On avait laissé SÜEÜR fin 2020 en plein bad. Un début de carrière flinguée par un putain de virus et un bouillonnement intérieur qui ne pouvais plus s’exprimer. Deux ans plus tard, Théo Cholbi est désormais seul à la tête du bateau SÜEÜR et dévoile Ananké, un projet qui remet le destin sur les rails de la colère et des espoirs.
Lorsqu’on écoute la musique de Théo Cholbi, on a toujours un temps de latence. Face à des émotions à vifs et une écriture brûlante, il nous est souvent compliqué de poser des mots définitifs, de concentrer une pensée et une « chronique » qui ne parte pas dans tous les sens. Car la musique de SÜEÜR, elle part dans tous les sens, se permet toutes les explorations, toutes les outrances et toutes les folies.
Pourtant, dans ce feu qui apparait devant nous, se cache dès les prémisses un indice, une idée qui habite tout ce nouvel album : « si tu n’as pas de failles, par où passe la lumière ? ». C’est ce que nous chante Théo dans Faille, et c’est finalement tout ce qu’est Ananké. Un combat permanent entre le dark et le lumineux, entre la colère et l’apaisement, entre la rage et les espoirs.
Ce morceau qui intervient au début de l’album, est le guide, la première bribe de lumineux dans un album qui commençait de manière volontairement sombre. Ananké, c’est le destin et SÜEÜR s’y confronte volontairement dès le départ. Ego-trip hip-hop, flow ciselé et vision d’un monde qui ne lui convient pas, Verre de Prose et LAVIEVEUTMFAIRE nous entrainent dans un univers sombre et presque clinique à l’excès.
Ces deux morceaux ont des allures de test, comme si il fallait passer cette première montagne pour aller au cœur de la mine, traverser les nuages et les première turbulences pour se diriger vers Faille. Le morceau est une sorte de transition, porter par une rythmique presque boom-bap autour duquel est créé des nappes électroniques et la voix de Théo qui se fait volontairement plus chantée, s’amusant même avec des effets pour la transformer à l’envie.
Dans ce premier quart ce joue ce que l’on vivra ensuite : un monde en mouvement, surprenant et fort qui nécessite une écoute attentive et un respect à la musique mais aussi à la parole de SÜEÜR.
Saragosse et Arrêt d’urgence freine le rythme de manière presque brutale, préfère le texte, le jeu sur les mots et une production bien plus organique et rock. Impossible de passer à côté des orchestrations cinématographiques et des sons de guitare. À travers son regard, c’est le monde que Théo scrute, il se place autant en clown au service du spectacle qu’en garçon qui ne comprend pas son époque.
Mais comme le dit l’adage, il faut se méfier de l’eau qui dort et avec SÜEÜR, on passe d’un claquement de doigt du calme à la tempête. Partez est un énorme banger imparable, porté par une basse percutante et la morgue toujours aussi brillante de son auteur. Le morceau est clairement à mettre en parallèle avec ce qui nous est raconté précédemment, une danse sur le vide, une transe de la colère.
Et que dire de Rage2 : tout en retenu, Théo débite la violence du pouvoir sur une lente montée en tension, un morceau qui se vit en apnée et qui nous laisse complètement KO. À noter le clip prophétique, et forcément censuré par Youtube, dans lequel il joue aux indiens et aux cowboys dans un noir et blanc sublime.
Un nouveau diptyque nous permet une nouvelle fois de reprendre notre souffle. Si Les Crocs ressemble à SÜEÜR, c’est bien Clémence qui nous met au tapis. Un guitare voix inattendu, d’une sincérité sauvage. Une bribe de souvenir, un premier amour toujours brûlant qui ne pouvait exister autrement que dans un morceau à fleur de peau, taillé dans les os, le sang et les larmes de Théo.
Comme pour échapper aux sentiments qui l’effraient sans doute beaucoup, c’est vers des éléments plus chimiques et des paradis artificiels qu’il nous invite ensuite à nous réfugier. Tipi et Drogue, une nouvelle pièce à deux faces, une montée et une descente qui nous embrouille l’esprit et nous secoue la tête.
noir = dark continue ce combat sans fin entre l’ombre et la lumière. L’amour est toujours présent, c’est lui qui semble mener la danse et qui pousse de plus en plus vers la lumière, vers un futur qui respire et un soleil qui brille envers et contre tous, même contre lui même.
Il fallait bien finir l’album avec Ananké, le destin qui revient, mais que SÜEÜR cherche à combattre et à dompter. Un dernier morceau comme un uppercut pour un album qui s’amuse jusqu’au bout de ses jeux de miroir et de ces émotions qui se trimballent dans un voyage chahuté et sans fin.
Avec cet album, SÜEÜR nous secoue, nous émeut, nous épuise par moments. La radicalité est présente à chaque instant et nous offre une oeuvre qui représente à 100% l’auteur qui se cache derrière elle. Un garçon brut, à fleur de peau, en guerre contre lui même mais qui croit en l’amour et en la lumière. Et on a envie de le croire avec lui.