Un an après avoir sorti FICTION, un EP dystopique chaotique fin 2020, SUUNS reviennent avec The Witness, un album calme et envoutant, où les sons organiques, électroniques et analogues se mélangent et s’entrelacent et nous transportent dans un monde onirique sombre. Nous avons voulu en savoir plus sur cet album nocturne tout en douceur et en noirceur et avons posé quelques questions à Ben Shemie. On a parlé de The Witness, d’Iggy Pop, de jazz, et de musique live…
English version below
La Face B : Salut, comment ça va ? Comment tu te sens quelques semaines après la sortie de votre 6ème album, The Witness ?
Ben Shemie : Je me sens vraiment bien. J’aime vraiment ce disque. Je déteste dire ça parce que je le dis à chaque fois, mais je pense que c’est notre meilleur album. J’en suis vraiment fier, parce que c’est un changement intéressant, mais aussi un bon reflet de là où nous en sommes en tant que groupe. Donc oui, je suis juste heureux qu’il soit sorti.
LFB: Vous avez sorti le EP FICTION fin 2020 qui est très dystopique/apocalyptique avec des sons abrasifs, alors que The Witness sonne plus fluide et « doux ». Il y a un flux plus naturel, ça sonne plus léger d’une certaine manière… Était-ce une décision consciente d’aller dans cette direction ?
BS : Je ne pense pas qu’il y ait eu une décision consciente de dire « nous voulons faire quelque chose de plus doux ou de plus léger ». Je pense qu’il y a eu une décision consciente de faire un album qui était plus cohérent dans son ensemble. Donc la moitié des morceaux de ce disque sont – un peu comme tu le dis – plus doux, plus complexes. Et je pense que ce sont les morceaux qui ont permis d’ancrer le disque. Et on a construit tout le disque autour de ça.
Donc, oui, tout ce qu’on fait est très… On sait. Ce n’est pas aléatoire. Nous sommes très conscients de ce que nous faisons et nous sommes très analytiques sur les choix que nous faisons. On ne s’est pas dit « oh, nous voulons faire un album plus doux », mais ça s’est mis en place comme ça quand nous avons commencé à le produire. Et puis on a continué à suivre cette route. Ça semblait naturel à ce moment-là, donc on a juste fait ce qui nous plaisait.
LFB : Un des membres du groupe est parti. Y a-t-il eu un changement dans votre processus de composition ?
BS : Oui, définitivement. Du point de vue de la composition ça change énormément parce que nous n’avons plus cette personne pour… enfin il joue sur le disque parce qu’il est toujours notre meilleur ami et nous travaillons toujours ensemble d’une certaine manière. Du point de vue de la composition ça change beaucoup simplement parce que la dynamique du groupe change, et ton état d’esprit et tes émotions… c’était vraiment difficile quand Max (Henry) est parti.
Donc, évidemment t’es dans un état d’esprit différent et le fait qu’il y ait aussi cette pandémie et toute cette merde qui se passe, c’était vraiment un moment de réflexion pour nous. On se demandait vraiment si nous allions être capables de continuer, parce que nous ne travaillions plus.
Il y a aussi un grand changement dans le groupe à cause de la pandémie. Et on se demandait si on allait être capable de maintenir le groupe. Nous sommes arrivés à un point où nous regardions ce que nous avions accompli au cours des 15 dernières années et où nous étions très fiers de ce que nous avions été capables de faire.
Ce n’était pas triste. C’était un peu aigre-doux, mais c’était surtout de la fierté, on se disait surtout « wow, on a vraiment fait des trucs cool ». Et par conséquent, du point de vue de la composition, cela se traduit par ce que tu ressens et où tu en es en tant qu’individu et en tant que groupe.
Donc oui, ça a rendu le disque plus doux et peut-être « plus joli ». Ce changement a également permis d’ouvrir d’autres portes. Le disque est d’une certaine manière plus ambitieux que tout ce que nous avons fait auparavant. Il est harmoniquement, lyriquement et mélodiquement plus complexe que tout ce que nous avons fait auparavant.
Je pense que le fait d’être dans cet état d’esprit est également propice à la création et permet de d’explorer des directions différentes. Nous n’aurions pas pu faire ce disque plus tôt dans notre carrière, simplement parce que nous n’avions pas la confiance nécessaire pour faire quelque chose comme ça. Ou parce que nous ne ressentions pas vraiment ce que nous ressentons maintenant. Donc oui, dans ce sens, je pense que c’est génial que ce soit vraiment notre album, qui montre où nous en sommes en tant que groupe et en tant que personnes. Je pense que c’est ce qu’il devrait être.
LFB : Des éléments de jazz apparaissent dans votre musique, dans l’instrumentation de certaines chansons de FICTION, et sur The Witness (on peut entendre du saxophone sur Clarity…) vous avez utilisé une « mentalité jazz » pour le disque… Peux-tu nous en parler ?
BS : Oui, je ne sais pas si j’irais jusqu’à dire que c’est une « mentalité jazz » parce que ce n’est absolument pas de la musique jazz. Nous ne sommes pas comme… nous improvisons quand nous jouons, mais il ne s’agit pas d’improvisation. Mais c’est définitivement harmoniquement et compositionnellement, comme je l’ai dit, plus complexe. Et ça emprunte définitivement une partie de ce langage que l’on pourrait peut-être qualifier de moins pop et de plus jazz ou d’harmonie classique.
