Parmi les jeunes pousses de la musique française en 2022, on a envie de mettre une petite pièce sur The Doug. Le jeune homme vient de sortir son nouvel EP, Jeune The Doug, un projet brut et sincère dans lequel il se dévoile complètement et sans filtre. Une musique aussi douce que percutante, qui nous a touchés en plein coeur. On a donc eu le plaisir de le rencontrer pour parler de sa musique, de chant, de guitare et d’émotions.
La Face B : Salut The Doug, comment ça va ?
The Doug : Eh ben ça, super. Ca va super bien. Et vous, comment vous allez ?
LFB : Moi, ça va. Il fait beau, c’est le printemps. Ton EP vient de sortir, il s’appelle Jeune The Doug. Je me demandais si avec cet EP là, par rapport à ce que tu avais fait avant, tu avais la sensation d’une nouvelle naissance ?
The Doug : Oui, c’est sûr. Rien à voir avec ce que j’ai fait avant. Enfin, on est dans la continuité mais le premier EP que j’ai sorti, c’était en 2017-18, 2018, donc j’étais vraiment tout petit, parce que moi je suis né en 2000. C’est un EP que j’avais écrit à 17-18 ans., voire même 16. Et là, celui qui sort, c’est tellement plus de travail, plus d’aboutissement… Il s’est passé si peu d’années mais en même temps tellement de choses pour quelqu’un de mon âge que c’est évidemment une nouvelle naissance et c’est le premier vrai projet bien solide et bien structuré que je présente.
LFB : Et donc, qui est The Doug aujourd’hui ?
The Doug : Bah c’est moi ! C’est un jeune branleur de bientôt 22 ans, qui essaie d’en faire le moins possible mais qui essaie quand même de toucher les gens avec son flegme. Je ne sais pas trop quoi dire de plus… Voilà.
LFB : Moi ce que j’ai ressenti à l’écoute de ton EP, c’est qu’il y a une sincérité presque brutale et douloureuse qui s’échappe de ta musique. Comme si tu avais un besoin d’évacuer tout ce qui brûle en toi en fait.
The Doug : Tout à fait. Ouais ben c’est pour ça que je fais de la musique… Comme j’aime bien le dire, c’est un peu pour faire sortir tout ce qu’il y a dans cette boule dans le ventre, qu’on a envie de vomir un peu au monde. Mais brutal, je ne sais pas. Il y a quelque chose de … je pense qu’il y a quelque chose d’un peu violent, dans le fait que ce soit aussi direct, dans les sujets abordés … je n’aime pas prendre des pincettes, j’aime bien que ce soit direct. Mais brutal, je ne sais pas. Je pense que ça reste assez doux, justement.
LFB : Mais il y a quelque chose d’impudique quand même, tu vois ? Par brutal, j’entends que c’est très direct dans la façon dont tu le dis.
The Doug : Ouais !
LFB : Tu ne prends pas de gants, quoi.
The Doug : Ouais, c’est sûr. Brutal, oui, j’aime bien, j’ai envie que les gens comprennent sans avoir à faire des analyses de texte de 400 lignes. Ca me paraît plus intéressant.
LFB : Est-ce que t’as l’impression que le fait d’aller chercher des choses qui soient si loin ancrées en toi et dans ta vie, c’est ce qui t’a permis aujourd’hui de te relier au public ?
The Doug : C’est sûr. Je pense qu les gens peuvent se reconnaître dans mes propos, parce que c’est très vite assimilable, il n’y a pas de barrière entre ce que j’ai vécu ou ce que je vis et ce que je dis. Il n’y a pas de filtre, et c’est encore plus facile pour le public de se reconnaître dedans.
LFB : Tu parles de choses qui sont tellement universelles et que beaucoup de gens ont vécues que ça permet de créer une connexion.
The Doug : Oui, voilà.
LFB : Presque immédiate en fait.
The Doug : Comme tu disais à propos de la chanson sur ma mère, ce qui est important, que ce soit moi ou quelqu’un d’autre, c’est qu’il y ait des chansons sur ce genre de thèmes-là, et qu’on n’ait pas à mettre de pudeur là-dessus.
C’est une chanson au final qui, en tout cas je la vois comme ça, est tournée plus vers l’espoir au final. Je n’ai pas envie que les gens quand ils ont fini d’écouter la chanson ils ne soient pas bien, recroquevillés sur eux-mêmes, dépressifs… J’ai envie qu’ils soient « wow », qu’ils aient envie d’appeler leur maman, qu’ils pleurent d’émotions, mais pas de tristesse. Je n’ai pas envie de donner de la tristesse aux gens. Peut-être malgré moi, un peu quand même, mais c’est pas le but premier en tout cas.
