Sorry se métamorphose sur COSPLAY

Pour son troisième album, Sorry dynamite à nouveau les frontières de la pop expérimentale. Avec COSPLAY, le groupe londonien passe d’un rôle à l’autre, mêlant sensualité, angoisse, chaos et éclats de lumière. Un disque dense, audacieux, où chaque titre réinvente le précédent sans jamais perdre son intensité émotionnelle.

Mine de rien, Sorry signe déjà son cinquième album. Le groupe londonien, révélé deux ans avant le Covid, continue d’affûter son geste avant-gardiste, mais toujours avec cette accroche pop qui leur colle à la peau. Sur COSPLAY, Sorry joue à se métamorphoser, à enfiler des masques émotionnels, à brouiller les contours pour mieux toucher au cœur. Dès l’ouverture, Echoes signe la promesse d’album qui nous arrache du réel pour nous projeter dans un univers parallèle. Rien, à la première écoute, ne semble égaler ce premier titre ce qui crée une forme de frustration fascinante. Tout, absolument tout, intrigue. On se laisse embarquer, comme happé par ce COSPLAY qui nous oblige à changer de rôle à chaque piste.

Jetplane embraye avec un rythme post-punk bondissant, un saxophone nerveux, un souffle presque anti-glamour qui sabote volontairement l’image de la pop star. Puis Love Posture vient installer la grande peur qui traverse l’album : ce vertige du désir, de la perte, de l’abandon. Sorry y explore une sensualité intense, presque animale. Antelope est une ballade gracile avec une guitare douce, des cordes tremblantes laissant apparaître une émotion qui fissure sous la surface… Cette fragilité touche droit au cœur.

Avec Candle, Sorry plonge dans un cabaret rock sombre, un titre terrifiant et sexy à la fois, où se mêlent désir et désespoir. Puis arrive Today Might Be The Hit, moment d’ironie pure sur l’obsession des artistes à vouloir créer le morceau parfait. Son énergie garage, son grain joyeux et son chaos final apportent un souffle nouveau. Mais la noirceur revient vite : Life In This Body frappe fort, profondément triste sans jamais tomber dans le mièvre. On pleure presque sur nos propres doutes. Le dialogue entre le guitariste Louis O’Bryen et celle d’Asha Lorenz renforce la vulnérabilité poignante du morceau.

Sorry repart dans la sauvagerie avec Waxwing, : synthés agressifs, rythme dansant, paroles allusives autour d’un “Mickey” fictif qui est clin d’œil pop sur un fantasme voir une hallucination. La folie continue sur Magic, comptine ensorcelée où le titre devient incantation. Piano grave, atmosphère brumeuse, croyance inconditionnelle en quelqu’un qui n’existe peut-être pas : Sorry nous perd, mais doucement, avec élégance.

Into the Dark enfonce le clou avec son atmosphère lourde appuyé par un brouillard de pédales et une voix qui glisse dans l’ombre : “The Dark sings out for you”. Sorry devient une force obscure assumée, presque mythologique. L’outro JIVE embrase tout avec cette montée électronique qui navigue à la fois autour de la R’n’B et de l’indus. Comme si le groupe dansait sur ses propres peurs pour enfin s’en libérer. C’est une belle fin à couper le souffle.

Et alors, pourquoi Echoes semble-t-il être le titre ultime de COSPLAY ? Parce qu’il en est le filtre, l’aura, l’essence. Le reste n’est pas pour autant en retrait, c’est même l’inverse. Chaque morceau regorge d’idées, d’émotions, de sensualité, d’humour noir. Mais Echoes rassemble tous ces visages. Il les reflète, les amplifie, les transcende, comme un miroir déformant qui nous ramène à l’origine de cette épopée : la peur du vide créatif, la perte de confiance en soi, et la beauté de s’y confronter.

Avec COSPLAY, Sorry signe son meilleur album, sans doute l’un des plus sous-cotés de 2025. Chaque titre, pris individuellement, possède une invention folle et une profondeur unique. Ensemble, ils forment un labyrinthe obscur, pulsant, puissant, qui joue avec les codes de la musique pour mieux nous capturer, menée par un quintet qui maîtrise son art. Cet album ne se dévore pas : il se déguste lentement et intensément. Il parlera à tous les artistes, jeunes ou expérimentés, perdus ou en doute car COSPLAY est, au fond, la bande-son de nos métamorphoses.

Coup de cœur de l’album : Echoes, Jetplane, Today May Be The Hit, Waxwing, JIVE

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