodbye matters

Silly Boy Blue est présente depuis toujours sur La Face B et continuera à y trouver bonne place dans le futur. Logique donc que l’on retrouve Ana pour discuter de son dernier EP intime et bouleversant : goobye matters. On a parlé de sa création, de son histoire, de la vie et des fantômes qui nous accompagnent pour toujours.

La Face B : Salut Ana, comment ça va ?

Silly Boy Blue : Ça va très bien. Je suis un peu fatiguée, mais ça va. Mais je crois que je te dis ça à chaque début d’interview, je crois que je suis toujours fatiguée. Mais généralement, on se voit la journée alors que moi je ne suis pas fatiguée la nuit, donc c’est dommage.

LFB : Mais en même temps, si tu es fatiguée aussi, c’est parce que tu gères désormais tout ce que tu fais. Comment as-tu cette transition ? Parce que finalement, au-delà de la musique, tu as dû t’occuper des vidéos, de la promo.

Silly Boy Blue : J’ai des aides chouettes autour de moi. Mais je l’ai vécu comme une personne qui passe d’être en major à être en indé, c’est-à-dire que c’est très, très, très fatigant. C’est énormément de choses à gérer. Après, j’ai la chance d’avoir des proches absolument fantastiques qui m’ont filé des coups de main à plein d’endroits. Et puis d’être suffisamment control-freak aussi à d’autres endroits pour pouvoir savoir à peu près où je vais. Donc ouais, je suis épuisée. Mais en même temps, je n’ai jamais été aussi fière de sortir de la musique parce que ce sont mes masters à moi, donc c’est chouette.

LFB : Et puis d’avoir fait ton merch toi-même aussi.

Silly Boy Blue : Ouais ! Ça j’ai appris à broder parce que j’ai eu une nièce et du coup je voulais lui broder des petites choses. Et après j’ai commencé à broder d’autres choses. Et je me suis dit que j’avais envie de faire mon merch comme ça. J’avais envie de commander les mouchoirs et en fait je les ai faits moi-même parce que je ne dors pas. Donc je peux faire plein de trucs la nuit, dont broder. Je me suis dit que j’allais tenter comme ça, j’ai mis en vente et c’était sold-out très vite. Alors c’était très gratifiant. Mais ouais c’est cool de savoir ce que tu vends, à qui tu le vends, comment tu le vends. J’ai l’impression que tout est vrai d’un coup. Et ça, c’est cool.

LFB : Même les bougies que tu as faites.

Silly Boy Blue : Ça, c’était vraiment un délire avec une amie. On s’est dit : viens, on fait des bougies avec les saisons et les couleurs. C’est mon amie Caro qui est la reine du DIY. On s’est mis un après-midi et on a fait ça. Et ouais, rien n’est impossible avec elle, donc c’est ça que j’aime bien. Très bonne amie à avoir dans son trousseau d’amis fantastiques.

LFB : Pour parler de l’EP, je suis allé fouiller sur tous les articles que j’avais écrit sur toi. C’est marrant parce que l’article que j’avais écrit sur ton premier EP, je parlais déjà de l’idée de fantômes et de vivre avec eux. J’ai l’impression que cette idée, elle n’est jamais aussi vraie que sur cet EP là.

Silly Boy Blue : Complètement. C’est littéralement la thématique de cet EP. C’est aussi pour ça que j’ai rajouté des voix modifiées et qu’il y a cette idée dans les vidéos de grosse solitude, mais de plein de gens autour aussi. Et c’est exactement ça, c’est comment est-ce qu’on fait pour vivre avec quelqu’un qui n’est plus là. Et comment on traverse les saisons et les périodes de sa vie sans cette personne. En fait, elle est toujours là mais d’une autre manière. Et c’est exactement ça, c’est réapprendre à vivre avec à la fois l’absence mais aussi la présence d’un souvenir. Ce n’est ni quelqu’un qui n’existe ni quelqu’un qui n’existe plus. C’est un entre-deux un peu étrange. Et c’est comment se réapproprier tout ça.