LFB : Il y a de la prise de conscience aussi. Dans la façon dont tu chantes, ce que tu racontes, je trouve que c’est impactant parce qu’on sent que c’est vrai, et en même temps… comme on disait, c’est des trucs qui permettent de rattacher à son propre background. Moi ce que j’ai beaucoup aimé, c’est que dès la première écoute, on le sent. Ca se sent par le choix des mots, il y a quelque chose de presque brûlant, de nécessaire dans ce que tu fais.
The Doug : Quand je commence un texte, j’ai envie de le finir, faut y aller. Souvent je galère à commencer mes textes, mais une fois que je les commence, je peux les finir assez rapidement. Et ouais, il y a pas mal de morceaux où il y a une espèce d’urgence dans mes propos, un truc que j’ai envie de faire ressentir pas oppressant, mais… un truc qui mette dans une bulle où on peut se sentir pas très bien. Je pense notamment au morceau Dans le décor, il y a un moment où les couplets sont un peu rapés… Les tableaux aussi. J’aime bien utiliser le rythme des mots pour ça.
LFB : Au niveau des thématiques, de ce que tu racontes, est-ce que tu as l’impression que ta musique te permet aussi d’accepter tes contradictions ?
The Doug: C’est sûr, c’est le cas pour tous les artistes, mais je pense aussi pour tout le monde, pas juste les artistes, quoi. C’est-à-dire que oui, il y a des jours où tu es le plus beau du monde, où tu t’aimes, et des jours où tu ne peux pas te voir, pas du tout, et il n’y a rien à faire. C’est comme ça, et puis il n’y a pas forcément à être que l’un ou que l’autre. Ca fait partie du truc.
Les chanteurs, je pense qu’on a tous un peu un amour propre un peu mal placé des fois aussi. Dans l’ego trip des fois ça se ressent, mais ça va, je ne pense pas être le pire là-dedans.
LFB : Tu parlais des Tableaux . Il y a aussi parfois une navigation entre l’onirisme et la réalité de temps en temps. Ce truc un peu rêveur, mais que tu raccroches toujours au réel.
The Doug : Les tableaux, même dans la compo… Alors on a coupé, on a modifié, mais à la base, quand je l’avais faite, j’avais fait une espèce de changement d’accord majeur-mineur qui donnait un espèce de flottement bizarre à la fin du refrain. Et ouais, dans les accords du refrain, il y a ce truc très planant, très… « je veux vivre dans les tableaux », ça décolle un peu comme ça, et j’aime bien cette espèce de contradiction avec les couplets qui sont très terre à terre au final, qui sont très ancrés dans les trucs qui me font chier de la vraie vie. J’aime bien la compo de ce morceau.
LFB : Pour rester un peu sur cette idée, j’ai l’impression qu’enchaîner Faire le bien et Comme la vie est belle, ça n’avait rien d’un hasard en fait. Dans la façon dont ça s’enchaîne, qu’il y a une progression qui est assez intéressante dans la tracklist. Et du coup je me demandais comment tu l’avais réfléchie.
The Doug : Alors, tout d’abord, commencer par Jeune The Doug, parce que déjà c’est le premier single qui est sorti, c’est le nom de l’EP, c’est un peu ma carte de visite. Donc il y a du rap, il y a de la chanson, il y a… si on aime bien ce morceau, en général, je pense qu’on peut aimer tout le reste. Donc c’est pour ça que je l’ai mis là. Ensuite Faire le bien, c’est mon morceau un peu… good vibes. Ce n’est pas non plus la plage, mais dans les propos, parce que musicalement, je trouve qu’il est quand même c’est pas un morceau qui te rend dépressif. On l’a mis là parce qu’après on doit s’accrocher quoi. On laisse les gens croire que l’EP il est sympa et après, on va dans le down : Comme la vie est belle juste après, qui résonne.
LFB : C’est un le yin et le yang.
The Doug : C’est ça. Je ne sais même plus pourquoi on l’a mis là. Je sais pourquoi on a fini par Avec elle, cette espèce d’ouverture sur la suite.
LFB : Oui, c’est ça, c’est hyper lumineux, hyper tendre je trouve, ce morceau.
The Doug : Avec elle ?
LFB : Ouais. Je trouve qu’il y a un truc qui colle bien justement avec ce que tu racontes dans l’EP. Comme tu dis, c’est un morceau qui ouvre sur quelque chose.
The Doug: Musicalement, oui, c’est différent.
