Il y a peu, TERRIER dévoilait son tout premier EP intitulé Naissance. Un EP condensé de sincérité, de sensibilité, de passion et qu’il nous tardait de découvrir. Il y chante ses bouts de vie, souvenirs d’hier et d’aujourd’hui, ceux qui l’ont façonné, lève sa pudeur sur l’intimité. C’est d’ailleurs à l’occasion de cette sortie que nous sommes allés à sa rencontre, rencontre durant laquelle on y a parlé de son passage à l’âge adulte, de l’urgence de ses textes et de son attrait non négligeable pour l’indépendance artistique. Retour sur cet échange.
La Face B : D’ici peu, ton premier EP sortira. (interview réalisée le 4 mai 2021, ndlr) Comment te sens-tu à l’idée de dévoiler cette partie de toi-même au grand jour ?
TERRIER : C’est assez excitant, je pense que ça va être un soulagement. Proposer cet EP aux gens avant même d’arriver sur scène, c’est un truc que je voulais absolument. Je suis à la fois excité et je flippe un peu car la période est pourrie même si de toute manière, que tu sortes un disque ou un titre, tu as toujours peur car il y a cette attente du côté du public ou des médias. Mais je reste malgré tout très content, j’ai hâte !
LFB : C’est un disque que tu as d’ailleurs appelé Naissance. Un nom au choix judicieux et dont on comprend le sens après l’écoute des sept morceaux qui le composent. Car en effet, que ce soit voulu ou non, il y a une vraie chronologie de vie qui le traverse. Cet EP a t-il été pensé comme une forme d’autobiographie ?
TERRIER : C’est une bonne question. Je ne l’ai pas pensé comme ça mais ça suit ce délire car je voulais que le CD résume brièvement tous mes points de vie personnels que je souhaitais utiliser en chansons et sur un seul CD. Tous les sujets sont différents mais portent sur cette espèce de chronologie de l’adolescence, de l’enfance à aujourd’hui, de mes origines à cette transition vers la vie parisienne. C’est une sorte d’autobiographie oui car tous les titres parlent de mes histoires, de moi. Il y a beaucoup de sincérité, c’est cent pour cent honnête.
LFB : Derrière cette invitation à découvrir ton monde, tu lèves le voile sur ton intimité. Est-ce qu’il t’est déjà arrivé d’être ralenti voire stoppé par ta pudeur lors de l’écriture de ces morceaux ?
TERRIER : Dans l’écriture de mes morceaux non, mais dans la vie oui. Dans la vie, il y a beaucoup de choses que je ne dis pas car je suis timide mais aussi par pudeur, j’ai été éduqué de cette façon et toute ma famille est un peu comme donc forcément je pense que ça a déteint sur moi. Avec mes textes par contre, je me livre beaucoup plus, c’est un bon moyen de casser cette pudeur.
LFB : Parmi tes singles, seuls L’Hiver et Rue des Pervenches se retrouvent dans ton EP. Pourquoi as-tu décidé de ne pas inclure Tourniquet ou même encore Traversée Punk au sein de ce dernier ?
TERRIER : Il y a plusieurs raisons à cela car je voulais écrire un chapitre vraiment différent avec ces sept nouveaux titres, que ce soit dans la production, l’écriture et même dans le graphisme. Dans la globalité artistique, je voulais vraiment passer un cap ou au moins écrire quelque chose de nouveau et c’est aussi parce que je voulais proposer quelque chose d’entièrement exclusif. Ces titres ont vécu, je les joue toujours en live, je les adore, il n’y a pas de problème mais je trouvais qu’ils ne rentraient pas dans ce délire artistique englobé par l’EP. Je les utiliserais peut-être plus tard, pour l’album.
LFB : Au-delà de la nostalgie et la mélancolie de tes textes, tu traites aussi du passage à l’âge adulte, un passage que tu qualifies comme un réel basculement. En quoi cette transition t’a-t-elle perturbé ?
TERRIER : Elle m’a perturbé dans les rencontres et dans le fait de bouger de la campagne à Paris sans transition. Ça a été une transition un peu compliquée car passer de tout l’un à tout l’autre c’est toujours un peu dur, tu as tes habitudes, tes potes que tu quittes, ta famille que tu ne vois quasiment pas et c’est un truc qui a été dur et qui l’est toujours de vivre à Paris, que ce soit pour le climat ou les mentalités qu’il y a ici, c’est un mode de vie auquel j’ai beaucoup de mal à me faire. Ça a donc été une grande source d’inspiration, c’est un truc qui grognait en moi et que j’avais envie de mettre en musique ou en texte du moins.
