Retour sur Sous un Soleil Enorme le dernier album de Bernard Lavilliers. Le chanteur signe un 22ème album poétique et plus intime que d’habitude.
Sur la pochette de son 22ème opus, Bernard Lavilliers affiche son visage en gros plan sur ton noir et blanc. Une posture qu’on retrouve sur ses nombreux albums et plus particulièrement encore sur If sorti il y a presque trente cinq ans maintenant. Cette fois, pas de poing fermé mais ses mains entourant son regard comme un objectif sur le monde. À travers sa lucarne, on retrouve les yeux curieux et l’âme vagabonde du chanteur laissant deviner qu’il revient nous compter ses derniers tours d’horizons.
Pour ce nouvel album, ses tours d’horizons justement commencent en Argentine au début de l’année 2019. Le chanteur n’y était, étonnamment, jamais allé avant et va passer trois mois à explorer ce territoire ardent dessinant ainsi les conteurs de Sous un Soleil Enorme.
Les onze titres qui le composent traverse cette Argentine qu’il a tant fantasmé mais traitent également de la pandémie mondiale qui ne l’a pas épargné non plus, le poussant à raccourcir son voyage plus vite que prévu. Ses paroles qu’on peut aussi appeler ses poèmes se mêlent, plus qu’à l’habitude, aux musiques qui les accompagnent. Chaque chansons nous plongent dans une histoire et on s’imagine à un comptoir, écoutant ce poète revenant de voyage s’insurger contre notre société.
Guitares et percussions battent le pouls de Cœur du monde, qui vient ouvrir l’album. Bernard Lavilliers affine ses mots pour dresser le constat de notre terre. Son instinct et sa curiosité l’amène à saisir ce qui l’entoure : « C’est juste après la guerre, on est dans l’entre deux. On attend la prochaine, la dernière la certaine. » On ne peut qu’admirer, comme toujours, sa force d’observation sur le monde au point d’en voir de troublantes prémonitions.
Piéton de Buenos Aires nous embarque elle dans un périple au cœur de la capitale. Ce titre qui semble être comme une balade, le regard vif et les pas rapides dans la ville laisse aussi transparaitre un côté plus intime du chanteur « Je sais que je n’ai rien compris mais cette odeur m’ait familière comme un secret jamais écrit ». Il n’avait pas d’autres choix que d’aller y vivre et de ressentir lui même le bouillonnement de la ville pour réussir à nous le partager.
Si le poing n’est pas fermé sur la pochette, Bernard Lavilliers ne laisse pas ses combats de côté pour autant. La chanson Beautiful Days vient pointer avec une bonne dose de cynisme la gestion de la crise et notre société. Le chanteur se décharge dans les couplets de ces années enfermées sur une musique qui fait facilement penser aux rythmes qu’on retrouve dans celles des cirques. Ils viennent se heurter au refrain totalement mielleux et ironiques des beaux jours.
On découvre avec beaucoup de plaisir deux chansons en collaboration avec la nouvelle génération. Je tiens d’elle, duo avec le groupe Terrenoire récemment récompensé aux Victoires de la Musique. Tous sont originaires de Saint-Etienne et rendent hommage à cette ville qui les a vu grandir mais dont ils ont du s’éloigner pour s’épanouir. Il y a également une reprise en français de Bob Dylan qui donne le titre Qui a tué Davy Moore ? avec Eric Cantona, Hervé, Izia et Gaëtan Roussel.
La très jolie balade L’ailleurs vient fermer le disque. Elle nous plonge dans les interrogations du chanteur mais de façon douce et lumineuse nous laissant rêveuse à la fin de l’écoute du disque. Sous un Soleil Enorme n’est pas l’album le plus étonnant musicalement de Bernard Lavilliers mais on y retrouve tout ce qu’on aime chez lui. Un poète, un éternel Blaise Cendrars, jamais rassasié de voyage et de vers qu’il sait parfaitement rendre magique en musique.