Et bien sûr, nous utilisons le saxophone et d’autres instruments qui sont un peu plus… Je ne veux pas dire jazzy parce que c’est comme dire que chaque fois que tu mets un saxophone sur quelque chose, ça devient en quelque sorte « jazzy », ce qui n’est pas vrai. Mais oui, je veux dire qu’il y a définitivement du saxophone improvisé. Le sax est entièrement improvisé… donc c’est comme… tu sais, Erik (Hove) qui joue du sax, qui vient en tournée avec nous, est un musicien de jazz. Donc oui, il y a définitivement des éléments de jazz là-dedans.
Et oui, c’était beaucoup de travail d’ouvrir le groupe à une horizon différente. J’ai peur d’utiliser le mot « jazz » parce que c’est un mot chargé et il peut être facilement mal interprété. J’ai beaucoup joué du jazz, et certains d’entre nous ont étudié le jazz et nous comprenons la profondeur de ce mot et je ne pense pas que nous fonctionnons vraiment dans ce monde là. Donc ce serait injuste de l’emprunter d’une certaine manière, tu vois ce que je veux dire ? Mais oui, je sais que c’est définitivement plus du côté de l’improvisation, c’est sûr.
LFB : La chanson Clarity est lente et rêveuse et elle semble assez improvisée dans ce sens. Elle sonne comme un voyage. Tu as mentionné que cette chanson était « le soleil autour duquel l’album tourne ». Peux-tu nous en dire plus ?
BS : Oui, c’est l’une des premières chansons que nous avons composées. Et c’est ce saxophone lent… Elle a vraiment tous les éléments de ce dont nous venons de parler. Et ça nous a permis d’établir un plan pour les autres morceaux… Third Stream, Go to my Head sont toutes des chansons arrangées de façon similaire.
Donc, oui, c’est le morceau autour duquel le disque tourne parce qu’il est très indicatif de ce nouveau style d’un point de vue de la composition. Et aussi du point de vue des paroles. Il s’agit de voir les choses clairement pour la première fois et voir et témoigner est un grand thème de l’album. Et donc on a l’impression que toutes les chansons de l’album sont directement liées à Clarity. C’est comme le soleil autour duquel toutes les chansons gravitent.
LFB : Sous les aspects calmes de l’album, les thèmes et les textes restent assez sombres et très conscients du monde dans lequel nous vivons. On ressent toujours que l’apocalypse est proche, et pourtant la réponse est très calme. Peux-tu nous parler un peu du titre de l’album The Witness ?
BS : Oui, je trouve que c’est beaucoup plus facile d’écrire quand on a un thème principal en tête. Par le passé, surtout au début, notre musique était beaucoup plus agressive, plus adaptée aux concerts et beaucoup plus punk, parce que c’est un peu là où nous étions à cette époque. Et ce n’était pas vraiment sur quoi aue ce soit en particulier. Il s’agissait plutôt de chansons, d’écrire des morceaux cool, des morceaux sur lesquels on pouvait danser, des atmosphères et des grooves, des grooves plus orientés vers le public.
Et maintenant, je pense que comme nous avons mûri et que nous avons grandi en tant que groupe, ce navire s’est déplacé plus vers un thème, comme un véritable concept pour le disque. The witness (le témoin), quelque chose à propos de voir quelque chose et d’enregistrer quelque chose dans son esprit, était un bon thème. Parce que c’est en quelque sorte un thème universel. Nous sommes tous des témoins. Dans une certaine mesure, nous sommes tous témoins de la même chose. Et nous le traitons tous de manière différente ou similaire.
Et aujourd’hui, en particulier, on a presque l’impression que nous sommes tous ensemble dans ce témoignage collectif des choses qui se passent. Nous voyons tous la même chose, mais nous sommes tous très seuls en même temps. Nous sommes en quelque sorte seuls ensemble. Et je trouve que c’est une image très puissante. Et je sens qu’elle résonne avec ce que nous vivons aujourd’hui, et ce que je ressens. Je pense que c’est aussi une image forte sur laquelle on peut construire beaucoup de matériel musical.
L’idée était la chanson The Passenger d’Iggy Pop. Je trouvais qu’avec cette chanson, le sujet n’avait pas d’importance. L’idée du passager est tellement forte. Parce que n’importe qui pourrait être cette personne. C’est juste l’idée de nommer quelque chose avec lequel nous pouvons tous résonner.
Et « the witness » est quelque chose qui résonne avec chacun d’entre nous. C’est quelque chose que nous avons en commun d’une certaine manière. Quelle que soit la manière dont tu interprètes ça, et quelle que soit la manière dont tu remarques et interprètes ce que tu vois, chacun aura une version différente de sa réalité, mais nous avons tous les mêmes… nous voyons tous les mêmes choses. Donc ça parle beaucoup de ce que je ressens. Et oui, je pense juste que pour moi c’est une bonne graine pour faire pousser beaucoup de musique.
LFB : Oui, et il y a toujours une sorte de noirceur, un sentiment de désastre qui s’annonce… un sentiment de calme et de malaise rêveur…
BS : L’album est plus calme, plus lent et peut-être plus « joli », mais il est toujours aussi sombre. Il est toujours dans l’ombre. C’est un peu la musique vers laquelle je gravite, ce ne sont pas des vibes « ensoleillées », « heureuses ».
