Le rap américain en 2025 s’est fait un peu timide. Peu de grands noms sortant de grands albums, ou de jeunes rookies chamboulant les codes. Pour autant, il y a une catégorie d’artistes à qui ce calme peut profiter : les vétérans. 2025 est une année importante pour le label « Mass Appeal » de Nas. Chef de projet, Nassir Jones a décidé de nous sortir un Roll-Out d’album avec tous ses vieux compagnons d’armes. Aujourd’hui, parlons du deuxième album du mouvement « Legend Has It…« , parlons de The Emperor’s New Clothes de Raekwon.

Quand la jeunesse dort, la sagesse danse.
Il n’est pas spécialement grave de dire que le rap américain est arrivé à son terme. On a passé le sommet de la montagne, et nous descendons actuellement la face opposée. Est-ce un drame ? Absolument pas. C’est quelque chose de naturel. Un art ne reste jamais en vie éternellement, arrive à un moment où la réinvention ne peut plus ou peu se faire. Toujours est-il que cette mollesse dans laquelle le mainstream rap américain se trouve, ne produit pas que de la médiocrité. Dans ces moments-ci, il y a un virage à prendre et certaines légendes tombées en disgrâce peuvent reprendre du galon. C’est par exemple, dans cet optique, que le grand Nas, sortant alors d’une traversé du désert, sort certains des meilleurs albums de ces dernières années.
Par exemple, la série « Magic« , la série des « King’s Disease » et d’innombrables excellents featurings. On peut parler de Billy Woods qui devient l’ambassadeur d’une scène underground, surtout grâce à « Aethiopes« . La clique « Grisleda » aussi, bien plus ancienne que l’on peut le penser et on en passe. Et pour revenir à notre sujet du jour, Raekwon lui aussi est concerné.
L’empire Wu-Tang s’effondre, mais pas ses guerriers.
Le Wu-Tang a été plus qu’un groupe, ça aura été un empire. Mais comme toute légendaire dynastie, rien n’est éternelle. Durant la deuxième moitié des années 2000, le Wu-Tang se perd un peu. Les albums du groupe ne sont plus aussi intéressant, et chacun des membres (excepté Ghostface Killah) sortent des projets au mieux très sympas, au pire terriblement mauvais. Et étrangement, la décennie 2010 aura fait un bien fou au groupe. RZA produira toujours à droite à gauche, Inspectah Deck fondera « CZARFace » et Ghostface Killah continue son run d’excellent albums. Raekwon lui, ne s’en sort pas trop mal. Le très bon « The Tonite Show » avec DJ Fresh, « Wu-Massacre« , ou « Shaolin vs Wu-Tang« , et on en passe. Rien de transcendant, mais toujours intéressant.
Le Wu-Tang a su garder un niveau plus que respectable, en s’associant à des plus jeunes Underground, comme Freddie Gibbs, Earl Sweatshirt ou les cadors de Griselda. Cette connexion avec une plus génération a fait qu’ils ont su garder une certaine fraîcheur. Et cette fraîcheur, on la ressent dans l’album du jour.
Admirez l’empereur.
Avec le contexte donné, un nouvel album de Raekwon pouvait créer la hype. Le tracklisting ne semblait pas incohérent, des featurings justes, et une direction artistique léché. Et que dire de ce nouvel album ? Mais surtout, est-ce qu’on peut se permettre d’être aussi dur avec des artistes qui ont plus de 30 ans de carrière ? Et bien au vu de l’album auquel on a eu droit, on peut se le permettre. The Emperor’s New Clothes de Raekwon est un pur bonheur de nostalgie remis au goût du jour. L’album est compact, ne dure que 40 minutes et ne passe pas par mille chemin pour accomplir ce qu’il veut faire : proposer un album jouissif à toutes les générations. Raekwon est, comme à une époque, impérial. Il transmet ses couplets avec un charisme monumental, posé mais incisif. Nous ne sommes plus ici face à un jeune dont les dents raient le parquet. Ici, Raekwon est un homme adulte, accompli. Il n’a plus besoin de prouver qu’il est un maitre dans l’art de la technique et son charisme n’a d’égal que sa notoriété.
Mais bien évidemment, Raekwon ne fait pas bande à part. Quel plaisir de voir un vétéran s’interdire la facilité du jeunisme, et ramener à ses côtés des rappeurs qui font sens dans ce genre d’album. On compte évidemment sur ses vieux compagnons d’armes. Inspectah Deck, toujours aussi minutieux et précis, peu importe le terrain sur « Pomogranite« . Aussi, le Posey Cut avec les 3 membres fondateurs de Griselda, vrai bonheur pour tout fan du rap de New-York sur « Wild Corsicans« . Method Man et Ghostface Killah, qui regagne une nouvelle jeunesse sur des morceaux comme « 600 Schools« , « Mac & Lobster » ou « Get Outta Here« .

Rester fidèle à ses racines
Et tout ceci fonctionne surtout grâce à la production. Rien n’est kitch, vieux ou poussiéreux. On ne veut pas désespérément assimiler la culture mainstream moderne fade, on reste sur un son que l’on connait et on le modernise. Raekwon donne ici sa vision du rap. Et comme il l’a dit dans une interview, il retranscrit sa vision qu’il a d’un Hip-Hop qu’il aime. Il faut dire qu’ici, tout est fait pour les fans d’un rap à la fois ancien, mais aussi remis au goût du jour. C’est cette ambition de faire un produit purement honnête et criant l’amour d’un art qui fait qu’en 2025, 30 ans de carrière passées, on peut dire que le dernier album de Raekwon est une vraie réussite.
Possible album de l’année à son âge et à son statut c’est extrêmement fort, mais pas impossible pour l’empereur.