Against the Fall of Night, l’aube solaire de Sungazer

Le Jazz évolue. Il mute et prend des formes et horizons complètement différents qui se traduisent par la naissance de sous-genres. À l’aube des années 1970s, sous l’impulsion du génial Miles Davis, le Fusion naissait des suites des fabulations de Bitches Brew. Avec leur deuxième album, Against the Fall of Night, le duo Sungazer perpétue une tradition volatile tout en lui donnant un tournant à la pointe de la modernité.

Du haut de leur premier album, Perihelion, le duo de Brooklyn a démontré une évidente capacité à déployer un univers sachant se prendre au sérieux, tout en déballant une identité décomplexée. On peut aussi également se souvenir du morceau Drunk, sur le deuxième EP du groupe, qui simulait à l’aide de sa signature rythmique la sensation d’ivresse. Ce nouvel opus laisse quelque peu de côté cette identité se nourrissant particulièrement du ton présent sur Internet. Un univers que le bassiste, compositeur et arrangeur Adam Neely connaît parfaitement. Ce dernier entretenant une chaîne YouTube de près de 1.8 millions d’abonnés.

Against the Fall of Night présente un ton beaucoup plus ancré dans une volonté de mettre en avant un univers sérieux et cohérent. On retrouve toujours des titres aux motifs mélodiques et rythmiques atypiques, comme les déconcertants Whisky and Mes – en collaboration avec Shubh Saran – et le virevoltant Paydushko Horo.

Mais ces apartés, si elles en sont réellement, marquent un temps d’arrêt avec les ambiances plus réservées du projet. Comme l’indique son titre, ce dernier est plus froid et sombre tout en conservant une prédominance de mélange entre Jazz et EDM (Electronic Dance Music). En atteste le titre éponyme d’ouverture qui représente la synthèse de tout ce que le groupe développe depuis maintenant plusieurs années.

On remarque cependant une évolution certaine qui voit les influences des musiques progressives modernes. Ce n’est pas pour rien que le second morceau, Whalefall, compte la collaboration du guitariste australien Plini, figure de proue du Metal Progressif moderne.

On peut également mettre en avant l’utilisation de la double pédale de Shawn Crowder qui nous ramène d’autant plus au genre. Ce mic-mac est servi par une production limpide qui sert parfaitement le propos du duo. Un mélange habilement manié entre le côté synthétique de ses influences modernes et l’âme acoustique caractéristique du Jazz. 

Avec un deuxième album intelligent, Sungazer fait le choix de prendre une direction similaire, mais dont le chemin diffère de ses travaux précédents. Against the Fall of Night démontre toute la force d’adaptation dont sont capables ses créateurs et de la modulation rendue possible par le Jazz Fusion.

Il ne s’agit pas de révolutionner le genre, mais d’en proposer une vision honnête et intéressante. Ce qui fait de ce nouveau chapitre de la carrière du duo une franche réussite aussi agréable à découvrir qu’à approfondir.