Il ne fallait pas qu’il y ait tous les morceaux dépressifs à la suite, puis après tous les morceaux un peu sympas, good vibes,donc on a fait, voilà, Jeune The Doug en premier, qui est assez sympa, qui est soft, qui est cool. Ensuite Faire le bien, qui est toujours assez cool. Comme la vie est belle qui est le morceau le plus lent en fait, juste guitare-voix.
Petite anecdote : Avec elle, c’était un morceau uniquement guitare-voix à la base aussi. Et on hésitait, lequel des deux on mettant en guitare-voix, on ne voulait pas en mettre deux, je voulais n’en mettre qu’un. Alors peut-être qu’on ressortira la version guitare-voix un jour de Avec elle, qui est vraiment différente et qui donne une autre atmosphère au morceau. Et du coup, on a gardé Comme la vie est belle en guitare-voix, on l’a mis là, il est entre deux morceaux qui bougent pas mal, et c’est pas mal aussi de rythmer l’EP. Puis Dans le décor après… il ne fallait surtout pas qu’on mette Comme la vie est belle et Dans le décor à côté, parce que là, je pense qu’on aurait provoqué un taux de suicide assez conséquent. (rires)
LFB : Il y a une idée de variations qui est hyper intéressante, comme tu dis avec des hauts et des bas, et qui se rattache aussi au propos de tout ce que tu dis dans l’EP. Moi j’ai bien aimé le dernier titre, c’est un truc où moi, personnellement, je me pose beaucoup la question aussi, le fait d’être attaché à là d’où on vient. Est-ce que t’as l’impression que malgré tout, quoi que tu fasses, entre guillemets tu es rattaché à la province, tu vois ? Et à là d’où tu viens en fait.
The Doug : Oui, bah oui, je pense que toute ma vie, je serai un chanteur de Clermont-Ferrand. Pas de problème hein, c’est là d’où je viens, c’est la vérité en même temps. Après voilà, est-ce que je serai toujours catalogué comme tel, c’est-à-dire uniquement le chanteur de Clermont-Ferrand et pas autre chose, ça je ne sais pas. On verra. En même temps, je l’ai bien cherché, j’ai fait une chanson sur ma ville, donc…
LFB : Moi, ce que je trouve intéressant sur l’EP, c’est que j’ai l’impression que tu fais plus une musique d’humain qu’une musique de mode. Il n’y a pas de calcul, et on sent bien que ce que tu proposes, c’est peut-être un peu difficile à définir dans les styles, mais ça te représente complètement en fait.
The Doug : Oh ben c’est gentil. Non, ben oui. Je nesais pas si j’aurais pu faire des musiques très très à la mode de toute façon, parce que souvent, ça veut dire une certaine technique que je n’ai pas forcément. Ce qui ne veut pas dire que j’écoute pas des musiques qui sont très à la mode, dans les courants actuels, mais… Non, j’ai fait surtout ce que je savais faire, c’est-à-dire écrire des chansons et faire de la guitare, et dire ce que j’avais à dire. Je ne me suis pas trop posé les questions. En fait, c’était de la chanson française, vu que c’était ça lla base de tout, c’est le texte. Et je ne fais pas des textes comme Laylow, en train de dire que je suis un cyber-humain schizophrène… (rires). Moi je ne fais pas ça.
LFB : Oui mais voilà, tu racontes ce que t’as vécu, et c’est ça qui est intéressant. Et justement, d’un point de vue un peu plus formel, j’aimerais bien revenir sur les deux fondamentaux de ta musique, à savoir ta voix et la guitare. Je vais commencer avec la voix : je me demandais comment tu l’avais travaillée, parce que pour moi, ce n’est jamais vraiment monocorde. On voit que ta voix, tu peux la pousser vers des choses, on reste sur cette idée de variations et presque d’acting en fonction des morceaux que tu chantes.
The Doug : Je n’ai jamais pris de vrais cours de chant, j’ai toujours chanté… depuis tout petit, j’ai toujours cassé les pieds, on va rester poli, de tous les gens qui m’entouraient. Tout le temps, tout le temps, j’étais infernal. Infernal.
Je chantais tout le temps, tout le temps, tout le temps. Des trucs à la con, en plus. Bon bref. Et puis… je pense que j’ai toujours été un espèce de gamin insupportable qui voulait l’attention. Donc j’ai cherché des moyens d’avoir l’attention, je me suis dit « vas-y, je vais écrire des trucs ». J’écrivais des poèmes, des conneries, et puis… non, mais j’ai toujours kiffé chanté. Ma mère, elle m’a inscrit à des cours de guitare dans une asso quand j’étais en cinquième avec mon frère, on a fait six mois.