Et je ne pense même pas que The Witness soit un thème d’album… Je ne veux pas dire que c’est une idée négative, mais ce n’est pas nécessairement comme… Je ne dis pas que c’est un thème joyeux. Donc, oui, je suis totalement d’accord avec toi, je pense que notre musique a toujours été un peu, je ne veux pas dire lugubre mais, tu sais, c’est sombre. C’est de la musique d’ombre, de la musique de nuit. Donc je ne pense pas que ça ait changé pour nous, je pense que ça a toujours été comme ça.
LFB : Ce sentiment de calme et de malaise onirique se ressent également dans vos vidéos. Je pense notamment à celle de The Trilogy, où l’on voit une toile représentant la campagne brûler lentement dans un paysage champêtre. Elle est filmée avec une caméra statique, donnant l’impression que la vidéo est sans histoire alors que le sens derrière est dévastateur…
BS : Oui. Je trouve ça vraiment difficile de faire des vidéos maintenant. En partie parce que je ne regarde plus vraiment de vidéos. Mais je trouve toujours que – je parle juste pour moi – mais ce qui m’attire le plus dans une vidéo, c’est vraiment quelque chose qui va mettre en valeur la chanson. Je ne veux pas être distrait par… Pour la musique pop, c’est un peu différent parce que c’est un autre type de média. Mais la plupart du temps, je veux juste quelque chose à regarder pendant que j’écoute la chanson.
Je trouvais que le fait d’avoir un seul plan, quelque chose de très statique mais qui bougeait, était une façon très efficace d’écouter The Trilogy, car il y a beaucoup de mots dans cette chanson. C’est en quelque sorte une narration. Et essayer de construire une vidéo qui suit littéralement la signification de la chanson serait… Il me semblait qu’on allait échouer.
Donc oui, j’apprécie les vidéos qui ont un message vraiment fort et simple et Antoine (Dasseville) qui a fait cette vidéo, a vraiment fait un excellent travail. Lorsque nous avons sorti cette vidéo, la moitié de la Californie était en feu, ce n’était pas prévu, cela semble simplement faire partie de notre nouvelle réalité.
LFB : On entend des cigales au début et à la fin de l’album. Est-ce que c’est vous qui prenez le dessus sur la nature et puis la nature qui reprend ses droits quand vous avez fini, en quelque sorte ?
BS : C’est vraiment beau ! Il y a beaucoup de sons trouvés, des sons enregistrés… C’est juste pris d’un téléphone. Liam (O’Neill) a enregistré ça sur son téléphone quand nous étions en tournée… Une grande partie de cet album essaie vraiment de créer une ambiance et d’avoir une sorte d’arc narratif au début et à la fin. Pour qu’on puisse écouter l’album entier comme une seule longue expérience.
C’est vraiment un disque à écouter. Ce n’est pas vraiment un disque qui contient des singles. Et l’idée avec ces sons, qui reviennent plusieurs fois dans l’album, est que nous sommes dans cet environnement, les cigales sont pour moi un peu un son nocturne aussi. C’est un son organique qui se marie vraiment bien avec ce que nous essayons de faire.
Je vais utiliser cette phrase sur le fait de s’approprier la nature et de la rendre ensuite, parce que je n’y avais pas pensé de cette façon, mais je trouve ça génial !
LFB : Cool !
La pochette de l’album a des couleurs vives et est très attrayante d’une certaine manière, très accrocheuse… cependant, quand on regarde de plus près, il y a cette image d’un homme qui semble endormi ? Que représente cette image ?
BS : Elle a été prise à Beyrouth par un ami photographe. L’homme est nu. Si vous avez le LP, il y a un insert avec une image plus large, vous pouvez vraiment la voir en grand. C’est une très belle photographie. Ça en dit long sur l’aspect voyeuriste de la chose. Tu regardes à travers une fenêtre et il y a un reflet dans le miroir et il est nu, et il y a toutes ces peintures de femmes nues sur le mur qui vous regardent en retour et vous ne savez pas s’il est conscient que vous pouvez le voir ou non, ou…
Il y a quelque chose d’un peu grotesque dans tout ça, mais la photographie est tout simplement magnifique. Il y a donc cette idée d’être témoin (witness), et toutes les façons d’interpréter l’aspect du fait d’être témoin se trouvent dans cette photo.
Nous avons une bonne connection avec le Liban parce que nous avons joué là-bas, nous avons beaucoup d’amis là-bas. L’illustration et le design ont donc été réalisés par nos amis libanais, et le photographe est également libanais.
C’est très « pop » parce que les couleurs sont très vives, mais la photo n’est pas vraiment comme ça. Donc, oui, il y a quelque chose qui est un peu déroutant ou juste dérangeant à ce sujet, ce qui je pense fonctionne vraiment bien avec la musique. Tes attentes sont confuses.
Je pense que c’est une pochette d’album forte. Ce disque a été réalisé de façon vraiment spéciale et tous les éléments fonctionnent vraiment ensemble. Parfois, les choses se passent vraiment bien, et… parfois quand on essaie vraiment de faire quelque chose, on essaie presque trop et ça ne fonctionne pas, et parfois, comme ce disque, les choses… On a suivi notre instinct tout au long du processus de création de l’album et on a juste laissé des choses se dérouler. Et puis toutes ces belles choses sont arrivées, comme la pochette.