LFB : Est-ce que t’as été un peu surprise par la nécessité de créer cet EP ?

Silly Boy Blue : Oui. Il y a plein de musiques que j’ai faites parce que c’est comme ça que je m’exprime mais celui-là, j’ai tout mis en pause pour le faire. Les maquettes du prochain disque, les manières dont je travaillais, j’ai tout mis entre parenthèses pour tout d’abord faire ce disque et ensuite passer mon permis. Ce que j’ai réussi à faire toute seule telle une grande fille.

J’ai eu besoin de le faire mais besoin par-dessus tout le reste. Et c’était non négociable. Ça m’a fait du bien de réussir à me dire : « j’arrête tout et je ne fais que ça ». Et je ne voulais pas écrire de morceaux pendant, je ne voulais pas travailler sur d’autres choses, travailler sur la suite. J’ai rouvert les sessions des nouveaux morceaux, enfin des prochains morceaux, quand j’avais terminé cet EP. Et je suis contente d’avoir vraiment fait un gros break d’un an là-dessus. Ça n’aurait pas été la même chose si je ne l’avais pas fait.

LFB : C’est intéressant parce qu’il a un côté très brut, mais en même temps j’ai l’impression qu’il se nourrit quand même vachement de tout ce que tu as fait avant. Du premier EP, du spectacle sur Lou Reed aussi. J’ai l’impression que cette pureté et le choix de limiter les instruments a énormément nourri et influencé la création de Goodbye Matters.

Silly Boy Blue : C’est marrant parce que depuis le début des interviews de cet EP, beaucoup de gens me disent que je suis revenue vers le premier EP, vers mon live, qu’on m’entend. Et en fait, je suis juste revenue vers ce que j’aime faire. Alors, je ne dis pas que je n’ai pas aimé être avec mon label pendant les deux albums. C’était très, très bien à plein d’endroits. Mais je suis revenue à ce que je faisais, aux raisons pour lesquelles je fais de la musique, c’est-à-dire faire ces sons-là, cette manière de composer.

Et il n’y a rien qui est plus cher à mes yeux que le premier EP, parce que c’est exactement la manière la plus innocente de faire de la musique, puisque j’ai commencé à le faire comme ça et que c’était juste un passe-temps. Je suis revenue à ça, à aimer faire de la musique et à le faire dans des circonstances que je maîtrisais pleinement, dans des timings que je maîtrisais pleinement, avec un entourage que je maîtrisais pleinement.

J’ai adoré à plein d’endroits le lâcher-prise d’être dans une major et d’être aidée par des gens et de me faire accompagner. Mais parfois, je me suis un peu moi-même perdue en chemin. Et là, j’ai retrouvé ce truc où de mon point de vue sur cet EP, je n’ai rien à jeter. Parce que c’est à ça qu’il devait ressembler. Je ne dis pas qu’il est bien ou qu’il n’est pas bien. Je dis juste que c’est exactement ce que je voulais qu’il soit.

LFB : J’aime beaucoup le titre de l’EP parce que je trouve qu’il dit beaucoup justement de ce principe de deuil et des au revoir qu’on ne peut pas forcément faire quand ça te frappe.

Silly Boy Blue : Au début, il devait s’appeler Songs for a dead friend jusqu’à très, très tard. Et j’ai changé d’avis parce que j’ai vu dans une story de Christine and the Queens, il a mis Goodbye Master, le jour de la mort David Lynch. J’ai passé la story vite et j’ai vu Goodbye Matters.

Et je me suis dit : « oh mon Dieu, mais c’est ça le nom de l’EP ». C’était plus positif aussi. Ça m’a fait réaliser que j’avais eu le droit de dire au revoir, que j’avais eu le temps de dire au revoir à la personne que j’ai perdue et que c’était le truc le plus précieux que j’ai eu de toute cette fin d’histoire. D’avoir le temps et d’avoir la possibilité d’éviter un milliard de questions, d’éviter un milliard de temps de deuil aussi à cogiter sur des trucs.