Bref. Je faisais des cours de guitare, voilà. Six mois dans une asso, pour apprendre vraiment les bases bases bases. Puis après j’ai continué tout seul. Puis au bout d’un moment, tu fais de la guitare, tu écris des textes, ça se rejoint, et ce moment ça a été au lycée, quand j’ai intégré un univers de gens qui rappaient tout le temps. Devant le lycée, on faisait des open mics dans des salles, c’était vraiment tout le temps, trop cool. Une émulation super.
Donc j’ai commencé à écrire par le rap, ce qui est une super école en fait, parce que ça apprend vraiment une rigueur sur plein de choses, et puis ça apprend à être solide aussi, et à ne pas avoir peur de cracher un texte devant des gens. Je pense que ça vient de là aussi, cette espèce d’honnêteté, de hargne. Ca vient de là. Et du coup, je chantais, j’ai toujours chanté et j’ai toujours aimé chanté, j’ai toujours aimé les chanteurs, les chanteuses… Je pense que c’est comme un sprinter, le mec il court depuis qu’il a huit ans, et ses muscles, ils se développent, et il peut courir mieux que tous les autres parce qu’il fait ça depuis qu’il est tout petit.
Bah si tu chantes tout le temps depuis que tu es tout petit et qu’on net’a jamais interdit de chanter, je pense que c’est plus facile d’être plus juste. Je n’apprends rien, c’est la stricte vérité en fait.
LFB : Après, moi ce que je trouve intéressant dans ton utilisation de la guitare, c’est que j’ai l’impression que ça fait un peu le pont entre tes différentes influences. J’ai aussi l’impression que tu utilises un peu la guitare comme d’autres utilisent un sample en fait. Tu fais des boucles avec la guitare, et tu l’utilises d’une manière hyper hip-hop en fait.
The Doug : Ouais, ça dépend des morceaux quoi. C’est vrai que par exemple sur les morceaux rap, on va garder la… Parce que j’ai toujours cet espèce de… le gimmick de guitare, par exemple l’intro de Jeune The Doug. (fredonne). Et en fait, je n’ai pas énormément de technique à la guitare. Ca me donne un jeu qui est assez spécial, parce que je ne suis pas… Je ne fais que de la rythmique, je ne peux pas faire de solo ou machin, et du coup on a essayé de trouver les meilleurs moyens de réutiliser ce que je savais faire à la guitare, et de d’en faire un élément marquant de ma musique, et on va continuer là-dedans je pense, parce que je suis assez content de ça.
LFB : Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour l’avenir ?
The Doug : Ben écoutez, continuer à trouver de l’inspiration. Je pense que c’est tout ce qu’on peut souhaiter à un artiste – continuer à… que je continue à avoir la force de me dire que ça va aller, qu’on va continuer à faire de la bonne musique. C’est dans la tête aussi. Voilà.
LFB : Et justement, tu disais que Avec elle était une ouverture. Tu as déjà prévu la suite ?
The Doug: Je travaille sur un album, mais c’est un peu tôt pour en parler, j’ai même pas fini les textes… On est encore à l’écriture des textes, et donc… mais oui, ça arrivera, évidemment. Je ne m’arrête pas là, vous inquiétez pas. (rires). Ça continue.
LFB : Et la dernière question, c’est est-ce que tu as des coups de coeur récents à partager avec nous ? Pas qu’en musique hein, des trucs qui t’ont marqué récemment… Ca peut être un film, un livre…
The Doug: Ben… Ouais. En film, je suis allé voir en avant-première Vortex, c’était cool. J’ai bien pleuré pendant une heure et demie. Là, dernièrement, je pleure beaucoup au cinéma, il faut que j’arrête. J’ai pleuré devant Belfast, je sais pas si vous voyez.
LFB : J’ai pleuré aussi.
TD : Voilà. Une heure et demie, pareil, et les deux sur deux jours de suite, je n’en pouvais plus. En musique… qu’est-ce que j’ai en musique ? Alors… Ah, si, en ce moment je suis très très folk. Par exemple en ce moment, j’écoute beaucoup d’Eliott Smith. Et je me remets beaucoup à Bon Iver aussi. Mais mon plus gros coup de coeur, c’est Sad Night Dynamite, qui ont sorti le volume 2 de leur trilogie. Ca s’appelle juste Volume II, mais il faut écouter, c’est super bien produit, un duo de britanniques… Ils sont soutenus par Damon Albarn, de Gorillaz, et c’est un truc très hyper produit et très très beau. J’aime beaucoup. Allez écouter.