Tout s’est mis en place très naturellement. Toute la réalisation de cet album a semblé simple, d’une certaine manière. Ne vous méprenez pas, c’était une quantité énorme de travail. Mais il y a beaucoup de choses qui se sont mises en place que nous n’avions pas vraiment prévues. On a trouvé la bonne longueur d’onde et on a comme vogué sur la vague et ça a semblé fonctionner.
LFB : Vous avez enregistré et produit l’album vous-même, et tu as entre temps déménagé à Paris. Comment et quand le disque a-t-il été composé et enregistré ?
BS : La majeure partie de l’album a été composée en 2019. Et nous avons commencé à enregistrer en 2019. 2020 est arrivé et nous ne l’avions pas terminé et c’est là que les choses se sont sérieusement corsées, et nous avons arrêté de le produire. Parce qu’on avait peur de finir le disque et de ne pas pouvoir faire de tournée. On aurait juste eu ce disque qu’on n’aurait pas pu jouer.
Puis une année s’est écoulée. Nous ne voulions pas avoir un disque et faire une tournée un an après.
Alors on a arrêté de le produire. J’étais à Paris, et j’ai continué à faire des allers-retours entre Montréal et Paris, par petites touches, pour travailler sur le disque, finir la production, le mixage et autres.
L’album est entièrement auto-produit par nous, ce que nous avons toujours fait. Mais cette fois, c’était vraiment plus notre vision. Et dans un sens, j’ai presque l’impression qu’on aurait dû faire ça depuis le début.
Mais on vient d’une certaine mentalité de la vieille école de faire des disques où on doit aller au studio et on doit avoir un truc et toutes ces conneries… C’est parce que nous avons grandi en écoutant des disques de rock and roll et c’est comme ça qu’on est censé faire un album.
Mais oui, nous avons suivi notre instinct sur la façon de produire ce disque. Une partie de la raison pour laquelle je pense que cet album est vraiment spécial et la raison pour laquelle j’en suis si fier est que nous n’aurions pas pu le faire dans le passé. C’est une évolution et je crois fermement au travail (craft) de la musique. C’est à dire que tu travailles sur quelque chose et ça devient plus profond et ça évolue.
Et je pense que la raison pour laquelle j’aime tant cet album est qu’il montre vraiment cet aspect de notre groupe, en tant que personnes qui ont changé, et c’est pour moi la chose la plus importante.
Je suis si heureux que nous ne fassions pas le même genre de choses. Même si je suis très fier de tout ce que nous avons fait, mais qu’on évolue. C’est le but. Et je sais que nous n’écrivons pas nécessairement des chansons qui vont être sur les playlists, qui vont être vraiment populaires, mais je me sens vraiment confiant dans la musique que nous faisons. Donc, dans ce sens, je suis vraiment heureux de l’ensemble du projet en général, de la confiance qu’il m’a donné et qu’il a donné au groupe.
LFB : Est-ce que la pandémie a changé quelque chose à la réalisation de l’album ?
BS : Oui, enfin, c’est la même chose pour tout le monde. Vous vous retrouvez soudainement dans une situation où vous ne pouvez pas faire de tournée, et c’est votre travail. Et tu te dis « oh je ne sais pas quand je pourrai rejouer ». Et puis tu commences à penser « je ne sais pas si je pourrai encore faire des tournées ». Parce que je ne peux pas simplement ne pas tourner. Et si ça dure deux ans, je ne peux pas me permettre d’attendre.
Tu es donc confronté à cette réalité que tu dois peut-être changer de carrière. Et je pense qu’en tant que musicien, artiste ou même journaliste, ou en tant que personne qui n’a pas une carrière traditionnelle, tu es en quelque sorte en marge de la société toute votre vie. Quand quelque chose comme une pandémie arrive, tu le ressens vraiment. Et tu te dis « oh merde, qu’est-ce que je fais maintenant ? ».
La pandémie, dans la mesure où ce disque est né, nous a forcés à nous interroger sur ce que nous faisions et sur ce que cela signifiait pour nous.
Et finalement c’était une chose positive. Parce qu’en fin de compte, je regarde en arrière et je me dis que nous avons beaucoup de chance d’avoir eu la vie que nous avons eue jusqu’à présent.
En faisant un disque, on se sent un peu impuissant face à ce qu’on peut faire. On n’a pas beaucoup de pouvoir. Tu as juste à sortir cette œuvre d’art dans le monde et tu espères qu’elle résonnera auprès des gens, et en fin de compte le faire pour toi-même et pour tes fans, c’est ce qu’il y a de meilleur. Tu sens que tu le fais pour les bonnes raisons.
Et je pense que si tu peux maintenir ça, et dans ce cas sortir un disque qui est vraiment fidèle à qui tu es et à ce que tu essayes de communiquer, alors tu seras plus fort.
C’est vraiment difficile d’être un musicien, et je ne sais pas si je serai musicien pour toujours parce que je ne sais pas ce qui va se passer dans ma vie, mais je suis finalement optimiste et positif à ce sujet.
J’ai beaucoup de chance. Je pense que c’est énorme. Je suis très privilégié et je pense que je n’aurais peut-être pas réalisé à quel point je suis privilégié et chanceux, sans y avoir été confronté. En fin de compte, j’ai beaucoup appris et je pense que c’est une chose positive.
LFB : Vous serez en tournée en Europe fin octobre et début novembre, avez-vous déjà eu l’occasion de jouer l’album en live ?
BS : Nous avons notre premier concert de la tournée avec ce nouveau disque mercredi. Et puis nous faisons quelques concerts ici à Montréal. Je suis dans mon local de répétition en ce moment même, nous répétons toute la journée.
