La plus belle déclaration d’amour de cette année, et on sait à quel point on en a besoin actuellement. Le duo electro punk Sneak Peek a sorti fin janvier son premier EP The Violence of Your Eternal Love, comme un cri du coeur déchiré. Entre le mystique, la passion, mais aussi énormément de rires et de tendresse, on a eu l’occasion de rencontrer un couple créatif et ultra touchant. On discute symbolisme, chorégraphies chelous, et surtout de X Files.
Crédits: Lucie Travaillé (@fruit.amer)
LFB: Salut Sneak Peek ! Comment allez-vous ?
Ensemble : Oh super !
LFB: The Violence of Your Eternal Love est votre premier EP sous Sneak Peek, mais est loin d’être votre premier projet. On va refaire un peu la chronologie de votre histoire si ça vous va. Cet EP c’est avant tout une histoire d’amour, comment et quand vous êtes-vous rencontré ?
Rémi : On s’est rencontrés à travers la musique, en 2007 je crois ? C’était l’époque de Myspace, on suivait nos groupes respectifs ! Grâce à une recherche de genre et de lieu, je suis tombé sur le groupe de l’époque d’Emilie : Pschiiiitt, un super groupe ! On a commencé à discuter et Emilie est venue me voir en concert au Batofar, ou plutôt est arrivée à la fin du concert (rires).
Emilie : Oh la oui j’avais tout foiré, j’ai raté tout le concert (rires)
LFB : Et tu as fait genre que tu as tout vu ?
Emilie : J’étais trop grillée ! Rémi m’a vu demandé au groupe sortant s’il avait déjà joué…
Rémi : Ensuite, s on s’est mis ensemble six mois/un an plus tard, le temps que l’histoire se crée. Immédiatement on a monté un groupe : Bois Noir. Un duo dark folk électronique pendant 4 ans, dont 2 ans avec Ludo notre bassiste. Et puis Emilie est tombée enceinte en 2014, on était jeunes parents, Ludo a ouvert un bar… On avait aussi l’esprit sur différents projets, un peu dispatchés, alors on a un peu laissé ça de côté…
LFB: Après ou pendant le duo Bois Noir, vous êtes consacré à des projets musicaux plus personnels. Émilie tu avais en parallèle Warsawwasraw.
Emilie : Oui c’était la même époque que Bois Noir ! Mais le projet s’est arrêté aussi.
Rémi : Du grindcore, je suis fan de ce groupe, j’écoute encore !
Emilie : Mais après j’ai fait quelques compos, dont Rémi a fait la prod, mais que je n’ai jamais sorti puisque je ne les assumais pas. C’était du français, et c’est une langue très dure à utiliser… Je sortais de l’hôpital, je n’avais pas encore tout digéré. C’était trop de charge émotionnelle.
LFB: Toi Rémi tu es devenu Apollo Noir, DJ électro, et tu as fondé ton propre label Santé Records, ça venait d’où ce besoin ?
Rémi : J’ai toujours évolué dans une scène plutôt alternative, et les labels ont une part super importante dans tous ces milieux undergrounds. J’ai toujours eu cette envie, mais j’avais peur de la charge de travail, du pourquoi et du comment. Mais vers 2017, quand j’ai créé Apollo Noir j’ai commencé à côtoyer de plus en plus d’artistes qui devenaient des amis. Dont Clément, ou plutôt Botine, et l’idée a germé à nouveau. On a reçu un disque de potes : QDRPD, ils venaient de se faire refouler de leur label initial. Le disque était mortel, alors avec Clément on s’est lancé, c’était l’opportunité ! Santé Records, c’est vraiment une ambition super DIY, punk, l’argent n’a aucun intérêt, on s’en fout de vendre. On essaye de garder une dynamique super fraiche, comme des ados (rires).
Crédits: Lucie Travaillé (@fruit.amer)
LFB: Et aujourd’hui vous revenez à vos premiers amours et recomposez ensemble. Pourquoi maintenant ? Pourquoi en 2020 ?
Rémi : Et bien ça nous a pris du temps au final… C’est un concours de circonstances, d’étapes qui nous emmenées là. Au cour de ces années on a jamais arrêté de faire de la musique ensemble, mais on ne savait pas exactement ce qu’on voulait faire, et puis on avait nos projets persos. Mais on avait cette énergie qui nous poussait à faire quelque chose de commun.