Moi, je suis arrivée à un endroit où j’étais en paix avec cette fin. Et ça, ça m’a évitée un an de plus de tourments. Et c’est une chance que peu de gens ont. Malgré le thème un peu lourd de l’EP, je voulais quand même dire que dire au revoir, même si c’est dur, parfois, c’est une grosse, grosse chance.

LFB : Et c’est nécessaire pour avancer.

Silly Boy Blue : Moi, je pense qu’honnêtement, ça m’a enlevée la moitié du deuil. Vraiment, c’est tellement de questions que j’ai pu poser, tellement de choses que j’ai pu dire, de derniers moments. C’est con mais on a fait un dernier Noël et c’était le Noël le plus joyeux du monde. Et maintenant, à chaque Noël, on se souvient avec ma famille de ces moments-là et on est trop contents. Si on n’avait pas eu ça, ça aurait été potentiellement horrible de faire Noël sans lui. Là, on se souvient qu’on s’est juste fait des énormes fous rires. Et j’ai des trop belles photos de nous ensemble à ce Noël et je suis trop contente. On le savait déjà, donc on a pu profiter aussi.

LFB : Cette idée de cycle saisonnier, c’est quelque chose que tu avais acté dès le départ ou c’est quelque chose qui est arrivé ?

Silly Boy Blue : C’est arrivé par hasard parce que j’ai commencé et j’ai écrit un morceau au premier été. Et puis je me suis dit : je vais me laisser un petit peu souffler après avoir écrit ce morceau. Le deuxième que j’ai écrit, il s’est trouvé qu’il était en automne. Et là je me suis dit que ça me semblait bien comme rythme et ça me semblait bien comme temps de deuil et de réflexion. Et au lieu de tout mettre dans le même panier, je vais attendre. Donc c’est à partir de l’automne que je me suis dit : je vais essayer de ne pas me pousser et de voir où j’en suis à chaque saison. Je les ai nommés comme ça dans mon ordi et je les ai gardés.

J’ai gardé les noms tel quel en me disant que ça marchait bien de les laisser pour voir l’évolution. Mais c’est venu un peu par hasard et je l’ai saisi direct. Sinon elles auraient toutes eu la même gueule les chansons. Je le sais parce que par exemple, automne j’en ai fait deux. Et il y en a une qu’on n’a pas gardée avec Paco (Del Rosso ndlr), mon producteur. On s’est dit qu’elles étaient pareilles. Trop identiques, les mêmes mots, les mêmes manières de voir les choses. Et ce n’était pas cohérent, donc je suis contente d’avoir pris le temps. Juste pour ça, pour voir l’évolution.

En vrai, tu vois le film Boyhood ? Ça m’a toujours fascinée. Ils ont pris le temps et ils l’ont fait pour de vrai. Et je me suis dit que j’avais envie de faire, pas la même chose parce que c’est sur du moins long terme, je n’ai pas envie de bullshit en faisant genre que je l’ai écrit en un an à chaque période. Non, faisons-le pour de vrai. J’étais en train de finir la tournée, j’avais du temps pour moi, j’étais en train de de rompre tous mes contrats, et ça prenait beaucoup de temps. Je me suis dit que pour une fois, j’allais faire un truc dirigé par l’artistique et pas par des timings ou de quoi que ce soit, qu’on allait le faire pour de vrai, de A à Z.

LFB : Ce qui intéressant, c’est que, peut-être même inconsciemment, j’ai l’impression que chaque chanson correspond à la saison dont elle parle.

Silly Boy Blue : On me l’a dit. Moi je ne m’en rends pas compte. Mais en même temps il y a une petite part de logique parce que tu vois par exemple Spring je l’ai écrite, j’étais avec une copine, on est parties ensemble et c’était les premiers jours de printemps. On était fin mars, quand on est parties toutes les deux. Il commençait à faire beau. Et on passait un peu nos journées à la campagne, un peu dehors. Mais en même temps, je faisais beaucoup de musique. Elle allait se balader. Et du coup, ça ne m’étonne pas qu’il y ait eu des influences de dehors. Parce que je suis juste une grosse plante, moi. C’est l’hiver.