On a fait quelques petits concerts, très décontractés, pas annoncés, et ça fait du bien. Ça va être difficile parce que chaque endroit où nous jouons maintenant a une situation différente. Certains endroits sont assis, d’autres sont masqués et la plupart des endroits sont à capacité réduite. Ce n’est pas le meilleur environnement.
Mais on verra comment ça se passe. J’espère que les gens, parce qu’ils n’ont pas vu de concerts depuis si longtemps, quelle que soit la situation, que ce sera positif, juste parce que je pense que nous nous sentirons tous soulagés d’être dans la même pièce ensemble. Donc oui, je suis vraiment excité pour ça.
LFB : Y a-t-il des choses que nous n’avons pas mentionnées dont tu aimerais nous parler ?
BS : Ce que j’aimerais communiquer c’est un peu ce que je viens de dire. Je ne dis pas ça parce que je veux que tout le monde vienne à nos concerts – je veux dire évidemment que je veux que les gens viennent à nos concerts – mais je voudrais communiquer l’immense privilège que nous avons eu d’aller à des concerts et de voir des groupes qui traversent l’Europe dans un petit van…
Nous avons pris cela pour acquis pendant longtemps. C’était juste normal qu’un groupe vienne et que tu n’aies peut être pas envie d’y aller, ou quoi. Je pense que ce serait bien de prendre un moment pour apprécier la chance que nous avons d’avoir toutes ces choses incroyables autour de nous tout le temps. Et on ne s’en rend pas vraiment compte jusqu’à ce qu’elle s’en aille.
J’encourage donc les gens à aller voir de la musique live en général et à soutenir les groupes qui sont en tournée en ce moment, et particulièrement en cette période difficile pour faire des tournées. Je pense qu’il faut juste soutenir la scène musicale.
Je pense que maintenant plus que jamais ce sera apprécié. Les groupes sont géniaux, mais ils vont et viennent, ils ne sont pas éternels, et il faut voir les artistes tant qu’on peut, car on ne sait pas quand ils vont partir. C’est tout ce que je voulais ajouter.
LFB : Excellent message. Merci.
Y-a-t-il des choses que tu as découvertes récemment et que tu aimerais partager avec nous ?
BS : Comme tout le monde, je suis en train de lire ce livre Sapiens, et j’aime beaucoup.
Je suis un grand fan de science-fiction, donc si quelqu’un n’a pas encore lu les livres d’Ursula K. Leguin, je pense que tout le monde devrait absolument les lire. Ils datent des années 60, mais ils sont très pertinents aujourd’hui, surtout en ce qui concerne le genre.
J’ai écouté beaucoup de Bob Dylan pour une certaine raison…
J’ai aussi choisi des maisons de disques, et j’ai parcouru leur catalogue des deux ou trois dernières années. Je choisis n’importe quoi, peut-être un label expérimental comme Sub Rosa en Europe ou autre, et j’écoute ce qu’ils ont sorti au cours des deux dernières années, juste pour me faire une idée du genre de label.
Il y a d’autres labels que j’aime bien aux Etats-Unis, comme Western Vinyl… J’écoute leurs sorties des deux dernières années… Je trouve que c’est un bon moyen de découvrir de nouvelles musiques. Parce que c’est une sorte de sélection déjà faite par le label et je pense que c’est un bon exercice. Tu trouves des labels locaux, où que tu sois, que quelqu’un mentionne et tu creuses un peu. C’est un bon moyen de découvrir de la musique et de se faire une idée de la scène musicale.
Ouais, tout est pour la scène. Il s’agit de garder cette scène forte !
LFB : Merci !
English Version
A year after releasing FICTION, a chaotic dystopian EP at the end of 2020, SUUNS return with The Witness, a calm and bewitching album, where organic, electronic and analog sounds mix and intertwine and transport us into a dark dreamlike world. We wanted to know more about this dark and melodic nocturnal album and asked Ben Shemie a few questions. We talked about The Witness, Iggy Pop, jazz, and live music…
La Face B: Hi, how are you? How do you feel a few weeks after the release of your 6th album, The Witness?
Ben Shemie: I feel really good. I really love this record. I hate to say it because I say this every time, but I think it’s our best record. I’m really proud of it, because it’s an interesting change, but also a good reflection of where we’re at as a group. So yeah, I’m just happy that it’s out in the world.
LFB: You’ve released the FICTION EP at the end of 2020 which is very dystopic /apocalyptic with abrasive sounds, while The Witness sounds more fluid and “soft”. There’s a more natural flow, it sounds lighter in a way… Was there a conscious decision to go in that direction?
BS: I don’t think there was a conscious decision to say “well we want to do something softer or lighter”. I think there was definitely a conscious decision to make a record that was more cohesive as a whole. So half the songs in this record are – kind of what you’re saying – like this softer, more complex kind of songwriting. And I think those are the songs that made the record anchored. And we build the whole record around that.
So, yeah, everything we do is very… We know. It’s not random. What I mean is we’re very conscious of what we’re doing and we’re very analytical about the choices we make. I don’t think we started saying “oh we want to do like a softer record”, but it just kind of started to roll out that way when we started producing it. And then we just kept following that kind of path. It just felt natural at the time, so we just went with what felt good.
LFB: One of the members of the group left. Was there a change in your process of composition?
