Stav, conversations à contretemps

Quatre ans après Musique de Supermarché, Stav offre un nouveau reboot à sa musique et présente son premier album : Contretemps. 10 morceaux de pop à la fois rythmés et introspectifs qui risquent de vous surprendre, vous émouvoir et vous faire danser (avec une petite larme sur la joue).

stav contretemps

Contretemps : en solfège rythmique, on appelle contretemps une note attaquée sur un temps faible, et suivie d’un temps fort occupé par un silence.

Contretemps : Évènement, circonstance qui s’oppose à ce que l’on attendait.

Si l’on pense la musique de Stav a travers le titre de son premier album, on pourrait voir dans sa carrière un grand contretemps. Jamais là où on ne l’attend vraiment mais toujours prêt à nous surprendre, Stav a pris le temps du voyage, des détours, des culs de sac aussi pour arriver à délivrer ces dix titres qui forment Contretemps.

Comme dans un jeu de rôle où l’on gagne des niveaux, en perdant parfois des points de vie, Stav a grandi à chaque étape, a développé son mana pour arriver à un point d’ancrage assez évident : une musique qui lui ressemble pleinement, sans avoir besoin de se cacher derrière une image, un tempo élevé ou une pointe de cynisme.

Tous ces éléments, ces boucliers, Stav les a utilisé pour mieux s’en débarrasser et s’offrir un album aussi surprenant qu’évident, organique et pop, bien aidé dans cette aventure par ses camarades de jeux, Titouan, ATOM et Chahu.

Contretemps c’est une conversation plurielle qui se joue à plusieurs niveaux.

Une conversation avec la musique

Faisons ici une memento et commençons par la fin : Collège. De part sa tonalité, son écriture et son interprétation, c’est un morceau de fin absolument parfait. Mais comme la vie des plateformes fait des albums des grandes boucles, il est aussi un morceau qui ramène au début, nous faisant explorer Contretemps d’une manière complètement différente.

Car ce morceau, permet de mieux comprendre ce qui nous a mené ici : à travers Collège, c’est un petit deuil qui se fait, celui d’une ambition de célébrité, d’un succès fulgurant (et pas forcément salvateur) tout en renforçant ce qu’est la relation à la musique : une histoire d’amour, une flamme qu’il ne faut pas laisser s’éteindre.

Collège est le dernier morceau composé pour l’album, il en est autant la quintessence que le bilan. Musicalement et thématiquement, il fait aussi écho à deux morceaux particulier de l’album : CPT et Meilleur Ami, placé au début et au milieu de Contretemps. CPT et son tempo en mouvement permanent et Meilleur Ami et son rythme qui claque, une sorte de trinité qui se vit thématiquement (le rapport à soi, aux autres et à la musique) et musicalement et qui jalonne l’album comme des points d’ancrages.

Cette conversation musicale, elle pourrait se résumer à une citation de Fight Club ( Benjamin & Stav, Jack et Tyler : même combat) :  » C’est seulement quand on a tout perdu qu’on est libre de faire tout ce qu’on veut.« 

Cette phrase, elle prend tout son sens lorsqu’on prend un peu de hauteur sur l’album. Car effectivement, Contretemps est un album qui permet à Stav de faire tout ce qu’il veut musicalement : des morceaux purement pop que ce soit dans la progression ou la structure couplet/refrain (Beau Chez Nous, Meilleur Ami), des morceaux plus expérimentaux ou sombres ( CPT, Cassé, Des jours) et même un morceau où il mélange un rythme de bossa avec un flow rappé et des vibes r’n’b (l’excellent Promesses en compagnie de Brö).

Avec Contretemps, Stav ouvre les vannes, s’autorise tout un tas d’explorations, tout en gardant une sonorité qui se répond d’un morceau à l’autre, guidé par une volonté très organique et une sonorité de basse assez forte qui permet aux 10 morceaux de trouver une cohérence inattendue.