LFB : Pour Spring, j’ai noté espoir et floraison.

Silly Boy Blue : Mais ouais. On allait se balader le soir dans un espèce de mini-village où il y a la mer à côté. Il n’y avait personne. Parfois, il pleuvait toute la journée. Et parfois, il faisait juste trop beau, il commençait à y avoir un petit peu des gens qui viennent le week-end. Et ça influence forcément. Tu vois, Winter, je l’ai écrite en full, full deep, gros moments de colère et tout ça. Ca ne m’étonne pas que ça se ressente aussi vachement.

LFB : Tu as l’impression que c’est quelque chose qui a été plus ou moins difficile à écrire que tes morceaux qui parlent d’amour ? J’ai l’impression que ces morceaux-là ne te concernent pas que toi, même s’ils parlent de toi.

Silly Boy Blue : Oui, complètement. En fait, comment dire ? Ça a été moins dur à écrire parce que les morceaux de rupture, je les écris souvent dans une grosse détresse et dans une incompréhension, dans des questionnements et des choses comme ça. Là, j’étais plus en maîtrise du truc. Ce qui a été dur, c’était de conclure le projet parce que le moment où j’ai arrêté d’écrire, j’avais en ligne de mire que le moment où j’arrêterais d’écrire, c’est que ce serait vraiment terminé. Et là, ça me gardait dans quelque chose de permanent et de continu qui me rassurait parce que la personne était toujours là avec moi d’une certaine manière et je n’avais pas fini mon histoire.

Et quand j’ai écrit Summer2, je savais que c’était la fin. Mais ça a été plus facile à écrire parce que j’étais plus en maîtrise de moi-même et de mes émotions. Le truc le plus dur, ça a été de sortir l’EP. Parce que déjà, j’avais très peur des critiques. Si on me dit qu’on n’aime pas sur mes disques de rupture, je suis en mode : let’s go, normal. Si on me dit qu’on n’aime pas ça, je tue les gens. C’est faux, mais ça me touche forcément beaucoup plus, parce que pour moi, même si c’est un amalgame débile, ça touche vraiment une grosse partie de mon cœur. Après, les goûts et les couleurs, on sait…

Non, ce qui a été dur, c’était de le chanter le jour de la sortie de l’EP. C’était moins dur de l’écrire que d’écrire des chansons de rupture.

LFB : Ce qui est marrant, c’est qu’effectivement, les chansons de rupture, ça s’arrête à un moment, mais ces morceaux-là vont continuer à vivre avec toi de toute façon, que tu le veuilles ou non.

Silly Boy Blue : C’est ça. J’étais contente, parce que je sais que la personne que j’ai perdue, c’était mon fan numéro un. Et c’était dur. C’est la première sortie que j’ai sans lui. C’était très paradoxal de sortir un disque sur cette personne qui, en temps normal, m’aurait appelé, envoyé des messages et tout ça. Et de ne pas recevoir ça, c’était assez spécial comme moment. Mais c’est la vie aussi. Et je suis contente qu’il existe toujours à travers ce disque aussi. C’est un peu comme dans Coco. Quand ils disent que tant qu’il y a quelqu’un qui se rappelle de toi, tu n’es jamais vraiment décédé. C’est un peu ça. Je me suis dit qu’il y aura toujours une petite Ofrenda par moi-même.

LFB : Mais ce qui est intéressant aussi, c’est justement l’idée d’écho entre Summer et Summer2. Le fait que tu reprennes le texte, mais qu’il n’y ait pas la même émotion qui en sort. Je trouvais ça très beau.

Silly Boy Blue : J’avais envie de faire une boucle. Quand j’ai terminé de faire Spring, je me suis dit : ce n’est pas la fin, ce n’est pas la fin de l’affaire, il faut quelque chose d’autre. Et du coup, j’ai repris le même thème, mais en le modifiant. Et je suis contente d’avoir fait ça parce que c’était à la fois une conclusion pour moi et une conclusion pour le disque, de reprendre le premier chapitre et de voir ce qui avait évolué depuis. C’est très, très premier degré ce que j’ai fait. Je reprends les mots et je dis où j’en suis maintenant. J’aimais bien le faire comme ça.