BS: Yeah, definitely. From a composition point of view it changes tremendously because we don’t have that person to… well he does play on the record because he’s still our best friend and we still work together in some capacity. From a composition point of view, it changes a lot just because the dynamic of the band changes, and your headspace and your emotions… it was really difficult when Max (Henry) left.
Obviously you’re in a different headspace. And the fact that we’re also having this pandemic and all this shit that’s going on made it a really a reflective time for us. We were really wondering if we were going to be able to continue because we weren’t working anymore.
We were also having this big change in the band because of the pandemic. And we were wondering if we’d be able to maintain the band at all. And ultimately, we got to a point where we were looking back at what we’ve accomplished over the last 15 years and being very proud of ourselves, of what we’ve been able to do.
It wasn’t sad. I mean it was kind of bittersweet, but it was mostly pride, we’re mostly like “wow, we really did some cool stuff”. And as a result, from a composition point of view, that comes out as how you’re feeling and where you’re at as an individual and as a group.
So yeah, it made the record softer and maybe “prettier”. This change also allowed other doors to open. And so the record is in a way more ambitious than everything we’ve done before. It’s harmonically and lyrically and melodically more complex than anything we’ve done before.
So I think being in that headspace also is creatively conducive to push yourself in a different direction. And I mean we wouldn’t have been able to make this record earlier in our career just because we didn’t have the confidence to do something like this. Or, we weren’t really feeling the way we feel now. So yeah I mean in that sense I think it’s great that it is really truly our record of where we’re at as a group and as people, and I think that’s what it should be.
LFB: Jazz elements are entering your music, in the instrumentation on some songs on FICTION, and for The Witness ” (we can hear saxophone on Clarity…) you’ve used a “jazz mentality” for the record… Can you tell us about it?
BS: Yeah, I don’t know if I would go so far to say it’s a “jazz mentality” because it’s definitely not jazz music. We’re not like… well we improvise when we play, but it’s not about the improvisation. But it’s definitely harmonically and compositionally, like I said, more complex. And it definitely borrows some of that language which would maybe be called less pop music and more jazz or classical kind of harmony.
And of course we’re using saxophone and some other instrumentations that are like a little more… I don’t want to say jazzy because, it’s like saying every time you put a saxophone on something, that it somehow becomes “jazzy” which I think is not true. But yeah, I mean there’s definitely improvising saxophone. The sax is all improvised… so it is like… you know, Erik (Hove) who’s playing sax, who’s coming on tour with us, is a jazz musician. So yeah, there’s definitely elements of jazz in there.
And yeah, it was a lot of work to open up the group in a different way. I get worried about using the word “jazz” around because it’s a loaded word and it can be kind of misconstrued easily. And I used to play jazz a lot, and some of us studied jazz and we understand how deep of a word that is and I don’t think we really operate in that world. So it’d be kind of unfair to borrow that in a way, you know what I mean? But yeah, I know it’s definitely more on the improvisation side of things for sure.
LFB: The song Clarity is slow and dreamy and it feels quite improvised in that sense. It sounds like a journey. You’ve mentioned that this song was “the sun around which the album revolves”. Can you tell us more ?
BS: Yeah, I mean it was one of the first songs that we put together. And it’s like that slow saxophone… It really has all of the elements of what we were talking about before. And that kind of made somewhat of a blueprint of how we could go with the other songs… like Third Stream, Go to my head are all kind of similarly arranged songs.
It’s the song around which the record revolves because it is very much indicative of this new style from a composition point of view. And also just lyrically, it’s about seeing things clearly for the first time and seeing and witnessing is a big theme of the record. And so it feels like all of the songs on the record are linked to Clarity directly. So it’s like the sunshine that all the songs, orbit around.
LFB: Under the calm aspects of the record the themes and the lyrics remain quite dark and very aware of the world we’re living in. One can still feel the apocalypse is near, and yet the response is very calm. Can you tell us a bit about the title of the album The Witness.
BS: Yeah, I find it’s a lot easier to write when you have a main theme in mind. I think in the past, especially earlier on, our music was much more aggressive, was much more suited for live shows and it was much more punk, because that’s kind of where we were at that time. And it wasn’t really about anything. It was more about songs, writing cool songs, songs you can dance to, atmospheres and grooves, you know. More crowd oriented grooves.
And now I think as we’ve matured and as we’ve grown as a group, I find this ship has moved more to a theme, like an actual concept for the record. The witness, something about seeing something and recording something in your mind, was a nice theme. Because it’s somewhat of a universal theme. We’re all witnesses. To a certain extent we’re all witnesses to the same thing. And we all kind of process that in a different way or in a similar way.
And nowadays, especially, it almost feels like we’re all kind of together in this collective witnessing of the things that are going on. We all see the same thing but we’re all very much alone at the same time. We’re kind of alone together. And I find that is a very powerful image. And I feel it resonates with today, and how I feel. I think it’s also a strong image that you can build a lot of musical material over.
The idea was that Iggy Pop song The Passenger. I thought with that song it doesn’t even matter what it is about. Just the idea of the passenger is such a strong idea. Because anybody could be that person. It’s just the idea that you’re naming something that we all can resonate with.
And “the witness” is something that resonates with all of us. It’s something that we have somewhat in common in a way. And however you interpret that and however you will notice and however you want to interpret what you see, I mean everyone’s gonna have a different version of their reality, but we all have the similar… we all see the same things. So it speaks a lot of how I feel. And yeah, I just think for me it’s a good seed to grow a lot of music out of.