Emilie : On avait fait un projet pop disco avec un ami qu’on a présenté à encore un autre pote de Pan European. Et il a pas compris. Il a pas compris pourquoi j’avais arrêté de crier dans un micro (rires). Mais du coup on s’est regardé, et on a compris que oui en fait, il fallait aller à l’essentiel ! Et on a lancé un nouveau projet (rires)
Rémi : Sneak Peek, c’était vraiment une démarche spontanée, libre, une volonté d’être nous-même.
LFB: C’est quoi l’origine du nom Sneak Peek ?
Emilie : Aperçu. C’est encore une histoire d’hôpital psychiatrique ! (rires) En fait j’ai eu un état de conscience modifié. En quelque sorte j’ai entraperçu une autre réalité.
Rémi : Il y avait un besoin d’exprimer cette expérience… Parce que « la vérité est ailleurs ». (rires)
LFB: La pochette est un condensé de symboles mystiques : le caducée, la main de fathma, la croix ankh, l’ouroboros… Pourquoi ce choix de symboles ?
Emilie : On peut faire plein d’apprentissages avec ces symboles, ils expliquent beaucoup de choses. Tout ce qui est de l’ordre du spirituel, l’ésotérisme, la géométrique sacrée… m’intéressent beaucoup.
LFB: C’est vrai que cet univers très witchy/ésotérique vous le cultivez à fond sur votre instagram, qu’est-ce qui vous inspire en général ?
Rémi : Je pense que cet univers « dark », pour dire les choses grossièrement, nous attire naturellement. Mais c’est pas gratuit. Elle est issue de notre adolescence où l’on écoutait beaucoup de death metal ou de choses du genre. C’était le cheminement logique. Mais toi Emilie tu as un côté plus lumineux.
Emilie : Moi c’est plus le côté spirituel, l’invisible. On perçoit certaines choses, mais il y a aussi sans doutes aussi des choses que l’on ne perçoit pas dans notre réalité. Comme les ondes WIFI par exemple, on ne les voit pas, mais elles existent.
Rémi : Mais on a aussi un côté très décalé et second degré. On est jamais trop sérieux non plus !
Emilie : Non on ne fait pas de cérémonies rituelles ! On aime juste cette esthétique, parce que la vérité est ailleurs. (fous rires)
Crédits: Lucie Travaillé (@fruit.amer)
LFB: The violence of your eternal love…. C’est la déclaration d’amour la plus gothique que j’ai jamais entendue ! Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Rémi : On est tous les deux de grands romantiques, et l’amour c’est assez violent en fait… Il y a quelque chose de total, et du moment où c’est total ça englobe tout, ça aspire tout. Et cet amour est éternel puisqu’il est à vie, et ce qu’il y après. Sneak Peek est très lié à nous deux et l’amour qui existe à travers nous.
Emilie : Donner une opposition, des idées contraires, renforce pour moi cette vision d’amour extrêmement fort. Et tu peux le voir de deux manières différentes… Tout dépend du point de vue où tu te places. Mais dans tous les cas, ça parle d’intensité.
LFB : Vous avez tous les deux apporté vos univers musicaux très éloignés pour en faire ce mariage punk electro ultra reconnaissable. Quelles sont vos inspirations sur cet EP ?
Rémi : C’est sûr que c’est vaste… Mais on peut citer Cocteau Twins, My Bloody Valentine évidemment, Kanye West qu’on adore tous les deux. Notamment sur le disque Yeezys qui est assez distordu, ça nous avait complétement scotché à sa sortie.
Emilie : On peut citer les incontournables aussi : Sonic Youth, Nirvana, The Kills, Patti Smith… Ce sont vraiment les références principales.
Rémi : On a un côté grunge, avec du digital plus moderne qu’on ne pouvait pas avoir à l’époque du grunge. Moi j’ai l’impression qu’en fait, on fait de la musique de MTV d’aujourd’hui. Sauf que MTV n’existe plus. (rires)
LFB : L’album est d’une ambiguïté folle. On passe de morceaux extrêmement sombres et profonds à des titres assez véhéments, ou la douceur de la voix qui se fracasse en fin de phrases… Quelle histoire avez-vous voulu raconter ?
Rémi : C’est la spontanéité qui nous a emmené à faire tout ça. On s’est pas dit qu’on voulait emmener un morceau super happy ou super dark, on est juste fait de contrastes, comme tout le monde. Et puis Emilie s’est complètement lâchée quand on était au studio, je pense que ça a bien accentué cette puissance ! Elle voulait toujours mettre plus de disto, et c’est vrai que ça marchait bien alors il fallait qu’on l’amplifie !
