The Big Picture, la poésie par Last Train

Le rock français serait prétendument comme le vin anglais, et ce serait prétendument un mec connu dans le rock qui l’aurait dit. John Lennon n’est malheureusement plus de ce monde, mais force est de constater que les temps changent. Une vague de jeunes talents déferle ces dernières années sur l’hexagone et à son sommet, on trouve quatre Alsaciens qui bousculent un monde où les formations à guitares semblent moins plébiscitées. The Big Picture par Last Train, ça fait un gros bisou à John.

Last Train The Big Picture Album Cover

Des albums rock comme ça, on pourrait dire qu’on n’en fait plus. Prenons plutôt le parti de dire que The Big Picture vient dépoussiérer le genre en le propulsant dans les standards de son époque. Moderne, ambitieux et assumé, un seul titre sur les dix fait moins de 4 minutes 30 secondes : pour notre bonheur, on s’affranchit du format classique des 3 minutes 30. Last Train joue aujourd’hui dans la cour des grands et si on sent des influences comme The Raconteurs ou The Smashing Pumpkins, le groupe ne singe personne et trace sa propre route.

D’un point de vue technique, la production de l’album est de très bonne facture. Les prises sont réussies, le mixage et le mastering rendent honneur à la qualité de la composition et à l’œuvre dans son ensemble. C’est sensible, c’est rageur quand ça doit l’être et doux lorsqu’il le faut. Les compositions nous emportent, les transitions sont amenées avec brio (On Your Knees pourrait être pris en exemple dans les écoles de musique) et on surfe avec bonheur sur la musique. Si vous aimez courir, cet album vous portera sans aucun souci et non seulement vous traverserez votre heure de sport sans la voir passer mais en plus vous battrez tous vos records personnels (indication non contractuelle).

Il y a une mélancolie inhérente à la musique de Last Train, mais qui est présentée avec une telle poésie et une telle force de contemplation qu’elle emporte tout le reste. On Our Knees, The Big Picture et The Idea Of Someone sont des chefs d’œuvre en ce sens, avec de grands passages instrumentaux qui trouvent toute leur pertinence et qui font monter les larmes face à une intensité émotionnelle à son paroxysme. On appréciera d’autant plus l’apparition d’instruments à cordes frottées dans les arrangements de certains morceaux, qui apportent une dramaturgie magistrale à l’ensemble. On imagine pêle-mêle des scènes de cigarettes fumées sous la pluie, de reconquête amoureuse et d’attente dans le froid.

Assurément, on tient là l’un des albums de l’année. Les jeunes alsaciens donnent une leçon d’excellence et de maîtrise sur 57 minutes naviguant entre mélancolie empathique et brutalité sensible. On les en remercie vivement.