LFB: There’s still a kind of like gloom. Like a sense of doom almost that’s coming and there’s a feeling of like calm and dreamy uneasiness…
BS: The album is calmer and slower and maybe “prettier”, and it is still dark. It still is in the shadow and that is somewhat always going to be the music that I gravitate towards. It’s not “sunny”, “happy” vibes.
And I don’t even think that The Witness as a theme for the record is necessarily like… I don’t want to say it’s a negative idea, but it’s not necessarily like… I’m not saying that it’s like a happy theme. So, yeah, I definitely totally agree with you. I think our music has always been somewhat, I don’t wanna say gloomy but like, you know, it’s dark. It’s shadowy music, it’s nighttime music. So I don’t think that’s changed for us I think it’s always kind of been like that.
LFB: This feeling of calm and dreamy uneasiness can also be felt in your videos. I’m thinking in particular of the one of The Trilogy, where we can see a canvas representing the country side slowly burning in a country side landscape. It is shot with a static camera, giving the impression that the video is uneventful while the meaning behind is devastating…
BS: Yeah. I find it really difficult to make music videos now. Partly because I don’t really watch music videos anymore. But I always find that – I mean I’m just speaking for myself – but what I’m most attracted to in a video is really something that’s going to emphasise the song. Like I don’t want to really be that distracted by… if it’s pop music, it’s kind of different because it’s a different kind of medium. But a lot of times I just want some kind of thing to look at while I listen to the song.
So I felt like having a one shot, something that was very static but moved, was a really effective way of listening to The Trilogy because there are a lot of words in that song, and it is somewhat of a narrative. And trying to build a video that follows the song literally would be… It just seemed like, we were gonna fail.
So yeah, I appreciate videos that have a really strong and simple message and Antoine (Dasseville) who did that video, really did a great job. When we released that video, half of California was on fire. It wasn’t planned, it just seems to be somewhat of our new reality.
LFB: We can hear cicadas at the beginning and end of the record. Is that you taking over on nature and then nature taking back its rights when you’re done, kind of?
Ben Shemie: That’s really beautiful! I mean there’s a lot of sounds that are found, recorded sounds… That’s just taken from a phone. Liam (O’Neill) recorded this on his phone when we were on tour… A lot of this record really is trying to set an ambience and having somewhat of a narrative arc that starts and goes to the end. So that you can kind of ingest the whole album as one long experience.
It really is a record to listen to. It’s not really a record that has any like singles on it. And the idea with these sounds, which come back a few times in the record, is like that we are in this environment, the cicadas are to me somewhat of a night time sound too. It’s an organic sound which really blends really well with what we’re trying to do.
I’m going to use that line about taking over nature and then giving it back because I didn’t think of it that way but I think that’s great!
LFB: Great!
The cover of the album has vivid colours and is very attractive in a way, very eye catching… however when one looks closer there is this image of a man that looks asleep? What does this image represent?
BS: It was taken in Beirut by a photographer friend of ours. If you get the LP, there’s like actual insert in it that comes out with a big image, you can really see the image really large. It’s a beautiful photograph. It says a lot in terms of the voyeuristic aspect of it. You’re looking through a window and then there’s a reflection in the mirror and the man is naked, and there’s all these paintings of naked women on the wall, kind of looking back at you and you’re not sure if he’s aware that you can see him or not, or…
There’s something a little bit grotesque about it but also the photography is just beautiful. So there is this witnessing, part of it and however aspect of that witness you want to interpret, I feel like it’s in that photo.
We have a nice connection to Lebanon because we’ve played there, we have a lot of friends there. So the artwork and the design was done by our friends in Lebanon, and the photographer’s also Lebanese.
It is very “pop” because the colour is so kind of brilliant, but yet the photo isn’t really like that. so, yeah, I mean there is something that’s kind of confusing or just disturbing about it, which I feel really works with the music. Your expectations are being confused, you know.
I think it’s a strong album artwork. I feel like this record really came together in a really special way and that all the elements really work together. Sometimes things work out really well. Sometimes you try really hard to do something and you almost try too hard and it doesn’t work and sometimes, like this record, where we kind of followed our instinct on how to make the record and how things are going to unfold, and we just kind of let it happen. And then all these beautiful things happened, like the artwork.
Everything kind of came together really naturally. There’s something about this record that just kind of seems effortless in a way even. Though I mean, don’t get me wrong, it was a tremendous amount of work. But there’s a lot of things that came together that we didn’t really plan, you know. We found the right wavelength and we just kind of cruised on that and it seemed to work.
LFB: The album was self-recorded and self-produced, and you’ve moved to Paris as well. How and when was the record composed and recorded?
BS: Most of it was composed in 2019. And we started recording in 2019. 2020 came around and we hadn’t finished it. And then this is when the whole shit hit the fan so we stopped producing it. Because we were afraid we would finish the record and wouldn’t be able to tour. We would just have this record that we wouldn’t be able to play.
Then a year would go by. We were at a time where we didn’t want to have a record, and then tour in a year from then.
So we stopped producing it. I was in Paris, so I just kept going back and forth between Montreal and Paris, in little spurts to kind of work on the record, finish the production, finish the mixes and stuff like that.
It’s entirely self-produced by us which we’ve always kind of done. But this time it really was much more our kind of vision. And in a way I almost feel like we should have been doing that the whole time.