LFB : Ton morceau Rue des Pervenches fait écho à ton passé, notamment ton enfance et ton adolescence. C’était important pour toi de faire honneur à ton entourage, ces moments de vie qui t’ont construit ?
TERRIER : Rue des Pervenches c’est la rue dans laquelle j’ai grandi en Vendée et c’est la rue où il y a presque tous mes potes d’enfance, où on avait l’habitude de se retrouver car la moitié habitait dans la rue. Les premières courses de vélo ont eu lieu là-bas, les premières cuites également, on faisait des matchs de foot dans cette rue, mes premiers amours étaient là-bas aussi. Il y a vraiment un truc qui s’est passé à l’adolescence et que ce soit pour moi ou mes potes d’enfance, c’est toujours la même chose car quand le titre est sorti, ils m’ont envoyé des messages en me disant « Putain, je me reconnais dans le texte, c’est fou ! » C’est vraiment une espèce d’ode à ce moment de vie, de petit jusqu’à l’adolescence, jusqu’à ce que je parte et je voulais marquer le lieu car c’est un truc fort.
LFB : Être musicien c’est également avoir un quotidien très chargé, entre la promo ou même la tournée qui occupe trois-quarts de votre temps, ce qui laisse alors peu de répit sur le plan personnel, peu de temps pour créer des souvenirs détachés de la sphère musicale. Alors que ces souvenirs constituent une source d’inspiration constante chez toi, est-ce que tu crains un jour, de la perdre ?
TERRIER : Oui, totalement. (rires) Non pas que je vais perdre les souvenirs car ils sont ancrés, mais j’ai écrit dessus et la chanson est faite, je ne peux pas faire quatre chansons sur la rue des pervenches par exemple. J’écrirai sur autre chose, ça fait partie du renouvellement quand on est musicien, on doit savoir se renouveler dans les textes, nos propos. Ma ligne directrice c’est l’honnêteté, la sincérité et ce côté très spontané. Il y a une urgence dans mes chansons que je veux garder et ça, ça permet d’exprimer des sentiments du quotidien, des sensations que j’ai ici en vivant à Paris. Je continue d’écrire, de composer et ça se concentre sur ces situations-là, je ne suis pas encore bloqué et j’en suis heureux. On verra plus tard si ça change car je suis persuadé qu’il y aura un moment où j’aurais un peu de mal mais ça fait partie du jeu.
LFB : Avec Naissance, les énergies et les images sont multiples, les genres musicaux se bousculent. De ton premier single à aujourd’hui, as-tu constaté une évolution dans ton rapport à la chanson et la musique ?
TERRIER : Tourniquet a été composé à peu près en même temps que ces titres qui sont sur l’EP, ce sont des titres que j’ai composés il y a assez longtemps, qui ont eu le temps du mûrir en live, on les a testés, on a vu ce qui marchait et ce qui ne marchait pas sur certaines parties. Et je pense que ces chansons ont plus de maturité que les premières car elles ont aujourd’hui plus de recul sur les textes, l’arrangement etc. Mon rapport a changé et en plus de ça j’ai croisé des gens qui ont énormément de talent, énormément d’expérience, je pense notamment au Chantier des Francos ou au Printemps de Bourges. Ces gens m’ont donné leur avis et mine de rien, même si je sais exactement où je veux aller, ce sont des avis qui comptent beaucoup, qui pèsent dans la balance et qui font évoluer le propos artistique, dans le sens où ils vont pointer des choses fortes dans les chansons et des choses inutiles, ce qui permet alors d’évoluer en studio. Et ça, ce sont des choses que je n’ai pas eu avant Tourniquet. C’est également une question de maturité, je pense qu’il y en a plus dans les nouveaux titres que ceux d’avant. Je ne sais pas si c’est un atout car j’adore le côté naïf aussi qui je pense, est quand même resté. C’est un juste équilibre et donc oui, il y a eu une vraie évolution depuis.
LFB : Ta musique te permet de mettre des mots sur ce que tu ressens, d’extérioriser des états plutôt que de les intérioriser. Si tu n’avais pas accès à cette sortie de secours, à quoi te raccrocherais-tu pour permettre à tes émotions d’exister ?
TERRIER : Je ne sais pas vraiment car j’ai toujours vécu avec la musique en commençant la guitare à six ans. Ça a toujours été très fort, j’ai passé un temps fou là-dedans en y allant toujours tête baissée, c’est vraiment passionnant. Peut-être que je me tournerais vers le sport ou quelque chose comme ça. Peut-être que j’aurais d’autres relations aussi, des potes différents, où je me livrerais un peu plus, je ne sais pas. Mais en tout cas, je suis très content de ma vie. (rires)
LFB : Tu as pratiquement réalisé cet EP seul. Est-ce qu’à l’avenir il serait envisageable pour toi de collaborer avec d’autres ?