LFB : Et pour revenir à Winter, dans son écriture, est-ce que c’est un exercice de dissociation ? C’est un de tes seuls morceaux où tu n’utilises pas la première personne, mais où tu parles clairement de toi.

Silly Boy Blue : Ce n’est pas tant de la dissociation. Je ne sais pas trop comment expliquer l’écriture de ce morceau, mais j’étais un peu en mode genre : qu’est-ce qu’on fait après tout ça ? Et je ne sais pas, les paroles, comme si je parlais à quelqu’un, sont venues un peu naturellement. C’est un peu comme si tu racontais ton histoire à quelqu’un, comme si tu disais : attends mais tu te lèves, tu vas faire ça, tu vas faire ça et pourtant ça ne change pas. Qu’est-ce que tu fais ? Je ne donne pas des conseils à quelqu’un ou je ne parle pas à quelqu’un, j’ai l’impression que je me raconte moi. C’est un peu le morceau où je suis un peu au bout de ma vie. Et où j’ai justement, tu rentres de soirée et tu as envie d’appeler ta mère, mais en fait tu ne peux pas l’appeler. Et c’était plus le raconter à quelqu’un, que donner des conseils. Parce que c’est clairement mon histoire et mon vécu comme tu disais. Et c’était un peu un trop-plein et c’est le seul ton que j’ai trouvé pour montrer ce trop-plein-là.

LFB : J’ai beaucoup aimé la manière que tu as de traiter ta voix et de gérer l’intensité de ta voix. Il y a toujours eu un truc très dramatique dans ton interprétation, qui est présent mais d’une manière complètement différente. Quelque chose de beaucoup plus rentré et de beaucoup moins amplifié. Je trouvais ça très beau et je trouvais que c’est une belle évolution.

Silly Boy Blue : Ah bah c’est cool ! Je crois que j’avais moins besoin d’impressionner les gens dans cet EP. Il y a eu beaucoup de trucs que j’ai fait, de trucs un peu de « prouveuse » à plein d’endroits. Et ouais, là je n’avais un peu rien à prouver avec ce disque-là. Je le sais, parce qu’à la base je voulais le sortir sur Soundcloud un jeudi random. Et il se trouve qu’on n’a pas fait ça, ce qui est tant mieux.

C’est horrible, mais je l’ai fait pour moi cet EP. Je ne l’ai pas fait pour des gens, pour de la promo, pour de l’actu, je l’ai fait pour moi et pour la personne que j’ai perdue. Je n’ai pas fait 40 000 prises voix, je n’ai pas fait des prises voix en me disant : « est-ce que ça rendra bien sur vinyle ? Est-ce que ça rendra bien en radio ?. »

J’ai fait des prises voix en me disant « est-ce que ça me plaît ? Est-ce que c’est fidèle à ce que j’ai dans ma tête ? « Et ça s’est arrêté là. Il y a des prises voix notamment sur Spring où c’est moi dans la maison à la campagne avec mon micro de live. Et les petits glitchs qu’il y a, c’est moi qui ne sais pas régler un effet de volume et ça fait des glitchs. Et quand j’ai apporté ça à mon producteur il m’a dit qu’on allait garder tout ça. Il y a plein de faussetés, il y a plein de petits bruits et de trucs qui ne sont pas du tout maîtrisés. C’était soit ça, soit ça ressemblait à un disque. Et je n’avais pas envie que ça ressemble à un disque.

LFB : C’est un objet très connecté au réel.

Silly Boy Blue : Oui, voilà, c’est ça. Je n’avais pas envie que ça impressionne des gens. J’avais envie que ça soit réel.

LFB : Dans le film sur Bruce Springsteen, il y a vraiment cette idée-là aussi. Il aurait enregistré les sons dans une maison et il exigeait que le son qu’il avait enregistré avec sa cassette, son enregistreur un peu pourri soit le son de l’album.

