La pop est une affaire sérieuse. Elle est surtout une affaire mondiale, un moyen de lier les gens ensemble à travers le monde. Ça, Superorganism l’a bien compris et nous offre, avec World Wide Pop, un grand album de pop bordélique et international qui nous fera danser tous ensemble.
Pour être tout à fait honnête, l’aventure d’écoute du nouvel album de Superorganism a commencé avec une inquiétude légère, qui était même double en réalité. Tout d’abord, on avait peur. Peur que Superorganism ne soit qu’une comète dans la galaxie des groupes que l’on adore, un premier album éponyme qui nous avait profondément marqué, et puis plus rien. Cela nous était déjà arrivé par le passé, avec des groupes que l’on trouve toujours aussi merveilleux, comme Late Of The Pier.
Et puis, lorsque le groupe a annoncé l’arrivée de World Wide Pop, on s’est dit « et si…« . Et si le groupe avait changé. Et si nous avions changé. Et si ce retour qu’on n’espérait plus trop se soldait par une déception. On aurait eu le cœur brisé, tout simplement. Sans doute qu’on ne s’en serait pas remis et qu’on serait retourné écouter leur premier effort, serrant la pochette dans nos bras tremblants et laissant couler sur nos joues des larmes à la hauteur de l’amertume qui nous envahissait ….
Bien sûr, si on écrit ces mots, vous l’aurez compris, c’est que rien de tout ça n’est arrivé. Le monde a continué sa course et nous avons continué à faire la fête en écoutant de la pop dans le noir avec d’autres. Un peu comme sur la pochette de ce génial World Wide Pop, second album à la hauteur des espérances folles qu’on avait placé en lui.
Oui, Superorganism est de retour, et oui, le groupe nous offre toujours une pop-music bordélique et solaire, laissant de côté certains tics lo-fi, pour s’offrir l’ambition et la profondeur sonore d’un groupe qui doit confirmer tout en continuant de nous emballer.
Car elle est là, la grande réussite de ce second-opus : recentré autour de Orono, Harry, Tucan, B et Soul délivrent un album extrêmement bien produit, qui polit légèrement la couleur du groupe et condense la folie et le côté foutraque pour transformer leur musique débordante en quelque chose de plus « propre », mais toujours aussi réjouissant, dansant et mélancolique à la fois. On retrouve ainsi les cassures rythmiques, les bidouillages et les lignes harmoniques dinguo de la bande, mais sans prétention, avec la volonté nette de s’ouvrir au plus grand monde. Comme si Superorganism avait acté que sa musique se devait d’être POPulaire, sans pour autant trahir l’ADN qui avait fait toute la saveur du groupe.
Welcome Back nous disent-ils dans Black Hole Baby, et c’est comme si on retrouvait un vieil ami. Le réveil sonne et nous revoilà dans leur petit monde coloré mais jamais naïf. On retrouve Orono, guide vocal, petit elfe à la moue boudeuse qui nous guide dans ce trou noir musical, qui va nous aspirer tout entiers pendant 40 minutes.
World Wide Pop et On & On s’enchaîne, entre un titre volontairement pop et dansant et un autre, plus doux, qui nous invite à y aller, à relever la tête et à faire la fête malgré tout, à vivre l’instant et à s’amuser, aujourd’hui plus que jamais.
Et puis débarque Teenager, et le nom de l’album prend d’un coup tout son sens : une pop mondiale, c’est une pop qui se veut pour tous, mais surtout qui se vit avec tous. Ainsi, plutôt que de rester dans une sorte de solitude qui semble leur peser par moments à l’écoute de l’album, le groupe, basé en Angleterre, ouvre sa musique au monde qui l’entoure : la française Pi Ja Ma, qui était partie en tournée avec eux et se retrouve sur trois titres de l’album, l’américain Stephen Malkmus, légendaire membre du groupe Pavement, l’anglais Dylan Cartlidge, les japonais Gen Hoshino et Chai, débarquent tous dans cette aventure collective et d’une beauté sans nom.
Entendre Malkmus rapper sur It’s Rainning, avant que Cartlidge ne charme son monde à tour de magie totale, encore plus lorsqu’il vient chanter n’importe quoi en français avec Pi Ja Ma sur Into The Sun.
Ce qui est magnifique en un sens, c’est que Superorganism ne transige jamais sur ce qui fait le sel de sa musique, chaque featuring s’imbriquant parfaitement dans le puzzle musical qu’est World Wide Pop. Les invités, des amis pour la plupart, se fondent ainsi complètement dans la musique si distinctive du quintette. Preuve en est avec les superbes Solar System et Into The Sun, qui s’enchaînent sur l’album, et représentent sans aucun doute deux de ses plus beaux joyaux.
Néanmoins, c’est aussi dans les titres sans invités qu’on retrouve toute la sincérité de Orono et sa bande, leurs considérations très terre à terre et le besoin d’analyser sans cesse le monde, tout en regardant encore et encore si il y a de la vie dans les étoiles. Impossible ainsi de ne pas fondre face à crushed.zip ou don’t let the colony collapse. Et si « everything falls apart« , dans un dernier moment de folie destructrice et chaotique, nous serons tous protégés, car nous sommes ensemble.
C’est là toute l’âme de cette World Wide Pop, créer un monde, une petite bulle pour que l’on se retrouve tous ensemble et que l’on se protège de tout ce qui se délite autour. Un endroit hors du temps, qui permet d’observer et de voir ce qu’il y a à gagner plutôt que ce que l’on peut perdre. Ainsi, nous deviendrons tous un super-organisme.