The Art Of Pretending To Swim : et Villagers vit la lumière

Que celui qui n’a jamais pleuré en écoutant Villagers lève la main. Ok, on ne vous voit pas mais on pense sincèrement que personne n’a le bras en l’air, ou alors on va s’inquiéter sérieusement pour vous, et pour nous aussi car ça voudrait dire qu’on est lu par des sociopathes. Car oui, depuis bientôt 10 ans, la bande de Conor O’Brien nous crève le cœur avec ses chansons et a fait couler des torrent de larmes sur nos joues. Et quand on le voit revenir avec sa guitare, ses gros sabots de songwritter génial et un nouvel album au titre plutôt évocateur, The Art Of Pretending To Swim, on se dit qu’une nouvelle fois, on ne va pas y couper. Alors on a sorti notre petit plaid, on s’est préparé un thé, on a lancé l’écoute… Et on a été surpris.

Si on devait résumer le nouvel album de Villagers en une sentence, on penserait automatiquement à ça : l’ambition sans prétention. Cette image aussi simple que véridique pourrait fatalement résumer toute la carrière du groupe irlandais. Entre un Becoming A Jackal en note d’intention, un Awayland plus électronique et foisonnant d’idées et un Darling Arithmetic aussi épuré qu’il représenté une sorte d’auto-analyse pour son auteur, Conor J. O’Brien n’a jamais eu de cesse de nous offrir une musique qui, si elle ne réinvente rien, a toujours pour but d’offrir la qualité dans ce qu’elle a de plus pur. Et sans prétention donc, car le bonhomme n’a jamais laissé personne sur le carreau, n’a jamais perdu son public dans une espèce de masturbation intellectuelle dans laquelle il aurait facilement pu tomber, que ce soit dans ses textes très lettrés ou dans des compositions qui ne se privent jamais d’expérimentations. La grande qualité des albums de Villagers, c’est qu’on s’y est toujours senti chez soi, qu’ils ont toujours été confortables et accueillants et qu’on y a toujours trouvé quelque chose qui, d’une manière ou d’une autre, vibrait en nous et frappait nos sentiments. Et ce n’est qu’au fil des écoutes qu’on réalise les nuances, les essais, les détails qui mènent non seulement à ré-envisager l’album comme nouveau à chaque écoute, mais également à nous rendre toujours plus accro à une musique aussi pointue qu’elle se veut facile d’accès.

Autant le dire tout de suite, The Art Of Pretending To Swim ne fera pas exception à la règle et pourrait même ouvrir les portes de l’univers Villagers à un tout nouveau public. Il y a tout d’abord ce titre, sublime. Chacun à sa manière a un jour, que ce soit dans la vie, dans le monde professionnel ou peu importe l’univers dans lequel on gravite, fait semblant de savoir nager et a trouvé un moyen de garder la tête hors de l’eau pour pouvoir respirer et survivre. Il y a la première écoute, où l’on retrouve cette voix habitée, cette guitare et ce piano si caractéristiques. Cette écriture, à la fois mélancolique, crue, personnelle, remplie d’émotion et d’une honnêteté parfois brutale. Comme le dit si bien O’Brien sur A Trick Of A Light  » And there’s an ocean in my body / And there’s a river in my soul / And I’m crying » et nous avec. Car oui, ça n’a pas manqué, on a à nouveau ouvert les vannes face à la beauté poignante de la musique de Villagers.

Et puis il y a les nombreuses autres écoutes. Celle où on essaie tant bien que mal de laisser l’émotionnel de côté pour entrer un peu plus dans l’analyse. Et si on remarque que la mélancolie est toujours aussi présente, et heureusement d’ailleurs, elle balancerait désormais vers son côté lumineux. Musicalement, l’album ne cesse de surprendre au fil des écoutes et ce dès Again. Si la rythmique, les paroles sont très proches des classiques de l’irlandais, l’utilisation d’une voix vocodée qui répète en boucle « Again » tout au long de la chanson la marque au fer rouge, les petites envolées électroniques subtiles qui apparaissent à 1m30 aussi jusqu’à l’envolée, mêlée aux chants d’oiseaux. A Trick Of The Light est sans doute la chanson la plus classique, et néanmoins très efficace, de l’album et c’est en toute logique qu’elle a été choisie comme premier single. Vient ensuite Sweet Saviour, luxueuse, foisonnante, grandiose portée par une voix presque en apesanteur. La batterie électronique de Long Time Waiting nous embarque avec elle jusqu’à une explosion de cuivres chaleureux et presque uniques dans la musique de Villagers. On en était déjà étonné, jusqu’à ce que viennent se mêler des bruitages électroniques sur le dernier tiers de la chanson. On est surpris, agréablement, tant l’album reste cohérent, sans doute grâce à ses paroles et à ses thèmes, tout en nous emmenant à chaque chanson dans des univers aussi différents qu’ils peuvent être déconcertants avant de fatalement nous séduire.

Le refrain de Fool nous fera fondre le cœur, tandis que la rythmique presque hip hop de Love Came With All That It Brings nous fera une nouvelle fois tanguer. Que dire de l’atmosphérique et électronique Real Go-Getter ? Qu’une nouvelle fois, elle nous emmène dans des terrains qu’on pensait connaitre pour mieux nous surprendre, basculant presque dans une transe dansante à mesure que les mots se répètent et se cognent à la batterie électronique. Hold Me Down nous calme un peu, tandis qu’Ada nous invite au voyage, et à l’ailleurs avec la réapparition des oiseaux, sans doute la pour nous guider vers le prochain voyage.

Avec ce nouvel album, Villagers nous prouve qu’il reste une bouée parfaite à tout ceux qui essaient de faire semblant de savoir nager. The Art Of Pretending To Swim est un album d’une beauté sensationnelle, qui nous surprend au fil des écoutes tout en ne nous éloignant jamais du confortable songwritting de son auteur. C’est un album aussi varié qu’il est constant, habité et subtile. C’est un album qu’on écoutera encore dans 10 ans. Qui nous fera rire et pleurer et qui s’accrochera à certains des souvenirs de nos vies pour les mettre en lumière et les mettre en musique. C’est aussi un album qui ouvrira sans doute à son auteur les portes d’un nouveau public mais qui offre aux fans de la première heure ce qu’ils attendaient et bien plus encore. C’est un album de Villagers, tout simplement.

Il sera en concert le 1er novembre à La Madeleine (Bruxelles), le 14 au Trobendo (Paris) et le 16 au Boucau (Biarritz).