The Beat Escape est la rencontre d’Adam Ohr et Patrick Lee. Adam est balance, Patrick est poisson. Un signe d’air et un signe d’eau. Est-ce que ça a une importance ? Bien sûr, car c’est bien connu, l’horoscope ne se trompe jamais. Après Life is Short the Answer’s Long (2018), leur premier album au paysage sonore cosmique, c’est dans les profondeurs abyssales que le duo Montréalais nous embarque cette fois. Leur 2ème album Shadows of Ecstasy, paru le 25 décembre dernier, est peut-être passé inaperçu de notre côté de l’Atlantique, mais mérite amplement qu’on s’y plonge !
Ces presque 5 ans d’absence depuis leur premier album n’auront pas été vains. La pop électronique imprégnée de new-wave caractéristique du duo aura rythmé la fin d’année 2022. Quelques semaines avant d’annoncer leur retour, le duo est d’abord venu accompagner la magnifique voix de Tess Roby de leurs synthés hypnotiques sur un album commun, Postcards from the Sun to the Moon.
Dans la foulée, le duo sort trois extraits puis l’album Shadows of Ecstasy. Pourtant, cette présence prolifique aurait pu ne pas avoir lieu. Un bug technique suffit à effacer le résultat d’un nombre incalculable d’heures en studio à travailler les moindres détails de chaque morceau. De ces morceaux, il ne reste plus que les titres. Le duo y voit alors l’occasion de simplifier son set-up analogique. Rancunier, peut-être, ils se passent du champ des possibles offert par le numérique pour favoriser une musique enregistrée plus instinctivement en studio. Sûrement l’occasion de se rapprocher de leur subconscient, thème exploré dans l’album.
Le voyage onirique commence dès la cover de l’album, unique support visuel du projet. Ce tableau surréaliste de Jessica Wee, intitulé Wash Wash Wash (2020), donne le ton : les deux artistes explorent ces pensées qui échappent à la logique, avec pour objectif non pas de les interpréter, mais de les invoquer pour en révéler l’esthétisme.
Le premier titre, Paralda, installe le paysage sonore de l’album. La froideur des synthétiseurs et l’utilisation de samples évoquant des sonars, également présents sur le morceau Aqua Permanens, nous immergent instantanément dans une atmosphère aquatique presque cinématographique tant elle sonne réaliste. On les imagine en studio, aux commandes de leurs machines analogiques, comme dans le cockpit d’un sous marin explorant les profondeurs obscures et inconnues des abysses. Le choix de cette atmosphère apporte justement la sensation d’une grande solitude à l’écoute du disque. Cet endroit dépourvu de lumière, si profond qu’il en est presque irréel, met en condition l’auditeur pour s’abandonner aux rêveries et illusions nocturnes recherchées dans l’album.
Shadows of Ecstasy, deuxième morceau qui donne également son nom à l’album, semble tout droit tiré d’une version électronique de la BO du film 37°2 le matin, composée par Gabriel Yared, et nous rappelle son héroïne Betty, qui s’abandonne peu à peu dans une folie incurable. Les paroles d’Adam Ohr évoquent également les hallucinations de l’incontournable Mercy Street de Peter Gabriel. De la même manière, la voix lancinante d’Adam, perçue comme un écho lointain presque indiscernable, nous invite à lâcher prise et nous accompagne tranquillement dans des rêveries invraisemblables, mais porteuses de sens.
L’album prend un envol psychédélique avec les titres Illusion of Success ou Ash extracted from ash. Ce dernier trouverait d’ailleurs parfaitement sa place au sein de la série numérique, en x chiffres, que Flavien Berger construit sur chaque album. La boîte à rythmes démarre pour ne plus s’arrêter et leurs harmonies synthétiques enveloppantes, caractéristiques de leur musique, nous emportent jusqu’à un état de transe qui nous pousse à jouer le titre en boucle. Cette signature sonore révèle toute la complexité de la musique de The Beat Escape : le rythme voudrait nous emporter, mais la mélodie imprégnée de mélancolie nous rattrape dans cet élan pour nous plonger dans nos pensées les plus personnelles.
Alors que leur premier album, Life is Short the Answer’s Long, est sorti comme une évidence sur le label Bella Union, créé par Simon Raymonde, ex-bassiste de Cocteau Twins, Shadows of Ecstasy semble avoir été produit sur leur propre label, Aurum Argentum Records. Leur prochain album est attendu pour l’année prochaine, une affaire à suivre.