Il y a des albums qui mettent du temps à apparaitre, comme un accouchement qui ne finirait pas. Teenage Bed était apparu au monde en 2017 avec I Believe I’m Seeing Things. Pourtant, c’est dès 2018 qu’il enregistre Expectations, son second EP solo. Il lui aura donc fallu presque deux ans de gestation pour offrir à nos oreilles ce second effort ambitieux, entre pop lo-fi et folk instrumentale.
Dans le fatalisme, la colère gronde. Derrière le flegme apparent se cachent une tempête, une envie de mouvement, de perdre le contrôle et de détruire les attentes, celle qu’on a envers soi-même mais aussi envers les autres. C’est cette idée première qui nous vient en tête à l’écoute d’Expectations de Teenage Bed.
On peut le dire sans soucis, les six titres qui composent ce nouvel EP sont parfaitement représentés non seulement par le titre qui les englobe mais aussi par la pochette qui les accompagne. Ce besoin primaire, presque pur, de parler d’un moment, d’une époque et de sujets pour pouvoir passer à autre chose, pour pouvoir avancer. Car oui, Expectations est tout de même figé dans le temps, on sent à l’écoute cette idée uniforme qui lie les chansons les unes aux autres. Ici, Teenage Bed se livre, une mise à nue autobiographique sur sa personne mais aussi les relations qu’ils nouent avec les autres. L’intérêt de cette poésie brute est qu’elle attirera tout le monde à elle. Ces moments où l’on se retourne sur soi-même. Ces instants où l’on regarde au fond d’un verre de bière vide pour y trouver des réponses sur les relations que l’on peut vivre, ces relations qui nous font vibrer autant qu’elles nous crament de l’intérieur. Ces pensées, divagations emplies de sobriété ou d’éthylisme, chacun d’entre nous les a un jour vécu, on s’est tous retrouvé à un moment précis face à ces décisions à prendre, au pied d’un mur fictionnel dans lequel on peut soit se fracasser, soit l’exploser à coup de maillet pour continuer son chemin.
On pourrait se satisfaire de ce fond, de cette manière d’apporter un certain lyrisme aux épreuves de la vie, d’apporter une vraie vibration émotionnelle et universelle dans le mot, mais ce ne serait pas faire honneur au véritable travail sonore que nous apporte Teenage Bed. Car cette mélancolie verbale s’englobe dans un véritable talent de composition, entre le dépouillement le plus total et l’ambition d’apporter une vibration différente à l’aide de claviers vaporeux, de choeurs discrets mais nécessaires et d’un violoncelle qui fait tout la différence sur les excellentes Move By Forces et Own The Shape. On est emporté loin de ses terres nantaises vers une Amérique aussi fantasmée qu’influente sur des titres aussi forts les uns que les autres, dans lesquels Teenage Bed traîne son spleen tout en douceur
Ainsi, on est frappé par la brutalité d’une I’d Like To Dance qui n’aura pas de fin, comme si la vie s’était arrêtée au court de sa composition, on sera emporté par la basse grunge de Speak Out et par le côté faussement solaire et entêtant de I Was Good With Being Alone tandis For The Mistakes Have Been Made ferme le chapitre Expectations de manière aussi dépouillée que déchirante, nous faisant ressentir, sur nos bras où les poils se hérissent, toutes les émotions possibles avec une inteprétation assez folle ou la carapace finit par se briser pour laisser place à une voix qui se brise et nous brise avec elle.
Chapitre musical, chapitre d’une vie qui finit par se tourner Expectations est une œuvre d’une pureté et d’une sincérité assez dingue, en six titres et une petite vingtaine de minutes, Teenage Bed nous retourne le cœur et nous invite à nous regarder nous-même dans un miroir comme il a pu le faire lui même. Un album au-delà des expectations donc et sans doute la porte ouverte à la fin de l’adolescence. C’est beau, tout simplement.