Emilie : Quand on est tous les deux et qu’on compose, on y va de façon très primitive. On voit au fur et à mesure, sans idées en tête, et on bricole. Et en une journée ou deux le morceau arrivait. On aime composer dans l’instant. Et puis soyons honnêtes, aujourd’hui on a des contraintes de temps à cause de nos activités et on a pas le temps de se faire un mois de studio. On va à l’essentiel.
LFB: En écoutant l’EP j’avais vraiment l’impression de ressentir une envie de mettre en valeur la voix d’Emilie avec ces instrus épurés mais terriblement efficaces, comme une vraie déclaration d’amour.
Rémi : Ah mais moi je trouve qu’elle a une voix tellement dingue, c’était normal qu’elle soit mise en avant ! Elle a de l’attitude, alors tout de suite ça prend beaucoup de place. Il y a pas besoin d’en faire des caisses. Quand il y a une chanteuse comme ça, le plus important c’est la voix. Moi je voulais rester plus discret , c’est elle la lead ! Dans les clips elle sera toute seule !
LFB: Vous avez d’ailleurs fait un clip canon aussi pour le titre éponyme, vous avez trouvé la forêt de Blair Witch ?
Emilie : On était en pleine période film d’horreur-chocolat durant le confinement, on s’est englouti Midsommar, les deux versions de Suspriria… On avait pas les moyens de faire une super prod de réals, alors encore une fois on est allé à l’essentiel ! Au portable, filmé par Rémi. Et je me suis dit que ce serait trop marrant un projet film d’horreur style Blair Witch, dans les bois en Auvergne…
Rémi : On a filmé ça dans les Bois Noir en Auvergne. On y revient…
Emilie : On a voulu faire une chorée à la Suspiria, une chorégraphie un peu expérimentale… Mais je fantasme qu’il y ait plein de gens qui fassent les mêmes mouvements que moi en même temps (rires) La Britney Spears underground ! Parce que la vérité est ailleurs. Quelle bande de relous (rires)
LFB: Choix original, pas de vinyles mais des K7, vous avez un rapport particulier avec cet objet ?
Rémi : D’abord on adore les cassettes, quand j’écoutais de la musique ados ça se passait sur cassettes. Spécifiquement pour Sneak Peek, Adriend Durand, qui a le webzine Le Gospel et qui est attaché de presse pour Santé Records, a adoré le disque et a voulu éditer une cassette. C’est donc grâce à lui ! Et pour les vinyles, en ce moment il faut des délais fous, 4-5 mois! Pour un projet aussi petit et crée dans l’immédiat, ça n’a pas de sens. On a fini de le mixer un mois avant la sortie ! Alors fuck le vinyle, on est resté sur la cassette. La dynamique est plus cool, Adrien a fait ça tout seul, une de ses potes a fait les impressions, ça rejoint cet esprit potes et DIY. Notre philosophie !
LFB: Et histoire de casser le délire, c’est quoi votre morceau Guilty Pleasure ?
Emilie : Le problème c’est qu’il y en a beaucoup…
Rémi : Le mien, c’est grâce à ma fille.
Emilie : Lolita ?
Rémi : Mais non, Lolita c’est classe ! Enfin presque. Je parlais de la chanson de la Belle et la Bête. (Emilie commence à chanter) Je déteste la version française, mais l’original elle me touche trop ! Super romantique cette chanson…
Emilie : Oui je sais pas si c’est honteux mais j’écoute des trucs uuuuultras mainstream, et même Rémi ça le choque. Il me regarde désespéré: « Mais d’où tu écoutes ça toi…! » Mais j’ai toujours pas lâché Shallow avec Lady Gaga, je chante à fond !! J’aime bien aussi LP, Shine bright like a Diamond de Rihanna, mais je trouve pas ça si honteux moi ! Mais c’est sûr que ça a rien à voir avec de l’indé…
LFB : Et vos belles découvertes musicales ?
Emilie : Moi j’adore Silly Boy Blue que j’ai découverte grâce aux Inouïs, qu’elle a gagné d’ailleurs. J’aime cette pop, ce qu’elle dégage. Et puis Rémi a produit cet album, c’est aussi un peu grâce à lui que je la connais.
Rémi : Oui elle est vraiment intéressante pour la pop actuelle ! Souvent c’est très « français », mais elle, elle a quelque chose de très international.
LFB: Un immense merci !