But you know, we come from a certain kind of old school mentality of making records where you have to go to the studio and you have to have a thing and all this bullshit. That’s kind of because we grew up listening to rock and roll records and this is how you’re supposed to make an album.
But yeah, we followed our instinct on how to produce this record. Part of the reason why I think it’s really special and why I’m so proud of it, is that we couldn’t have done this in the past. So it’s like an evolution and I really strongly believe in like the craft of music. That is to say you work at something and it gets deeper and it changes.
And I think the reason I like this record so much is because it really does show that aspect of our band, as people who changed. And that to me is the most important thing.
I’m so happy that we’re not making the same kind of things. Even though I’m so proud of all the stuff we’ve done, but that we are evolving. I mean that’s the goal. And I know that we’re not writing songs necessarily that are going to be on playlists, are going to be really popular, but I feel really confident about the music that we’re making. So in that sense, I’m really happy with the whole project in general, the confidence that it’s given me and given the band.
LFB: Did the pandemic change something in the realisation of the record?
BS: Yeah, I mean, it’s the same for everybody. You’re all of a sudden in this point where you can’t tour, and that’s basically your job. And you’re like, “oh I don’t know when I’ll be able to play again”. And then you start to think “well I don’t know if I’ll ever tour again”. Because I can’t just not tour. And if this goes on for two years, I can’t afford to just wait.
So you are confronted with this reality that maybe you have to change your career. And I think as a musician or an artist or even a journalist or people that are not on mainstream kind of careers, you’re somewhat on the margin of society your whole life. When something like a pandemic happens then you really feel it. And you’re like “oh shit, what do I do now?”.
So definitely the pandemic in so far as this record came together, forced all of us to really question what we’re doing and what it meant to us.
And, ultimately, it was a positive thing. Because ultimately, I look back and feel like we’re so lucky to have had the life that we’ve had so far.
Doing a record, you feel a little bit helpless in what you can do. You don’t have very much power. You just have to put out this artwork in the world that you hope will resonate with people. And you’re ultimately doing it for yourself and for your fans and that’s the best. And you feel like you’re doing it for the right reasons.
I think if you can maintain that, and in this case put out a record that’s really true to who you are and what you’re trying to communicate, then you’ll be stronger for it.
It’s really hard to be a musician and I don’t know if I’ll be a musician forever because I don’t know what’s going to happen in my life, but I am ultimately optimistic and positive about it.
I’m very fortunate. I think that’s the biggest thing. I’m very privileged and I think I might not have realised to what extent I am privileged and lucky, without having been confronted by this. So I think ultimately I’ve learned a lot and I think that’s a positive thing.
LFB: You’ll be touring in Europe at the end of October and beginning of November, have you had the chance to play the album live already?
BS: I mean we have our first show of this new record tour on Wednesday. And then we’re doing a few shows around here in Montreal. And then, I mean, I’m actually at my rehearsal space, right now, we’re rehearsing all day.
We’ve played a few small things, very casual, not announced shows, and it feels good. It’s gonna be hard because every place we play now has a very different situation. Some places are seated, some places are masks and most places are limited capacity. It’s not the best environment.
But we’ll see how it goes. I’m hoping that people, because they haven’t seen shows in so long, whatever the situation will be, it’ll be positive, just because I think we’ll all feel so relieved to kind of be in the same room together. So yeah I’m really excited for it.
LFB: Are there things that we didn’t mention or talked about that you would like to tell us about?
BS: What I would like to communicate is kind of what I was just saying, you know. I’m not saying it because I want everyone to come to our shows – I mean obviously I want people to come to our shows – but I would like to communicate just like the immense privilege, we have had to go to shows and see bands that are driving across Europe in a little van…
We’ve taken that for granted for a long time. It was just normal, that a band would come and maybe you don’t feel like going, or whatever. I feel like it’d be nice to just take a moment to acknowledge how lucky we are that we have like all of this amazing shit around us all the time.
And you don’t really know you’ve got it until it’s gone. So I would just encourage people to go see live music in general and support the bands that are on tour now and in this… it’s kind of a difficult time to be touring. So I think just to support your live music scene.
I think now more than ever, you know, it will be appreciated. And bands are awesome but you know they come and go, they’re not forever you know and you got to see artists, while you can because you don’t know when they’re gonna be gone. So that’s all I would just say.
LFB: That’s a great message. Thank you.
Are there things that you’ve discovered recently that you would like to share with us?
Ben Shemie: Like everybody I’m reading that book Sapiens, and I really like it.
I’m a big science fiction guy so if anybody has not yet read Ursula K. Leguin’s books, I think everybody should absolutely read them. They’re from the 60s but they’re very pertinent today especially when it comes to gender.
I’ve been listening to a lot of Bob Dylan, for some reason…
What I’ve also been doing is I’ve been picking record labels, and I have been going through their catalogue of the last two or three years. Like, I pick whatever, maybe an experimental label like Sub Rosa or something and just listen to what they put out in the last year or two, just to kind of get a sense of a label like that.
Some other labels that I really in the States is Western Vinyl… I’ll just listen to their last two years of releases… I find that’s a really nice way to discover new music. Because it’s kind of curated already by that label and I think that’s a nice exercise these days. You know find maybe find some local labels wherever you are that someone mentions and just kind of dig. It’s a good way to discover music and to kind of get like a sense of a music scene also.
Yeah, it’s all about the scene. It’s all about keeping this scene strong!
LFB: Thank you!