Silly Boy Blue : Génial. Oui, il y a des trucs de ressenti où tu suis ton instinct et c’est le plus dur à faire, de se mettre dans cette position-là. En tout cas pour moi. De réussir à t’affranchir un petit peu de trucs que tu t’étais mis dans ta tête avant.

LFB : Et les voix masculines, c’est ta voix qui est pitchée ?

Silly Boy Blue : Oui. Ma mère m’a appelée et m’a dit : c’est qui sur le disque ? C’est moi, coucou.

LFB : Il y a ce truc aussi de liberté, de t’autoriser plein de trucs, et en même temps d’« hyper solitaire ». Il fallait que tout soit fait par toi, j’ai l’impression.

Silly Boy Blue : : Ouais, et puis il y avait ce truc, comme tu le disais, des fantômes. J’avais besoin de cet espèce de duo permanent, et ça m’aurait semblé aberrant de le faire avec quelqu’un d’autre. Ça n’aurait eu aucun sens d’inviter quelqu’un à chanter sur ce disque, sur une histoire aussi personnelle. Impossible.

LFB : Et est-ce que c’est aussi ce qui a dicté le minimalisme de la production et de la composition ?

Silly Boy Blue : Oui, vachement, parce qu’avec Paco, on avait envie que ce soit le plus vrai possible. Il y a des moments où Paco, même lui, me limitait en me disant qu’on n’allait pas aller plus loin parce que c’est ce qui me ressemblait. Et c’était intéressant parce que, dans ce disque, je trouve qu’il y a vraiment le mieux est l’ennemi du bien. Et on s’est vraiment basé là-dessus. Il y a des trucs qu’on a refait de A à Z, et il y a des trucs qu’on a laissé tel quel parce qu’on sentait… Je n’avais plus d’équipe, plus personne autour de moi. Et c’était nous deux maîtres à bord. Et c’était trop bien parce que ça nous a permis de nous écouter, et d’être encore plus proche qu’avant.

LFB : Oui, j’ai l’impression qu’elle est hyper importante cette relation-là, mais comme la relation que tu as avec Jeanne Lula Chauveau . Ce sont des gens qui te comprennent, qui ont leur savoir-faire et qu’ils le mettent à ton service.

Silly Boy Blue : Déjà, humainement, ce sont des gens avec qui j’ai une manière de communiquer qui m’est indispensable, qui est très saine, très belle, très douce et dans un respect absolu. Ce sont des gens avec qui on s’auto-challenge sur plein d’endroits. On se pousse dans nos retranchements mais toujours d’une manière hyper positive. Et ce sont des gens que j’admire énormément pour leur travail. On travaille avec plein d’autres gens différents et quand on se retrouve, c’est juste pour se mettre au service de l’un et de l’autre ou de l’une et de l’autre, ce qu’on a appris et ce qu’on va faire. Jeanne et Paco, ce sont des personnes en qui j’ai une confiance absolue et indéfectible. Ce sont des gens que j’aime de tout mon cœur aussi pour ça.

LFB : J’ai une question sur le visuel. Je me suis rendu compte qu’à part l’album d’avant, tu n’as jamais les yeux ouverts.

Silly Boy Blue : C’est vrai, ça. C’est marrant. En vrai, je n’ai pas d’explication. On a trié les photos avec Jeanne, j’ai vu cette photo, je l’ai zoomée, j’ai fait : c’est celle-là, elle m’a dit : ok. Elle était d’accord aussi, évidemment. Je voulais que ce soit une des photos de Londres de toute manière et je ne sais pas, elle représentait bien le disque pour moi tout simplement. Quelque chose que tu n’as pas envie de voir et tu vas te cacher les yeux mais en fait ce sont tes propres mains. Il y a un moment où tu vas les enlever, c’est sûr.

LFB : Une sorte de zoom intérieur aussi.