TERRIER : Ça n’a pas été volontaire de le faire tout seul, c’était un peu par défaut, ça s’est fait naturellement car j’avais besoin de me trouver je pense. C’est ce qui change de Tourniquet et Traversée Punk car j’ai mis plus de temps pour me chercher, pour aller tester des sons, des trucs différents etc et je me suis alors rendu compte que j’avais besoin de le faire seul. Par contre, sur mon premier album qui sortira dans les mois à venir ou peut-être dans un an, j’ai déjà des plans en tête pour tester avec untel en tant que musicien mais tout en continuant à garder la partie réalisation du CD car c’est un truc qui me tient à cœur. Je vais garder cette partie autoproduction à fond mais en m’entourant de musiciens qui vont me donner des avis, m’apporter une expérience que je n’ai pas car plus tu as de gens avec toi mieux c’est, ça reste toujours un plus. Je suis en train d’y réfléchir, je ne suis pas fermé à l’idée, j’aimerais juste trouver la ou les bonnes personnes, plus en tant que musiciens qu’arrangeurs.
LFB : Pour tes clips, tu as beaucoup travaillé avec ton fidèle compère Julien Peultier. Cette collaboration va-t-elle perdurer ?
TERRIER : Absolument oui. Julien a l’aspect documentaire que j’adore et que je voulais utiliser sur mes clips. Je trouve que les chansons racontent une histoire et la meilleure manière de les illustrer c’est d’en faire un reportage, un documentaire. J’aime beaucoup sa manière de faire, sa manière de filmer les situations, les actions, tout ce qu’il se passe, j’adore vraiment son travail. On en a un prévu pour cet été donc on va retravailler ensemble. Mon prochain qui va sortir en mai, je l’ai fait avec Valerian (valerian7000, ndlr) qui fait toutes mes photos mais c’est juste parce que je voulais un truc différent sur celui-là en particulier. Cette collaboration avec Julien va perdurer et j’adorerais qu’il me suive en tournée, qu’il prenne énormément de photos en backstage, du live, j’adore ce qu’il fait donc s’il veut bien, ça serait avec grand plaisir ! (rires)
LFB : En fin d’année dernière, tu lançais ton propre label. Opter pour l’indépendance avec un projet aussi jeune c’est audacieux, non ?
TERRIER : C’est flippant oui mais j’ai aussi la chance d’être très bien entouré, j’ai deux managers qui ont une grosse expérience et qui l’ont déjà fait, qui savent où ça va, ils m’ont persuadé. À la base ce n’était pas forcément mon idée mais ils m’ont expliqué pourquoi je n’étais pas totalement convaincu par les maisons de disques aujourd’hui et pourquoi je n’avais pas eu de coup de cœur. Et tout ça c’était parce qu’au final je voulais faire mes propres trucs, avoir mon indépendance artistique, pouvoir sortir des choses quand je veux et où je veux, sans être obligé de faire tel ou tel livestream que je n’aime pas etc. Je suis vraiment mon propre chef ce qui est à la fois excitant et effrayant car je suis livré à moi-même tout en étant sur une autoroute sans personne pour me barrer la route. C’est une expérience, on verra bien où ça nous mènera. Ça m’est venu vraiment naturellement en tout cas. On nous proposait des contrats avec des sommes monstrueuses mais moi ce n’est pas du tout ce qui me guide, j’en ai rien à faire de l’argent. On a besoin de thune pour produire mais à un moment on a aussi besoin d’idées originales et d’un rapport sain avec les gens qui bossent sur le projet. Aujourd’hui, tout le monde s’entend bien et c’est le principal surtout dans une période de merde comme ça, c’est vraiment important.
LFB : Enfin, aurais-tu des coups de cœur récents à partager avec nous ?
TERRIER : Dernièrement, j’ai adoré Yorina que j’ai d’ailleurs partagé sur les réseaux, il y a un côté Lana Del Rey que j’aime beaucoup. J’ai adoré l’album remixes de Metronomy, vraiment très très fan. Et puis pour terminer je dirais Martin Luminet. C’est quelqu’un que j’ai rencontré comme ça, je lui avais envoyé un message en lui disant que j’adorais ce qu’il faisait et que j’étais très touché par ses textes, ce qui est toujours le cas d’ailleurs, et c’est devenu un super pote depuis. Il sort des titres en ce moment, il faut absolument checker !
© Crédit photo (couverture d’article) : valerian7000