L’Espagne, Cuba, le Mexique et même le sud-ouest de la France : voici les endroits dans lesquels l’album nous fait voyager. La Femme ne m’a jamais laissé indifférent. Ce quatrième album, entièrement chanté en espagnol, ne fait pas exception. Ces treize nouveaux titres, dévoilés le 6 novembre dernier, nous plongent une nouvelle fois dans une expérimentation musicale encore jamais explorée pour le groupe. En vérité, il est difficile de résumer un album de La Femme. J’ai l’impression de saisir l’univers de ce groupe, néanmoins chaque titre me plonge à nouveau dans l’inconnu. Cependant, ce son festif d’origine hispanique prend parfois le risque de s’avérer redondant, connu et banal.
Teatro Lúcido : manque d’originalité ou vraie proposition musicale ? Dans tous les cas, cet opus, à l’image des autres, ne m’a pas laissé de marbre.
Les projets de La Femme sont toujours à prendre dans leur entièreté. Mon avis est que, pour apprécier ou du moins comprendre leurs créations, il faut complètement s’y plonger. Est-ce objectivement un bon projet ? Là n’est pas la question. J’ai trop eu l’habitude, ces derniers temps, d’écouter des albums en me demandant s’ils étaient réellement bien réalisés, ce qui interfère fortement avec ce que je veux vraiment éprouver. Néanmoins, ne tournons pas autour du pot : oui, j’ai adoré ce projet. Teatro Lúcido fait partie de ces sorties musicales qui me réconcilient avec mes sentiments. J’ai eu l’agréable sensation d’écouter un album qui me plaît, sans avoir à me poser de questions. Me laisser emporter par mes émotions grâce aux mélodies fut en ce sens une expérience libératrice.
La touche de musique moderne et électro est encore présente dans ce nouveau projet. En revanche, pour rester un tant soit peu objectif : les sonorités puisées dans cet album sont très classiques à des musiques traditionnelles hispaniques. C’est pour cela que dans cette chronique, au lieu d’analyser frontalement morceau par morceau, j’ai envie de raconter ce que l’album m’a fait ressentir et imaginer. En effet, La Femme a toujours eu, selon moi, la faculté de réaliser de la musique très imagée. C’est ainsi que j’appréhende les titres de Teatro Lúcido : un monde composé d’images et d’immersion.
Nous commençons par Fugue Italienne, un morceau instrumental servant d’introduction et imposant dès lors une puissante sonorité. Avec ce synthétiseur, suivi d’une trompette très énergique, j’ai eu la sensation, en l’écoutant, d’être plongé au cœur d’un Western, au milieu d’une scène où apparaîtrait un cow-boy, arrivant de manière héroïque dans un village mexicain afin de sauver ses habitants d’une terrible menace. La seconde partie du morceau est bien plus rapide et intense, comme pour signaler que ce cow-boy vient de passer à l’attaque. Dès l’introduction de l’album, nous sommes immergés dans cet univers.
L’album se poursuit avec Cha-cha, un son bien plus dansant et pop. Cette fois-ci, je me suis retrouvé, dans mon imaginaire, au cœur d’une boîte de nuit de Cuba, plongé dans le noir, le regard posé sur des danseurs du milieu de la piste. L’obscurité a été dissipée avec Sacatela et No pasa nada, pour me retrouver en plein après-midi, au bord d’une plage espagnole, sirotant un verre dans un environnement très coloré et frais. Le titre Sacatela a été mis en image par Ilan Zerrouki, qui a exprimé visuellement ce que j’ai ressenti durant l’écoute.
Nous restons en Espagne avec Y tu te vas, titre possédant des leads à la guitare et dont la mélodie est très inspirée d’un morceau de flamenco, et dont le merveilleux clip, réalisé par JF JULIAN, a lui aussi montré ce que j’ai pu imaginer lors de mon écoute. Cependant, j’ai imaginé une scène plus simple : une place faite de pavés, située en plein cœur d’une ville, durant la nuit, entourée de guirlandes lumineuses, avec une danseuse à la robe rouge, dansant et chantant au rythme des guitares.