Stav converse avec la musique, il la laisse s’exprimer, le surprendre et prendre vie facilement, avec des BPMs différents, des intensités qui fluctuent et qui laisse parler les émotions. Car l’autre grand point de Contretemps, c’est cette introspection totale qui vibre dans chaque morceau.

Une conversation avec soi même

Si Musique de Supermarché ouvrait doucement la porte à ce regard sur soi, les morceaux qui composaient l’EP utilisaient toujours certains remparts pour éviter de ce se confronter de manière frontale aux sentiments qui peuvent assaillir Stav.

Ce n’est plus le cas ici, il suffit de voir CPT, morceau d’ouverture qui ressemble à une conversation face à un miroir. Une sorte de logorrhée verbale qui se laisse traverser par la peur, la colère, la jalousie et l’incompréhension jusqu’à perdre son souffle et devenir une sorte d’appel à l’aide pour soi ou les autres.

L’intérêt dans ce morceau, c’est aussi la bascule des pronoms, partant du tu pour arriver fatalement vers le jeu et l’acceptation du mal-être qui porte son nom comme une sentence : la dépression.

Un mot qui frappe mais que Stav semble vouloir désamorcer en s’exclamant de suite « Tout va bien » au début de Dancefloor. Un mantra qui se répète et qui pourtant perd en force au fur et à mesure du morceau. Dancefloor c’est le corps qui tangue, le bordel permanent que l’on utilise pour fuir le réel, masquer la peine.

La peine, elle prendra une tournure assez directe avec Des Jours, morceau sombre qui plonge dans les affres des humeurs variantes et des grands moments de flemme qui cachent des souffrances qu’on ose que trop rarement partager comme le fait Stav dans le morceau et qui trouve une porte de sortie intéressante avec Cassé qu’il partage avec Chahu.

L’introspection, elle passe aussi par se confronter à ce qu’il peut y avoir de meilleur en soi. Ainsi, un morceau comme Meilleur Ami vient apporter une sorte de vibration positive, à la fois drôle et pleine de non-sens dans laquelle Benjamin laisse parler Stav pour mieux se rappeler tout ce qu’il lui doit. À la fois ange et démon, ce personnage qu’il s’est créé lui permet malgré tout d’avancer dans l’existence et de s’autoriser des choses qu’il n’oserait pas sans lui.

Et malgré tout, le morceau cache ici et là des petits pierres de noirceur qui viennent contrebalancer le tout.

Toute cette aventure trouve forcément sa conclusion dans Collège, morceau bilan dont on vous parlait plus tôt, mais avant ça, les émotions se cristallisent dans Couleur à Toi, morceau dans lequel il nous rappelle qu’il faut trouver ce qui nous fait vibrer et s’y tenir.

Mais dans toute cette histoire, on n’aurait pas oublier un élément central de Contretemps ? L’amour bien évidemment !

Conversation avec l(es)’amour(s)

Car au fond, Contretemps, c’est avant tout un grand album sur l’amour. Positif ou négatif, le sentiment qui nous rend le plus vivant est présent en filigrane tout au long de ces dix chansons.

Qu’il soit sous respirateur (Beau chez nous), foncièrement positif et brûlant (Promesses), complètement mort (Dancefloor), ou un peu malsain par moment (Cassé/Réparé), qu’il s’adresse à soi même (Meilleur Ami) ou à la musique (Collège), l’amour est un élément qui vibre et qui fait vibrer tout l’album. Il va forcément de paire avec l’introspection dont on parlait au dessus, comme si il était nécessaire de plonger en soi et de s’analyser complètement pour pourvoir arriver à aimer correctement.

Vous l’aurez compris, sous couvert d’un album de pop varié et parfaitement produit (ce qui est déjà énorme), Contretemps est un album à tiroirs, traitant de ses sujets avec recul et intelligence, bien aidé par une écriture précise entre référence, humour et sérieux mais toujours avec une sincérité qui perce le cœur.

Le chemin était sans doute rempli de contretemps, mais il a mené Stav à un premier album brillant et addictif que l’on ne peut que vivement recommander.

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