Silly Boy Blue : Oui, un truc très gros plan. Tu auras beau mettre toutes les mains devant tes yeux que tu veux, ce sera à l’intérieur de toi et tu le verras toujours. Pour moi, ça marchait bien. C’est une photo complètement par hasard d’une série à plein d’endroits qu’on a fait à Londres. Je ne sais pas, elle me plaisait beaucoup.

LFB : Tu as joué cet EP en live. J’ai eu l’impression que c’était très difficile pour toi. Est-ce que c’est quelque chose que tu as envie de refaire ?

Silly Boy Blue : Oui, je pensais que je ne le referais jamais, mais là on est en train d’essayer de le refaire. Déjà parce que j’ai vu à quel point les gens avaient aimé l’écouter en live et ça, ça me fait vraiment plaisir. Et puis parce que moi c’était difficile de le faire parce que c’était le jour de la sortie, j’avais reçu des nouvelles de la personne qui partageait la vie de la personne, avec des photos et tout ça. Je sais que tous les concerts que je ferais, ils seront sans lui maintenant et ça, c’est un peu dur. Mais en fait, c’était tellement beau comme moment et ça m’a tellement donné de l’amour. Plus je les fais exister ces morceaux, plus je suis heureuse. Si demain, il y en a un pour une raison qui m’échappe qui devient un tube mais je serais tellement ravie. Plus on les entendra et plus existeront. Et plus la mémoire de cette personne-là perdurera. Ce sont des clins d’œil de vie que j’aime bien. Donc je vais essayer de le refaire.

LFB : Ce serait quoi le lieu idéal pour le jouer selon toi ?

Silly Boy Blue : Une église. On essaie de faire ça, mais c’est compliqué. Ce serait bien dans une église. Pour plein de raisons personnelles, mais j’aimerais bien dans une église.

LFB : Est-ce que ça ne t’a pas « choqué » d’avoir un peu fait la bande originale de la BD de Mirion Malle de manière indirecte ?

Silly Boy Blue : Et du livre de Rebeka Warrior. En fait, on s’est vus parce que ce sont des amies. Et quand Mirion m’a donné son bouquin, j’étais genre : ma belle ! C’est mon EP. Et quand Julia m’a donné son livre et qu’on en a parlé après… On s’est vues à une soirée toutes les deux, et elle dit : Ah, j’ai trop aimé ton morceau, il est bien. Moi je lui ai dit que son livre, c’était peut-être l’un des meilleurs livres que j’avais lus de ma vie. Et elle me demande comment va la sortie, les premiers titres. Donc je lui dis que oui mais la promo est un peu dure parce qu’on parle quand même du deuil et tout. Elle m’a regardée, elle m’a fait, tu ne veux pas qu’on fasse des conférences de presse toutes les deux comme ça, on répond l’une et l’autre aux questions ? Et j’ai fait, let’s go.

Mais ouais, ça m’a fait vraiment bizarre d’avoir ces deux œuvres de deux personnes que j’aime énormément et dont j’aime le travail depuis des années, sortir sur le même sujet en même temps. Et c’est parfois les mêmes phrases. Mais ça m’a aidé, vachement aussi, parce que déjà tu ne te sens pas seule. Tu sens que tu as des gens qui ont vécu la même chose que toi autour de toi, et c’est beau. C’est beau parce que tu le lis à travers d’autres gens. c’est pour ça aussi que j’ai fait cet EP, c’est pour moi dans un premier temps et dans un second temps pour aider des gens. Du coup fatalement, il y a d’autres œuvres qui m’aident, et ces deux œuvres-là on en fait partie de zinzin.

LFB : Si tu devais choisir cinq films à mettre à côté de ton EP, tu choisirais quoi ?

Silly Boy Blue : C’est cinq maintenant ? J’aime beaucoup. Alors déjà, je mets Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Pour toujours et à jamais. Et puis en plus ça marche très, très bien avec ce film d’une autre manière parce que c’est sur le manque mais d’une autre manière. After Sun. Celui là, tu le regardes pour un moment où ça va. Voilà, c’est mon seul conseil. Julie en 12 chapitres. Si on peut mettre des séries, je mets Normal People dedans. Et puis Fleabag.

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