Par la suite, nous commençons doucement, cette fois-ci, à rentrer dans une souffrance intérieure. Contaminado est une mélodie plus lourde, lente et mélancolique qui exprime le fait de revivre un passage douloureux de sa vie, difficile à oublier, comme si ce souvenir nous avait contaminé. La sonorité de ce titre a fait ressurgir ces émotions-ci en moi. Il n’est pas évident de ressentir ceci après les morceaux précédents, cependant c’est ce qui rend l’album plus vivant selon moi.
Nous arrivons ensuite au seul morceau qui ne m’a pas permis de me projeter dans cet univers : Teatro Lúcido, morceau éponyme de l’album, est une étape plutôt expérimentale et électro. Ce qui m’a notamment frappé, c’est une voix arrangée qui m’a énormément fait penser à celle d’un personnage du jeu vidéo Zelda Skyword Sword, nommé Fi. J’ai eu l’impression d’écouter ce personnage chanter dans ce titre, ce qui fut à la fois agréable et perturbant. Néanmoins, je rencontre des difficultés à lui trouver une place cohérente au sein du projet. Je le vois plutôt comme un interlude. J’ai eu, plus ou moins, la même écoute pour Resaca. Bien qu’il m’ait légèrement plus inspiré, je le trouve dansant et captivant, mais sans réel rapport avec le reste de l’album.
Il est temps de reprendre le voyage qu’est ce projet et, cette fois-ci, Maialen nous envoie au Pays-Basque, dans le sud-ouest de la France, d’où sont originaires deux membres du groupe. Nous sommes clairement transportés au beau milieu d’une foule à l’occasion d’une fête de Bayonne, avec un morceau qui s’inspire de ce que peut jouer la fanfare à l’occasion de cet événement. Nous ressentons la festivité et la bonne humeur que nous inspirent ce morceau. Nous restons dans ce même état d’esprit, mais cette fois-ci dans un bar Mexicain avec El Conde-Duque, un titre qui respire la convivialité, ou l’on chante un verre à la main, un peu éméché, sur un air festif joué à la guitare sèche.
Après le bruit de la fête, nous revenons à une partie plus calme, composée d’El tio del Padul et Tren de la vida : deux morceaux sur lesquels nous ne nous attarderons pas, mais qui, encore une fois, possèdent une guitare à la sonorité hispanique et nous placent dans une ambiance reposante et mélodieuse, accompagnée de voix envoûtantes, ce qui nous permet de souffler un peu.
Ballade Arabo-Andalouse conclut cet album, et au passage l’histoire que nous retrouvions dans le premier titre. Le protagoniste a accompli son devoir et s’en va la tête haute. Nous retrouvons ce synthétiseur, cette guitare et cette trompette toujours aussi puissante, qui ne cesse de gagner en intensité. Le morceau se conclue sur une note plus douce, comme pour laisser progressivement la place au générique de fin. Le voyage se termine dans les émotions et les images que ces morceaux ont gravé en moi avec l’envie d’y replonger un jour.
En guise de conclusion, comme je l’ai cité plus tôt, ce n’est pas la partie technique de cet album qui m’a intéressé mais plutôt le bien-être et la dimension onirique qu’il m’a transmis grâce à sa simplicité, grâce au fait qu’on y retrouve cette touche de musicalité propre à La Femme, qui m’a aidé à l’apprécier davantage. Quoi qu’il en soit, je suis très heureux d’avoir croisé la route de ce projet. Il m’a permis de me laisser emporter et m’a rappelé qu’il est parfois bon, dans la musique, de ne pas se poser de questions et simplement d’apprécier les éléments qui font vibrer nos oreilles et nos cœurs.